Aux Etats-Unis, la diminution de l’inflation et la faiblesse des créations d’emplois ouvrent la voie à une baisse des taux

Dans un supermarché Walmart, à Secaucus, dans le New Jersey, le 11 juillet 2024.

La voie est définitivement libre pour une baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed). L’inflation annuelle est tombée à 2,5 % en août, selon les chiffres publiés par le ministère du travail, mercredi 11 septembre. C’est son plus bas niveau depuis février 2021. « Le rapport d’aujourd’hui montre que nous tournons la page de l’inflation », s’est réjoui Lael Brainard, conseillère économique du président, Joe Biden, alors que la hausse des prix avait atteint un maximum de 9,1 % en juin 2022. Hors énergie et alimentation, la hausse reste à 3,2 %, chiffre un peu moins bon qu’attendu. Cela, en raison des prix du logement – location et achat –, toujours élevés après l’envolée post-Covid-19 des prix et celle des emprunts hypothécaires.

Par mois, la tendance est similaire, avec une hausse générale des prix de 0,2 point. Ce chiffre très correct doit être mis en miroir avec ceux de l’emploi, la mission de la Fed étant double : assurer la stabilité des prix et favoriser le plein-emploi. Or le marché de l’emploi se refroidit rapidement. Ainsi, en août, le pays n’a créé que 142 000 postes, après un mauvais mois de juillet (89 000). Conclusion : il est temps de desserrer l’étau sur l’économie nationale.

Les marchés débattent pour savoir si la Fed réduira ses taux, actuellement fixés au-delà de 5,25 % – un record depuis 2006 –, d’un quart ou d’un demi-point à l’issue de la réunion de son comité de politique monétaire, mercredi 18 septembre. Beaucoup d’arguments sont en faveur d’une baisse mesurée d’un quart de point : d’abord, le recul de l’inflation reste fragile ; ensuite, baisser d’un demi-point pourrait faire paniquer les marchés – attestant que la récession se profile et que la Fed est en retard d’une bataille –, mais aussi accentuer la morosité économique, alors que la Réserve fédérale s’emploie, depuis des années, à être prévisible.

Signaux mitigés

De plus, il s’agit de la dernière réunion de l’institution avant l’élection présidentielle de novembre, et son président, Jerome Powell, ne doit absolument pas être soupçonné de mener une politique partisane. Donald Trump l’a accusé ces derniers mois de vouloir baisser les taux afin d’aider les démocrates et a expliqué qu’il voulait, en cas de retour à la Maison Blanche, avoir son mot à dire sur la fixation de la politique monétaire. De la lenteur et de la sérénité, voilà le prix de l’indépendance qui devrait conduire la Fed à privilégier un mouvement prudent. « Une réduction de cinquante points de base n’est probablement plus à l’ordre du jour », écrit Christophe Boucher, directeur des investissements chez ABN Amro.

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Appel à témoignages : jeunes actifs, comment travaillez-vous avec vos collègues plus âgés ?

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A Angers, un restaurant McDonald’s, accusé par une femme trans de discrimination de genre, a été condamné

Le conseil de prud’hommes d’Angers a condamné, lundi 24 juin, un restaurant franchisé McDonald’s du Maine-et-Loire pour « harcèlement moral caractérisé » et « discrimination liée à son identité de genre » envers une femme transgenre qu’il employait.

Dans la décision consultée par l’Agence France-Presse, le conseil de prud’hommes estime notamment que Syntia D. « est victime d’une discrimination en raison de son identité de genre, de par l’interdiction pour ses collègues d’utiliser son prénom féminin et de la désigner au féminin ».

« C’est un bon résultat. Aujourd’hui on a une décision qui est bien réfléchie, avec des montants de dommages et intérêts qui peuvent paraître décevants par rapport à nos demandes, car on avait demandé 30 000 euros. On a eu 7 000, plus les indemnités légales, donc à peu près 15 000 euros », a déclaré MBertrand Salquain, à la sortie du tribunal.

C’est en tant qu’homme, et sous le prénom masculin qui lui avait été donné à la naissance, que Syntia avait été embauchée en septembre 2022 par ce McDonald’s, situé à une quarantaine de kilomètres d’Angers. Elle était à l’époque en transition de genre, mais toujours un homme pour l’état civil, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, avec un changement effectif à l’été 2023.

