Jeunes, pas assez qualifiés, sans-emploi, indépendants sont les plus risqué de travailler au noir
Un témoignage du Conseil d’orientation pour l’emploi diffusé vendredi 22 février constate un profond ancrage du phénomène.
Combien y-a-t-il de bosseur au noir en France et qui sont-ils ? Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) lève le voile sur cette population mal connue. Dans un exposé sur « Le travail non déclaré », édité vendredi 22 février, par France Stratégie, le COE estime à 2,5 millions le nombre de laborieux illégaux, dissimulés ou partiellement dissimulés, « quels que soient le nombre d’heures travaillées ou la fréquence ». Soit autant d’individus privées de droits attachés au statut de salarié ou d’indépendant (Sécurité sociale, retraite, congés, formation, etc.) et autant d’entreprises en position de rivalité déloyale. Le travail au noir représente entre 2 % et 3 % de la masse salariale exercée par les entreprises. Le manque à gagner « pourrait être de 30 milliards d’euros, sans qu’on n’ait moyen de savoir si c’est sur ou sous-estimé, du fait du manque de contrôle de l’emploi chez les particuliers », expose Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie et président du COE.
Créé sur les statistiques nationales, les données fiscales, les contrôles de la Direction générale du travail et une nouvelle étude qualitative, le rapport du COE a pour objectif de progresser la connaissance du travail non déclaré (intentionnellement ou pas), afin de admettre au gouvernement d’être plus opérant pour diminuer son impact sur le marché du travail.
Diversité des profils et des pratiques
Si les attribuées quantitatives étaient déjà connues, le rapport dévoile la diversité des profils et des pratiques. Ce sont les plus jeunes qui sont les plus affichés au travail en noir, et parfois les plus âgés. Les plus jeunes, car la jeunesse est « une période de transition », en « recherche d’une piste professionnelle », avec « une volonté d’émancipation et [des] aspirations de court terme ». Quant aux plus âgés, ils sont en quête d’un complément de revenus. Dans la construction, par exemple, seuls les salariés âgés de plus de 60 ans ont un taux de dissimulation significativement plus élevé, montre le rapport. Et dans les transports (contrôles réalisés en 2015-2016), le fait d’avoir entre 45 et 50 ans a tendance à augmenter la probabilité d’adopter du travail dissimulé. Les hommes sont légèrement plus représentés que les femmes, avec des variations importantes selon les activités. Les chômeurs, les indépendants et les laborieux en contrat temporaire sont plus affichés que d’autres actifs à ce type de pratique.
Dans une déclaration, le groupe a réaffirmé, jeudi, avoir « demandé en début de semaine par écrit la détermination [l’annulation] du plan de cession d’Ascoval, et ce afin de protéger les salariés d’Ascoval et du groupe. En effet, à ce jour, les paiements externes n’ont pas pu être mis en place tels que prévus lors de la validation du plan de cession par le tribunal de grande instance [TGI] de Strasbourg en date du 19 décembre 2018. »
A Saint-Saulve, c’est le coup de massue. Les salariés sont « abattus, écœurés, déçus et en colère », déclare Nathalie Delabre, membre de l’intersyndicale. La déléguée syndicale CFE-CGC d’Ascoval a appris, dès lundi, que l’acheteur n’avait pas les fonds essentiels à la reprise.
Une paierie divisée par deux
Altifort « a mené tout le monde en bateau ! », révèle-t-on au cabinet de Bruno Le Maire. Alors qu’il avait assuré en décembre 2018 pouvoir arriver les fonds, il ne peut actuellement ni investir les 10 millions d’euros de fonds propres promis, ni lever les 25 millions d’euros auprès du fonds espagnol MGI.
