Coronavirus : face à l’épidémie, les coursiers livrés à eux-mêmes
CAMILLE MILLERAND / DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
ReportageMalgré une activité en baisse et des risques de contamination par le SARS-CoV-2, les livreurs à vélo continuent de transporters courses et repas.
Mis à part quelques sans-abri, on ne voit plus qu’eux dans l’espace public. Vidées par l’épidémie de Covid-19, les rues semblent presque leur être offertes. Sur leurs vélos, ils descendent les boulevards ou patientent dans l’attente d’une commande. Leur sac à dos isotherme siglé annonce qu’ils roulent pour Uber Eats, Deliveroo, Stuart ou Frichti. Ils livrent repas et courses à ceux qui n’osent, ne veulent, ne peuvent ou ne doivent plus sortir.
« Si je tombe malade, c’est la volonté de Dieu. » Charly se veut philosophe. Cet Ivoirien de 25 ans est coursier pour la plate-forme Stuart, filiale de La Poste, et il n’a pas peur d’attraper le virus. Au début du confinement, il avait pourtant décidé de rester chez lui, dans l’appartement qu’il occupe avec son père, agent de sûreté et toujours en activité. Puis des amis livreurs lui ont dit : « C’est bon, tu peux venir. » Et Charly a pensé : « Puisque d’autres travaillent, pourquoi pas moi ? » Au bout de deux semaines, il est donc reparti arpenter Paris et sa banlieue.
Pouvait-il en être autrement ? Micro-entrepreneurs, les coursiers à vélo ne peuvent pas faire valoir un droit de retrait ou être placés en chômage partiel. Arrivé en France en octobre 2019, Charly est en situation irrégulière. Hormis une courte expérience de manœuvre dans le bâtiment, il n’a pas trouvé d’autre source de revenus que la livraison. Il travaille grâce au compte Stuart ouvert au nom de son père, en situation régulière, lui.
« Hier, ça n’a pas marché, j’ai fait 33 euros »
Par une journée d’avril à la météo clémente, Charly a ainsi charrié sur son dos de la charcuterie, des bretzels, de la bière, de la confiture, des oranges et des branches de céleri, un filet de bar ou encore des merguez et des mousses au chocolat.
Il a réalisé, en huit heures de travail et une douzaine de livraisons, 73 euros de chiffre d’affaires, auxquels il faudra retrancher 22 % de charges sociales. En période de confinement, il y a des journées plus difficiles : « Hier, ça n’a pas marché, j’ai fait 33 euros », nous confiait, mercredi 15 avril, le jeune homme.
Le secteur de la livraison a été bousculé par la crise sanitaire. « L’activité est très clairement en baisse », note Pierre, un livreur parisien de 37 ans, qui pédale pour Deliveroo. Depuis le début du confinement, il estime gagner aux alentours de 10 euros de l’heure. « Avec les cotisations, je suis en dessous du smic, note-t-il. Alors que je travaille le soir et le week-end. »
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