le modèle d’Uber averti par une décision de la justice française

A Paris, 11 mars 2016.
A Paris, 11 mars 2016. Charles Platiau / REUTERS

C’est un tremblement de terre pour Uber, qui devrait avoir de nombreuses polémiques pour les plates-formes numériques de services. La société américaine de mise en relation entre chauffeurs (VTC) et passagers a été condamnée, jeudi 10 janvier, à requalifier en contrat de travail le contrat commercial l’ayant lié à un chauffeur indépendant entre octobre 2016 et avril 2017. Ce dernier, Maximilien Petrovic, avait été débouté en premier instance en juin 2018 par le tribunal des prud’hommes de Paris.

Ce jugement en faveur d’un chauffeur indépendant est une première en France. « Il découle de l’arrêt de la Cour de cassation à l’encontre de Take Eat Easy de fin novembre », déclare Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit du travail l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. « Pour la cour d’appel de Paris, c’est un véritablement basculement, car jusqu’à présent, elle s’était toujours refusée à requalifier ces chauffeurs a priori indépendants. Cela concerne toutes les plates-formes, mais aussi G7, qui emploie des taxis locataires ou artisans. »

Le 3 décembre dernier, la Cour de cassation requalifiait en contrat de travail un contrat entre un livreur et la plate-forme, aujourd’hui fermée, Take Eat Easy. À cette occasion, elle définissait que « le lien de subordination entre la plate-forme et le livreur est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné », au moyen d’un système de géolocalisation et d’un régime de sanctions.

Depuis sa création, Uber défend son rôle de simple intermédiaire

Dans leur déclaration, les trois juges de la cour d’appel de Paris mentionne que « la qualification de contrat de travail étant d’ordre public (…), il ne peut y être dérogé par convention. Ainsi, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité. » En somme, quel que soit le contrat signé, ce qui compte, c’est « le faisceau d’indices » qui caractérise « le lien de subordination » liant le chauffeur à la plate-forme, et donc l’existence d’un contrat de travail de fait.

Depuis sa création, Uber défend son rôle de simple intermédiaire. Dans son argumentation, la société assure que « les chauffeurs sont libres de se connecter à l’application Uber en temps réel et unilatéralement s’ils veulent, où ils veulent, quand ils veulent et pour la durée qu’ils veulent. » De même, assure-t-on dans l’entourage de la société, « aucun contrôle d’horaire n’est effectué par Uber envers les chauffeurs. Cette liberté totale dans l’organisation du travail fait obstacle à toute reconnaissance de contrat de travail. » Et aussi, « il n’y a aucune condition d’exclusivité. Les

Les talents des réfugiés et le travail

On peut se plaindre d’assister à l’arrivée de réfugiés sans ressources, après avoir laissé leurs biens dans leur fuite d’un pays en guerre. On peut aussi faire le vœu que ces tragédies se raréfient. En cette période de nouvelle année, c’est le moment ! Mais on peut aussi agir. En entreprise, particulièrement. N’entend-on pas dire qu’en cette période de plein-emploi pour les cadres en France il devient particulièrement difficile de recruter des personnes qualifiées dans un nombre de plus en plus grand de métiers « en tension » ? Or les réfugiés ont des talents. C’est très dur de l’imaginer, tant l’habitude est grande d’associer niveau intellectuel, compétences et apparence ; quand on a réchappé d’un périple extrêmement dangereux, on est rarement tiré à quatre épingles.

« Les réfugiés ont des talents invisibles, une richesse culturelle et une vision du monde différente, qui sont de vrais atouts pour l’entreprise »

Centreprises pionnières ont saisi tout l’intérêt de ce vivier de main-d’œuvre insoupçonné. D’ici à l’été, le service informatique du Réseau de transport d’électricité (RTE) devrait ainsi avoir reçu une dizaine de réfugiés. Deux dirigeants du groupe sont à l’origine du projet : Nathalie Devulder, directrice du développement durable, et Olivier Grabette, membre du directoire. « Les réfugiés ont des talents invisibles, une richesse culturelle et une vision du monde différente, qui sont de vrais atouts pour l’entreprise. Or nous avions des problèmes pour trouver des compétences dans le domaine du numérique. La convergence entre ces deux éléments s’est imposée », explique Nathalie Devulder. « Une entreprise doit être connectée aux enjeux de la société », ajoute Olivier Grabette.