« Un entretien de recadrage »

Début janvier 2023, en retard après un rendez-vous médical, elle décide de se rendre directement à son travail avec des vêtements féminins, des faux seins et du maquillage, expliquant avoir senti une certaine « bienveillance » de la part de son entreprise et de ses collègues. Mais, très rapidement, Syntia dit avoir été en butte à des remarques et des pressions de ses supérieurs. Fin janvier 2023, elle est convoquée à « un entretien de recadrage » durant lequel on l’appelle par son prénom masculin et on lui demande de ne plus se maquiller.

Dans les jours qui suivent, les responsables de Syntia font tout pour empêcher l’emploi de son nouveau prénom féminin, l’interdisant par voie d’affichage dans le restaurant et rappelant à l’ordre par écrit deux collègues qui l’avaient adopté.

Selon Charlotte Duval, secrétaire générale adjointe du syndicat des services du Maine-et-Loire CFDT, « ce résultat est très positif. Que le contrat soit résilié, c’est aussi la reconnaissance de sa position de victime. Ça peut aussi ouvrir la porte à d’autres personnes qui vivent ce genre de situation pour en parler », a-t-elle dit à la sortie du tribunal.

L’avocat du restaurant n’était pas présent lundi pour réagir à la décision.

Le Monde avec AFP

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Temps de travail : les vendanges sept jours sur sept

Des vendangeurs sur la commune de Ludes, dans la Marne, le 8 septembre 2023.

Même après la défaite des troupes macronistes aux élections législatives, l’exécutif a continué de prendre des décisions ayant un impact sur la vie des travailleurs. Au Journal officiel du 10 juillet – soit trois jours après le second tour du scrutin – a été publié un décret qui autorise la suspension du repos hebdomadaire dans certaines activités agricoles. Le texte a été salué par des parlementaires du camp présidentiel et de la droite, alors que plusieurs syndicats y voient un recul social.

En principe, tout salarié a le droit de marquer une pause par semaine, cette coupure étant au moins de trente-cinq heures consécutives. La règle connaît toutefois des dérogations pour tenir compte d’événements sortant de l’ordinaire ou de contraintes de production. Un exemple : dans le code rural, il est prévu que le repos hebdomadaire peut être suspendu « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de travaux dont l’exécution ne peut être différée ».

Mais cette disposition était jugée floue et a, par ailleurs, donné lieu à des contentieux. Ainsi, en février 2021, la société Moët Hennessy Champagne Services, propriété du groupe LVMH, s’est vu infliger une amende administrative de 17 000 euros pour avoir méconnu la durée minimale du repos hebdomadaire aux dépens de vendangeurs.

Le repos suspendu une fois par mois maximum

Prêt à étudier l’idée de retoucher la réglementation, le gouvernement a engagé, il y a trois ans, des discussions avec des acteurs de la filière produisant le champagne. Parallèlement, quatre structures syndicales affiliées à la CFDT, la CFE-CGC, la CGT et FO ont écrit, en 2021, à Emmanuel Macron pour dire qu’elles soutenaient « pleinement les démarches entreprises par l’Union des maisons de champagne » afin que « soit sécurisé juridiquement le recours à la suspension du repos hebdomadaire ».

Cosigné par le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, et par sa collègue chargée du travail, Catherine Vautrin, le décret publié le 10 juillet s’inscrit donc dans une réflexion qui ne date pas d’hier. Son champ d’application est étroitement circonscrit : il ne joue que pour « les récoltes réalisées manuellement, en application d’un cahier des charges lié à une appellation d’origine contrôlée ou une indication géographique protégée ». Dans ces cas de figure, « le repos hebdomadaire des salariés peut être suspendu une fois au plus sur une période de trente jours ». Il est alors pris à un autre moment, fixé d’un commun accord par le patron et par son collaborateur.

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Les salaires réels des enseignants français en milieu de carrière stagnent, selon l’OCDE

Rentrée scolaire dans une école élémentaire, à Nice, en 2023.

