Le Ramadan en entreprise

Durant un mois, des hommes et des femmes jeûneront le jour, tout en poursuivant le travail. Existe-t-il des agencements légaux ?
C’est un des cinq piliers de l’islam : le ramadan a débuté le 6 mai en France. Pendant ce mois considéré comme sacré, les fidèles ne doivent ni manger ni boire, de l’aube au coucher du soleil. On affection entre 4 et 5 millions le nombre de personnes « de culture musulmane » en France. Selon un sondage IFOP-Marianne réalisé en 2011, 71 % des fidèles en France affirmaient respecter le jeûne du ramadan.
Aucun agencement du code du travail ne vise nettement cet acte religieux, mais certaines d’entre elles peuvent s’appliquer au salarié pratiquant, déclare Pascal Caillaud, chercheur au CNRS. Le ministère du travail a publié un « Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées » pour clarifier des situations entre salariés pratiquants et employeurs. Éclaircissements.
Quiz : que savez-vous du ramadan ?
- Les horaires doivent-ils être changés durant le ramadan ?
Rien n’est obligatoire. Le salarié pratiquant le ramadan peut malgré cela négocier en amont une modification de son temps de travail (changement des pauses pour tenir compte de la rupture du jeûne, journées continues sans pause déjeuner, journées raccourcies, etc.). Son employeur peut le lui permettre si cela n’entrave pas l’organisation de l’entreprise. « Il peut demander en contrepartie au salarié de rattraper les heures non travaillées ultérieurement », déclare Pascal Caillaud.
Mais l’employeur peut aussi le lui dénier en vertu de son pouvoir de direction. « Il doit veiller à ce que son refus ne soit pas constitutif d’une discrimination », ajoute le professeur de droit.
- L’employeur peut-il exiger à son salarié qui jeûne des « tâches difficiles » ?
Le code du travail exige à l’employeur de prendre les mesures essentielles pour garantir la sécurité et défendre la santé physique et mentale de ses travailleurs.
Le fait de jeûner n’indique pas, en soi, une incapacité de travailler. Si un médecin du travail déclare que le jeûne n’admet pas d’exécuter un travail en toute sécurité, l’employeur doit retirer le salarié de son poste. Dans ce cas-là, la rétribution de l’employé n’est pas certainement maintenue.
L’employeur peut aussi décider d’une modification d’affectation sans que cela forme une sanction disciplinaire.
- L’employeur peut-il exclure des congés payés au motif que le salarié pratique le ramadan ?
Non (pas sous ce motif). Une négation sur la base d’une croyance religieuse est interdite. « Le salarié n’est pas dans la promesse de justifier pourquoi il demande la prise de congés. Toutefois, la période de prise des congés est fixée par un accord ou une convention. S’il n’y en a pas, il appartient à l’employeur de fixer cette période », ajoute Pascal Caillaud.
Mais l’embaucheur peut contester une demande de congés de son salarié pour des raisons liées aux contraintes de l’entreprise. Si plusieurs employés sollicitent à profiter, au même moment, de congés simultanés, cela peut mener un dérangement de l’entreprise. Dans ce cas précis, l’employeur peut admettre la demande de congé d’un salarié et la refuser pour un autre, même si les deux demandes sont liées à la même pratique religieuse. Il se rapporte alors à l’ordre des départs en congés payés (article L3141-6) fixé en fonction de la situation de famille ou encore de l’ancienneté du salarié.
- L’employeur peut-il forcer son salarié à collaborer aux repas d’affaires ?
Oui. Si le repas d’affaires fait partie du travail pour lequel l’employé a été recruté, comme c’est le cas chez quelques commerciaux, son supérieur peut demander sa présence. Mais il ne peut le forcer à consommer le repas.Il faut donc distinguer la présence au repas de l’achèvement des aliments ou des boissons.
Dans la pratique, les religieux musulmans permettent des exceptions de rupture du jeûne pour les fidèles en difficulté, surtout en période de canicule.
La Camif, commerçante en ligne de meubles et de linge de maison, est des premières « entreprises à mission ». Déterminé par la loi Pacte, ce statut dédie la notion d’intérêt social et ouvre la voie à une récente vision de l’entreprise. Son PDG, Emery Jacquillat, a prévenu tout le monde en faisant transformer les statuts de son entreprise dès novembre 2017.