Sur les conseils de Singa, association d’aide aux réfugiés, RTE se fait aider par Tilt & Co, un cabinet de conseil en innovation sociale. Tous, ils ont mené quatre ateliers avec des salariés volontaires de RTE pour définir les profils souhaités. « On les a trouvés très facilement malgré des agendas super-contraints », indique Nathalie Devulder. « Le projet répondait à une envie d’engagement de collaborateurs désireux de donner plus de sens et de valeur humaine à leur vie professionnelle », analyse Olivier Grabette.

« La crainte d’une concurrence déloyale »

Dans un tout autre domaine, L’Oréal a embauché 20 % des 19 réfugiés qu’il a accueillis en stage depuis la mi-2017. L’association Wintegreat avait sélectionné les stagiaires parmi 800 diplômés du supérieur, avant de les accompagner et de les former dans l’une des dix grandes écoles (ESCP Europe, Essec, Mines de Paris…) avec lesquelles elle est en collaboration. « Nous les avons évalués comme tous les autres stagiaires. La diversité de leur parcours, leur vision différente de la beauté apportent beaucoup de richesse en interne », explique Tony Cocoual, directeur du recrutement des divisions sélectives de L’Oréal.

 

La présence au travail ou les stakhanovistes de la balance

Dans les bureaux, entre 17h et 21h: Photo extraite da la série « alvéoles »
Dans les bureaux, entre 17h et 21h: Photo extraite da la série « alvéoles » JEAN-PIERRE ATTAL / COURTESY GALERIE OLIVIER WALTMAN

Dernièrement interviewé au micro de France Inter sur ses gestes « pour la planète », François Hollande a raconté que, durant son quinquennat, le soir, il éteignait lui-même les bureaux de ses collaborateurs pour éviter le gaspillage électrique. ­« Certains voulaient peut-être montrer qu’ils travaillaient la nuit et laissaient la lumière », a précisé, avec humour, l’économe corrézien. Cette anecdote élyséenne illustre jusqu’à l’absurde la ­culture du présentéisme qui règne en maître au pays des 35 heures.

Alors qu’on imagine simplement la France comme un repaire de tire-au-flanc vindicatifs, c’est au contraire le pays qui a le plus fort taux de présentéisme en Europe. D’après une étude Loudhouse pour Fellowes, 62 % des salariés vont au travail même lorsqu’ils sont malades. « C’est en partie pour lutter contre cette caricature du Français absentéiste que les gens veulent se montrer présents au ­bureau », explique le sociologue Denis Monneuse, auteur de l’ouvrage Le Surprésentéisme. Travailler malgré la maladie (De Boeck, 2015).

Fakirs d’open space

En 2018, 23 % des salariés ont lâché à prendre l’arrêt de travail prescrit par leur médecin, alors qu’ils n’étaient que 19 % en 2016 (étude Malakoff Médéric, 2018). « Dans l’enseignement, quand tu restes chez toi, c’est souvent tes collègues qui doivent reprendre ta classe. Comme je ne souhaitais pas les surcharger, il m’est arrivé d’aller travailler avec plus de 39 °C de fièvre et la tête qui martèle, mentionne ­Renée Cluzeau, institutrice. Même lorsque j’ai été opérée d’un sein, j’ai fait une convalescence minimum. Par contre, la minorité qui s’arrête pour un oui ou pour un non est souvent mal vue par les confrères. »

Au-delà de cette dimension solidaire, comment expliquer, au pays d’Alexandre le Bienheureux, cette incroyable pulsion qui pousse les grippés à bouder leur couette ?

« En période de crise, la peur du chômage avive le désir de se faire bien voir en se montrant présent, explique Denis Monneuse. C’est un phénomène qui touche tout le monde, du ­patron qui veut se croire irremplaçable au travailleur en intérim, qui espère décrocher un CDI en multipliant les heures. »

Cette forme démonstrative de relation au travail repose sur un lien supposé ­entre implication professionnelle et ­occupation physique de l’espace. L’inconvénient, c’est qu’elle met dans le même panier les stakhanovistes et les fakirs de bureau, capables de rester assis durant huit heures sans se lever de leur siège.

