Grève des antennes de Radio France

Vue aérienne de la Maison de la radio, à Paris, le 14 juillet 2018.
Vue aérienne de la Maison de la radio, à Paris, le 14 juillet 2018. GÉRARD JULIEN / AFP
Les syndicats se révoltent contre un plan prévenu par la direction, qui vise soixante millions d’euros d’économies d’ici à 2022 et envisage entre 270 et 390 annulations de postes.

De la musique dans le poste. Depuis mardi 18 juin au matin, les stations de Radio France (France Culture, Franceinfo, France Inter, une partie du réseau France Bleu) émettent leur fameuse playlist en lieu et place des programmes habituels. Une partie des personnels a répondu à un appel à la grève, très suivi, pour résister contre un plan d’économie déterminé par la présidence du groupe.

Selon le Syndicat national des journalistes (SNJ), « plus des trois quarts des salariés de Radio France [sont] en grève » mardi. Entre eux, « 90 % de journalistes » de France Inter, où « aucune émission matinale » n’a été distribuée. Le syndicat signale identiquement « une matinale très perturbée sur franceinfo et dans 37 des 44 radios locales de France Bleu » et des services administratifs « fortement mobilisés » ; il compte « 85 % de choristes en grève ».

Les raisons de la grève

L’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, SNJ, Sud et Unsa) a déclenché un appel à la grève pour affirmer contre un nouveau plan d’économie pénétrant 270 à 390 ruptures de postes.

Pourquoi sommes-nous tous en grève actuellement ? Parce que malgré nos résultats d’entourage radio et numérique le go… https://t.co/lJSqVGCwrb

— snj_rf (@SNJ Radio France)

Ce plan, averti au début de juin par la présidente du groupe, Sibyle Veil, consiste à effectuer 60 millions d’euros d’économies d’ici à 2022, suivant ainsi les ordres de la Cour des comptes. Il s’agit de prévenir la baisse de la participation de l’Etat (moins 20 millions d’euros sur quatre ans) et l’augmentation des charges de personnel. Le plan « Radio France 2022 » devine par ailleurs d’investir plus dans le digital. Il y a une dizaine de jours, Mme Veil étalait vouloir consacrer 20 millions d’euros à ce sujet, pour « construire la plate-forme française de référence de l’audio sur le numérique, qui alliera qualité de nos contenus et diversité de nos offres ».

Par suite, un réaménagement des rythmes de travail, pour prévenir le recours aux CDD, est prévu. Elle doit traiter à la suppression de 270 postes si les salariés admettent de faire une croix sur des semaines de congés, ou de 390 postes s’il n’y a pas d’accord avec les syndicats.

Les syndicats sollicitent « le retrait de ce plan dangereux et destructeur » ainsi qu’un « effectif et des moyens nécessaires pour remplir [leurs] missions de service public », alors que les radios publiques affichent d’excellentes audiences et que le groupe a recouvré l’équilibre financier.

Des discussions tendues

Jeudi 13 juin, un rassemblement de « méthode » a échoué, les syndicats quittant la réunion. Avant d’initier la négociation, ils sollicitent des objectifs chiffrés, des budgets précis. Ils s’appuient notamment sur le rapport d’un cabinet indépendant, Tandem, qui, choisi par le comité social de Radio France, a qualifié les économies de « surdimensionnées » : la hausse des charges de personnel sur les prochaines années a été, selon ce cabinet, surestimée de 8,7 millions d’euros, et Radio France pourrait s’épargner 118 ruptures de postes.

La direction de Radio France a réfuté ce rapport lundi soir, invoquant une « méthodologie erronée ». Selon Marie Message, directrice des opérations et des finances, le cabinet Tandem s’est élevé sur l’année 2018 pour calculer l’augmentation de la masse salariale, alors que cette année a vu peu d’embauches, du fait d’une vacance à la tête du groupe durant quelques semaines, due à la succession de l’ex-PDG Mathieu Gallet – remplacé par Sibyle Veil en avril 2018.

Mme Message a assuré que des éclaircissements et des chiffres additionnels seraient donnés par la direction au cours d’un conseil central d’entreprise, prévu mardi après-midi, en pleine grève des antennes. De leur côté, les salariés doivent se réunir en assemblée générale lundi à midi à la maison ronde.