Le capitalisme tel qu’on l’a connu vit-il ses dernières heures ?
Je ne peux pas le découvrir, mais il est vrai qu’il y a un modèle qui doit naître, et vite : un modèle d’entreprise plus participative avec une économie plus locale, plus inclusive, plus circulaire. Le chantier est énorme, il faut tout réinventer : le management, le modèle d’affaire, le cœur de l’offre… Nous n’avons plus le choix, il faut rendre nos activités acceptables sur le plan social et environnemental.
Est-ce que le passage sera doux ? Je ne le crois pas. Il y a aura des sociétés, des territoires et des régions qui seront incapables de s’assembler. Seules les entreprises les plus agiles et qui sauront utiliser le digital seront encore là dans vingt-cinq ou cinquante ans. Les actionnaires visionnaires auront vite compris que pour continuer à faire du profit il faudra miser sur des entreprises à impact positif. Le capitalisme responsable, c’est le capitalisme qui a tout compris.
Est-ce que vous restez optimiste pour la suite ?
Oui. Il y a chez de nombreux chefs d’entreprise et les collaborateurs cette soif de donner du sens. La prise de conscience collective s’est opérée dans les deux dernières années avec l’arrivée de Trump au pouvoir et la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris, la reproduction des rapports scientifiques alarmistes et plus récemment la démission de Nicolas Hulot. Les politiques ne savent plus faire ; c’est à nous de faire. L’entreprise « à mission » arrive à ce moment de notre histoire, pour arriver à encourager les entreprises à prendre des promesses qui se traduisent par des objectifs concrets et mesurables sur les enjeux sociaux et environnementaux.
Comment le digital peut-il aider les entreprises à prendre ce tournant ?
Tous les deux ans, on double le nombre de publications, de consciences abordables partageables par l’humanité. La donnée et l’intelligence sont aussitôt accessibles à toutes les entreprises. Je prends l’exemple de l’application Yuka, qui admet de scanner les produits alimentaires et d’estimer leur impact sur la santé. L’application utilise la base de données Open Food Facts. Demain l’IA sera accessible de la même manière. Tout l’enjeu est de s’obtenir de cette richesse d’informations pour la traduire en valeur économique, sociale et environnementale pour adoucir les défis.
La Camif est l’une des deux premières entreprises françaises à s’être affectées dans leurs statuts d’un « objet social étendu », « au bénéfice de l’homme et de la planète ». Comment y parvenir quand on vend des meubles et des objets de décoration ?
Demain on attirera mieux mais moins. Nous devons octroyer de la valeur aux objets qui nous terminent. En 2017, quand nous avons défini nos objectifs, nous avons acceptés qu’on n’y arrive pas en posant clairement notre cahier des charges sur la table des fabricants. Nous avons organisé un « Camifathon » pour assembler designers, consommateurs, fabricants et experts en économie circulaire.
De ces trois jours d’ateliers participatifs sont nées des collaborations, parfois entre des entreprises compétitrices, pour créer notre propre marque d’objets fabriqués à partir de déchets (canapés en tissus recyclés, matelas en matières recyclées, etc.). Pour nous, c’est une modification complete de métier. Nous passons de dispensateur à éditeur de meubles. Les chefs de produit deviennent des chefs de projets. C’est passionnant pour les équipes.
« Ce qu’on est en train de faire, je pense qu’on peut le faire dans tous les métiers »
Le digital permet aussi une meilleure information du client. Sur chaque fiche produit nous donnons le pays de fabrication, la liste des composants, des informations sur le fabricant… Nos recherches montrent que les clients veulent en savoir plus. Est-ce que les salariés sont heureux ? Est-ce que l’entreprise paye ses impôts en France ?
Cette clarté de l’information et la traçabilité des produits sont essentiels pour restituer la confiance dans les marques et permettre aux consommateurs de faire un choix éclairé. Cette révolution, on la mène à notre petite échelle. Quand on contient de fermer notre site le jour du Black Friday, cela a un impact fort dans notre écosystème. Ce qu’on est en train de faire, je pense qu’on peut le faire dans tous les métiers.