Clément Malgouyres : « Penser aux conséquences des chocs à venir »
Clément Malgouyres est parmi les trois économistes, hors le lauréat Eric Monnet, qui ont été retenus par le jury associant les représentants du Cercle des économistes et du Monde, pour leurs travaux relevant de l’économie appliquée et permettant de promouvoir le débat public.
Comment vous est venu le goût pour l’économie ?
D’abord parce qu’elle était très présente dans mon enfance, avec mes parents agriculteurs dans l’Aveyron. Ils avaient un pied dans une version assez pure de l’économie de marché avec les foires agricoles et un autre dans les politiques publiques, notamment du fait de la politique agricole commune.
Durant mes études, j’ai été séduit par l’idée de pouvoir examiner empiriquement les grands phénomènes dont on parlait en cours d’économie mais sans trop les confronter aux données. C’est comme cela que je me suis intéressé aux effets de la mondialisation sur le marché du travail des pays avancés, en examinant empiriquement les conséquences sur les bassins d’emploi français de l’irruption de la Chine dans le commerce mondial entre 1995 et 2007.
Et qu’avez-vous trouvé ?
L’effet global sur l’emploi est modéré, mais il est très concentré sur certains secteurs, comme les fabricants de jouets ou d’électroménager, et par conséquent sur certaines zones géographiques. Au niveau local, les effets se diffusent au-delà du secteur manufacturier : la destruction locale de dix emplois dans le secteur manufacturier aboutit à la disparition de six emplois environ dans le secteur des services.
Enfin, on constate que, en dépit de ces difficultés, la mobilité reste faible. Les chocs économiques font peu bouger les gens. De ce fait, le taux d’emploi chute fortement dans ces régions. Ce constat de marchés qui réagissent très localement, en fonction de leur spécialisation, avec des travailleurs peu mobiles, est utile pour penser aux conséquences d’autres chocs à venir, comme la taxe carbone, ou des chocs technologiques.
Quels types de chocs technologiques avez-vous étudiés ?
Je me suis penché sur l’effet de la connexion haut débit sur la performance des entreprises. Nous avons constaté qu’en France les entreprises qui s’équipent en Internet à haut débit deviennent beaucoup plus actives que les autres en matière d’échanges. Elles importent beaucoup plus de produits, provenant d’un ensemble de pays plus diversifié. Les importations augmentent même plus rapidement que le reste des consommations intermédiaires. Le progrès technologique accélère la croissance des flux commerciaux. Cela montre que les nouvelles technologies et la mondialisation se sont renforcées mutuellement.
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