Covoiturage et vélo : est-ce fiscalement captivant ?

Des avantages fiscaux sont prévus pour le covoiturage et les déplacements à vélo
Des avantages fiscaux sont prévus pour le covoiturage et les déplacements à vélo Jacques Loic / Photononstop

L’embaucheur peut décider de prendre en charge les frais embauchés par ses travailleurs pour leurs voyages à vélo suivant certaines règles, et cette éventualité sera prochainement étendue au covoiturage.

Existe t-il des encouragements fiscaux au covoiturage et au déplacement à vélo ?

Oui, des privilèges fiscaux sont espérés pour le covoiturage et les déplacements à vélo. Ils peuvent faire économiser… quelques poignées d’euros.

Selon l’administration fiscale, les revenus du covoiturage fuient à l’impôt s’il s’agit d’un partage de frais, donc d’un voyage effectué pour votre compte, pour lequel vous acquittez vous aussi une part du carburant et du péage. Et le prix du voyage ne doit pas excéder la quote-part, par voyageur, du coût consécutif du barème kilométrique pour les frais réels. Sinon il s’agirait de revenus d’une entreprise, à exiger selon le régime micro ou réel.

Par ailleurs, l’employeur peut retenir de prendre en charge les frais engagés par ses salariés pour leurs excursions à vélo entre leur résidence et leur lieu de travail (dans la limite de 0,25 euro/km), et cette éventualité sera bientôt étendue au covoiturage. Pour le covoiturage, le prix par kilomètre doit être fixé par un décret.

Attention nonobstant, s’il est possible de profiter d’une exonération – cotisations sociales, contribution sociale généralisée (CSG), participation au rétribution de la dette sociale (CRDS) et impôt sur le revenu –, une limite globale de 200 euros par an et par salarié est prévue pour les compensations vélo, covoiturage et prise en charge par l’employeur des frais de carburant (ou pour l’alimentation de véhicules électriques).

La société à trois vitesses

« Souhaite-t-on, aujourd’hui en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent bénéficier des travailleurs français ? »
« Souhaite-t-on, aujourd’hui en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent bénéficier des travailleurs français ? » SHANNON STAPLETON / REUTERS

Le Conseil national du numérique, dirigé par Salwa Toko, sollicite qu’un coup d’arrêt soit donné aux chartes unilatérales d’implication sociale pour les laborieux des plates-formes.

Le Conseil national du numérique (CNNum) se conteste à la mise en place des chartes arbitraires  d’implication sociale des plates-formes espérées par la loi d’orientation des mobilités (LOM) et appelle plutôt à la constitution d’un vrai dialogue social sur les nouvelles formes de travail issues de l’économie numérique.

L’article 20 de la loi d’orientation des mobilités envisage la possibilité pour les plates-formes de choisir une charte essentiel leurs droits et engagements vis-à-vis des travailleurs, notamment en matière de conditions de travail et de protection sociale. Les chartes unilatérales, initialement offertes dans le cadre de la loi « avenir professionnel », ont été repoussées par le Conseil constitutionnel en septembre 2018 puis par le Sénat au tout début du mois d’avril 2019.

Cette idée revient actuellement sur le devant de la scène, mise en avant par les responsables de la plate-forme britannique d’arrivage de plats cuisinés Deliveroo. Plutôt que de créer un cadre juridique plus clair et plus juste pour ces travailleurs – qui ont, pour la plupart, le statut de micro-entrepreneurs –, cette idée avance sans le dire vers la découverte du statut d’indépendant. Statut qui, rappelons-le, profite en premier lieu aux plates-formes, en ce qu’il les libère des charges et engagements (cotisations sociales et autres) liées au travail salarié.

Possibles dérives pour notre modèle social

En effet, l’origine de la cooptation d’une charte inscrit le rapport qui lie les travailleurs à leur(s) plate(s)-forme(s) en droit commercial, et non en droit du travail. Cela aurait pour conséquence d’abandonner les plates-formes décidé seules des conditions de travail et de rétribution, ainsi que de la protection sociale de ces travailleurs.

Les chartes attendues, unilatérales, ne comportent pas de socle minimum de protection. Souhaite-t-on, actuellement en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent jouir des travailleurs français ? Souhaite-t-on créer une société à trois vitesses, constituée de salariés, d’indépendants et de travailleurs au statut hybride, dont les conditions sont ultérieurement résolues par les juges au cas par cas, conséquence de facto à la création d’un nouveau précariat ?

pollution au bureau !

