« Contre la pauvreté des jeunes, c’est l’ensemble de notre démocratie sociale qu’il faut mobiliser »
Tribune. L’étrange défaitisme qui caractérise le regard porté sur nos politiques sociales intervient paradoxalement au moment où celles-ci ont permis à la France de tenir le choc. Face au Covid, ceux qui fustigeaient le « pognon de dingue » se sont récemment convertis au « quoi qu’il en coûte » : si nous n’agissons pas contre l’explosion de la pauvreté, nous prenons le risque d’aggraver le dépit et la colère qui sont le carburant des populismes. Plus que jamais, l’urgence sociale est incompatible avec l’impuissance publique.
C’est pourtant la situation à laquelle les jeunes sont aujourd’hui confrontés. Ils payent le plus lourd tribut à la crise : le chômage qui les frappe a augmenté de 16 % et les récents appels à l’aide des étudiants expriment les craintes d’une génération qui se sent « sacrifiée ». La crise révèle et aggrave la relégation sociale et la pauvreté qui frappe les moins de 25 ans depuis des années. Rarement leur situation aura été aussi inquiétante. Rarement ce constat aura été aussi partagé.
Pourtant, les politiques en leur direction se caractérisent par leur inertie. Si les mesures du « plan jeunes » gouvernemental constituent un soutien conjoncturel indispensable, en particulier l’élargissement de la « garantie jeunes », la question de l’accès à un minimum de ressources pour les plus vulnérables reste entière. Plus que des slogans ou de la compassion, les jeunes attendent des actes, et ils ont raison.
« Bizutage social »
C’est pourquoi, plutôt que d’attendre une hypothétique cathédrale législative – la mise à l’arrêt du revenu universel d’activité a montré l’impasse de cette méthode –, les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les métropoles et les départements, doivent pouvoir lancer de vastes expérimentations s’inscrivant dans une impulsion, un suivi et une évaluation scientifique au niveau national.
« Je ne crois pas aux solutions visant à transformer les jeunes en entrepreneurs d’eux-mêmes, ou à hypothéquer par un endettement excessif leur avenir déjà incertain »
Mes convictions reposent sur des valeurs et une expérience du territoire dont je suis l’élu depuis dix-sept ans : je sais combien les inégalités sociales surdéterminent les inégalités de destin. Dès lors, il n’est pas tolérable que le taux de pauvreté des jeunes soit deux fois plus important que dans le reste de la population, ni que le seuil minimum pour vivre soit de 903 euros pour les plus de 63 ans, 564 euros entre 25 et 63 ans, et inexistant entre 18 et 25 ans, érigeant le « bizutage social » au rang de norme d’entrée dans la vie active.
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