Le patronat monte le temps de la négociation pour l’assurance-chômage.

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Coactionnaire d’Altifort, l’industriel reprend l’aciérie de Saint-Saulve, en redressement judiciaire depuis janvier 2018. A lui de trouver des clients sur un marché quasi saturé.
« Après le 19 décembre, j’ai passé trois semaines au lit. J’étais vidé ! » Ce jour-là, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a autorisé Altifort à reprendre Ascoval, l’aciérie de Saint-Saulve, dans le Nord, et ses 281 salariés. « Les négociations ont été si compliquées qu’une fois le jugement passé, confie Bart Gruyaert, le copropriétaire du groupe Altifort, tout est retombé. »
Six semaines après, l’industriel flamand est requinqué. Il doit obtenir publiquement les clés d’Ascoval vendredi 1er février. « C’est maintenant qu’il va devoir se révéler pour trouver les clients qu’il a promis », prévient un bon connaisseur du dossier. L’aciérie est un gros morceau, avec un chiffre d’affaires de 135 millions d’euros en 2017, alors qu’Altifort prétends environ 200 millions de revenus.
Surtout, il va devoir trouver des clients pour écouler 500 000 tonnes d’aciers, la capacité de l’aciérie, quand le marché est presque saturé et que Vallourec et Schmolz + Bickenbach, qui achetaient jusqu’à présent sa production, sont désormais de redoutables concurrents. Mais pas de quoi effrayer le quadra. « Pourquoi faudrait-il avoir peur ?, interroge-t-il, mi-janvier, dans les bureaux de son groupe à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Je suis sûr que nous pouvons réussir à trouver les clients pour faire tourner l’aciérie et la forge. Ce sera dur, mais nous nous accrocherons. Et puis, n’oubliez pas. Je viens de Courtrai, en Belgique. Là-bas, nous sommes à la fois travailleurs et têtus. Surtout têtus. Nous ne lâchons rien ! »
« C’est un fonceur, un bosseur »
« Et il a démontré qu’il était résistant face à Vallourec, l’ancien propriétaire, et l’Etat », confirme Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France qui l’a soutenu sur ce dossier. « Il a été courageux, voire téméraire », confirme Philippe Jeannerot, l’administrateur judiciaire qui a supervisé le redressement de l’aciérie. « C’est un fonceur, un bosseur qui ne s’attarde pas sur les petits détails et qui ne regarde pas dans le rétroviseur », déclare Nathalie Delabre, 51 ans, responsable du service achats d’Ascoval qui l’a croisé ces dernières semaines.
Durant les négociations de reprise, Vallourec a refusé d’aider Altifort, tandis que Bercy n’était pas très allant pour le supporter. Le petit groupe de 1 500 salariés, construit en moins de cinq ans, est financièrement fragile. Certains officiels ont plusieurs fois conseillé à l’entrepreneur de se désister, tandis que ses filiales subissaient des contrôles de la part de l’administration. « En interne, on m’a même demandé de laisser tomber », déclare-t-il.
Ce calcul, qui est théorique, s’inscrit dans le cadre d’une campagne de transparence de la part de l’entreprise, alors que les syndicats des chauffeurs sollicitent un tarif minimum pour les courses.
Un simple contre-feu ou un réel exercice de transparence ? Alors que son modèle économique est alarmé par la justice française, que les syndicats du secteur des véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC) multiplient les opérations escargot et les grèves pour obtenir la mise en place d’un tarif minimum des courses, Uber, le leader du secteur, publie pour la première fois une étude sur le revenu de ses conducteurs.
La société américaine a calculé qu’un chauffeur qui se connecte à sa plate-forme gagne 9,15 euros net de l’heure pour 45 heures de travail hebdomadaire (la moyenne pour les « non-salariés » dans le secteur du transport). En France, le salaire horaire minimum net est de 7,72 euros pour 35 heures. Pour Uber, il s’agit d’un revenu médian. La moitié des 28 000 chauffeurs qui travaillent avec lui gagnent moins ; l’autre moitié, plus.
Pour arriver à ce résultat, l’étude évalue le chiffre d’affaires horaire médian d’un conducteur d’Uber à 24,81 euros brut, après commission versée à la plate-forme. Une fois retranchés l’ensemble des frais d’un conducteur (véhicule, assurance, carburant, etc.), les cotisations sociales et la TVA, on arrive au revenu net de 9,15 euros.