« Dans les espaces de travail, les composés organiques volatils (COV) et autres molécules nocives se diffusent en toute liberté. Or, les Français passent 85 % de leur temps en moyenne dans des environnements clos. »
« Dans les espaces de travail, les composés organiques volatils (COV) et autres molécules nocives se diffusent en toute liberté. Or, les Français passent 85 % de leur temps en moyenne dans des environnements clos. » Katarina Sundelin/PhotoAlto / Photononstop

Produits ménagers, moquettes, imprimantes… Les lieux d’ouvrage dissimulent un bon nombre d’équipages qui distribuent des particules aux effets nuisibles sur la santé.

Il y a une obligation à nettoyer nos entourages de travail ! C’est l’information déclenché par la docteure en génétique et biologie moléculaire, cofondatrice d’Habitat Santé Environnement (HSEN) Bordeaux, Isabelle Farbos.

Collaborée le 17 avril lors d’une conférence structurée par l’Association des directeurs de l’entourage de travail (Arseg) sur le salon Workspace Expo, cette chercheuse s’est inclinée sur les substances nocives côtoyées chaque jour par les salariés sur leurs lieux de travail. Et ses conclusions sont sans appel : produits ménagers, moquettes, imprimantes… « Faute de réglementation, des molécules dangereuses sont utilisées dans plein de produits », menace Isabelle Farbos.

Et la chercheuse d’égrener une grande liste: du formaldéhyde, utilisé dans les produits d’entretien et classé cancérigène avéré par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), aux phtalates dans les sols en PVC – perturbateurs endocriniens notoires – en passant par les particules fines émises par les ordinateurs et les photocopieurs et qui participent à irriter les voies respiratoires…

Le diable se cache jusque dans le petit café du matin, pris dans des gobelets en plastique, ou dans la fontaine à eau, purifiée à l’acide sulfurique. Certaines de ces substances sont d’ailleurs publiquement reconnues comme pouvant être à l’origine de maladies professionnelles.

Action sur les gènes

C’est l’entassement et « l’effet cocktail » – le contact avec plusieurs de ces substances – qui rend imprudente l’exposition à ces polluants. « Le salarié va respirer ces molécules pendant dix ans », souligne la chercheuse. Leurs effets délétères sur la santé étaient assez peu connus jusqu’à une période récente, ce qui développe la relative inaction des pouvoirs publics – surtout l’action de ces principes sur les gènes.

« Durant longtemps, on a seulement étudié ces substances sous l’angle de la toxicologie et pas de la génétique », déclare la chercheuse. Cela fait moins d’une dizaine d’années que les chercheurs ont débuté à s’intéresser à l’action des molécules présentes dans l’environnement sur nos gènes. « En vérité, il n’y a que très peu de fatalité ADN, affirme Isabelle Farbos. Si un patient commence à avoir du diabète, par exemple, c’est que son gène insuline est passé en mode “off” du fait de son environnement ». Même chose pour les tumeurs cancéreuses.

 

Une diminution du chômage en France dans les 3 premiers mois de 2019

 Après une diminution de 1,1 % au dernier trimestre 2018, le nombre de solliciteurs d’emploi a une autre fois reculé au premier trimestre en France. On évalue 0,7 % de chômeurs de catégorie A en moins. Mais toutes les catégories ne sont pas intéressées par cette réduction.

Léger mieux sur le front de l’emploi. Le chômage a diminué de 0,7 % pour la catégorie A, en France métropolitaine au premier trimestre, d’après les chiffres de Pôle emploi annoncé ce vendredi midi. C’est 24 200 chercheurs d’emploi en moins. On compte aussitôt 3 391 900 personnes sans emploi dans cette catégorie. Par contre, si on y ajoute les B et C (de personnes exerçant une activité réduite courte), la courbe du chômage demeure stable et affiche un léger recul sur un an : – 0,4 %.

Du mieux chez les seniors

Dans le détail, ce sont les moins de 25 ans qui ont aperçu le plus de pénuries à décrocher un travail au cours du premier trimestre. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A est stable pour cette catégorie d’âge, alors qu’il recule pour ceux âgés de 25 à 49 ans (-1 %). Il y a du mieux chez les seniors avec une diminution de 0,4 % au premier trimestre contre -0,1 % sur un an.

