Les nouveaux directeurs d’Ascoval saisissent l’aciérie nordiste
Ils ont aussitôt les clés d’Ascoval. Le 1er février, le groupe Altifort est entré en possession de l’aciérie de Saint-Saulve (Nord), près de Valenciennes. Après quarante-deux années passées dans le giron de Vallourec, et un an d’administration judiciaire, l’usine tourne une nouvelle page de son histoire. Elle se voit difficile. D’ailleurs, les salariés, touchés par le chômage partiel, en conviennent. Jeudi 29 janvier, Bart Gruyaert, le coactionnaire d’Altifort, avait confié à Franceinfo qu’il faudrait attendre « un délai de douze à quinze mois » pour assurer la survie de ce site sidérurgique refait à neuf en 2014.
L’acquéreur, qui a promis d’investir 152 millions d’euros pour son développement, a fort à faire. Alors que l’usine procurait exclusivement Vallourec, et depuis deux ans Ascometal (Schmolz + Bickenbach), elle doit désormais trouver de nouveaux clients, car « ces deux donneurs d’ordre sont désormais des concurrents », confirme Cédric Orban, son directeur.
Précipitamment, trois commerciaux devraient rattraper l’aciérie afin de multiplier les démarches auprès de clients potentiels à travers l’Europe et le monde. Pour M. Gruyaert, il faudra en trouver au moins « 40 à 50 » pour affirmer le plan de charge de l’usine de 281 salariés, qui est dotée de près de 500 000 tonnes de capacité de fabrication d’acier. L’usine n’est pas dénuée d’atouts, selon son nouveau propriétaire : « Elle est la moins polluante du monde et la deuxième plus moderne d’Europe. »
Diminuer les coûts de production
Durant l’acquisition, « on a fait un budget pour 2019 avec une production de 200 000 tonnes et aujourd’hui, la majorité de ce tonnage est déjà engagée. On se situe sur le marché des aciers spéciaux, dans lequel il y a seulement 10 % d’importations hors d’Europe », déclare le cofondateur d’Altifort. « Nos aciers ronds ont des caractéristiques mécaniques supérieures aux aciers ordinaires pour des environnements hostiles comme le nucléaire, les essieux de TGV », garantis le chef d’entreprise. De manière générale, plus l’acier est spécial, plus il est susceptible d’être vendu à un prix élevé.
Alors que près de 200 devis et cotations ont été rédigés ces derniers mois, « tous souhaitent nous tester avant d’aller plus loin, explique M. Orban. Ils nous commandent typiquement une ou deux coulées de 200 tonnes. Ensuite, si cela correspond à la qualité attendue et au coût espéré, cela peut rapidement monter à plusieurs milliers de tonnes. » En plus des petites commandes, de 3 000 à 5 000 tonnes, M. Gruyaert espère attirer de gros clients pour plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an, notamment dans le secteur pétrolier, mais le marché de l’acier spécial s’est tendu fin 2018.
Pour le sidérurgiste, l’urgence est de diminuer encore ses coûts de production. L’an dernier, le prix de revient d’une tonne d’acier a déjà fondu de 400 à 270 euros, alors que celui du marché se situe autour de 220 euros… « A terme, nous visons un coût de 185 euros la tonne, souligne Cédric Orban. Afin de l’atteindre, nous avons déjà engagé une multitude de petites actions, entre la renégociation de certains contrats et l’amélioration continue de nos processus de fabrication. »
Des pièces à forte valeur ajoutée
- Gruyaert entend pareillement mieux valoriser sa forge pour varier sa production avec des pièces à forte valeur ajoutée. Enfin, dans le même esprit, Altifort s’est engagé, lors de la reprise du site, à installer un train à fil. Les études de marché doivent être lancées dans les semaines à venir et les premières machines devraient arriver à l’horizon 2020-2021.
Assez rapidement, Altifort devrait pouvoir compter sur l’argent public promis par l’Etat (25 millions d’euros), la région (12 millions) et la communauté de communes du Valenciennois (12 millions). Jeudi, lors de la séance plénière du conseil régional des Hauts-de-France, les élus ont voté son prêt de 12 millions afin de financer le fonds de roulement de l’aciérie.
« Il faut aussitôt que les marchés soient au rendez-vous, commente la sénatrice UDI du Valenciennois, Valérie Létard. Et il faut aller vite dans la mise en œuvre et l’accompagnement pour un train à fil. » Très engagée dans ce dossier, l’élue rappelle qu’« aucun projet n’est sans risque, mais ce qui aurait été grave, c’est de croire qu’il n’y avait pas d’avenir industriel dans notre région. C’est un vrai beau projet ».
Dès la semaine prochaine, Mme Létard collaborera au démarrage d’une commission d’information sur la filière sidérurgique en France. « Les vingt-sept sénateurs de cette mission seront chargés, confie-t-elle au Monde, de faire un point sur la filière pour regarder les dossiers, anticiper et sécuriser la sidérurgie française. »
Le Medef, qui avait claqué la porte lundi de la discussion sur l’assurance-chômage pour protester contre les déclarations d’Emmanuel Macron sur le « bonus-malus », va revenir à la table des discussions, a présenté jeudi 31 janvier son président Geoffroy Roux de Bézieux, dans une conversation au Parisien :
« Je vais proposer à nos instances – et je ne doute pas qu’elles acceptent – de revenir dans la négociation, même si elle est difficile. »
Les organisations patronales avaient arrêté lundi leur contribution à la négociation, fâchées par la « détermination » affichée par Emmanuel Macron, lors de sa rencontre jeudi avec des citoyens dans la Drôme, à mettre en place le « bonus-malus » sur les contrats courts réclamé par les syndicats pour lutter contre la précarité.
« Désinciter à la précarité des contrats »
Mais le premier ministre, Edouard Philippe, a assuré mercredi à l’Assemblée que c’était aux organisations patronales et syndicales de conduire la négociation, sans prononcer le mot « bonus-malus » honni par les organisations patronales :
« C’est à elles qu’il revient de définir les façons, les instruments, les moyens pour faire en sorte que notre système d’indemnisation du chômage puisse être à nouveau équilibré (…), favoriser le retour à l’emploi et, en tout état de cause, favoriser la pérennité des contrats et “désinciter” à la précarité des contrats. »
Le désaccord de lundi avait causé l’annulation d’une séance de négociations jeudi, au cours de laquelle le patronat devait présenter un texte global sur tous les points délicats, dont la lutte contre les contrats courts, la gouvernance du système et les règles d’indemnisation.
Lorsqu’une nouvelle séance sera programmée une autre fois, « nous allons faire des propositions alternatives [au bonus-malus] », a répété M. Roux de Bézieux. L’objectif est de conclure la négociation le 20 février. De sa part, le secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Jean-Eudes Du Mesnil, a déclaré que son organisation considérait « positivement les déclarations du premier ministre » et allait « très rapidement consulter ses instances pour décider » d’un retour aux négociations.