 

 

L’e-santé française est présent au foire CES de Las Vegas

Le stand Withings, lors de l’édition 2015 du CES de Las Vegas.
Le stand Withings, lors de l’édition 2015 du CES de Las Vegas. ROBYN BECK / AFP
Au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas (Nevada), qui se déroule jusqu’au vendredi 11 janvier, l’innovation n’est, pas seulement au service du divertissement, de télévisions toujours plus grandes ou de casques audio plus performants. Les progrès de la technologie s’y révèlent également en faveur de causes plus utiles telles que l’e-santé. Dans cette catégorie, plusieurs start-up françaises ont pu y présenter des solutions intéressantes de prévention ou de suivi des pathologies.Entre les acteurs les plus connus, le fabricant de montres connectées Withings a particulièrement dévoilé le BPM Core, un brassard associant tensiomètre, électrocardiogramme et stéthoscope électronique. L’entreprise française, qui était, un temps, passé dans le giron de Nokia, a également présenté une montre permettant de réaliser des électrocardiogrammes, dont la précision est censée admettre de détecter les épisodes de troubles du rythme cardiaque.

Derrière cette société déjà bien établie de la santé connectée, des start-up tricolores sont venues tenter leur chance : Healsy avec une solution de prédiction de glycémie pour les diabétiques, WitMonki, qui développe un outil de suivi des troubles du rythme cardiaque de la taille d’une carte de crédit, Devinnova, qui propose un pack de monitoring des systèmes vitaux à partir d’un dispositif appliqué pendant une semaine sur le plexus, et bien d’autres encore…

 « La certification, le nerf de la guerre »

Les technologies employées sont parfois surprenantes, comme chez Rx-Blood, qui utilise la caméra d’un iPhone pour accomplir des analyses de sang. Mais toutes profitent de l’intelligence artificielle pour augmenter les capacités d’analyses des données de santé.

Que viennent chercher ces entreprises au CES ? On penserait volontiers qu’elles souhaitent venir à l’assaut d’un marché américain séduisant. « C’est le plus grand marché pour les maladies cardiovasculaires », convient Stéphane Delliaux, de WitMonki. « Un marché où il est plus facile de faire de gros volumes », abonde Nicolas Caleca, de Healsy, alors que le marché européen est beaucoup plus divisé – ne serait-ce que pour proposer des modes d’emploi dans chaque langue, sans parler des législations, qui varient d’un Etat à l’autre.

Comme le montionne Stéphane Delliaux, « la certification, c’est le nerf de la guerre ». Or, aujourd’hui, la plupart des solutions proposées en France n’ont pas l’agrément qui leur permettrait de se revendiquer comme outils médicaux à proprement parler, et de réclamer, à ce titre, un remboursement par la Sécurité sociale… un vrai boost pour leur activité. « Il faut réussir à démontrer un vrai bénéfice pour la société », souligne ce Marseillais, qui partage son temps entre sa start-up et son métier de médecin physiologiste, et espère réussir ce graal d’ici au troisième trimestre.

 « Convaincre les médecins »

De ce point de vue, l’exemple américain semble attirant, qui promeut, par le biais des assureurs, les mutuelles et, parfois, les entreprises, l’utilisation d’outils de l’e-santé (montres ou balances connectées, par exemple) pour prévenir les maladies. Un modèle que bon nombre de ces entreprises aimeraient voir répliqué en France, arguant que « prévenir est toujours mieux que de guérir », autant pour le patient qu’en termes de coût pour la société. La RATP serait notamment intéressée par la solution d’Healsy, qui permettrait de réduire les arrêts de travail liés aux ennuis de santé des personnes atteintes de diabète, une pathologie qui toucherait environ 10 % de la population adulte dans le monde.