Plan antifraude
Sur un mois, un chauffeur pourrait donc disposer d’un revenu (avant impôt) de 1 617 euros. C’est mieux que les 1 430 euros de revenu médian des non-salariés dans le secteur du transport, calculé par l’Insee. Ces calculs restent toutefois théoriques, puisque, en moyenne, les chauffeurs VTC ne se connectent à la plate-forme que 27 heures par semaine en France.
Selon FO, plusieurs milliers de chauffeurs rouleraient illégalement et réduiraient ainsi les revenus des chauffeurs légaux.
« C’est effectivement un calcul théorique, car les conducteurs travaillent pour plusieurs applications différentes, confirme Steve Salom, le patron d’Uber en France, mais cela donne de la visibilité aux chauffeurs et aux pouvoirs publics. » En 2017, Jacques Rapoport, le médiateur chargé par le gouvernement de dénouer la crise de l’époque entre plates-formes et chauffeurs VTC, estimait le revenu moyen d’un chauffeur indépendant à 1 700 euros, mais pour 60 heures, « et ce, sans prendre en compte les congés payés ou la couverture santé et retraite ».
Chez les syndicats, le débat est constamment vif sur les revenus réels des chauffeurs, sachant que chacun peut se connecter à une ou plusieurs applications et que ses revenus diffèrent grandement de l’une à l’autre. Pis, avec la loi Grandguillaume de 2016, qui oblige chaque conducteur à obtenir, après examen, une carte de VTC, la fraude a explosé. Selon FO, plusieurs milliers de chauffeurs déplaceraient illégalement et réduiraient ainsi les revenus des chauffeurs légaux.
Evolution de la jurisprudence
En plus d’un plan de lutte du gouvernement contre cette fraude, les différentes fédérations (FO, CFDT) du secteur réclament la mise en place d’un tarif minimum des courses, afin d’améliorer les revenus. Une idée qui passe mal du côté des plates-formes. « Nous souhaitons aider nos chauffeurs, plaide M. Salom. Cela passe, par exemple, par une aide à l’optimisation de leurs revenus. Nous sommes aussi prêts à améliorer leur protection sociale. Nous finançons déjà une assurance et voulons aller plus loin, en adoptant une charte sociale, qui est prévue par la loi sur les mobilités en discussion. Bien que, nous avons besoin d’un cadre juridique stabilisé et protecteur. »
Avec l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, fin 2018, et de la cour d’appel de Paris, début 2019, sur la récupération des travailleurs indépendants de plate-forme en salariés, Uber et les autres applications craignent « le flou juridique actuel ». « Or, la quasi-totalité des chauffeurs souhaitent aujourd’hui travailler sans patron et en tant qu’indépendant », assure M. Salom.
Devant cette situation, le gouvernement devrait, enfin, sortir de son silence. Alors que le ministère du travail réfléchit à un nouveau régime juridique des travailleurs de plate-forme, le ministère des transports doit dévoiler ses pistes de régulation du secteur VTC. Cette semaine, une mission des inspections du ministère des transports et du travail (CGEDD et IGAS) doit remettre ses propositions sur l’équilibre du secteur et toutes les questions liées à sa régulation, dont celles des tarifs.
La bipolarisation du marché du travail, avec d’un côté peu d’emplois très compétents et de l’autre une masse de petits jobs, rend les inégalités insupportables parce qu’elles deviennent irréparables.
Après avoir longtemps fait la claque pour encourager la mondialisation heureuse, le Forum de Davos est aujourd’hui à l’heure des scrupules. Lors de la dernière édition, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a ainsi appelé à apporter des réponses aux inquiétudes des « gilets jaunes » en reformulant leurs interrogations : « Qu’est-ce que va devenir mon job ? Est-ce que j’ai ma place dans cette nouvelle économie ? Est-ce que cette révolution industrielle que l’on nous prédit permettra à mes enfants d’avoir une place dans la société et de réaliser leurs rêves ? »
De Vesoul à Dax (Landes) en passant par Issoire (Puy-de-Dôme), on entend certainement cette peur du déclassement, ce constat que le travail ne paye plus, que l’ascenseur social est bloqué. Que ces préoccupations trouvent un relais au sommet de la station des Grisons est inédit. Mais prendre de l’altitude ne sera pas suffisant pour y apporter des réponses, tant la problématique semble insoluble.