Les professeurs ayant plus de quinze ans d’ancienneté, soit près de 70 % de la profession, attendent toujours une revalorisation significative de leurs salaires, qui ont subi un décrochage significatif en quelques décennies. L’édition 2024 du rapport « Regards sur l’éducation », réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et publiée mardi 10 septembre, vient une nouvelle fois étayer leur demande, alors qu’Emmanuel Macron avait promis, lors de sa réélection, en 2022, d’augmenter tous les enseignants de 10 %.

Les salaires réels de ces enseignants chevronnés sont restés stables entre 2015 et 2023, constate l’organisation intergouvernementale. Si les salaires « statutaires » des professeurs de collège ont crû de 15 %, entre 2015 et début 2023 sans l’inflation, cette hausse n’est que de 1 % si l’on tient compte de la montée des prix. Dans le même temps, la hausse réelle des rémunérations s’est élevée à 4 % dans la moyenne des pays de l’OCDE.

L’augmentation est toutefois plus marquée pour les enseignants français en début de carrière : elle est de l’ordre de 5 %, entre 2015 et 2023. « Si la France rattrape son retard sur les rémunérations des enseignants débutants, ce n’est toujours pas le cas pour les professeurs en milieu de carrière », remarque Eric Charbonnier, analyste à l’OCDE. Les enseignants français avec plus de quinze ans d’ancienneté possèdent toujours des salaires plus bas de 16 % en comparaison avec la moyenne des pays de l’OCDE.

« Il nous reste beaucoup à faire »

La ministre de l’éducation nationale démissionnaire, Nicole Belloubet, l’a reconnu lors de la présentation de « Regards sur l’éducation », dans les locaux de l’OCDE, à Paris : « Les données comparatives de rémunérations des enseignants sont encore, au moins pour les milieux de carrière, au désavantage de notre pays. Il nous reste beaucoup à faire pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant », juge la responsable politique.

En septembre 2023, de nouvelles hausses de salaire sont intervenues. Les titulaires débutent désormais à 2 100 euros net par mois contre moins de 1 700 euros en 2020. Les enseignants ayant jusqu’à dix ans d’ancienneté ont perçu 200 euros net supplémentaires et ceux qui affichent plus de quinze ans d’ancienneté ont reçu 95 euros. En parallèle, moins d’un enseignant sur trois a signé un pacte, ce dispositif qui prévoit la rémunération de missions supplémentaires comme le remplacement de courte durée.

Ce chantier des rémunérations des enseignants est donc à l’arrêt depuis près d’un an. En octobre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation nationale, avait jugé, dans un entretien au Monde , qu’il fallait « avancer sur les autres leviers de l’attractivité » du métier d’enseignant. Mais la valse des ministres de l’éducation, entre décembre 2023 et février 2024, puis la dissolution de l’Assemblée nationale ont interrompu toute concertation sur le sujet.

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Catherine Vautrin, ministre du travail à temps partiel

Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, dans son bureau, à Paris, le 4 avril 2024.

Depuis son entrée au gouvernement, Catherine Vautrin ne chôme pas. Une pile vertigineuse de dossiers s’élève dans le bureau de l’hôtel du Châtelet, situé rue de Grenelle, à Paris, où elle a pris ses quartiers le 11 janvier. Ces derniers temps, deux thèmes majeurs ont beaucoup retenu la ministre du travail, de la santé et des solidarités : la réforme de l’assurance-chômage et la loi relative à la fin de vie, dont l’examen en séance publique débute lundi 27 mai à l’Assemblée nationale.

Mais il y a bien d’autres questions sur lesquelles l’ex-élue Les Républicains (LR), ralliée à la Macronie, planche : « l’acte II » de la transformation du marché de l’emploi, les besoins de financement des hôpitaux, la création d’un congé de naissance… Son emploi du temps est joliment rempli. Tellement rempli que plusieurs de ses interlocuteurs regrettent qu’elle ne soit qu’à temps partiel sur le volet « travail » de son maroquin. François Hommeril, le président de la CFE-CGC, lui a même lancé cette petite pique pleine d’ironie, lors d’une conférence de presse : « J’ai cru comprendre que, depuis quelques mois, [le ministère du travail] était fermé. »