En 2015, Radio France avait vécu une grève historique de vingt-huit jours pour se révolter contre un plan d’économie.

 

L’aéronautique trouve des difficultés à recruter

15 000 emplois sont prévus en 2019. Mais tout le monde recherche les mêmes dynamismes en même temps.

La 53e édition du Bourget est une nouvelle occasion de célébrer la bonne santé de l’emploi dans le secteur. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) a embauché pas moins de 15 000 personnes en 2018, 25 % de plus qu’en 2017, et produit 4 000 emplois net, « autant d’ouvriers que d’ingénieurs, déclare Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation au Gifas. La seule nuance est le spatial, avec les diminutions d’effectif d’ArianeGroup [2 300 postes sur cinq ans] ». Mais en 2019, le Gifas prévoit de nouveau 15 000 postes.

Le volume d’embauche est porté par les carnets de commandes bien rempli des entreprises, bien que la baisse de 2018. L’éloignement de compagnies low cost et l’arrêt de fabrication de l’Airbus 380 n’ont pas troqué la donne. Ces dégâts ont été compensés par une légère reprise des ventes militaires de Rafale et d’hélicoptères.

L’aéronautique est l’un des exceptionnels secteurs à avoir une clarté sur ses exigences en production à cinq ans. Mais en contrepartie, l’embauche se complique. « Les difficultés à trouver un candidat sont de deux ordres : la question du volume d’emplois lié à la bonne santé du secteur d’une part et, d’autre part, la rareté des profils spécialisés. Les entreprises peuvent anticiper les besoins, voire ajuster le plan de charges du client, mais face à la rareté, c’est plus compliqué », déclare Dominique Bry, coordinateur grands comptes aéronautiques du cabinet de recrutement Synergie.

« Les industriels nous requièrent des déclarants de douane. A cause du Brexit, ils préviennent un éventuel retour des droits de douane » Dominique Bry, coordinateur grands comptes aéronautiques à Synergie

La requête la plus forte de la fabrication. « Les besoins concernent d’abord les métiers de production – chaudronnier, soudeur, peintre –, puis les opérations de maintenance, de contrôle de la qualité des produits et de plus en plus de sécurité informatique. Et c’est nouveau, en finance, les industriels nous demandent des déclarants de douane. A cause du Brexit, ils anticipent un éventuel retour des droits de douane », déclare M. Bry.

Plus d’alternance

Pour faire face à la carence de candidats, lié au déficit de formation et à la pyramide des âges, les entreprises du secteur misent sur « la coopération avec le système éducatif ». La filière veut accroitre le nombre d’alternants, du CAP à bac + 5, de 8 % par an pendant cinq ans. 7 300 contrats existaient en cours en janvier 2019 (7 % de plus qu’en 2018), mais ça ne suffit pas. « Les situations les plus préoccupantes du recrutement sont pour les bac à bac + 2 », ajoute M. Dujaric.

Une grande inquiétude sur l’emploi dans la grande distribution

Robotisation et changement des modes de consommation affectant un des premiers embaucheurs en France.

Robotisation des magasins, magasins sans caisse, applications mobiles admettant à l’acheteur de scanner ses courses, rémunération par reconnaissance faciale… les nouvelles technologies ne sont pas convenables à l’emploi dans un secteur de la distribution alimentaire par ailleurs comparé à l’évolution des modes d’achèvement, les particuliers abandonnant les grands hypers.

Un argument de plus pour les syndicats du groupe Auchan qui nécessitent, mardi 18 juin, rencontré la direction pour estimer l’impact social de la cession ou la clôture de 21 sites en France. Leur réclamation : que les 800 salariés considérés par le plan de sauvegarde de l’emploi puissent être reclassés dans n’importe quelle enseigne de la galaxie Mulliez (Leroy-Merlin, Decathlon, Boulanger…).

