Uber : des chauffeurs VTC aux prud’hommes pour se faire reconnaître comme salariés

Ils sont neuf et vont tenter d’arracher une requalification de leur statut d’indépendant en salariés. Mardi 18 décembre, des chauffeurs et anciens chauffeurs VTC attaquent devant le conseil des prud’hommes de Paris la plate-forme Uber. « Cela fait un an et demi que la procédure est enclenchée, mais nous arrivons enfin au tribunal, une première étape très importante, assure Sayah Baaroun, du syndicat SCP VTC, qui accompagne ces chauffeurs dans leur démarche depuis des mois. Derrière, il y en aura d’autres. L’appel, voire la Cour de cassation. Mais nous sommes en train de faire bouger les lignes. »
Jusqu’à présent la quasi-totalité des chauffeurs « indépendants » travaillant pour des plates-formes VTC de mise en relation avec des clients ont toujours été déboutés de leur demande de requalification en salariés par la justice. Cependant, les conditions ont changé.
« L’environnement juridique a été modifié, confirme Maître Teissonnière, qui assure la défense des neuf chauffeurs. Dans son arrêt du 28 novembre, la Cour de cassation a modifié les critères définissant les liens de subordination entre un travailleur indépendant et une plate-forme, et cela nous donne des arguments supplémentaires. »
La Cour de cassation a tapé du poing sur la table
En novembre, la Cour de cassation a tapé du poing sur la table en requalifiant comme salarié un coursier à vélo, qui travaillait pour la plate-forme, aujourd’hui liquidée, Take Eat Easy. Les juges estiment que « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné », au moyen d’un système de géolocalisation et d’un régime de sanctions.
De fait, Uber, comme toutes les autres plates-formes sont potentiellement impactées par cette jurisprudence, ce que souhaite démontrer Me Teissonnière. « Avec le numérique, les plates-formes ont réinventé le système du travail à la tâche que vivaient les canuts au XIXe siècle, juge Me Teissonnière. Comme aujourd’hui, ces travailleurs détenaient leur outil de travail, mais étaient totalement soumis à leurs donneurs d’ordre. Aujourd’hui, nous avons les moyens juridiques de le démontrer pour les chauffeurs VTC. »
Chez Uber, on reste néanmoins serein. « Le conseil de prud’hommes de Paris a confirmé à deux reprises cette année que les chauffeurs utilisant l’application Uber sont des indépendants », rappelle-t-on au sein de la société américaine. Ils s’appuyaient sur l’ancienne jurisprudence qui prenait en compte quatre critères principaux pour définir un contrat de travail : l’existence d’un contrôle horaire de la part de la plate-forme, l’existence d’un lien de subordination, d’un lien d’exclusivité ou de non-concurrence et d’une dépendance économique.
« Une relation commerciale »
Dans deux arrêts récents, les prud’hommes de Paris estimaient que ces critères n’étaient pas réunis et que les chauffeurs requérants devaient s’en remettre au tribunal de commerce, en charge des relations commerciales. Aujourd’hui, deux nouveaux critères apparaissent donc. Cela peut-il changer la donne ? « On l’espère, indique M. Baaroun. La question du contrôle, via la géolocalisation, et le régime de sanctions, dont les déconnexions, sont largement utilisées par Uber. »
L’interprétation diffère chez Uber. « Aujourd’hui, nous avons une relation commerciale avec les chauffeurs qui utilisent la plate-forme, explique-t-on dans l’entreprise. Or, dans toute relation commerciale, il existe des obligations pour les deux parties. Un régime de sanctions, qui inclut la déconnexion, est appliqué par la société quand certaines clauses ne sont pas respectées par les chauffeurs. »
Un jugement du tribunal des prud’hommes de Paris est attendu au plus tôt en février.
Les représentants du personnel n’ont pas été ébahi en raison de la cure d’économies assujetti par le gouvernement à l’ensemble de l’audiovisuel public, dont France Télévisions – qui dispose de 2,5 milliards d’euros d’argents publiques – assume la plus grande part : 160 millions en moins d’ici à 2022. L’effort financier réel devrait se situer plutôt aux alentours de 350 millions si l’on prend en compte le glissement naturel des charges et l’obligation imposée par la tutelle d’investir dans le numérique.