Durant des années, on nous a bercés d’illusions avec la théorie de l’économiste Joseph Schumpeter, selon laquelle la croissance est un processus permanent de création, de destruction et de restructuration des activités économiques. Pour faire court : les mutations sont des mauvais moments à passer pour déboucher in fine sur plus de prospérité.
L’exception qui confirme la règle
Cela fait trente ans que les salariés font le gros dos en attendant que la « destruction créatrice » fasse son œuvre. Mais entre-temps, le mouvement continuel de l’économie s’est ossifié autour de la bipolarisation du marché du travail.
Dans tous les pays développés, les emplois se réunissent aux deux extrémités de ce marché avec, d’un côté, un petit nombre d’emplois très qualifiés à rémunération élevée et dont la productivité bondit grâce aux nouvelles technologies et, de l’autre, des emplois de service, peu qualifiés, plus précaires et à rémunération faible qui, eux, sont toujours plus nombreux. Passer de la seconde catégorie à la première tient aussitôt de l’exception qui confirme la règle. Les inégalités deviennent insupportables parce qu’irrémédiables.
Entre les deux, le champ des carrières s’est atrophié. Sous l’effet du progrès technologique, les emplois automatisables qui, depuis les « trente glorieuses », portaient la classe moyenne, expirent. En vingt ans, leur poids sur le marché du travail dans l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a chuté de vingt points. En France, plus de 150 000 postes de secrétariat et 70 000 postes d’employés de banque se sont volatilisés depuis 1990. Parallèlement, le nombre d’emplois peu qualifiés et moins bien payés a augmenté dans les mêmes proportions. On compte par exemple 90 000 employés de maison de plus ou encore 100 000 serveurs de café et restaurant additionnels.
Jeudi 24 janvier, le Parlement européen et le Conseil (les Etats membres) sont arrivés à un accord sur une nouvelle directive, « relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ». Le texte forme une avancée modeste vers une Europe plus sociale. Sur la base d’une proposition de la Commission datant de 2017, les deux établissements ont validé le principe d’un congé paternité partout dans l’Union, pouvant être pris à la naissance d’un enfant et devant durer « au moins dix jours ». Il devra être rémunéré, au niveau du congé maladie dans l’Etat membre.
Le projet de directive affirme une autre fois aussi un congé parental d’au moins quatre mois, dont deux non transférables d’un parent à l’autre, pouvant être pris jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Il devra lui aussi être rémunéré « à un niveau adéquat », à déterminer dans chaque Etat. Enfin, la directive introduit un « congé aidant » d’au moins cinq jours par an et par travailleur, pour s’occuper d’un proche sans obligation de rétribution en revanche.
Ces arrangements s’appliqueront aux travailleurs disposant d’un « contrat de travail » ou d’une « relation de travail », mais pas aux indépendants.
Congé parental : ce que font les autres pays
Peu de pays ont effectivement expérimenté un revenu parental en tant que tel ; la plupart indemnisent le congé lié à une naissance (congé maternité et/ou de paternité) et aident, plus ou moins généreusement, à la prise en charge d’un enfant en bas âge (congé parental d’éducation). Sept pays de l’Union ne rémunèrent pas du tout le congé parental : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Irlande, la Grèce, les Pays-Bas et Chypre.
La Suède est le pays qui paye le mieux les parents : le congé parental ouvre droit à un revenu de remplacement, correspondant à 80 % du salaire antérieur, pendant les treize premiers mois (les trois derniers mois étant indemnisés environ 500 euros chaque). Le modèle suédois est cohérent avec cette notion de revenu : ce dernier est imposable et, en contrepartie, tous les droits sociaux du bénéficiaire sont maintenus. Il continue à cotiser pour sa retraite, la période de congé est comptabilisée dans le calcul des privilégies liés à l’ancienneté et il bénéficie de la garantie du retour à son poste.
Si le parent au foyer tombe malade, il reçoit une compensation journalière et ses jours de maladie ne sont pas comptabilisés dans le congé parental. Il faut toutefois avoir travaillé au moins huit mois avant l’arrêt. « Les parents ne satisfaisant pas à ces conditions touchent, pour leur part, une indemnité forfaitaire d’environ 18 euros par jour. Les modalités de ce congé incitent donc assez fortement à s’intégrer sur le marché du travail avant d’avoir des enfants », déclare la docteure en sociologie Nathalie Morel. De plus, la Suède a mis en place des mesures incitatives pour pousser les hommes à davantage utiliser le congé : chaque parent est obligé de prendre au moins trois mois pour bénéficier du reste du congé parental.