Pour faire bouger les lignes, ces entreprises, qui aimeraient bien souvent s’adresser directement au client final – le patient –, savent qu’il leur faut d’abord convaincre les praticiens médicaux. « En France, certains ont peur que les dispositifs de l’e-santé fassent de l’ombre aux médecins. C’est pour cela que c’est une population [les médecins] qu’on veut absolument convaincre », témoigne Nicolas Caleca. « Nous souhaitons nous ancrer dans la pratique médicale d’aujourd’hui, pour la transformer de l’intérieur », plaide, pour sa part, M. Delliaux, en insistant sur le fait que sa solution n’a absolument pas vocation à contourner les praticiens.

Des problèmes de financements

S’inspirant de l’exemple américain, certains veulent également s’appuyer sur l’influence des associations de patients pour réussir leur percée. Le sentiment est toutefois que les autorités françaises prennent progressivement conscience des bénéfices que pourrait apporter l’e-santé. « En France, il y a aujourd’hui une vraie volonté de pousser l’innovation, notamment en réduisant le coût d’entrée pour permettre des essais, en toute sécurité », estime ainsi M. Caleca.

Mais une autre épreuve reste à lever. Plusieurs de ces start-up de l’e-santé rencontrées à Las Vegas ont d’abord fait le voyage dans le Nevada pour accélérer leurs levées de fonds. Dans le cadre réglementaire actuel, certaines peinent à se financer en France : « Les investisseurs vous disent : “revenez quand vous aurez la certification”, mais, ce jour-là, on n’aura plus besoin d’eux pour entrer sur le marché », déclare M. Delliaux.

 

Ford et Jaguar Land Rover se préparent à éliminer des milliers de postes de travail en Europe

L’usine Ford de Blanquefort (Gironde), près de Bordeaux, en février 2018.
L’usine Ford de Blanquefort (Gironde), près de Bordeaux, en février 2018. NICOLAS TUCAT / AFP
C’est un jour obscur pour le secteur automobile européen. Cinq ans après d’importantes vagues de restructurations touchant essentiellement Renault, PSA, Fiat ou General Motors, Ford et Jaguar Land Rover ont annoncé de concert, jeudi 10 janvier, leur intention de suspendre des milliers de postes.Dans le rouge en 2018 en Europe, après une année 2017 tout juste à l’équilibre, Ford a décidé de recourir aux grands moyens. Après la fermeture, confirmée pour août, de l’usine de transmission de Blanquefort (Gironde) et l’arrêt de la fabrication de certains modèles à l’usine allemande de Sarrelouis (Sarre), le groupe, qui détient 24 sites de production sur le Vieux Continent, pourrait encore diminuer son implantation industrielle.

« Nous ne pouvons pas donner plus de détails tant que nous négocions avec les différentes organisations syndicales concernées par ces restructurations, a déclaré Steven Armstrong, le patron de Ford pour l’Europe, lors d’une conférence téléphonique. Cependant, nous pouvons indiquer qu’un nombre significatif d’emplois sera supprimé. » La firme à l’ovale bleu emploie 53 000 personnes.

Le fabricant de Dearborn (Michigan) n’entend cependant pas se retirer du marché européen. « Nous sommes la première marque sur le marché des véhi­cules utilitaires, commente M. Armstrong, et nous pouvons encore faire mieux dans ce domaine. De même, si nous allons revoir à la baisse notre offre de modèles de véhicule, nous entendons vendre davantage de véhicules haut de gamme. » Par ailleurs, l’américain va également lancer officiellement, mardi 15 janvier, une alliance avec le groupe Volkswagen qui pourrait l’aider à baisser ses coûts en Europe.

Ces décisions doivent permettre au constructeur de retrouver une marge de 6 % sur la zone, au lieu du 1 % difficilement atteint ces dernières années. Il y a cinq ans, tant Renault que PSA, au bord du gouffre, peinaient à atteindre la rentabilité. Au premier semestre 2018, les deux sociétés ont affiché des marges de plus de 6 %, après avoir procédé à de profondes restructurations.

« Décisions énergiques »

Si Ford paie ses problèmes en Europe, avec le ralentissement des immatriculations, notamment sur ses marchés principaux – le Royaume-Uni et l’Allemagne –, Jaguar Land Rover (JLR), de son côté, se restructure en partie pour faire face à ses difficultés en Chine.