« Sauf miracle, le plan de relance sera annulé »
Une nouvelle assistance de la chambre commerciale du TGI de Strasbourg doit va être lieu, le 27 février, avec Altifort et l’ensemble des parties prenantes, afin d’acter cette situation. Le 26 février, Bercy réunira les salariés d’Ascoval pour une réunion à Paris. « Sauf miracle, le plan de reprise sera annulé », certifie Guilhem Brémond, l’avocat d’Ascoval.
Comment en est-on arriver à cette situation, alors que Bart Gruyaert, le cofondateur d’Ascoval, garantissait encore, courant janvier, que son groupe, composé d’une douzaine de PME, avait les reins assez solides pour reprendre l’aciérie ?
Selon nos événements, le groupe a non seulement été lâché par son investisseur espagnol, mais il a aussi supporté en France une dégradation de sa « note » de la Banque de France. Cette évaluation qualifie le niveau de confiance que l’on peut avoir dans les capacités de paiement de l’entreprise.
Dès lors, les fournisseurs d’Altifort ont demandé d’être payés dès le passage des commandes. En clair, la trésorerie du groupe, qui était encore de plus de 30 millions d’euros en octobre, a été partagée par deux en quelques semaines. Dans ces conditions, ont révélé les fondateurs d’Altifort dans un courrier daté du 15 février à l’administrateur judiciaire, « ce serait déraisonnable d’engager plus avant Altifort dans le financement de la société Ascoval, au risque de mettre en péril l’intégralité du groupe, soit 1 398 personnes (hors Ascoval). »
Or, sans paiement privé, ni l’Etat, ni la région Hauts-de-France, ni la ville de Valenciennes ne peuvent dégager les rétributions qu’ils avaient attendues pour la relance d’Ascoval. « Les dirigeants connaissent leur note Banque de France depuis novembre 2018, bien avant qu’ils se soient déclarés repreneurs d’Ascoval en décembre. C’est ça qui est scandaleux », juge-t-on à Bercy, qui, bien qu’au courant de cette explication, avait jugé début décembre le projet d’Altifort « solide ».
« Noël est passé »
De nos jours, « la situation est d’autant plus rageante, note un observateur, que l’aciérie est en train de trouver des clients. » d’après Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, qui supporte la reprise depuis le départ, 60 000 tonnes de commandes sont d’ores et déjà stockées, et des débats sont menées avec une vingtaine de clients potentiels pour charger un site qui peut produire jusqu’à 500 000 tonnes.
« Au mieux, l’aciérie peut cheminer pendant au moins trois mois. Mais si aucun acheteur n’est en vue, à quoi bon ? »
Un autre acheteur peut-il désormais sauver les 281 salariés d’Ascoval ? « Noël est passé », soupire Nathalie Delabre, entièrement abattue. « Ce sera très difficile, confirme maître Guilhem Brémond. Les potentiels repreneurs sont déjà connus. Il faut désormais voir si l’un sera encore intéressé et pourra mobiliser des fonds. » « Tant que les salariés n’ont pas dit “game over”, il faut poursuivre à chercher les fonds, juge M. Bertrand. Ce serait trop dommage d’en arriver à ce point et de laisser tomber ! »
Dans un discours à l’AFP, jeudi, en fin de journée, Bart Gruyaert a affirmé qu’il « ne [jetait] pas l’éponge » et qu’il « se concentr[ait] à trouver une solution » financière d’ici au 27 février. « J’ai des contacts avec un partenaire sidérurgique, qui était captivé par faire son entrée au capital dans les prochains mois. J’essaie de le faire entrer plus tôt », a-t-il déclaré.
D’ici là, l’usine poursuivras production jusqu’à vendredi soir. Deux semaines d’arrêt pour sous-activité sont ensuite attendues. Après, la direction a réaffirmé disposer de la trésorerie pour payer les salaires du mois. En cas d’absence d’acheteur, une fiducie, dotée de 12 millions d’euros abondée particulièrement par l’Etat et Vallourec, est toujours libre pour couvrir un éventuel plan de préservation de l’emploi. Ce serait une piètre consolation.