Ces derniers mois, les annonces de réduction d’effectifs se sont augmentées dans le secteur, que ce soit chez Kingfisher (789 postes en raison de la fermeture de magasins Castorama et Brico Dépôt), New Look (400 salariés menacés), ou Carrefour, où quelque 5 000 emplois ont été effacés en deux ans. « Il ne faut pas prendre les gens pour des idiots, lançait il y a peu le grand patron d’une enseigne de concession. Quand vous voyez qu’Amazon développe des solutions sans caisse, il est évident que cela aura des suites sur l’emploi. Il faut reconsidérer notre modèle opératoire et faire modifier les salariés qui sont à ces postes. C’est essentiel, car il s’agit de personnes fréquemment peu qualifiées, souvent issues de l’immigration. Et ce n’est pas vrai que vous allez les muter vers des entrepôts, car ceux-ci seront automatisés. »

Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) fourmille : « Un certain nombre de tâches peu qualifiées auront vocation à être automatisées dans les prochaines années, que ce soit au niveau des entrepôts ou des caisses. Certains magasins à Shanghaï en Chine n’ont plus de zone de caisse et une grande partie du personnel est chargée de la préparation des commandes, qui doivent être livrées en trente minutes. »

L’enjeu est de taille. Pour les 150 000 à 160 000 appointés qui sont aux caisses, bien sûr. Et pour le secteur dans son conjointement, la grande distribution alimentaire demeurant un employeur majeur en France, voire le premier dans certains territoires. Près de 660 000 salariés y œuvraient en 2017 selon les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Il est surtout une réserve d’emplois pour les jeunes (20 % des effectifs) et les personnes peu diplômées (54 % des salariés de la grande distribution sont sans diplôme, titulaire d’un CAP ou d’un BEP).

L’Etat libère 70 millions d’euros suite à la Grève des urgences

 

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, lors du lancement de la « mission nationale de refondation » des urgences, à Paris, le 14 juin.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, lors du lancement de la « mission nationale de refondation » des urgences, à Paris, le 14 juin. MARTIN BUREAU / AFP

Une grande partie de ce montant sera dédié à une générosité de risque répandue « à tous les professionnels des services d’urgence », hors médecins. Ces instruis ont laissé les personnels concernés mitigés.Après les mots d’indulgence, le carnet de chèques. Huit jours après avoir ouvert la « détresse » des soignants œuvrant dans les services d’accueil des urgences (SAU), Agnès Buzyn a éclairé, vendredi 14 juin, à l’occasion de la proclamation officiel de la « mission nationale de refondation » des urgences, qu’elle débloquait 70 millions d’euros pour financer des « premières mesures de soutien » en faveur de ces personnels.

Objectif pour la ministre de la santé, qui précisait des dispositions déjà ébauchées le 6 juin : stopper avant l’été – une période habituellement critique dans ces services – un mouvement de grève qui s’étend de jour en jour. Plus de cent sites sont désormais concernés.

Pour reconnaître « les efforts et les risques de chacun », Agnès Buzyn a déclaré que les 30 000 personnels paramédicaux des SAU profiteraient, dès juillet, d’une « prime forfaitaire de risque » réévaluée à 118 euros brut, soit 100 euros net par mois, une gratification déjà affectée en partie ou en totalité par certains agents. Elle a aussi précisé que les professionnels qui s’engageraient dans un protocole de coopération, en réalisant de nouvelles tâches, saisiraient une « prime de coopération » de 100 euros brut.

Autre engagement chiffrée : 15 millions d’euros de crédits exceptionnels vont être octroyés aux hôpitaux les plus en « tension », afin qu’ils renforcent leurs effectifs pendant l’été.

« On est loin du compte »

Ces instruis sont accueillies récemment par la Collective inter-urgence, la structure envoyé les personnels en grève et qui doit retenir en assemblée générale d’ici à mardi de la recherche ou non du mouvement. « Il est à parier d’ores et déjà qu’aucune des revendications soulevées ne trouve satisfaction dans la communication du gouvernement », a fait valoir le collectif dans un communiqué publié vendredi après-midi. Dans ce texte, les grévistes, qui demandent une augmentation de salaire de 300 euros net, regrettent surtout les nombreuses « incertitudes » liées à la prime de coopération, qui ne profitera pas aux aides-soignants.