Le premier fabricant automobile britannique a annoncé jeudi la suppression de 4 500 postes (soit un peu plus de 10 % de ses effectifs), essentiellement au Royaume-Uni, dans le cadre d’un plan d’économie de 2,5 milliards de livres (2,8 milliards d’euros). La filiale de Tata Motors souhaite faire partir particulièrement des cadres. Elle a perdu 354 millions de livres entre avril et septembre 2018, et a déjà supprimé un millier de postes en Grande-Bretagne.

Gilbert Cette : « Il est probable d’assister et faire une suivie les mobilités des travailleurs »

Une mobilité ratée des actifs, à la fois géographique et professionnelle, peut augmenter le chômage structurel. En France, les obstacles à la mobilité sont nombreux et les réponses inévitablement complexes. Ce thème faisait l’objet du  Séminaire Emploi co-organisé par les ministères de l’économie et du travail, qui s’est déroulé le 30 novembre 2018 et lors duquel sont intervenus le juriste Christophe Radé, l’économiste Francis Kramarz et la syndicaliste Véronique Descacq, ancienne secrétaire générale adjointe de la CFDT.

Les analyses de la direction de la recherche et des statistiques du ministère du travail (Dares) montrent que des zones d’emplois à forts ou faibles taux de chômage relatifs se côtoient sur le territoire, ce qui atteste d’une faible mobilité géographique. Cette faible mobilité est structurelle : plusieurs sont les départements, parmi les quinze à plus fort ou à plus faible taux de chômage relatif en 2017, qui connaissaient déjà la même situation en 1982. Une étude des économistes allemands Ronald Bachmann, Peggy Bechara et Christina Vonnahme (« Occupational mobility in Europe », Ruhr Economic Papers n° 732, universités de Dortmund, Bochum et Duisbourg) montre également que, parmi les pays de l’Union européenne, seuls trois pâtissent d’une mobilité professionnelle significativement inférieure à celle observée en France, et quatre – l’Allemagnela Suède, l’Irlande et le Royaume-Uni – bénéficient d’une mobilité professionnelle plus forte.

Problèmes juridiques et culturels

Les résultats de la vaste enquête « Parlons travail » réalisée fin 2016 par la CFDT auprès de salariés indiquent qu’une majorité d’entre eux n’auraient pas peur de la mobilité, leur principale crainte étant le chômage. Mais les obstacles à la mobilité sont nombreux. Dans le domaine économique, évoquons en vrac : un système de relations sociales qui attache des droits au travailleur en emploi dans une entreprise donnée plutôt qu’à la personne – c’est ainsi qu’un salarié qui bouge peut perdre ses indemnités de fin de carrière ; l’insuffisance de la formation professionnelle – que la réforme en cours vise à affaiblir ; les politiques du logement, qui entravent la mobilité car elles incitent à devenir propriétaire ou font craindre de perdre un logement social difficilement obtenu – le plan du bailleur social Action Logement annoncé le 9 janvier vise précisément à réduire ces obstacles. Mais aussi la fiscalité élevée sur les droits de changement et sur les revenus locatifs et, enfin, le permis de conduire, cher et long à obtenir…

Le lien assemblant un chauffeur et Uber est officiellement « contrat de travail »

La cour d’appel estime que le contrat « ayant lié » un ancien chauffeur à « la société de droit néerlandais Uber BV est un contrat de travail ».
La cour d’appel estime que le contrat « ayant lié » un ancien chauffeur à « la société de droit néerlandais Uber BV est un contrat de travail ». THOMAS OLIVA / AFP
Le lien qui assemblait un ancien chauffeur indépendant à la plateforme de réservation en ligne Uber est bien un « contrat de travail », a estimé la cour d’appel de Paris dans un arrêt rendu jeudi 10 janvier, une « première » concernant le géant américain en France.Dans cette conclusion, consultée par l’AFP, la cour d’appel estime que le contrat « ayant lié » un ancien chauffeur à « la société de droit néerlandais Uber BV est un contrat de travail ». Elle détaille « un faisceau suffisant d’indices » qui caractérise selon elle « le lien de subordination » liant le chauffeur à la plate-forme et renvoie donc le dossier aux prud’hommes, qui s’étaient déclarés incompétents en juin dernier au profit du tribunal de commerce de Paris.Ce chauffeur avait saisi la justice en juin 2017, deux mois après qu’Uber avait « désactivé son compte », le « privant de la possibilité de recevoir de nouvelles demandes de réservation », rappelle la cour. A l’époque, il lui avait été expliqué que la décision avait été « prise après une étude approfondie de son cas ».