Même logique en Allemagne : si les deux parents prennent le congé (deux tiers du salaire, plafonné à 1 800 euros par mois), ils ont droit à deux mois supplémentaires. Une « prime aux fourneaux » de 150 euros mensuels avait, en outre, été initiée en 2013 par les conservateurs pour relancer la natalité, mais elle a été invalidée en 2015 par la Cour constitutionnelle qui a jugé que le gouvernement fédéral avait empiété sur les prérogatives des Etats régionaux.
L’Islande a le modèle le plus égalitariste avec un congé parental de neuf mois, dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers partageable entre les deux, avant les dix-huit mois de l’enfant, chaque partie étant perdue si elle n’est pas prise par son destinataire. Il est rémunéré à 80 % pour tout salaire en dessous de 1 260 euros par mois et 75 % pour les salaires supérieurs, avec un plafonnement à 1 890 euros mensuel.
Au contraire d’une conception sociale du revenu parental, et dans une proportion probablement anecdotique, une version néocapitaliste aurait déjà été expérimentée dans la sphère privée : à New York, certaines femmes au foyer toucheraient un « bonus d’épouse » au titre de leur bonne gestion du budget du foyer ou de la qualité de l’éducation soutenue aux enfants et de la capacité de ces derniers à intégrer de bonnes écoles. Les Etats-Unis sont actuellement le seul pays de l’OCDE à ne même pas financer un congé maternité.
Proposition revue à la baisse
L’objectif de la Commission était de progresser la mise en œuvre du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes au travail. Intention louable, mais sa proposition a été sérieusement revue à la baisse, surtout concernant le congé parental. L’institution recommandait que la période non transférable d’un parent à l’autre soit d’au moins quatre mois. Elle indiquait aussi que ce congé parental, ainsi que le « congé aidant » devaient être rémunérés à un niveau « équivalant au moins à ce que le travailleur concerné recevrait en cas de congé maladie ».
Le Parlement européen soulignait lui aussi sur des niveaux de rémunération conséquents, partant du constat que lorsque ces congés sont mal rémunérés, ce sont en priorité les femmes qui mettent entre parenthèses leur carrière professionnelle pour les prendre. Mais au Conseil, près de la moitié des Etats membres, dont la France et l’Allemagne, se sont opposés à des ambitions jugées trop coûteuses.
Emmanuel Macron avait émis des doutes en plein hémicycle européen, lors d’un discours à Strasbourg le 17 avril 2018 : le congé parental ? « J’en approuve les principes, mais c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable », avait déclaré le président français. Sa ministre du travail, Muriel Pénicaud, ajoutait à l’époque : « La France est absolument pour une instruction sur le congé parental ». Mais « ce n’est pas à Bruxelles que l’on doit décider dans le détail comment il doit fonctionner pays par pays ».
Dans l’Hexagone, le congé parental est rémunéré bien en deçà du niveau des indemnisations maladie (moins de 400 euros par mois, contre une moyenne de 950 euros pour les prestations maladie). Et un nombre infime de pères français en profitent : 4 % seulement, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datant de 2016.
Jeudi, l’eurodéputée Verte Karima Delli, membre de la commission des affaires sociales à Strasbourg, a salué comme « un début » le congé aidant, « mais il faut aller plus loin. Dans la plupart des pays de l’Union européenne, les femmes continuent de porter la majeure partie du fardeau ». L’élue a aussi lamenté « le jeu mesquin de la France qui s’est opposée à une meilleure rémunération des congés parentaux ».
Même son de cloche chez Guillaume Balas, eurodéputé membre de Génération.s : « Si nous n’obtenons pas des droits sociaux harmonisés pour tous les Européens, alors le “Triple A” social promu par Jean-Claude Juncker [président de la Commission européenne], soutenu par Angela Merkel [la chancelière allemande] et Emmanuel Macron est une authentique imposture. »
Même si ce nouveau texte n’affirme qu’un socle de droits a minima, le bilan « social » de la commission Juncker n’est pas si médiocre, au regard du peu de prérogatives dont elle dispose en la matière : elle est surtout parvenue à réparer la directive travail détaché. La commission Barroso, elle, n’avait même pas réussi à faire adopter un congé maternité européen.