Christophe Prudhomme, envoyé de la CGT et porte-parole de l’Association des spécialistes urgentistes, reconnaît « un premier effort » de la part de la ministre, mais assure qu’« on est loin du compte ». Selon lui, les 15 millions d’euros d’urgence ne montrent par exemple qu’un demi-agent additionnel par SAU. « Le gouvernement court après le mouvement, mais il arrive trop tard. La grève est enkystée, et la colère gagne les médecins », assure-t-il, appréciant par ailleurs qu’il « faudra qu’il lâche beaucoup plus s’il veut que le mouvement cesse ».

A l’Assistance-publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui symbolise 10 % de l’hôpital public en France et d’où le mouvement est parti en mars, la direction, qui avait déjà offert de généraliser le taux maximum de l’« indemnité pour travaux dangereux », soit une prime mensuelle de 65 euros net, a fait de nouvelles propositions en termes d’effectifs.

Embolie des services

Jeudi, durant un rassemblement au siège, il a été présenté d’attribuer 109 emplois supplémentaires aux dix-sept SAU adultes du groupe hospitalier. Si la question des huit services d’urgences pédiatriques ne sera fréquentée que le 21 juin, la direction assure déjà qu’au moins trente-cinq emplois additionnels seront proposés. Soit au total, dès la fin de la grève, 144 postes en plus dans les vingt-cinq SAU de l’AP-HP. « On va avoir une discussion service par service pour ajuster les choses », déclare-t-on au siège, où l’on rappelle l’engagement pour les années à venir d’accroître le nombre de personnels proportionnellement à l’activité.

« On salue l’effort, mais ça reste insuffisant », déclare Hugo Huon, infirmier aux urgences de Lariboisière et membre de la Collective inter-urgence, en opposant à ces propositions la requête des grévistes de 265 embauches pour les seuls services adultes.

Après que certains équipes paramédicales (Lariboisière et Saint-Antoine, à Paris ; hôpital Saint-André, à Bordeaux) ont en partie conquis des arrêts de travail de façon simultanée ces derniers jours, le collectif propose aussitôt de « comptabiliser quotidiennement le nombre de patients hospitalisés stagnant sur des brancards et les décès indus ». Une méthode extraordinaire utilisée en 2018 par le syndicat de médecins SAMU-Urgences de France pour médiatiser l’embolie des services.

Agnès Buzyn a déclaré qu’elle assemblerait, mardi 18 juin, au ministère, « l’ensemble des professionnels et acteurs concernés », pour se préparer aux fortes tensions que nécessiteraient expérimenté au cours de l’été – cette année encore – les services d’urgences en France.

Des changements industriels au tourment

Le 3 juin à Belfort, dans l’usine General Electric, les salariés du groupe attendent le ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
Le 3 juin à Belfort, dans l’usine General Electric, les salariés du groupe attendent le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. PATRICK HERTZOG / AFP

En dix ans, uniquement 6 % des fabriques clôturés ont été reprises. En cause, surtout, un manque de prévision.

Mille emplois en attendu à General Electric (GE), dont 850 à Belfort, plus de 700 effacés chez le papetier Arjowiggins, 20 % des 1 500 postes alertés chez Bosch à Rodez, qui produit des composants pour les moteurs diesel, près de 300 emplois en hésitant à l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve et 250 sur l’ex-site de Whirlpool, dorénavant nommé WN… La litanie des annonces de fermetures partielles ou totales de sites industriels se continue, souvent du fait d’une chute brutale de leurs marchés respectifs, concluant une perte de trésorerie. Et ce bien que le léger rebond de l’industrie française depuis 2017.

Avant de se dénouer à abandonner ou enfermer un site déficitaire, les grands groupes cherchent habituellement à le varier. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, ne rappelait-il pas le 3 juin en déplacement à Belfort à la réunion des personnels de GE : « Il y a des pistes de diversification prometteuses et porteuses, notamment dans l’aéronautique. » Des voies possibles, certainement, mais ce processus est embarrassé.

« Pour réussir une reconversion et pérenniser un site, il faut avant tout anticiper », déclare Géraud de Montille, chargé de la reviviscence et de la réindustrialisation au sein du cabinet Siaci Saint-Honoré. « A l’usine d’électronique Bosch de Mondeville, nous avons commencé à réfléchir dès 2009. Et il a fallu quatre à cinq ans pour établir un plan de transformation partagée par toutes les parties prenantes. Travailler avec les organisations syndicales le plus en amont possible est une nécessité », ajoute Estelle Schneider, déléguée CFDT de l’usine, dont l’activité est repartie.