Il s’agit de la « première fois » que la cour d’appel de Paris juge que la relation de travail entre un chauffeur VTC et Uber est un contrat de travail, a souligné Me Fabien Masson, du cabinet BNR, défenseur du plaignant.

En décembre 2017, la cour d’appel de Paris avait déjà requalifié le partenariat entre un chauffeur VTC indépendant et la plateforme LeCab en salariat, relevant que l’application « avait le pouvoir de donner des ordres et des directives (au chauffeur), d’en contrôler la bonne exécution ».

Dans la décision rendue jeudi, la cour explique particulièrement qu’« une condition essentielle de l’entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer (…), la maîtrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs ». Elle rappelle que le conducteur s’est engagé auprès d’Uber en signant un « “formulaire d’enregistrement de partenariat” », mais aussi en obtenant « sa carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur » et en s’inscrivant « au registre Sirene, en tant qu’indépendant ». Or, le plaignant n’a pu se « constituer aucune clientèle propre », possibilité interdite par Uber, et ne fixait « pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport », relève la cour.

D’ailleurs, argumente-t-elle, Uber exerçait bien un « contrôle » sur lui puisque « au bout de trois refus de sollicitations, (le chauffeur reçoit) le message : “Êtes-vous encore là ?” ».

Constamment à disposition

Si un chauffeur veut de se déconnecter, la plate-forme « se réserve le droit de désactiver ou autrement restreindre l’accès ou l’utilisation » de l’application. Cette pratique a « pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non », détaille la cour.

A ce titre, elle rappelle que le fait de choisir les horaires et jours de connexion « n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors qu’il est démontré que lorsqu’un chauffeur se connecte (…) il intègre un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle la réalisation et exerce un pouvoir de sanction à son endroit ».

La Cour de cassation a établi fin novembre pour la première fois un lien de dépendance entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l’un de ses coursiers à vélo.

 

Unédic : une convergence difficile sur les contrats courts

Le 23 novembre 2017 à Nantes.
Le 23 novembre 2017 à Nantes. LOIC VENANCE / AFP
Près de cinq heures de discussions pour arriver à la promesse de se revoir. Voilà le résultat de la sixième réunion plénière que le patronat et les syndicats ont tenue, mercredi 9 janvier, pour bâtir de nouvelles règles en matière d’assurance-chômage. C’est maigre mais les protagonistes ont réussi à maintenir – au moins provisoirement – le dialogue sur une thématique qui déclenche systématiquement des guerres de tranchées : la régulation des contrats courts.Le sujet réside à l’ordre du jour, car Matignon l’avait exigé, dans un « document de cadrage » remis fin septembre 2018 aux organisations d’employeurs et de salariés. L’un des objectifs à atteindre consiste à « responsabiliser » les entreprises où le turn-over de la main-d’œuvre se révèle anormalement élevé. De quelle façon ? La feuille de route prononcée par le premier ministre est très ouverte et laisse aux partenaires sociaux le soin de trouver les solutions à la hauteur de l’enjeu. S’ils échouent, le gouvernement a, plusieurs fois, indiqué qu’il appliquerait une mesure, promise par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle : le bonus-malus. Un tel dispositif aurait pour effet de moduler les cotisations des entreprises (autour d’un taux pivot par secteur) en fonction du nombre de fins de contrat débouchant sur une inscription à Pôle emploi.

Or, le patronat y est totalement alarment comme l’a redit Hubert Mongon (Medef) à l’issue des pourparlers de mercredi : « Le bonus-malus n’est pas la réponse adaptée à la problématique. » Les mouvements d’employeurs ont donc invité leurs interlocuteurs syndicaux à engager une réflexion « complémentaire » afin d’élaborer des « propositions alternatives ». Une sorte de négociation bis, conduite en parallèle de la première, qui va donner lieu à de nouveaux échanges sur la lutte contre la précarité, lors d’une réunion programmée le 22 janvier.