Le groupe français investit 50 millions d’euros par an dans trois sites de production, à Paris, Montréal et Singapour.
Dans son défilé international, Thales, le géant français de l’électronique, permets une place toute particulière au Canada. C’est là en effet, à Montréal, qu’il a installé son deuxième plus grand centre d’intelligence artificielle, qui regroupe le quart des experts du groupe dans le domaine. Là aussi qu’il a implanté l’une de ses trois « digital factories », ces lieux où le groupe tricolore essaie de repenser ses méthodes de travail en adoptant les usages des start-up.
Fer de lance de cette révolution, Olivier Flous : anciennement à la tête de l’ingénierie du groupe, il porte aujourd’hui une double casquette, chargé à la fois de la transformation numérique de Thales et de présider au destin des « digital factories » du groupe, à commencer par celle de Paris. Avec un budget cohérent, de l’ordre de 50 millions par an.
Olivier Flous n’a pas assez de mots pour célébrer les mérites de ce type d’organisations, à commencer par leur approche du marché. « Dans une boîte comme Thales, nos interlocuteurs traditionnels sont trop souvent nos clients, pas les utilisateurs finaux des produits. Or il y a parfois un écart de perception entre les attentes de ces deux populations. »
Autre caractéristique des start-up louée par Olivier Flous : leur cycle de production très court, dans un mode dit « agile » : une fois un projet lancé, un premier produit abrégé mais fonctionnel est rapidement livrable à l’utilisateur, que l’on fait très vite évoluer, avec de nouvelles versions toutes les trois semaines en fonction des retours du client. A terme, quand le produit arrive à maturité, il a vocation à être réintégré au sein des équipes de la maison mère pour être commercialisé. Les principes de la « digital factory » ont été inscrits dans un manifeste. Celui-ci comprend des règles très opérationnelles telles que se fier aux données plutôt qu’aux opinions – « sinon, c’est toujours le plus gros salaire qui décide », réplique Olivier Flous – ou échouer plutôt que de ne pas essayer.
Avoir les meilleurs talents
Le manifeste assure aussi une organisation spécifique à la « digital factory ». Chaque projet est conduit par une équipe réduite – une « squad » – d’une petite dizaine de personnes, qui bénéficie de la plus grande liberté. Car pour aller vite, juge-t-on ici, « l’autonomie est plus importante que le contrôle ».
En offrant ces garanties, Thales attends réussir à attirer les meilleurs talents, dans un secteur où tout le monde s’y essaye, et pas seulement « Google ou Facebook », pointe Patrice Caine, PDG de Thales : « Aujourd’hui, beaucoup d’étudiants sortant de Polytechnique ne s’engagent plus vers les carrières classiques que l’on connaissait auparavant. De plus en plus s’orientent vers l’entrepreneuriat. »
Les services d’aide à l’intégration professionnelle des étudiants progressent. Mais, avec des moyens moindres et des cohortes d’étudiants plus importantes, ils ne rivalisent pas encore avec ceux des grandes écoles.
Dans le campus de Neoma Business School, au nord-ouest du centre-ville de Rouen, se dresse un château aux allures de Moulinsart. Théâtre d’une grande histoire sous l’occupation allemande, il est aujourd’hui l’emblème heureux de cet établissement figurant dans le top 10 des écoles de commerce françaises. Depuis les baies vitrées de la salle de classe, il apparaît nappé dans le crachin en cette matinée grisâtre de janvier.
Pas de distraction, les étudiants se concentrent sur le cours du jour : la révision de leurs entretiens obligatoires avec des professionnels, des anciens de l’école. « J’ai parlé avec un “chief transformation officer” [responsable de la transformation au sein des entreprises]. Il met en place un programme de développement des start-up, explique Nadia Taïmi. Ces échanges informels m’ont permis de poser des questions que je n’aurais pas pu aborder en entretien d’embauche, je vais continuer à en faire au-delà du cours. »
C’est le département « talent & carrière » de cette école de commerce de Rouen qui arrange ces modules d’insertion professionnelle. « Entre 30 et 60 heures par an selon les années, obligatoires et créditées, durant lesquelles les étudiants travaillent sur la connaissance des métiers, leur CV et lettres de motivation, apprennent à répondre à une offre d’emploi et à améliorer leur “personal branding” [marketing personnel] », déroule Isabelle Chevalier, la directrice du département. Au total, 38 salariés y travaillent à développer l’employabilité des étudiants des campus de Rouen, Reims et Paris. Pour un suivi personnalisé, huit experts sont aussi à la disposition de ces derniers.