Du côté des catégories B et C, la courbe du chômage remonte. Ainsi, au premier trimestre 2019, le nombre moyen de solliciteur d’emploi en catégorie B (activité réduite courte) augmente de 0,6 % (–0,2 % sur un an) et celui des solliciteurs d’emploi en catégorie C (activité réduite longue) de 1,2 % (+2,2 % sur un an). Au total, le nombre de demandeurs d’emploi en catégories B et C augmente de 1 %.

La robotisation devrait faire disparaître 14 % des emplois d’ici 20 ans, selon l’OCDE

La France est un peu plus exposée que la moyenne, avec 16,4 % d’emplois menacés et 32,8 % transformés par l’automatisation.

Par Marie Charrel Publié aujourd’hui à 10h00, mis à jour à 10h21

Temps de Lecture 4 min.

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Des caisses automatiques dans un hypermarché à Rennes, en 2008.
Des caisses automatiques dans un hypermarché à Rennes, en 2008. MARCEL MOCHET / AFP

A quoi ressembleront nos emplois dans quelques décennies ? Convaincus que le progrès technologique apportera le meilleur, les techno-optimistes décrivent un monde où les robots occuperont les tâches les plus ingrates tandis que les humains se consacreront à leurs loisirs. Les techno-pessimistes, eux, penchent pour un scénario où l’intelligence artificielle détruira massivement les emplois, engendrant pauvreté, conflits de classes et instabilité politique. Si le pire n’est jamais sûr, la robotisation nourrit déjà une grande anxiété au sein des classes moyennes des pays industrialisés.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les salariés français mal préparés à l’intelligence artificielle

Dans L’Avenir du travail, le nouveau rapport qu’elle publie jeudi 25 avril, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’efforce de faire le tri entre les inquiétudes légitimes et les peurs excessives sur le sujet. Elle dresse un tableau aussi nuancé que complexe. Stefano Scarpetta, économiste au sein de l’institution, rassure :

« Nous ne croyons pas au scénario catastrophe. Pour autant, les politiques choisies par les gouvernements seront déterminantes pour limiter le nombre de travailleurs exclus dans le futur. »

Et pour cause : de grandes mutations structurelles transforment en profondeur le tissu économique et, par ricochet, l’emploi. A l’œuvre depuis quelques décennies, elles s’amplifieront dans les années à venir. A commencer par le vieillissement de la population, particulièrement marqué au Japon, en Italie, en Grèce, en Espagne ou encore en Corée du Sud et en Chine. En 1980, on comptait 20 personnes de plus de 65 ans pour 100 personnes en âge de travailler (20-64 ans) dans l’OCDE. En 2015, on en recensait 28, et leur part devrait passer à 53 en 2050.

Infographie Le Monde

De nouveaux jobs

Cela posera bien sûr un défi pour le financement de la dépendance, mais pas seulement : « les sociétés vieillissantes consomment plus de services de santé et moins de biens industriels, tels que les voitures, ce qui influence la structure de l’économie », explique le rapport. Et elles sont plus enclines à adopter les robots pour remplacer la main-d’œuvre manquante.

S’ajoute à cela la mondialisation qui, depuis quarante ans, s’est traduite par l’intégration croissante des marchés et chaînes de production. Selon l’OCDE, l’essor des échanges commerciaux a créé plus d’emplois qu’il n’en a détruits. Mais les délocalisations et la désindustrialisation de certaines régions ont également fait des perdants, alimentant une angoisse croissante parmi les citoyens.

Autre vision de la feuille d’impôt

« Moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières (…), c’est moins de main-d’œuvre qualifiée, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. »
« Moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières (…), c’est moins de main-d’œuvre qualifiée, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. » Charlie Abad / Photononstop

Gérard Fonouni

Professeur agrégé d’économie et gestion

L’économiste Gérard Fonouni met en garde, contre la vision libérale et égoïste qui admet à vouloir diminuer les recettes de l’Etat pour lancer la machine économique.

Le pouvoir d’achat est transformé depuis le mouvement des « gilets jaunes » le privilège des Français devant l’emploi et l’insécurité. Les réclamations sollicitant son augmentation ont été plutôt fiscales que salariales. Le pouvoir d’achat serait devenu aussitôt l’affaire de l’Etat et non plus l’affaire des chefs d’entreprise.

