Compétences numériques : l’écart se creuse
En France, l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois est beaucoup plus forte que chez nos voisins allemands, britanniques voire italiens. Nombre d’entreprises vont chercher leur réponse à l’étranger, explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier, dans sa chronique.
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« Carnet de bureau ». Les organismes de formation ne jurent que par le numérique : du codage pour les compagnies d’assurance au community management dans les entreprises de communication, en passant par le pilotage de drones pour le BTP. Les outils de formation aussi sont numériques : la réalité virtuelle dans l’industrie pour familiariser les salariés avec leur nouvel environnement de travail et former les ouvriers en trois heures au lieu de six mois.
Les institutionnels ne sont pas en reste : le gouvernement lance, jeudi 21 novembre, l’application numérique CPF, pour que les salariés gèrent eux-mêmes leur compte personnel de formation. Les réfractaires et les « illettrés » numériques pourront toujours se faire assister pour demander une formation à l’usage des « applis ».
Pourtant, les 7 familles du numérique et ses 820 métiers ne représentent actuellement que 3 % de l’emploi total, révélait le 4 novembre une étude de la Dares. En hausse depuis dix ans, « la part du numérique sur le volume total d’emplois est toute petite, alors qu’on en fait grand bruit dans les entreprises », confirme Christelle Pradier, la directrice du recrutement France de Sopria Steria. Car le numérique étant désormais partout, un recrutement manquant peut bloquer de multiples projets.
Après trente-cinq ans de métier à lutter contre la fraude à l’assurance, en s’appuyant sur l’intuition, la curiosité et l’expérience, le directeur des services clients dommages de Swisslife, Didier Aufray, n’a rien changé à son métier d’antan, sauf qu’il collabore désormais quotidiennement avec les jeunes datascientistes pour élaborer ensemble l’algorithme « anti-fraudeurs ». « On met notre expérience métier à leur service et ils traduisent ça en algorithme », dit-il.
Solution allemande
Mais le recrutement est un problème. « L’écart se creuse d’année en année entre les besoins de l’entreprise de tous les métiers du numérique (datascience, deep learning, infrastructure, etc.) et le nombre de jeunes qui sortent des écoles. On cherche surtout des jeunes diplômés, car ils sont “digital native” », explique Mme Pradier, qui a prévu de recruter 3 800 personnes en 2020 pour Sopra Steria. Nombre d’entreprises vont finalement chercher leur réponse à l’étranger. « En Allemagne, ils sont mieux lotis, car ils acceptent plus de recruter au-dessous de bac + 5 et de compléter la formation au sein de l’entreprise », précise-t-elle.