« Du pipeau »

Sur les pistes programmés, M. Mongon s’est montré peu disert, évoquant les groupements d’employeurs, un mécanisme où des salariés sont mis à disposition et partagent leur temps de travail entre plusieurs sociétés. Le représentant du Medef a, par ailleurs, expliqué que six branches professionnelles avaient conclu, en 2018, des accords susceptibles de « servir de source d’inspiration ». Ces derniers concourent, selon M. Mongon, à allonger les périodes d’emploi tout en octroyant de nouveaux droits aux travailleurs (en matière de formation, notamment). Exemple : dans la métallurgie, le compromis ficelé prévoit – entre autres – de réduire les périodes de carence entre deux CDD ou deux missions d’intérim, c’est-à-dire la durée pendant laquelle une entreprise ne peut pas embaucher sur le même poste, sous l’un de ces statuts. Est également créé un contrat de chantier ou d’opération, qui lie l’employeur et le salarié pendant au moins six mois, pour la réalisation d’un projet bien précis. Ce dispositif a également été instauré par l’accord relatif au monde de la distribution.

La position des organisations d’employeurs n’a, sans étonnement, guère été appréciée du côté des syndicats. Leurs chefs de file ont d’abord fait valoir que le bilan des tractations nouées dans les branches laissait franchement à désirer : « Pas nul mais très maigre », a jugé Marylise Léon (CFDT). D’une « pauvreté insigne », a enchaîné Jean-François Foucard (CFE-CGC). « C’est du pipeau », a martelé Denis Gravouil (CGT), considérant que les accords signés tiennent de « l’enfumage » et ne contribuent nullement à résorber la précarité.

En outre, les secteurs, notamment concernés par la prolifération des contrats courts et le phénomène de réemploie d’une personne dans une même société n’ont pris aucune disposition à ce stade : Mme Léon a cité le domaine du médico-social mais l’hôtellerie-restauration fait également partie des retardataires, tout comme « les autres activités spécialisées, scientifiques et techniques » (les instituts de sondage, notamment).

Quant aux axes de réflexion suggérés par le patronat (sécuriser « l’accès à l’emploi durable » et « les parcours professionnels »), Eric Courpotin (CFTC) les a trouvés « pas consistants », pour le moment. « Je cherche l’inventivité », a ironisé Michel Beaugas (FO). C’est « très gazeux », a complété Mme Léon. Tout comme d’autres de ses homologues, elle a réaffirmé que la centrale cédétiste était pour le bonus-malus, sa préférence allant pour un système dans lequel le taux de cotisations diminue à mesure que les contrats s’allongent.

Toutes les options pourront être confrontées le 22 janvier, a déclaré M. Mongon. Mais l’issue de ce « débat contradictoire » semble cousue de fil blanc : le patronat entend, en effet, démontrer la nocivité du bonus-malus, durant cette prochaine séance de négociation, et « ouvrir la voie » à d’autres solutions. On ne voit pas bien, dans ce contexte, comment les points de vue pourraient converger. Comme l’a observé M. Gravouil, mercredi, « il y a un moment où on va se rapprocher du mur ». Avec la  menace d’un échec des discussions.

 

La formule de calcul pour évaluer les inégalités femmes-hommes enfin diffusée

Quelle entreprise ? Quels salariés ? Qu’est-ce qu’un poste comparable ? Le décret diffusé mercredi définit les champs d’application du dispositif visant à éliminer les écarts de paye entre les femmes et les hommes.

« Le décret qui confirme ces annonces a été publié mercredi 9 janvier. Il fait une distinction entre les entreprises de plus de 250 salariés et celles entre 50 et 250. »
« Le décret qui confirme ces annonces a été publié mercredi 9 janvier. Il fait une distinction entre les entreprises de plus de 250 salariés et celles entre 50 et 250. » Ingram / GraphicObsession

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel exige aux entreprises d’au moins 50 salariés de prendre « en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ». Il s’agit d’une obligation essentielle de résultat fixé par la loi : le but doit être atteint à l’issue d’un délai de trois ans.