Ce déplacement de but écartant les syndicats faute de réclamation salariale, a fait de l’impôt la principale caractéristique du pouvoir d’achat, alors que celui-ci dépend d’abord du niveau du salaire et du niveau des prix. Cette vision partisane et individualiste a fini définitivement par exiger, lors du grand débat national, l’idée que la feuille d’impôt est l’ennemi numéro un du pouvoir d’achat.

En effet, de peur que les réclamations salariales installent à mal les petites et moyennes entreprises et qu’elles installent à mal l’emploi, celles-ci se sont menées sur le terrain fiscal, qui, quant à lui, est beaucoup moins difficile économiquement. Cette malversation renforce ainsi les thèses économiques classiques dites « libérales » selon lesquelles le salaire, et plus particulièrement le salaire minimum, seraient nocifs pour l’emploi, et selon lesquelles l’impôt dissuaderait l’esprit d’entreprendre, diminuant ainsi la croissance.

Solidarité ou individualisme

C’est pourquoi la feuille d’impôt s’est graduellement remplacée à la feuille de paie pour innocenter plus de pouvoir d’achat. Dans ces conditions, seule une baisse d’impôt peut octroyer du pouvoir d’achat à l’ensemble des ménages.

Actuellement, la question du pouvoir d’achat est donc transformée un choix économique entre salaire et impôt et, aussi, un choix de société entre association et individualisme. Or, choisir la baisse de la feuille d’impôt plutôt que l’augmentation de la feuille de paie pour octroyer du pouvoir d’achat aux ménages est un choix très critique économiquement et socialement.

Faute de revenus fiscales importantes, l’Etat se voit contraint de amoindrir les dépenses publiques afin d’éviter d’aggraver son déficit budgétaire et d’alourdir la dette publique. L’impôt sert à financer les dépenses publiques, elles-mêmes très utiles à l’augmentation économique et au bien-être de tous.

Or, moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières, moins de médecins, moins de chercheurs, c’est moins de main-d’œuvre compétente, moins de connaissances, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. Sa réduction approuvant celle des dépenses publiques, ralentit à la fois le niveau de la demande et celui de l’offre, punissant ainsi la croissance et l’emploi.

Sarah, « travailleuse du clic » 

Classeur avec les bons de réductions pour les acahats.

FELIX LEDRU

Des dizaines de milliers de microtravailleurs se connectent fréquemment à des plates-formes offrant des tâches rétribuées à la pièce pour arrondir leurs fins de mois. Une activité particulièrement effectuée par des femmes au foyer, qui demeure méconnue.

Où va le travail ? On pourrait la saisir pour une femme d’affaires. Assise sur son canapé, des lunettes papillon attachées sur le nez et l’œil immobilisé sur l’écran de son ordinateur portable, Sarah Guyon parcourt, impassible, la liste des « missions » payées du jour.

Deux centimes d’euro pour cliquer sur un article du Figaro, 18 centimes pour installer un logiciel admettant de lire des fichiers PDF, 36 pour inscrire ses coordonnées dans une requête de devis pour le réparateur automobile Speedy… « Ça ne paraît pas énorme comme ça, mais, en me connectant tous les jours, j’arrive à encaisser 200 à 300 euros par mois », ajoute cette mère de 26 ans.

Il y a cinq ans, après la naissance de son deuxième enfant et les premières « galères financières », elle est venue grossir les rangs de l’armée visible des « travailleurs du clic », ces personnes réalisant en ligne des tâches, fréquemment très rapides, rémunérées à la pièce. Ils seraient aujourd’hui plus de 250 000 en France à se connecter occasionnellement sur des plates-formes de microtravail – un nombre qui dépasse celui des personnes œuvrant pour Uber ou Deliveroo –, et 15 000 à y être « très actifs » selon une étude éditée en février par des chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay.

Pour l’heure, le travail du clic n’est ni entouré ni reconnu comme tel. Et Sarah Guyon, qui vit à Montmeyran, dans la Drôme, est continuellement regardée par l’Insee comme « inactive ».