Dès le départ, l’ampleur de ses attributions a frappé les esprits. Au mois de janvier, Catherine Vautrin s’est déployée sur de multiples fronts, des investissements dans le système de soins à l’élaboration d’une loi sur le grand âge, en passant par le temps que les enfants consacrent aux écrans ou à l’évolution des règles sur les congés payés. « Ses prérogatives sont si larges qu’elles font presque penser à l’empire de Charles Quint sur lequel le soleil ne se couchait jamais, déclare Raymond Soubie, président du groupe Alixio et conseiller social de Nicolas Sarkozy quand celui-ci était à l’Elysée (2007-2012). Regrouper dans un même portefeuille le travail, la santé et les solidarités est assez exceptionnel dans l’histoire de nos institutions. »

Des cas de figure un peu équivalents se sont, toutefois, déjà présentés au cours de la VRépublique. Exemple : Xavier Bertrand s’est occupé du travail, de l’emploi et de la santé entre novembre 2010 et mai 2012, tout en bénéficiant de l’aide d’un ministère délégué à la formation professionnelle et d’un secrétariat d’Etat chargé de la santé. Peut également être mentionné le ministère de l’emploi et des solidarités, de juin 1997 à mai 2002, qui a été flanqué, selon les périodes, de deux ou trois ministères délégués (dont un à la santé) et d’un secrétariat d’Etat. Chargé des affaires sociales et de l’emploi entre mars 1986 et mai 1988, Philippe Séguin a pu s’appuyer sur un ministère délégué à la santé et à la famille et, par moments, sur deux secrétariats d’Etat (dont l’un sur la Sécurité sociale).

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IA : « Des humains sont essentiels pour entraîner les systèmes »

Maxime Cornet et Clément Le Ludec, à Paris, le 26 janvier 2024.

Les intelligences artificielles (IA) sont plus humaines qu’on ne le pense. La mise au point de bon nombre de systèmes de reconnaissance d’images, d’analyse de textes, de manipulation de sons… nécessite le travail de « petites mains » essentielles. Les jeunes sociologues Maxime Cornet, doctorant à l’Institut interdisciplinaire de l’innovation, et Clément Le Ludec (Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques, à Paris), qui a soutenu son doctorat en mars, ont tenté de comprendre leur rôle en interrogeant, depuis 2021, une vingtaine d’entreprises dans ce secteur en France. Cela les a amenés à étudier sept de leurs sous-traitants à Madagascar, ainsi qu’environ deux cents de leurs employés. Dans le journal Big Data & Society, ils ont publié, en 2023, avec Antonio Casilli, « Le problème de l’annotation. Travail humain et externalisation entre la France et Madagascar ».

Pourquoi les systèmes d’intelligence artificielle ont-ils besoin de petites mains ?

Clément Le Ludec : Ces techniques servent à classer, à détecter…, selon des principes d’apprentissage. De grandes quantités de données dites d’entraînement – images, vidéos, textes… – servent à leur mise au point, afin de pouvoir généraliser les réponses sur de nouvelles données. Des humains sont donc essentiels pour entraîner les IA, soit pour générer des données, par exemple en se filmant passant devant une caméra, soit pour vérifier que les prédictions du modèle sont correctes. Mais l’activité principale consiste à annoter les textes ou les images, afin de construire le corpus d’apprentissage, par exemple en indiquant sur la photo d’un carrefour quels sont les panneaux de signalisation, ou en identifiant des traces de rouille sur des photos de poteaux électriques, ou en repérant si un client est en train de voler dans un magasin. Même ce que l’on appelle l’IA générative est concernée. ChatGPT a nécessité beaucoup d’annotations pour apprendre au programme ce qui est une réponse acceptable ou non, selon une certaine échelle de valeurs. Dans notre base de données d’entreprises recourant à ces tâches humaines, un tiers appartient au secteur du traitement automatique des langues.

Maxime Cornet : Dans cette foule d’activités humaines, nous avons même vu une quatrième activité, la plus « extrême », qui est d’embaucher des gens pour se substituer au logiciel et faire croire au client qu’il y a une intelligence artificielle derrière.

Comment ce travail invisible est-il organisé ?