Sans garantie de succès

Devant  la chute du marché du diesel, le site Bosch de Rodez s’explore un nouvel avenir depuis deux ans. « Nous voulons nous donner le temps d’établir un plan de diversification, déclare Heiko Carrie, le directeur général du groupe en France. Une équipe de trente à quarante personnes travaille sur le sujet. Sur les trois cents postes menacés, nous en avons déjà sauvegardé une petite partie en identifiant des charges de production à leur confier, et en changeant le site dans les services à l’industrie. Nous avons d’autres pistes en discussion, mais il est trop tôt pour les évoquer. Il faut laisser le temps au temps. »

Réorientations industrielles : le changement à marche forcée de l’usine Bosch à Mondeville,

                            Heiko Carrie, directeur de Bosch France (à gauche) et Olivier Pasquesoone, directeur du site Bosch de Rodez, le 26 janvier 2018, à Onet-le-Château dans l’Aveyron.

Heiko Carrie, directeur de Bosch France (à gauche) et Olivier Pasquesoone, directeur du site Bosch de Rodez, le 26 janvier 2018, à Onet-le-Château dans l’Aveyron. JOSE A. TORRES / AFP

Syndicats et direction œuvrent collectivement pour céder un avenir au site et aux 600 emplois. Un changement « éprouvante » pour les équipes.

« A l’entrée, tout a changé », déclare Heiko Carrie, le patron de Bosch en France, en exposant le nouveau showroom qui reçoit les visiteurs dans l’usine d’électronique du géant allemand à Mondeville, près de Caen. « Autrefois, ce n’était pas nécessaire, puisque l’usine travaillait principalement pour Bosch ou pour un ou deux fondateurs de véhicules, mais désormais nous élargissons notre clientèle et nous devons pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions », déclare Frédéric Boumaza, le directeur de ce site modèle du groupe allemand.

Modèle, car cette usine rejoint de loin. Créée dans les années 1960 pour créer des téléviseurs, elle a ultérieurement fabriqué des autoradios Blaupunkt, des lève-vitres électriques, des calculateurs électroniques pour les moteurs diesel… Mais avec la décentralisation de la production automobile vers l’Europe centrale, le site fait face à un écroulement de ses commandes. A tel point que dans les années 2000, il était pratiquement condamné à fermer, la maison mère cherchant à diminuer la voilure dans les « pays à coût de main-d’œuvre élevé » comme la France.

« Cela n’a jamais été dit, mais c’est ce qui transpirait », se rappelle un syndicaliste. « Il y a dix ans, nous étions face à un mur, celui de la fin des commandes automobiles, déclare Estelle Schneider, choisie CFDT du site. Avec l’ensemble des syndicats et la direction de l’époque, nous avons déclenché un groupe de réflexion pour trouver de nouveaux débouchés. C’était difficile, mais, après coup, ce fut une expérience très riche. Huit ans plus tard, nous sommes d’ailleurs toujours en intersyndicale ! »

Nouveaux marchés et réduction des coûts

Simultanément, ils ont travaillé sur les privilèges du site, découvert de nouveaux marchés et restreint les coûts. Plan de préretraite, réduction du nombre de RTT… le site n’emploie plus que 600 personnes, successeurs et apprentis compris. Deux fois moins qu’en 2006. En échange de ces mesures, la direction s’engage à prémunir l’emploi jusqu’en 2020.

Par ailleurs, avec l’aide financière de la zone automobile de Bosch, une réorganisation globale du site est lancée pour être plus flexible. De nombreux investissements admettent de faire basculer l’usine dans l’« industrie 4.0 » : logistique mécanisée, transport des pièces par véhicules autonomes, bras articulés, robots collaborateurs, imprimantes 3D pour produire des pièces spécifiques, maintenance prédictive, pénétration artificielle pour la gestion du contrôle qualité, exosquelettes pour les opérateurs qui doivent porter des produits lourds, etc.