Dans cette vision, la loi du 5 septembre prévoit que « l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, selon des modalités et une méthodologie définies par décret ». On se souvient que ces « modalités et méthodologie » avaient été publiées en partie par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, en novembre 2018.

Accords de correction sous trois ans

Elle avait expliqué que l’accord annuelle de suppression des inégalités se ferait sur la base d’indicateurs auxquels correspond un nombre de points : écart de paye entre les femmes et les hommes par âge et poste comparable (40 points), écart d’augmentation (20 points), écart dans les promotions (15 points), augmentations au retour de congé maternité (15 points), présence des femmes dans les dix plus gros salaires de l’entreprise (10 points) ; les indicateurs liés aux promotions et aux augmentations étant réunis pour les entreprises de 50 à 250 salariés. Finalement, chaque année, 75 points sont requis sur un total de 100 ; à défaut, des mesures de correction doivent être mises en œuvre pour remplir l’objectif dans le délai de trois ans, sous peine d’être sanctionné par une pénalité financière.

Le décret qui témoigne ces annonces a été publié mercredi 9 janvier et détaille les modalités de calcul et d’évaluation des indicateurs. Il fait une différenciation entre les entreprises de plus de 250 salariés (annexe 1) et celles entre 50 et 250 (annexe 2), mais les procédés sont à peu près similaires.

 

Brexit : 9 000 postes de travail de la City conquis par l’Europe

A Londres, le 10 décembre 2018.

A Londres, le 10 décembre 2018. DANIEL SORABJI / AFP

La lente fuite de la City, au goutte-à-goutte, ne cesse d’augmenter. TransferWise, l’un des plus influents groupes de « fintech » (« technologie financière »), a proclamé, jeudi 10 janvier, qu’il ouvrait un bureau à Bruxelles pour faire face au Brexit. La société britannique de transfert international d’argent sollicite une licence de monnaie électronique auprès du régulateur belge et va déplacer « un petit nombre d’employés » dans la capitale européenne. « Bruxelles est au cœur de toutes les affaires européennes. Ouvrir un bureau dans cette capitale nous semble tout à fait logique », explique Kristo Käärmann, PDG et cofondateur de TransferWise.

Indépendamment de la taille de l’entreprise – 1 400 employés à travers le monde et déjà dix bureaux internationaux –, la décision est presque marginale. Mais l’accumulation de déménagements similaires commence à peser. Selon le décompte tenu, chaque trimestre, par le cabinet de consultants EY – qui interroge d’une façon anonyme 222 entreprises de la City –, 7 000 emplois ont été ou vont être déplacés « à court terme » du centre financier londonien vers l’Union européenne (UE). Il faut y ajouter 2 000 personnes que ces sociétés ont recrutées localement, dans différents pays de l’UE. Soit 9 000 emplois gagnés au total par les Vingt-Sept.

Les salariés ne sont qu’une partie du phénomène. Les banques, les assureurs et les gérants d’actifs ont aussi dû transférer une partie de leur bilan au sein de l’UE. Les régulateurs l’exigent : pas question pour eux d’accorder une licence si les fonds propres ne sont pas déménagés, au moins en partie. Selon EY, au moins 800 milliards de livres (885 milliards d’euros) ont été déplacés dans un des vingt-sept pays.

Une lente décomposition

Il a fallu aussi changer des contrats. Certaines polices d’assurance britanniques ont, par exemple, été enregistrées dans les filiales européennes nouvellement créées. De même, des fonds d’investissement ont été transférés sous le contrôle d’un régulateur européen.

A l’échelle de la City, ces préparatifs restent limités. Ils représentent 2 % des effectifs et moins de 10 % des actifs des banques. Le centre financier londonien reste, de très loin, le principal d’Europe et il le restera pour de nombreuses années. « Mais ces plans ne sont que ceux du premier jour, prévient Omar Ali, chargé des services financiers à EY. En cas de non-accord, ils ne représenteront que la partie émergée de l’iceberg. Sur le long terme, les préparatifs seront plus