M. C. : Certaines entreprises conservent ces tâches en interne, notamment si les données sont sensibles. Mais beaucoup nous disent que pour ce travail répétitif et pénible, qui peut consister à visionner plusieurs centaines d’images par jour, ils ne trouvent personne en France. D’où l’externalisation que nous avons constatée vers des entreprises spécialisées à Madagascar. Aucune étude quantitative n’existe à notre connaissance pour estimer la part de cette externalisation, mais dans notre base de données d’une vingtaine d’entreprises, deux tiers ont recours à cette sous-traitance pour ce travail sur les données. Nous estimons aussi que ce dernier représente 5 % à 10 % du coût d’un logiciel d’IA. Le développement de l’intelligence artificielle ne signifie pas des pertes d’emplois dus à l’automatisation, comme avancé par certains, mais plutôt leur déplacement dans les pays en développement.

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« L’impact économique du déclin de la santé mentale sur les entreprises françaises ne peut plus être ignoré »

L’état de la santé mentale des Français n’a jamais été aussi préoccupant. Au-delà des conséquences sur la santé publique, cette épidémie silencieuse a des conséquences très concrètes sur nos entreprises, nos finances publiques et pour l’économie nationale dans son ensemble. « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit », disait Charles Péguy (Notre Jeunesse). Et que constatons-nous ?

Trois personnes sur quatre rencontrent un problème de santé mentale lié à leur travail – et 70 % de celles qui en rencontrent se désengagent de leur vie professionnelle pour cette raison (Etude Ipsos et AXA, « Mind Health Report », 2024). De plus, 44 % des salariés présentent même une situation de détresse psychologique, alors que le taux de burn-out a doublé depuis 2020 (Etude OpinionWay pour le cabinet Empreinte humaine « La prévention des risques psychosociaux est-elle un échec ? », 2023). Les troubles de santé mentale chez les salariés représentent la première cause des arrêts de travail longue durée (Baromètre Teale de la santé mentale des salariés, 2023), et continue de progresser chaque année.

Selon l’association nationale des DRH, le nombre d’arrêts de travail liés à des causes psychologiques est supérieur au nombre d’arrêts liés à des causes physiques. Les troubles liés à l’anxiété, à la dépression et au burn-out représentent aujourd’hui près d’un quart de ces arrêts. Chez les jeunes salariés, l’évolution est encore plus inquiétante : selon une récente étude d’AXA, la part de jeunes travailleurs longuement arrêtés pour épuisement professionnel a bondi entre 2019 et 2023.

Prise en charge et prévention

Les conséquences sont là. Absentéisme, arrêts de travail qui s’allongent, baisse de la productivité… L’impact économique du déclin de la santé mentale sur les entreprises françaises ne peut plus être ignoré. Pour notre pays, c’est la double peine, avec des entreprises pénalisées et des conséquences directes sur nos finances publiques. Le 14 juin 2022, Gabriel Attal indiquait déjà lors d’une audition au Sénat sur le projet de loi d’approbation des comptes de la Sécurité sociale : « Si on suit le tendanciel qu’on a constaté ces dernières années, [les arrêts maladies représenteront] 23 milliards d’euros par an en 2027. »

A l’heure où la France vient de réduire ses perspectives de croissance pour l’année 2024 et dans un contexte de resserrement budgétaire, améliorer la prise en charge et la prévention autour de la santé mentale apparaît comme un enjeu d’urgence absolue, à la fois pour nos finances publiques et pour les indicateurs de croissance et de productivité. En 2018 déjà, la Fondation FondaMental évaluait le fardeau financier lié aux pathologies mentales à plus de 170 milliards d’euros par an, dont 126 milliards représentent des coûts indirects résultant de la perte de qualité de vie et de productivité.

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La marque de prêt-à-porter Esprit placée en liquidation judiciaire en France

La marque de prêt-à-porter Esprit a été placée en liquidation judiciaire en France, quatre mois après que le groupe a annoncé avoir déposé le bilan pour ses activités en Europe. « L’activité ne peut plus être poursuivie et (…) il n’existe aucune possibilité de présenter un plan de redressement permettant d’apurer le passif », a estimé le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) dans sa décision datée du jeudi 9 septembre et consultée par l’Agence France-Presse (AFP).

Esprit de Corp France, basé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), avait été placé en redressement judiciaire le 18 juillet. « A la date de clôture du dernier exercice social », l’entreprise employait en France 145 salariés et son chiffre d’affaires annuel s’élevait à près de 32 millions d’euros, pouvait-on lire dans la décision de redressement judiciaire de juillet.