Comment les libraires s’adaptent à la redondance des livres

Olivier Bonhomme

La profusion de l’offre complique la vie des libraires indépendants, qui sont contraints de faire des choix draconiens, voire militants. Et nuit même aux auteurs connus.

Donner le goût de la lecture, faire découvrir des merveilles en littérature, partager des coups de foudre pour des auteurs, voilà la part la plus séduisante du quotidien des libraires. Vendredi 14 juin, le 5e Pari des libraires sera organisé par l’association Paris Librairies qui, grâce à un site du même nom, lutte contre l’hégémonie d’Amazon en indiquant où trouver un ouvrage disponible dans les stocks de 145 librairies indépendantes de la capitale. L’idée est bien de faire circuler l’acheteur dans son quartier, pas le livre, tout en évitant de sous-payer un livreur. Cette année, le Pari des libraires incite tout un chacun à devenir « libraire d’un jour ». Se mettre dans la peau de ces commerçants si particuliers et si divers.

Une gageure, puisqu’ils sont confrontés à une série croissante de problèmes. Un marché en berne (– 1,9 % en 2017 et une diminution encore en vue en 2018) combiné à une inflation de titres. La production pléthorique enfle chaque année. Elle a atteint 106 799 titres en 2018, selon le Syndicat national de l’édition (SNE). Autant dire que chaque jour charrie son lot de 292 nouveautés ou de rééditions…

Comment les sélectionner ? Ne pas laisser passer une pépite ? Le casse-tête empire pour gérer cette offre gargantuesque. « J’arrive à garder la tête hors de l’eau parce que j’effectue un choix drastique dans les nouveautés », déclare Jean-Philippe Pérou, cofondateur de la librairie Le Silence de la mer à Vannes, en Bretagne. Tous les jours ou presque, il a rendez-vous avec un délégué de maison d’édition dont le rôle admet à placer le maximum d’ouvrages dans chaque librairie. « Il est fondamental de travailler avec des représentants qui comprennent l’identité des librairies et proposent uniquement ce qui peut nous intéresser », formule M. Pérou.

« Je suis un indépendant, avec des choix marqués »

« Je viens de terminer un rendez-vous avec un représentant », affirme sa consœur Karine Henry qui dirige à Paris Comme un roman. « Sur 30 titres proposés en littérature étrangère et française, je fais beaucoup d’impasses. J’opte fréquemment pour un seul exemplaire. Sauf pour un nouveau Philippe Toussaint par exemple, j’en prendrai 25 parce que je suis convaincue qu’il trouvera ses lecteurs », dit-elle.

  1. Pérou fait des choix assez propagandistes en installant à l’entrée de son magasin des ouvrages de poésie et du théâtre. Il garde à l’année une place bien en vue aux auteurs russes qu’il célèbre. « Je suis un indépendant, avec des choix marqués, se qualifie-t-il, ni ayatollah ni Carrefour. » Les best-sellers, il en propose, mais « surtout pas de grosses piles ». « La surproduction des livres nous oblige à travailler différemment », défend-t-il.

Les femmes désignées à la grève pour révoquer les différences

Manifestation à Lausanne (Suisse), un mois avant la grève du 14 juin.
Manifestation à Lausanne (Suisse), un mois avant la grève du 14 juin. FABRICE COFFRINI / AFP
En Suisse, la moitié du pays est nommée à faire grève, vendredi 14 juin. Sous le mot d’ordre « plus de temps, plus d’argent et du respect », plusieurs associations et des syndicats (UNIA, Union syndicale suisse…) sollicitent aux femmes de ne pas aller travailler ou de ne pas contribuer aux tâches ménagères.

Par cette appel, les organisateurs désirent mettre en lumière les différences salariales, mais aussi relever sur la reconnaissance du travail domestique, révoquer les violences contre les femmes, ou bien encore réclamer qu’elles soient mieux représentées dans les hautes sphères des entreprises ou de la politique.

Car la Suisse a mis du temps avant de s’assaillir aux écarts entre les hommes et les femmes, et le retard est encore important. Explications.