Course contre la montre

Sa journée, cadencée par les allers-retours matin, midi et soir jusqu’à l’école, où quatre de ses six enfants sont scolarisés, ressemble malgré cela à une course contre la montre. L’après-midi, une fois le ménage fait et ses deux derniers nourris et endormis, Sarah se met au salon et se connecte une autre fois sur ses deux plates-formes de microtravail préférées – Moolineo et Loonea. Elle commence alors les tâches : donner son adresse pour obtenir et tester la dernière lessive Ariel 3 en 1, solliciter pour participer au panel de téléspectateurs de l’institut d’études marketing Harris Interactive, cliquer sur des articles de Grazia et Challenge, s’inscrire à la newsletter de la parfumerie Marionnaud, remplir de nouvelles demandes de devis…

Ces sociétés transformées au 100 % télétravail

Quentin Hugon

Elles sont encore peu abondantes, mais le modèle de ces sociétés utilisant ce mode de progression augmente. Malgré cela, s’il offre des avantages, il interroge sur son productivité.

Où va le travail ? Ils ont privilégié l’Ardèche comme cadre de vie et lieu de travail. Depuis prochainement trois ans, Rachel Peter et Jean-Baptiste Audras, un couple de trentenaires, œuvrent depuis leur maison de Saint-Péray, petite agglomération située près de Valence (Drôme). Tous deux sont salariés chez Whodunit, une agence de création de sites Internet. « Avec Whodunit, on a fait le choix du télétravail. C’est devenu notre mode de vie », explique Jean-Baptiste Audras. « Avec deux façons de travailler opposées », déclare Rachel Peter. Elle dans une pièce créée à cet usage, sur un ordinateur fixe, avec des horaires classiques : 9 heures-18 heures. Lui, sur son portable, n’importe où dans la maison, durant la journée et, parfois, de la nuit.

C’est une société dématérialisée, nulle part et partout à la fois

Chaque matin, ils dispensent cependant le même rituel : la réunion quotidienne de l’équipe, en visioconférence. Chaque salarié de Whodunit – ils sont dix, prochainement quinze – se connecte de chez lui. Ils habitent à Nantes, Metz, Paris ou encore Lyon. Car l’agence n’a pas de bureau : c’est une entreprise en full remote ou une distributed compagny (entreprise distribuée), dans le jargon anglo-saxon. Dématérialisée, nulle part et partout à la fois.

Ces sociétés modifiées au 100 % télétravail sont peu abondantes, mais le modèle se développe, à en croire Rodolphe Dutel, créateur du site Remotive.io, spécialiste de l’emploi à distance dans le secteur de la technologie. Sa plate-forme rassemble un millier d’entreprise qui embauchent des télétravailleurs – dont deux tiers outre-Atlantique et une vingtaine uniquement en France. En 2016, elles n’étaient que deux cents. Il s’agit « aussi bien de petites start-up de dix personnes que de licornes valorisées au-delà d’un milliard de dollars, comme Automattic », ajoute M. Dutel. Pionnière en la matière, la société éditrice WordPress a fermé son siège à San Francisco en 2017, basculant ses 550 salariés en télétravail.

« Ce modèle prendra de l’ampleur »

La technologie n’est pas le seul secteur intéressé. « On trouve aussi des entreprises en full remote dans l’e-commerce ou la formation en ligne », remarque Clément Marinos, maître de conférences en économie à l’université Bretagne-Sud, faisant l’hypothèse que « ce modèle prendra de l’ampleur, car les secteurs intéressés ont tendance à créer de l’emploi ».

Quand les sociétés s’attachent à la reconversion

Au sein du groupe PSA, plus de 3 700 salariés ont ainsi bénéficié, depuis 2012, du programme Top Compétences, qui accompagne les salariés dans leurs projets de reconversion « forte ».
Au sein du groupe PSA, plus de 3 700 salariés ont ainsi bénéficié, depuis 2012, du programme Top Compétences, qui accompagne les salariés dans leurs projets de reconversion « forte ». CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

La Poste, PSA, la Société générale, explorent des passerelles entre les métiers pour mieux reclasser leurs laborieux.

Du centre correspondance de Mortagne-au-Perche (Orne) à la direction des systèmes informatiques de La Banque postale à Nantes, la vie professionnelle de Géraldine Autrique, âgée de 48 ans dont dix-huit passés à La Poste, a pris un changeant. Fini l’armature aux organisations des tournées, place à la création d’applications mobiles. Depuis octobre 2018, cette salariée de La Poste se forme en alternance pour avoir le diplôme de concepteur développeur informatique, avant d’assimiler à plein temps une nouvelle équipe informatique. Le cursus « va très vite » et se révèle « assez violent en informations », accorde la mère de famille. Mais, choisie par La Poste au terme de divers tests sélectifs et déjà mordue de création de sites Web, Géraldine a confiance.