La marque était alors présente dans plus d’une centaine de points de vente en France, selon son site consulté en juillet.

Séquelles de la pandémie de Covid-19

Le groupe, basé en Allemagne et coté à la Bourse de Hong Kong, avait annoncé en mai qu’il avait déposé le bilan pour ses activités en Europe, tablant sur une restructuration pour surmonter ses difficultés, liées notamment à la hausse de ses coûts et aux séquelles de la pandémie de Covid-19.

Le dépôt de bilan concerne la filiale Esprit Europe et six autres sociétés allemandes du groupe. Les filiales en Suisse et en Belgique, où Esprit a aussi des magasins, avaient déposé le bilan en mars et en avril.

Cette enseigne de vêtements a été fondée en 1968 à San Francisco par un couple hippie américain, Douglas et Susie Tompkins – également à l’origine de la marque The North Face –, qui vendaient leurs premiers articles en sillonnant la Californie à bord d’un minibus Volkswagen.

Les fondateurs ne sont plus aux commandes depuis longtemps. Le groupe est coté depuis 1993. Son siège est situé en Allemagne à Ratingen, près de Düsseldorf (ouest du pays). Esprit indique être présent dans plus de 40 pays avec 586 magasins.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Habillement : la griffe française Sessùn passe sous pavillon italien

Le Monde

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Prisma Media : un plan de départs en discussion

Deux ans après la clause de cession qui avait déjà vu une centaine des 400 journalistes quitter Prisma Media (Capital, Géo, Voici, Femme actuelle, Télé-Loisirs), de nouveaux départs pourraient bien se succéder d’ici à la fin de l’année au sein du groupe de presse magazine détenu par Vivendi. Au total, une cinquantaine de personnes pourraient être concernées par la rupture conventionnelle collective (RCC) voulue par la direction, et justifiée par une baisse de la rentabilité du groupe.

En 2023, Vivendi, dont le premier actionnaire, le groupe Bolloré, était en train d’absorber le groupe Lagardère, avait été contraint de se séparer du magazine people Gala sous la pression des autorités antitrust de Bruxelles, alors que l’hebdomadaire était particulièrement rentable.

Les départs envisagés par ces nouvelles mesures de départs volontaires pourraient effectivement améliorer la rentabilité du groupe, mais à la marge, minimise la direction, affirmant que celles-ci étaient déjà dans les cartons de Prisma lorsque Vivendi a acquis le groupe en 2021, bien avant la cession de Gala.

« Mauvais signal »

Vingt embauches viendraient compenser en partie le plan de départ, ce qui aboutirait à trente suppressions de postes sur 800 CDI. Sans connaître le périmètre exact visé ni les postes concernés dans un premier temps, les syndicats de l’entreprise avaient été prévenus de la volonté d’une RCC jeudi 23 mai, lors du Comité social et économique (CSE), comme l’avait révélé le média spécialisé L’Informé, lundi 27 mai.

Comme annoncé, les fonctions supports (marketing, ressources humaines, finances) sont visées par le plan de départs. A en croire la direction − qui aimerait le voir aboutir d’ici au 19 juillet −, l’idée est de permettre aux professions qui n’étaient pas en droit de prendre la clause de cession, réservée aux journalistes, de bénéficier de conditions de départ favorables. Mais depuis la dernière réunion mercredi 29 mai, les syndicats ont eu confirmation que la RCC pourrait ne pas se limiter pas aux fonctions supports : les postes concernant la fabrication, la diffusion, et les abonnements sont aussi concernés. Les magazines Capital et Géo pourraient donc aussi faire les frais du plan de départ. Si le premier titre n’a finalement pas été transformé en hebdomadaire en 2023, le second a été relancé avec une nouvelle formule en décembre.

« On touche quasi exclusivement des fonctions liées au print, ça envoie un mauvais signal », déplore Emmanuel Vire, secrétaire général du syndicat SNJ-CGT et journaliste à Géo. « On va négocier les conditions de départ, car c’est mieux que des ruptures conventionnelles individuelles au rabais, mais on va tout autant s’intéresser à ceux qui restent après, car on craint qu’il y ait des conséquences négatives sur la production », prévient M. Vire.

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