Un appel à la grève du travail, du foyer, de la consommation…

Ce projet de grève est né sous l’impulsion, particulièrement, des syndicats, après qu’ils ne sont pas parvenus à introduire le principe de sanctions lors de la révision de la loi sur l’égalité votée l’an passé. Ce texte, certainement choisi en décembre 2018, prévoit que les entreprises de plus de 100 employés contrôlent les salaires pour faire face contre les inégalités. Elle ne s’appliquera donc qu’à 0,9 % des sociétés et 46 % des salariés. Syndicats et associations féministes déplorent par ailleurs qu’elle n’impose aucune sanction en cas de non-respect de l’égalité salariale.

Des défilés sont prévus dans toute la Suisse vendredi et les femmes sont sollicitées à abandonner les tâches ménagères. De nombreuses animations sont prévues à Berne, Lausanne, Zurich, ou encore Genève : pique-niques géants, bals, attribution de badges, concerts…

Et, comme le mentionne le quotidien suisse Le Temps, quelques entreprises et collectivités locales ont déterminé de jouer le jeu en faisant « acte de volontarisme en payant un jour d’absence à leurs salariées – comme la ville de Genève ».

« Il ne s’agit pas uniquement d’une grève du travail rétribué, a expliqué au Parisien Anne Fritz, coordinatrice de la mobilisation à l’Union syndicale suisse, en invoquant un « ras-le-bol général » : « Il y aura aussi une grève du ménage, du prendre soin, de la consommation… » Et pour les femmes qui iront travailler, elles sont appelées à quitter leur poste à 15 h 23, soit l’heure à laquelle « elles cessent mathématiquement d’être acquittées par rapport à leurs collègues masculins », souligne Le Temps.

Le 14 juin, une date symbolique en Suisse

Si les groupes féministes et les syndicats ont choisi la date du 14 juin pour cette journée d’appel, ce n’est pas un hasard. Il y a vingt-huit ans, le 14 juin 1991, 500 000 femmes étaient descendues dans la rue en Suisse – dans un pays d’un peu moins de 7 millions d’habitants à l’époque –, pour solliciter, déjà, la fin des inégalités, en improvisant de grands pique-niques ou en suspendant leurs balais aux balcons.

Consultée par le quotidien La Tribune de Genève, la socialiste Ruth Dreifuss, première femme à avoir parvenu à la présidence de la Confédération helvétique en 1999, se souvient de ce 14 juin 1991, le jour, dit-elle, où les femmes ont inventé une « nouvelle forme d’expression » :

« Tout avait convergé vers un message unique : nous voulons sortir de l’ombre et voir notre travail enfin reconnu. »

Les rebelles, toutes vêtues en fuchsia, désiraient alors célébrer les dix ans de l’inscription dans la Constitution fédérale du principe d’égalité entre les hommes et les femmes intervenue le 14 juin 1981. La loi n’était cependant entrée en vigueur qu’en 1996.

Car la Suisse a mis du temps avant de résister contre les différences de genre. Comme le rappelle Le Temps, « les hommes ont dit oui au vote et à l’éligibilité des femmes en 1971 seulement (et encore, le non l’a emporté dans huit cantons) ». Soit cinquante-trois ans après l’Allemagne et le Royaume-Uni et vingt-sept ans après la France.

Lors d’une manifestation éclairant la grève des femmes, à Lausanne (Suisse), le 14 mai. FABRICE COFFRINI / AFP

Une parité réelle encore loin d’être acquise

Trente ans après que l’égalité entre les hommes et les femmes a été inscrit dans la Constitution, les femmes suisses touchent en moyenne environ 20 % de moins que les hommes (contre 15,2 % en France). Et à conditions égales, surtout formation et ancienneté, l’écart salarial est encore de près de 8 %, selon le gouvernement.

Dans leurs réclamations, les associations féministes qui nomment à débrayer vendredi sollicitent ainsi : « un salaire égal pour un travail égal » ; « du temps pour nous former, et des perspectives professionnelles » ou encore « une meilleure conciliation entre travail et vie privée ». Et si des avancées ont été obtenues – comme la dépénalisation de l’avortement en 2002 et un congé maternité payé de quatorze semaines en 2005 –, le congé paternité n’existe toujours pas, et le nombre réduit de places en crèche s’avère être un handicap majeur à la participation des femmes à la vie active.

Du côté de la politique, ce n’est pas forcément mieux. « La participation des femmes plafonne à 28,9 % en 2019 (elle était de 14,6 % en 1991). Dans le secteur économique, leur part parmi les dirigeants abouti à peine 36 % (29 % en 1996) », énonce Le Temps.

Plusieurs voix se sont d’ailleurs soulevées ces derniers jours pour attester contre l’appel à la grève déclenché par les associations et les syndicats. « Cette grève est a priori illicite », a révoqué à l’Agence France-Presse l’un des représentants de l’Union patronale, Marco Taddei, arguant que les revendications « ne visent pas uniquement les conditions de travail » et que la Constitution « stipule que le recours à la grève ne doit survenir qu’en dernier ressort ». « Ce qui est illicite, c’est la discrimination salariale, c’est le harcèlement sexuel au travail », répond de son côté Mme Fritz.

Myriam El Khomri va mener une responsabilité sur les métiers du grand âge

Myriam El Khomri à l’Assemblée nationale, le 5 avril 2016.
Myriam El Khomri à l’Assemblée nationale, le 5 avril 2016. AFP/Bertrand Guay
Cette tâche, reproduite par la ministre Agnès Buzyn, doit présenter « un plan » pour faire face à la déficience de candidats pour travailler auprès des personnes âgées.L’ancienne ministre du travail de François Hollande, devrait être appelée, selon nos informations, d’ici le 27 juin à la tête d’une tâche sur les métiers du grand âge par Agnès Buzyn.

La ministre des solidarités et de la santé avait éclairé la création de cette mission au lendemain de la publication du rapport sur la concertation « grand âge et autonomie », relevé par le président du haut conseil au financement de la protection sociale, Dominique Libault. « Je vais nommer auprès de moi, avait-elle déclaré, le 28 mars, une personne, entourée d’une équipe, chargée d’animer toutes les parties prenantes concernées. [Cette personne] devra me proposer un grand plan en faveur des métiers du grand âgées » dès 2019, avait-elle déclaré. Pour cette mission, le gouvernement avait postulé Nicole Notat. L’ancienne secrétaire générale de la CFDT avait décliné.

Face à la carence de candidats aux postes d’infirmières et d’aides-soignantes dans le secteur des personnes âgées, le gouvernement convoite revoir les formations et les filières d’accès à ces métiers.

Mme El Khomri, 41 ans, a porté en 2016 la « loi Travail » sous le gouvernement de Manuel Valls. Le projet de loi avait occasionné une opposition agressive de l’aile gauche du PS et des syndicats, qui avaient appelé à la grève. Pour traiter la bataille parlementaire, Mme El Khomri était en lien direct avec le ministre de l’économie, à l’époque Emmanuel Macron. Auparavant, dans le précédent gouvernement de Manuel Valls, elle avait été secrétaire d’Etat à la ville, entre août 2014 et septembre 2015.

« Myriam El Khomri coche toutes les cases »

« Macron compatible », Mme El Khomri est aussi une personnalité de gauche. Entrée au parti socialiste en 2002, elle s’est exposée en 2017 aux élections législatives sous l’étiquette PS dans le 18e arrondissement de Paris. La République en Marche n’avait néanmoins pas présenté de candidat face à elle dans la circonscription. Elle avait été battue par Pierre-Yves Bournazel, appuyé par Edouard Philippe.

Avant son immersion du feu ministériel, cette diplômée en droit a abondamment été un pilier de l’équipe de Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Adjointe chargée de la petite enfance de 2008 à 2011, elle est ultérieurement devenue adjointe chargée de la prévention et de la sécurité jusqu’à son entrée « surprise » au gouvernement en août 2014. Elle a été co-porte-parole d’Anne Hidalgo avec Bruno Julliard pendant la campagne municipale de 2014. Constamment élue au conseil de Paris, très proche de Bertrand Delanoë, elle a rejoint en mars un grand cabinet privé de courtage en assurance.

Pour le socialiste Luc Broussy, spécialiste du vieillissement et président de la filière « silver économie » (l’économie liée aux personnes âgées), « Myriam El Khomri coche toutes les cases. Elle est spécialiste des relations sociales, Elle connaît exactement les partenaires sociaux. Sa notoriété participera à mettre au premier plan la question cruciale du grand âge ».