La culture de l’employabilité fait son trou
Anaïs Kluczka, en master 2 de marketing, a estimé : « Je souhaitais trouver un volontariat international en entreprise [VIE], j’ai apporté mon CV et les offres repérées sur notre plate-forme interne. Ma conseillère m’a expliqué les avantages et inconvénients du VIE, l’administratif, et comment adapter mon CV. A priori, j’ai trouvé un contrat en Norvège. »
Une culture de l’insertion professionnelle que, quelques rues plus loin, sur le campus voisin de l’université de Rouen-Normandie, le Bureau d’aide à l’intégration professionnelle (BAIP) essaie de développer pour ses 29 000 étudiants. Dix ans après la loi du 10 août 2007 sur l’autonomie des universités, la culture de l’employabilité fait son trou dans ces établissements.
Un salarié qui porte son soutien au mouvement des « gilets jaunes » prend-il un risque pour son emploi ? Plusieurs cas ont été récemment médiatisés. Le 12 janvier La Voix du Nord signalait le licenciement pour faute grave de deux salariés d’Amazon qui, en novembre 2018, avaient désigné, sur les réseaux sociaux, au blocage de la plate-forme du groupe implantée dans les Hauts-de-France.
Le 18 décembre 2018, c’était Le Bien Public, quotidien régional de Saône-et-Loire qui faisait état du licenciement d’un salarié, qui en novembre 2018 avait abandonné son poste pour participer à un blocage sur un rond-point de Sennecé-lès-Mâcon. Enfin, le 4 décembre, sur RMC, c’est un gérant de boulangerie qui déclarait avoir été licencié en raison de son soutien aux « gilets jaunes » : « Ça n’a pas plu aux patrons », a-t-il affirmé. Autant de cas qui illustrent la montée des tensions dans certaines entreprises entre les participants au mouvement et leur employeur. Tensions qui aboutissent parfois au licenciement du salarié.
Incertitude juridique
Le mouvement étant inédit dans sa forme, employeurs et personnels se voient plongés dans une relative incertitude juridique. « Le salarié jouit d’une liberté d’expression, du moment que cela ne perturbe pas le fonctionnement de son entreprise », fait valoir Magalie Marchesseau Lucas, avocate collaboratrice au cabinet Avocadour, spécialisée en droit du travail. Les salariés ont aussi le droit de faire grève ou d’occuper les locaux de leur entreprise, bien que la loi fixe des limites à ce droit : « Les grévistes n’ont pas le droit d’entraver le travail des autres », rappelle l’avocate.
Un sympathisant des « gilets jaunes » peut théoriquement prétendre son droit de grève ou participer à une manifestation sur son temps de travail, sans risquer d’être sanctionné. A condition d’être en mesure de démontrer que cette manifestation ou cette grève porte des revendications à caractère professionnel.
Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi, sans aucune activité, a baissé de 1,1 % au cours du troisième trimestre 2018, pour atteindre un total de 3,676 millions.
Le décalage de la croissance en 2018, qui avait conduit l’Insee à réviser ses prévisions pour le dernier trimestre, semble ne pas avoir eu de conséquence préjudiciable sur le marché du travail. Pas plus que le mouvement des « gilets jaunes », en dépit des besoins qu’il a engendrées dans le secteur du commerce et pour de nombreuses PME.
Grande diminution pour les jeunes
Une précision importante : l’évolution positive examinée au dernier trimestre 2018 résulte peut-être, pour partie, de raisons administratives. Le nombre de personnes relevant de la catégorie D (qui englobe celles dispensées de rechercher un poste parce qu’elles suivent une formation) s’est accru de 5,4 % durant les trois derniers mois de 2018 ; il n’est pas exclu que cette progression ait contribué à dégonfler les effectifs de la catégorie A.
Toutes les tranches d’âge profitent de l’amélioration constatée au dernier trimestre 2018. En métropole, le nombre de moins de 25 ans, en catégorie A, reflue de 2,9 % sur trois mois (– 1,3 % en un an). Idem pour les 25-49 ans, avec une baisse plus marquée en un an (– 2,1 %), et pour les personnes d’au moins 50 ans (– 0,1 % en douze mois).
