Boeing 737 MAX : le fantôme de « la faute de fabrication »
Avec son 737 MAX interdit de vol, Boeing fait face au pire des soupçons : un nouveau logiciel de pilotage destiné à dresser une conduite indiscrète de l’avion, mais méconnu ou mal compris des pilotes, serait en cause dans deux crashs récents. Les erreurs de conception sont aussi anciennes que l’industrie.
Certaines peuvent être imprévisibles, mais la recherche a montré que ces erreurs résultent parfois d’une appréciation biaisée des risques, d’une organisation inadaptée ou d’une réduction excessive des coûts. Mais comment une conduite dysfonctionnelle de la conception d’un avion est-il possible dans une entreprise de la stature de Boeing ?
Contradictoirement à la production, plus récurrente, chaque projet de création comporte des innovations et des singularités. Face à cette part d’inconnu malheureuse, la maîtrise technique, une coordination intense des équipes et une bonne évaluation des priorités sont indispensables. S’imposent aussi des tests sévères, réalisés en interne ou par des autorités indépendantes, afin de détecter au plus tôt les erreurs dangereuses. En général, ces vérifications sont fiables et sûres, et ne sont prises en défaut que très rarement et lorsque le danger était accidentel : comme pour le Titanic, dont la collision avec un iceberg géant apaisait de l’impensable.
Mais un autre type d’erreur peut se constituer et doit être échappé. Il naît d’une fragilité du système que l’on aperçoit tard et qui se révèle pénible à résoudre. Renvoyer le projet serait alors utile mais aurait des suites commerciales trop importantes. Dès lors, une dérive collective devient possible. Soumis à une pression immodérée sur les coûts et les délais, les concepteurs tendent à limiter les études et à retenir les solutions abandonnées. Des tests ambigus sont interprétés positivement.
La navette Challenger en 1986
On admet que les acteurs engagés et les utilisateurs futurs sauront gérer convenablement cette fragilité. Certes, les effets d’une catastrophe seraient néfaste, mais cette alternative n’est pas convenue ou jugée trop improbable par les responsables. Un tel scénario fut à l’origine de l’explosion au décollage de la navette Challenger en 1986. En origine, la faiblesse d’un simple joint technique, dont le péril était signalé mais l’information s’était fondue dans la chaîne de décisions.
L’erreur de création se confond alors avec une erreur de conduite. Elle révèle une distorsion des responsabilités et des objectifs. Pour l’échapper, les leçons de la recherche sont claires : instaurer une conduite responsable des activités de création, donc capable de résister à des objectifs intenables de coûts et de délai ; inversement, la direction d’entreprise, doit comprendre qu’une trop grande pression sur les équipes d’ingénierie peut avoir des effets complexes, peu visibles et dont les suites négatives, si elles s’expriment, sont beaucoup plus graves que les surcoûts de création que l’on tentait à éviter.
Opération mains propres dans le monde patronal. Le Medef a montré, lundi 25 mars, avoir envoyé une plainte au procureur de la République de Paris, « à la suite de suspicions de malversations » dans l’AGS. Cette structure associative, guidée par des organisations d’employeurs, assure le versement du salaire aux personnels d’entreprises en pénuries (redressement ou liquidation judiciaire). La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ainsi que l’AGS elle-même se sont associées à cette démarche, dont le parquet n’avait pas encore connaissance, mardi matin. Les faits pourraient relever de « l’abus de confiance et de la corruption active ou passive », d’après une déclaration du Medef.
Le pot aux roses a été aperçu grâce à un audit lancé peu après l’arrivée de nouvelles personnalités à la tête de l’AGS, en particulier celle de Houria Sandal-Aouimeur, nommée directrice générale du régime de garantie des salaires en septembre 2018. Réalisé par le cabinet EY, l’audit en question a révélé de « graves anomalies », selon le communiqué du Medef.
Une source patronale, précise qu’il s’agit de « petits arrangements entre amis », pour des montants de « plusieurs centaines de milliers d’euros », voire au-delà du million d’euros. Les sommes accusées auraient été perçues par une société de services et un cabinet d’avocats, pour des prestations dont la tangible est sujette à caution, assure cette même source.
Les investigations se poursuivent
Au sein de l’AGS, l’implication de plusieurs cadres ou ex-cadres pourrait être promise, dont celle de l’ancien directeur général de l’AGS, Thierry Météyé. Ce dernier ne nous a pas répondu. Les investigations d’EY se poursuivent et pourraient mettre au jour d’autres difficultés.
Simultanément, Mme Sandal-Aouimeur a établi plainte, dans un commissariat, après avoir été nouvellement victime de plusieurs gestes malveillants (lettres anonymes, actes de vandalisme contre son domicile), qui pourraient avoir un lien avec son entrée en fonction à l’AGS. Ce sont des « tentatives d’intimidation », déclare un haut gradé d’un mouvement patronal.
Financée par une contribution des employeurs, l’AGS a commencé à faire des avances sur rémunérations pour un montant un peu supérieur à 1,48 milliard d’euros, en 2018.