Coronavirus : le quotidien sous tension des employés des pompes funèbres
« On ne sera jamais vu comme des héros même si on prend des risques et qu’on est en première ligne. » Entre deux mises en bière, Baptiste Santilly ne camoufle guère le ressentiment que partage largement sa profession, submergée par l’épidémie de Covid-19 dans plusieurs régions. Opérateur funéraire à Pantin (Seine-Saint-Denis), dans l’un des départements les plus touchés par la crise sanitaire, le jeune homme reconnaît être « sur les rotules ». « A dix ou douze heures de travail par jour, il ne faudrait pas que ça dure deux mois », assure M. Santilly alors que les pompes funèbres de la Seine-Saint-Denis sont saturées.
A Mulhouse (Haut-Rhin), l’un des principaux foyers épidémiques, un « transporteur » abonde, sous le couvert de l’anonymat en raison de son statut d’intermittent :
« C’est de l’abattage. Tout est chamboulé. Les délais d’inhumation peuvent atteindre quinze jours dans des salons mal réfrigérés. On pousse les murs. »
Au-delà des problèmes de stockage et de conservation des corps, la crise a profondément bouleversé les pratiques des opérateurs funéraires. Ils sont désormais contraints de mettre les proches des défunts à distance et de limiter le nombre de participants aux cérémonies, notamment dans les cimetières.
« Ce travail à la chaîne et cette mise à distance sont aux antipodes de notre métier fondé sur l’empathie à l’égard des familles », dit avec regret Richard Feret, directeur général délégué de la Confédération des pompes funèbres et de la marbrerie, premier syndicat patronal du secteur. A l’accélération des cadences dans les funérariums s’est ajoutée la « trouille », comme l’admet M. Feret, de la « contamination ». « Nos gars vont au travail avec la peur au ventre », dit Philippe Martineau, responsable du réseau coopératif Le Choix funéraire.
Des erreurs de diagnostic
Sous la pression des fédérations syndicales du secteur, le gouvernement a encadré plus drastiquement les pratiques funéraires (interdiction des toilettes mortuaires sur les corps atteints ou probablement atteints du Covid-19, ainsi que des soins de conservation) et imposé la mise en bière immédiate des défunts contaminés ou suspectés de l’être, par un décret du 2 avril. Mais les opérateurs appréhendent souvent « la zone grise », ces situations où l’incertitude plane sur la cause d’un décès, notamment dans les Ehpad et à domicile, ou sur la santé des proches.