« Faire partir les seniors »
Ce qui est récent, c’est la solution retenue. Mme Ernotte a en effet expliqué au Comité social et économique central (CSEC), la plus haute instance représentative du personnel, vouloir recourir à un plan de départs sous forme d’une rupture conventionnelle collective (RCC). Cette procédure, créée par les ordonnances Macron ayant réformé le code du travail en 2017, permet à une entreprise de négocier des plans de départs volontaires sans justifier de difficultés économiques.
Ce plan sera financé, a assuré aux représentants syndicaux Delphine Ernotte. « On aura les moyens », explique-t-on à France Télévisions. Le gouvernement a donc donné son accord, mais aucun détail n’est fourni pour le moment. Les deux derniers plans de départs volontaires dans l’entreprise publique remontent à 2009-2012 et 2014-2015. Ils avaient coûté respectivement 27,5 millions d’euros et 28 millions, et conduit à 696 et 305 départs, soit près de 40 000 euros par personne pour le premier et plus de 90 000 pour le second, selon un rapport de la Cour des comptes d’octobre 2016. Mais cela n’avait guère permis de rajeunir l’effectif de l’entreprise, où l’âge moyen est de 49 ans, souligne ce rapport.
D’après Arnaud Lesaunier, directeur général délégué des ressources humaines de France Télévisions, il s’agit cette fois à la fois de diminuer les effectifs, mais aussi de permettre « une mixité sociale et générationnelle dans l’entreprise ». Actuellement, la pyramide des âges à France Télévisions ressemble à une toupie affûtée : la moitié des effectifs a 50 ans ou plus, à peine 3 % ont 30 ans ou moins. « Il y a à la fois une ambition de transformation, sinon on ne sera pas au rendez-vous, et dans le même temps nous avons des économies à réaliser », explique-t-il. Marc Chauvelot, délégué syndical central CGT, y voit une résolution de « faire partir les seniors et embaucher des jeunes formés au numérique dans une vision productiviste ».
« Ambition sur le numérique »
Là non plus, aucun chiffre n’est annoncé du côté de la direction. M. Chauvelot évoque 2 000 départs et 1 000 embauches, soit un déficit net de 1 000 pour un effectif total de 9 600 employés à temps plein, dont 8 400 permanents. Des chiffres que M. Lesaunier refuse de confirmer ou de démentir : « On les réserve aux organisations syndicales. » Mme Ernotte a également annoncé son intention de réviser l’accord collectif signé en mai 2013.
Dans une motion, les élus du CSEC ont dénoncé une « restructuration de grande ampleur ». Pour Serge Cimino, délégué SNJ, se met en place « un modèle low cost qui sous couvert d’une ambition sur le numérique se résume à une question de maîtrise des coûts ». Delphine Ernotte insiste, elle, sur le mot « transformation »et sur le dialogue social. Aucun départ ne sera contraint, affirme-t-elle. Il s’agit, détaille M. Lesaunier, à la fois d’accompagner ceux qui voudront partir, de garder les « talents » parmi les non permanents et d’en recruter de nouveaux, bref de préparer l’entreprise pour demain. « Nous avons besoin de compétences portées par toutes les générations », souligne-t-il. Car, plus généralement, « un plan de formation et d’accompagnement à la transformation sera mis en œuvre », insiste-t-il. « C’est un moment nécessaire, mais il faut qu’on en fasse un moment utile en dialoguant avec les organisations syndicales », insiste M. Lesaunier.
Les échanges vont commencer début janvier. Un RCC doit obtenir un accord majoritaire au sein des syndicats représentatifs (CGT, FO, CFDT et SNJ). Dans leur motion, les syndicats ont fait front uni et ont d’ores et déjà annoncé refuser « un nouveau plan de suppression de postes, s’ajoutant à ceux en cours ». Le paquebot France Télévisions est entré sur une mer agitée.