« On a des besoins nouveaux et on a des postiers qui doivent se projeter dans des nouveaux univers métiers », déclare Valérie Louradour, directrice du développement des ressources humaines à La Poste. Cette passerelle a donc été commencé « à tous les postiers » et le groupe réfléchit à étendre la démarche de reconversion professionnelle à d’autres filières. Même si les moins qualifiés en font moins souvent la demande que les autres, les deux tiers des salariés souhaitent se former, quel que soit le niveau de qualification, déclare le Centre de recherches et d’études sur les qualifications (« La formation en entreprise face aux aspirations des salariés », Céreq).

Le sujet des reconversions internes « reprend un peu plus de place dans les stratégies RH », remarque Thomas Germain, directeur général de Sémaphores, cabinet de conseil du groupe Alpha spécialisé dans les réaménagements. Confrontées à des « bouleversements plus rapides et plus permanents », les sociétés voient leurs métiers transformer en interne. Et alors que le marché du travail se montre tendu, « la reconversion s’impose par la force aux entreprises », décalre Sophie Piot, directrice commerciale grands comptes chez LHH Altedia.

Habileté, le maître mot

Avec la rupture conventionnelle collective, qui donne plus de flexibilité aux sociétés pour diminuer leurs effectifs, le sujet risque d’être davantage abordé. « Dans 48 % des cas, les améliorations en interne sont liés à des restructurations ou à des réorganisations », ajoutait l’Association pour l’emploi des cadres dans sa dernière enquête sur les mobilités professionnelles (« Panorama des mobilités professionnelles des cadres », édition 2018, Apec, voir lien PDF).

Le changement de la formation impose les DRH à reconsidérer l’évolution des travailleurs

Le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris était, mardi 16 avril, le « grand témoin » des Rencontres RH consacrées à la formation professionnelle. Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail (Photo: Thierry Marx en novembre 2018 à Paris).
Le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris était, mardi 16 avril, le « grand témoin » des Rencontres RH consacrées à la formation professionnelle. Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail (Photo: Thierry Marx en novembre 2018 à Paris). PASCAL LE SEGRETAIN / Getty Images/AFP

Les Rencontres RH, le nouveau meeting  sur les demandes de nouveauté des ressources humaines s’est tenu le 16 avril à la Maison de l’Amérique latine. Au planning : la puissance de la réforme de la formation professionnelle, entrée en vigueur début 2019.

« Avec 48 000 postes à assurer chaque année dans les cuisines, on s’est dit qu’il nécessitait casser les codes. La carence de main-d’œuvre pousse à assimiler de nouveaux profils », déclare le chef Thierry Marx, à l’origine de la « success story » Cuisine mode d’emploi(s), qui garantit 80 % de retours à l’emploi à un public qui en était espacé, grâce à une formation aux bases du métier en douze semaines.

Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail. Comment ? « On forme en admettant que les salariés une fois formés partent ailleurs. La formation est un sachet de thé qui diffuse dans l’eau », réputée par une métaphore bien à lui le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris, qui était mardi 16 avril le « grand témoin » des Rencontres RH employées à la formation professionnelle.

Le récent rendez-vous mensuel de réflexion sur la nouveauté du management, a tenu sa deuxième édition à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, avec la présence de l’économiste Bertrand Martinot et d’une dizaine de responsables des ressources humaines venus troquer sur le potentiel de la réforme de la formation professionnelle, initier début 2019.

L’implication embaucheur du maintien de l’employabilité des salariés est inscrite dans le code du travail. « Il [l’employeur] veille au maintien de leur capacité à servir un emploi, au regard surtout de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations », mentionne l’article L-6321-1. Un véritable défi dans une période de profond changement industriel. D’autant que l’actuel système de formation continue ne collabore que très peu à la montée en compétences de la population active et que les réformes passées n’ont pas progressé la situation.

« Les salariés acteurs de la formation »

« La formation est en continuelle réforme, tous les trois ou quatre ans. Il y a eu 2002, 2004, 2009, etc. Il y aura possiblement 2022. Le cru 2018 marque une avancée sur plusieurs sujets. Mais dans les profondeurs de l’entreprise, il y a des pénuries, et c’est un euphémisme, d’appropriation de la réforme. Elle bouleverse les habitudes et le positionnement des DRH », remarque l’ex-conseiller social de Sarkozy et délégué général à la formation professionnelle de 2008 à 2012.