Un grand point noir subsiste : le chômage de longue durée. Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi depuis un an ou plus, qui n’ont occupé aucun poste ou qui ont exercé une activité partielle, a encore augmenté : + 0,4 % sur les trois derniers mois (+ 5,1 %), sur l’ensemble du territoire.
A quoi faut-il s’attendre pour les mois à venir ? L’Insee a soutenu un début de réponse, dans sa dernière note de conjoncture diffusée en décembre 2018. Le taux de chômage sur l’ensemble du territoire (en incluant les outre-mer, sauf Mayotte) devrait diminuer très légèrement, pour s’établir à 9 % de la population active à la fin du premier semestre 2019, soit 0,1 point de moins qu’un an auparavant.
« Le président de la République vient d’intervenir publiquement, semblant indiquer que le bonus-malus se mettra en place et ce, quel que soit le résultat de la négociation », a regretté pour sa part le Medef, qui devait montrer jeudi aux organisations syndicales ses propositions sur la question des contrats courts.
Pour l’U2P ((artisans, commerçants, professions libérales), le document de cadrage adressé par le gouvernement aux partenaires sociaux leur demandait « de se positionner sur cette problématique, sans pour autant imposer la solution ».
Les CDD de moins d’un mois multipliés par 2,5 en vingt ans
Commencée en novembre, la négociation doit prendre fin le 20 février, après avoir été prolongée de deux séances, syndicats et patronat échouant notamment à se mettre d’accord sur un mécanisme qui réduirait le recours excessif aux contrats courts.
En vingt ans, les CDD de moins d’un mois ont été multipliés par 2,5, une source de précarité et un surcoût de deux milliards d’euros pour l’Unédic, qui gère l’assurance-chômage. Le système de bonus-malus consiste à articuler les cotisations chômage de l’employeur en fonction du taux de rupture de contrats de travail. L’idée est de faire varier la cotisation patronale à l’assurance-chômage, actuellement de 4,05 %, en fonction du taux de rupture de contrats donnant lieu à inscription à Pôle emploi – une promesse présidentielle soutenue par les syndicats.
Mais le patronat y est solidement opposé. En novembre, au tout début de la négociation sur l’assurance-chômage, Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, avait assuré qu’un tel système allait « détruire des CDD et des emplois intérim sans pour autant créer de CDI ».
Le 23 janvier, dans le cadre de la discussion, les organisations patronales Medef, CPME et Union des entreprises de proximité (U2P) ont présenté une série de propositions alternatives au bonus-malus pour réguler les contrats courts.
Y figuraient la suppression des délais de carence, un assouplissement du renouvellement des contrats courts ou encore la priorité à l’embauche en contrat court. Certaines propositions ont été jugées floues, d’autres provocantes par les syndicats.
« Une nouvelle fois, on culpabilise les faibles »
Juste avant les annonces faites par la CPME, le Medef et l’U2P, Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, a déclaré, sur RMC/BFM-TV, que « le patronat portera[it] la responsabilité de l’échec » de la négociation sur la réforme de l’assurance-chômage s’il persistait à refuser tout mécanisme de bonus-malus.
Philippe Martinez, son homologue de la CGT, allait dans le même sens sur France Inter : « Du bonus, ils [les employeurs] en ont beaucoup, donc si on pouvait se contenter du malus ça irait mieux », a-t-il ainsi mentionné. Plus généralement, il a critiqué le cadre « contraint » de cette négociation imposée par le gouvernement, qui réclame « 4 milliards d’économies sur le dos des chômeurs ». Et « une nouvelle fois, on culpabilise les plus faibles », a-t-il regretté.
De son côté, Michel Beaugas, le négociateur pour Force ouvrière (FO), a évalué que le patronat prenait « en otage des millions de demandeurs d’emplois sur une position dogmatique ». Il est « très inquiet » que le gouvernement reprenne en main le dossier et impose « une baisse des droits drastique aux demandeurs d’emploi indemnisés ».
« Suspendre, ce n’est pas arrêter », a relativisé Jean-François Foucard, de la CFE-CGC, pour qui la « responsabilisation des entreprises ne peut passer que par des cotisations ». Le gouvernement a imposé aux partenaires sociaux que la nouvelle convention d’assurance-chômage permette entre 3 et 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans.