Travailler à l’ère post-digitale

« Travailler à l’ère post-digitale. Quel travail pour 2013 ?», de Dominique Turcq. Dunod, 288 pages, 25 euros.
« Travailler à l’ère post-digitale. Quel travail pour 2013 ?», de Dominique Turcq. Dunod, 288 pages, 25 euros.

Le sociologue Dominique Turcq nous appel, dans « Travailler à l’ère post-digitale », à « imaginer des futurs visionnaires et progressistes ».

Avez-vous déjà dernièrement  fréquenté un salon sur l’électricité ? Ou collaboré à une conférence sur le thème « Comment l’électricité va modifier notre économie et notre société ? » Possiblement pas. Et pourtant, les transmutations qu’apporte actuellement l’électricité sont immenses, du vélo électrique à la batterie Tesla, en passant par l’éclairage des villes par LED.

Dans Travailler à l’ère post-digitale (Dunod), Dominique Turcq nous appel à ne pas laisser l’arbre du digital cacher la forêt des « disruptions » : « A force de tout mettre sur le dos du mot-valise “numérique”, on oublie qu’il y a d’autres révolutions tout aussi importantes et on finit par conclure qu’en apprenant à chacun à coder on réglera tous les problèmes de croissance, d’éducation et de savoir-faire de la population au travail. Oui, le digital est important, mais il n’est que l’une des multiples facettes des révolutions du XXIe siècle. »

Ainsi de l’imprimante 3D, qui n’est pas suffisamment plus digitale qu’une machine-outil, et bouleverse malgré cela l’industrie grâce à des nouveaux emplois de laser, de matériaux et de design de produits. Ainsi de Uber, qui est loin d’être uniquement  une innovation numérique. C’est la combinaison d’une imperfection de régulation et de marché, de technologies comme la géolocalisation ; de la possibilité d’utiliser des chauffeurs indépendants, du « yield management » pour réinventer la tarification ; des systèmes de paiement automatisés, des applications, etc. ; et aussi d’une sociologie où le collaboratif et le collectif sont devenus des valeurs économiques. Ainsi du big data et de l’IA : sans algorithmes, donc sans mathématiques, le big data ne serait qu’un paquet informe, et l’IA n’aurait aucun avenir.

Constat complaisant

Jules Verne vivait dans une époque semblable à la nôtre : machine à vapeur, électricité, gaz domestique, pétrole, chemin de fer et transport maritime transformaient le monde et allaient bouleverser toutes les industries, tous les métiers, toutes les qualifications dans une Europe encore largement agricole et peu mécanisée. « Notre époque pourrait susciter de nombreux Jules Verne tant le déploiement rapide des technologies et les avancées nous permettent d’imaginer des futurs visionnaires et progressistes : maisons imprimées en 3D, bâtiments positifs en énergie, traitements médicaux préventifs, automobiles volantes, formations admettant d’acquérir des savoir-faire de façon plus rapide », déclare le sociologue.

Assurance-chômage : le fondement de bonus-malus réaffirmé sur les contrats courts

La ministre du travail Muriel Pénicaud à l’hotel Matignon à Paris, lundi 29 avril.
La ministre du travail Muriel Pénicaud à l’hotel Matignon à Paris, lundi 29 avril. BERTRAND GUAY / AFP

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, désire « responsabiliser les employeurs face au recours excessif aux contrats courts » par un règlement cet été.

Le gouvernement établira cet été un bonus-malus sur les contrats courts par un décret qui s’agressera aussi à la « permittence » et aux cadres à « hauts revenus », dans le cadre de la réforme de l’assurance-chômage, a déclaré, lundi 29 avril, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, dans une conversation aux Echos.

Depuis l’échec des discussions entre associés sociaux fin février, l’exécutif a repris la main sur la modification de l’assurance-chômage, avec un cycle de « consultations » avec patronat et syndicats. « Il nous reste plus d’un mois et demi pour mener les réunions bilatérales et faire les arbitrages. Tout cela aboutira à un décret à l’été », a annoncé Mme Pénicaud.

Sans espérer cette échéance, la ministre du travail garantit qu’« il y aura bien un bonus-malus pour responsabiliser les employeurs face au recours excessif aux contrats très courts, en privilégiant une approche par secteur ».

Le décret va également « traiter de la permittence », cette « succession de contrats courts entrecoupés de périodes d’indemnisation » dont les mesures « n’incitent pas au retour à l’emploi », selon elle.

Le texte changera identiquement la situation des cadres, dont « tous les indicateurs confirment la situation de plein-emploi, seniors exceptés ». « Il y aura donc une mesure pour les hauts revenus qui tiendra compte de l’âge », afin que leur durée de chômage « soit la plus courte possible », déclare Mme Pénicaud.

Un changement qui « commence à porter ses fruits »

La ministre se complimente en outre des effets de son changement par ordonnances du code du travail, qui « commence à porter ses fruits », surtout la mise en place des conseils sociaux et économiques (CSE). Ces nouvelles attentions de reproduction du personnel remplacent les délégués du personnel dans les entreprises de 11 à 49 salariés, et pour celles de 50 salariés et plus, elles joignent les anciennes instances (comité d’entreprise, DP et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).

« Au 31 décembre 2018, 12 000 conseils sociaux et économiques avaient déjà été mis en place. Nous en attendons 20 000 autres cette année », déclare-elle.

Pour ce qui concerne les ruptures conventionnelles communes, 96 avaient été escomptées au 31 décembre, dont 60 sont « déjà » agréées, selon la ministre.

« Un peu plus de la moitié des RCC a concerné des grands groupes et 80 % ont été signées avec des délégués syndicaux. La plupart des accords prévoient un accompagnement, une aide à la formation, à la mobilité… 94 % ont des mesures ciblées sur la création d’entreprise », mentionne-t-elle.

« Le Salaire de la peine » : le business de la souffrance au travail

La psychologue Sylvaine Perragin revient dans un livre sorti au Seuil sur l’origine de la dangereuse ascension des raideurs dans l’univers secret des bureaux.

Dans leur camion rempli de nitroglycérine, Yves Montand et Charles Vanel en déficit dans un village d’Amérique centrale vivent durant 500 kilomètres le stress d’une mission qui leur sera fatale dans Le Salaire de la peur, effectué par Henri-Georges Clouzot en 1953. Le Salaire de la peine, le livre de Sylvaine Perragin, nous transpose dans un contexte abondamment plus lisse que les routes guatémaltèques et en apparence bien plus serein : celui du monde du travail du XXIe siècle. Mais c’est bien de stress qu’il s’agit et plus amplement de souffrance au travail.

Dans son livre, la psychologue du travail revient sur l’origine de l’imprudente ascension des tensions dans l’univers feutré des bureaux alors que « 90 % des actifs pensent que la souffrance au travail a augmenté depuis dix ans ». Elle en donne, en quelques chiffres, une photographie angoissante : « En 2017, 400 000 personnes souffraient de troubles psychiques liés au travail ; 500 sont parvenus à les faire reconnaître comme maladies professionnelles. »

Exigées par la loi

Malgré cela, les sociétés sont forcées par la loi d’estimer les risques professionnels, y compris les risques psychosociaux depuis 1991. Alors pour quelles raisons, malgré la prise de conscience des employeurs et la multiplication des audits, l’environnement de travail des travailleurs ne s’améliore-t-il pas ? Pourquoi, en 2018, la France comptait-elle encore « 3,2 millions de personnes (…) “en danger” d’épuisement » ?, questionne l’auteure, qui déclare « plus de 4 000 infarctus directement dus au stress professionnel ».

La pénitence au travail est transformée « un véritable marché », au point d’augmenter le chiffre d’affaires du conseil en France de 10,5 % en 2017 ! Mais les recommandations des consultants ne sont pas ou peu suivies par les sociétés, déclare-t-elle.

Sylvaine Perragin démonte, exemples à l’appui, les pratiques managériales coupables, qui finissent soit à l’enterrement des appuis des cabinets RH, soit à la mise en place de purs produits du business de la peine au travail, des fausses solutions disposées « bien-être au travail » ou « bonheur au travail ». Le problème est que le succès économique des cabinets de conseil découle d’un processus d’évitement : le stress des salariés est fréquenté dans une approche centrée sur l’individu qui écarte « les causalités relatives à l’organisation du travail ». Les sociétés passent ainsi à côté du sujet.

1 er Mai pour le Progrès Socaial et la Solidarité

« Que dirait-on d’élections politiques qui excluraient un tiers des électeurs et dont la majorité des deux autres tiers s’abstiendraient ? » (manifestation à Nantes).
« Que dirait-on d’élections politiques qui excluraient un tiers des électeurs et dont la majorité des deux autres tiers s’abstiendraient ? » (manifestation à Nantes). Alain Le Bot / Photononstop

Dominique Andolfatto

Professeur de science politique, université de Bourgogne-Franche-Comté

Dominique Labbé

Chercheur associé au Pacte-CNRS, université de Grenoble-Alpes

Abandonnant de la carence de clarté aux élections professionnelles, les deux experts Dominique Andolfatto et Dominique Labbé pointent, les lacunes et les énigmes de la démocratie sociale en France.

Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », on parle abondamment des corps intermédiaires. Parmi ceux-ci, les syndicats français offrent un cas captivant. En effet, en une quinzaine d’années, une série de réformes a voulu « rénover la démocratie sociale ». Si celle-ci n’est jamais nettement définie, il y a au moins une ligne directrice : les résultats des élections professionnelles conditionnent à la fois la découverte des organisations au niveau de la société, des branches d’activité ou au niveau national interprofessionnel, et leur capacité à exprimer avec les employeurs et les gouvernements, à terminer des accords, à fabriquer des réformes, à collaborer à la gestion de nombreuses institutions paritaires.

Les élections étant la base de cette démocratie sociale, on s’attendrait à accommoder de résultats exhaustifs et détaillés. Or tel n’est pas le cas.

On ne dispose publiquement que d’une « mesure d’audience de la représentativité » éditée tous les quatre ans par le ministère du travail (voir lien PDF). La dernière mesure date de mars 2017. Elle procure des chiffres globaux portant sur 13,2 millions d’électeurs inscrits dans les sociétés privées et à statut. Or ce secteur emploie plus de 19 millions de salariés, ce qui signifie qu’un tiers des salariés concernés fuient à cette mesure. De plus, il n’y a eu que 5,2 millions de suffrages valablement exprimés en faveur d’un syndicat, soit quatre électeurs sur dix et moins d’un sur trois si l’on tient compte de tout le salariat concerné.

Les organisations marginales éteignent

Mais c’est le détail qui étonne le plus. Cette « mesure » associe les résultats de trois types de visites différentes :

D’une part, un scrutin unique intéresse toutes les entreprises de moins de dix salariés. Il a été un véritable fiasco puisque uniquement 7 % des électeurs ont voté.

D’autre part, pour les élections aux chambres d’agriculture (collège des salariés) – la dernière édition a eu lieu en février –, seuls les résultats en rapport des suffrages exprimés sont publiés sans indication concernant le nombre d’électeurs, la collaboration, le nombre absolu de suffrages concentrés par chaque organisation.

Les pistes de réforme retraite font polémiques

Le Président de la République désire un accroissement de la durée de cotisation. Pour faire des économies, certains défendent pour le faire avant 2025.

Sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron a levé une requête de taille, le 25 avril, lors de sa déclaration de presse à l’Elysée. Le président de la République a affirmé que, dans le futur système universel en cours de construction, les assurés pourront poursuivre la demande du versement (ou la liquidation) de leur pension à partir de 62 ans – tout comme actuellement, donc. Une précision qui met au rebut l’idée d’un report de cette borne d’âge, appuyée par plusieurs membres du gouvernement.

Mais alors qu’il venait de trancher sur ce sujet sensible, à l’origine d’un bruit de plusieurs semaines au sommet de l’Etat, M. Macron a fait surgir d’autres questionnements, en déclarant le souhait d’allonger la période durant laquelle les personnes cotisent pour leurs retraites. « Je n’ai pas trouvé ça clair, j’attends d’en savoir plus », déclare Frédéric Sève (CFDT). « Veut-il le faire dans le régime actuel ? On n’en sait rien », renchérit Pascale Coton (CFTC).

Plusieurs hypothèses sont, en réalité, sur la table. Selon nos informations, deux d’entre elles consisteraient à prendre des mesures avant le big-bang promis par le Président de la République: elles passeraient à court terme par un accroissement de la durée de cotisation pour certaines générations et l’instauration d’un âge-pivot, venant s’ajouter à l’âge minimum de départ, de manière à inciter les assurés à rester en activité, au-delà de 62 ans.

Abattement durant trois ans

Actuellement, la règle de droit commun prédit que la pension peut être soldée à 62 ans. Pour que celle-ci accède le taux plein, l’assuré doit avoir payé des contributions durant une période minimale, qui varie en fonction des reproductions (par exemple 167 trimestres pour celui qui est né entre début 1958 et fin 1960). S’il n’occupe pas cette condition, consignée dans la loi Touraine de janvier 2014, sa retraite est diminuée, par le biais d’une décote ; à l’inverse, une majoration (ou surcote) lui est accordée dans le cas où il reste en emploi au-delà de la période « de référence » sollicitée pour avoir droit au taux plein.

Un mécanisme un peu similaire existe dans le régime Agirc-Arrco de retraites complémentaires des salariés du privé, mais avec des différentes solutions et un système de bonus-malus temporaire : ainsi, le niveau de la pension supplémentaire fait l’objet d’un accablement durant trois ans si la personne part à la retraite avant un certain âge – qualifié d’âge-pivot (qui oscille entre 63 et 67 ans, selon les cas).

« L’Europe que nous voulons » 

Des ordonnances syndicales et patronales, dont la CFDT et le Medef, appellent simultanément les citoyens à se surnommer à l’occasion des élections européennes, le 26 mai, pour une Europe « indépendante, compétitive et solidaire ».

Parce que les élections européennes peignent un moment égalitariste clé pour l’avenir du projet européen et pour chacun des pays, nous, associés sociaux, nommons les citoyens à s’appeler et à voter pour supporter les valeurs fondamentales de l’Union européenne.

L’Europe que nous voulons indépendante, compétitive et solidaire doit engager des politiques ambitieuses qui ne se limitent pas à réparer les conséquences liées à la mondialisation, mais qui anticipent et conduisent les mutations technologiques et environnementales avec un budget à la hauteur des participations. Des politiques qui développent les droits sociaux, le dialogue social et la protection de l’environnement ; qui réunissent plus les régions à la mise en œuvre des investissements stratégiques (infrastructures, recherche et développement, compétences…) ; qui affirment un environnement économique loyal et stable, surtout  ajusté aux TPE-PME (très petites entreprises, petites et moyennes entreprises).

Oui, l’Europe que nous ordonnons est un atout pour la France dans le monde. Elle se doit de combattre contre le dumping social, économique et environnemental afin de demeurer le continent offrant les systèmes sociaux les plus développés

L’Europe a besoin de politiques coordonnées pour bâtir une véritable stratégie économique et technologique, dans les domaines de l’énergie, des matières premières, de l’ouvrage, etc., et pour garantir son indépendance et protéger ses citoyens. Elle doit mener des politiques équitables, soucieuses des conditions de concurrence loyale sur le plan européen et international en matière de fiscalité, de droit du travail, ou de politique commerciale. L’Europe doit aussi conduire des politiques équilibrées, c’est-à-dire vigilantes quant à l’attachement des mesures sectorielles et à leurs suites, qui fassent la promotion des normes sociales et environnementales internationales (normes internationales du travail, Accord de Paris sur le climat, principes directeurs de l’OCDE, Objectifs du développement durable…).

Oui, l’Europe que nous voulons est un atout pour la France dans le monde. Elle se doit de lutter contre des adoptes déloyales et le dumping social, économique et environnemental afin de demeurer le continent offrant les systèmes sociaux les plus développés. Elle doit progresser sa productivité, sa croissance et l’emploi dans le but de raffermir son attractivité en tant que lieu d’investissement et d’embauche.

L’esprit des lois

Yann Legendre

Le juriste, bâtisseur de l’Institut d’études avancées de Nantes, érige le droit en « clé de voûte » de la société.

Depuis la terrasse qui donne sur la Loire, Alain Supiot fait avec enchantement le tour du propriétaire. Au centre du foyer de l’Institut d’études avancées de Nantes, il expose avec fierté « une vraie cheminée ». « On y fait des flambées, l’hiver », déclare-il. Cet institut, c’est son « bébé » – peut-être plus que ses six livres majeurs et ses leçons au Collège de France, qui ont marqué le droit du travail, la philosophie du droit et les sciences humaines. Alain Supiot voulait un lieu où puisse se déployer « le travail de la pensée » – un bon résumé de son approche intellectuel qui, abandonnant du droit du travail, a fini par consulter ce qui fait une société humaine et ce qui lui permet de le rester.

Lorsque, en 1998, le gouvernement de Lionel Jospin lui révèle la présidence du Conseil sur l’avenir de la recherche en sciences sociales, il présente la création d’un institut sur le modèle du Wissenschaftskolleg de Berlin, où il a été en résidence l’année précédente. Le principe comporte à faire vivre conjointement, durant un an, des chercheurs de différentes disciplines et de discipline et de pays différents qui parviennent avec un projet de recherche librement choisi dont le seul « frottement » fait charger l’étincelle des idées nouvelles. C’est, pour Alain Supiot, le fondement même du travail intellectuel, mais aussi du travail tout court : la mise en présence des capacités de chacun dans l’objectif d’améliorer la compréhension et le bonheur des hommes.

En cette fin des années 1990, le projet, au début prévu à Paris, suscite l’hostilité des grands établissements sur l’air de « on le fait déjà ». Mais il revient en 2002, quand Jean-Marc Ayrault, maire (PS) de Nantes, appel Alain Supiot à concrétiser son idée dans un magnifique bâtiment ultramoderne construit à cet effet. Lancée en 2008, la fondation est actuellement financée par des collectivités locales, des sociétés, le ministère de la recherche et le gouvernement suisse. En 2015, sept ans après sa création, Nantes était classée dans le top 10 mondial des Instituts d’études avancées.

« Gouvernance par les nombres »

Avec la naissance du centre, 300 chercheurs de 34 disciplines et de 52 pays s’y sont succédé – la moitié viennent d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. « Ici, c’est tout le contraire de l’université, souligne Alain Supiot. Pas d’organisation de la recherche, pas d’enfermement disciplinaire, pas d’évaluation quantifiée. » Les seules contraintes comportent à demeurer sur place – l’institut dispose d’appartements pour ses 20 à 30 résidents –, de collaborer chaque lundi à un séminaire où chacun, tour à tour, présente ses travaux, et de prendre un repas tous ensemble trois fois par semaine.

Covoiturage et vélo : est-ce fiscalement captivant ?

Des avantages fiscaux sont prévus pour le covoiturage et les déplacements à vélo
Des avantages fiscaux sont prévus pour le covoiturage et les déplacements à vélo Jacques Loic / Photononstop

L’embaucheur peut décider de prendre en charge les frais embauchés par ses travailleurs pour leurs voyages à vélo suivant certaines règles, et cette éventualité sera prochainement étendue au covoiturage.

Existe t-il des encouragements fiscaux au covoiturage et au déplacement à vélo ?

Oui, des privilèges fiscaux sont espérés pour le covoiturage et les déplacements à vélo. Ils peuvent faire économiser… quelques poignées d’euros.

Selon l’administration fiscale, les revenus du covoiturage fuient à l’impôt s’il s’agit d’un partage de frais, donc d’un voyage effectué pour votre compte, pour lequel vous acquittez vous aussi une part du carburant et du péage. Et le prix du voyage ne doit pas excéder la quote-part, par voyageur, du coût consécutif du barème kilométrique pour les frais réels. Sinon il s’agirait de revenus d’une entreprise, à exiger selon le régime micro ou réel.

Par ailleurs, l’employeur peut retenir de prendre en charge les frais engagés par ses salariés pour leurs excursions à vélo entre leur résidence et leur lieu de travail (dans la limite de 0,25 euro/km), et cette éventualité sera bientôt étendue au covoiturage. Pour le covoiturage, le prix par kilomètre doit être fixé par un décret.

Attention nonobstant, s’il est possible de profiter d’une exonération – cotisations sociales, contribution sociale généralisée (CSG), participation au rétribution de la dette sociale (CRDS) et impôt sur le revenu –, une limite globale de 200 euros par an et par salarié est prévue pour les compensations vélo, covoiturage et prise en charge par l’employeur des frais de carburant (ou pour l’alimentation de véhicules électriques).

La société à trois vitesses

« Souhaite-t-on, aujourd’hui en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent bénéficier des travailleurs français ? »
« Souhaite-t-on, aujourd’hui en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent bénéficier des travailleurs français ? » SHANNON STAPLETON / REUTERS

Le Conseil national du numérique, dirigé par Salwa Toko, sollicite qu’un coup d’arrêt soit donné aux chartes unilatérales d’implication sociale pour les laborieux des plates-formes.

Le Conseil national du numérique (CNNum) se conteste à la mise en place des chartes arbitraires  d’implication sociale des plates-formes espérées par la loi d’orientation des mobilités (LOM) et appelle plutôt à la constitution d’un vrai dialogue social sur les nouvelles formes de travail issues de l’économie numérique.

L’article 20 de la loi d’orientation des mobilités envisage la possibilité pour les plates-formes de choisir une charte essentiel leurs droits et engagements vis-à-vis des travailleurs, notamment en matière de conditions de travail et de protection sociale. Les chartes unilatérales, initialement offertes dans le cadre de la loi « avenir professionnel », ont été repoussées par le Conseil constitutionnel en septembre 2018 puis par le Sénat au tout début du mois d’avril 2019.

Cette idée revient actuellement sur le devant de la scène, mise en avant par les responsables de la plate-forme britannique d’arrivage de plats cuisinés Deliveroo. Plutôt que de créer un cadre juridique plus clair et plus juste pour ces travailleurs – qui ont, pour la plupart, le statut de micro-entrepreneurs –, cette idée avance sans le dire vers la découverte du statut d’indépendant. Statut qui, rappelons-le, profite en premier lieu aux plates-formes, en ce qu’il les libère des charges et engagements (cotisations sociales et autres) liées au travail salarié.

Possibles dérives pour notre modèle social

En effet, l’origine de la cooptation d’une charte inscrit le rapport qui lie les travailleurs à leur(s) plate(s)-forme(s) en droit commercial, et non en droit du travail. Cela aurait pour conséquence d’abandonner les plates-formes décidé seules des conditions de travail et de rétribution, ainsi que de la protection sociale de ces travailleurs.

Les chartes attendues, unilatérales, ne comportent pas de socle minimum de protection. Souhaite-t-on, actuellement en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent jouir des travailleurs français ? Souhaite-t-on créer une société à trois vitesses, constituée de salariés, d’indépendants et de travailleurs au statut hybride, dont les conditions sont ultérieurement résolues par les juges au cas par cas, conséquence de facto à la création d’un nouveau précariat ?

pollution au bureau !

« Dans les espaces de travail, les composés organiques volatils (COV) et autres molécules nocives se diffusent en toute liberté. Or, les Français passent 85 % de leur temps en moyenne dans des environnements clos. »
« Dans les espaces de travail, les composés organiques volatils (COV) et autres molécules nocives se diffusent en toute liberté. Or, les Français passent 85 % de leur temps en moyenne dans des environnements clos. » Katarina Sundelin/PhotoAlto / Photononstop

Produits ménagers, moquettes, imprimantes… Les lieux d’ouvrage dissimulent un bon nombre d’équipages qui distribuent des particules aux effets nuisibles sur la santé.

Il y a une obligation à nettoyer nos entourages de travail ! C’est l’information déclenché par la docteure en génétique et biologie moléculaire, cofondatrice d’Habitat Santé Environnement (HSEN) Bordeaux, Isabelle Farbos.

Collaborée le 17 avril lors d’une conférence structurée par l’Association des directeurs de l’entourage de travail (Arseg) sur le salon Workspace Expo, cette chercheuse s’est inclinée sur les substances nocives côtoyées chaque jour par les salariés sur leurs lieux de travail. Et ses conclusions sont sans appel : produits ménagers, moquettes, imprimantes… « Faute de réglementation, des molécules dangereuses sont utilisées dans plein de produits », menace Isabelle Farbos.

Et la chercheuse d’égrener une grande liste: du formaldéhyde, utilisé dans les produits d’entretien et classé cancérigène avéré par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), aux phtalates dans les sols en PVC – perturbateurs endocriniens notoires – en passant par les particules fines émises par les ordinateurs et les photocopieurs et qui participent à irriter les voies respiratoires…

Le diable se cache jusque dans le petit café du matin, pris dans des gobelets en plastique, ou dans la fontaine à eau, purifiée à l’acide sulfurique. Certaines de ces substances sont d’ailleurs publiquement reconnues comme pouvant être à l’origine de maladies professionnelles.

Action sur les gènes

C’est l’entassement et « l’effet cocktail » – le contact avec plusieurs de ces substances – qui rend imprudente l’exposition à ces polluants. « Le salarié va respirer ces molécules pendant dix ans », souligne la chercheuse. Leurs effets délétères sur la santé étaient assez peu connus jusqu’à une période récente, ce qui développe la relative inaction des pouvoirs publics – surtout l’action de ces principes sur les gènes.

« Durant longtemps, on a seulement étudié ces substances sous l’angle de la toxicologie et pas de la génétique », déclare la chercheuse. Cela fait moins d’une dizaine d’années que les chercheurs ont débuté à s’intéresser à l’action des molécules présentes dans l’environnement sur nos gènes. « En vérité, il n’y a que très peu de fatalité ADN, affirme Isabelle Farbos. Si un patient commence à avoir du diabète, par exemple, c’est que son gène insuline est passé en mode “off” du fait de son environnement ». Même chose pour les tumeurs cancéreuses.