Retraites chapeaux : ce qui change vraiment

Le 4 juillet, une ordonnance parue au « Journal officiel » est venue encadrer davantage les prestations sur les retraites chapeaux. Le point sur les nouveautés apportées par le texte.

Par Catherine Quignon Publié aujourd’hui à 07h00

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« A partir du 1er janvier 2020, les droits acquis chaque année au titre d’une retraite chapeau seront désormais plafonnés à 3 % de la rémunération annuelle, et leur cumul global ne pourra pas excéder 30 % du revenu annuel de référence. »
« A partir du 1er janvier 2020, les droits acquis chaque année au titre d’une retraite chapeau seront désormais plafonnés à 3 % de la rémunération annuelle, et leur cumul global ne pourra pas excéder 30 % du revenu annuel de référence. » Mark Airs/Ikon Images / Photononstop

A la suite d’une énième polémique autour des parachutes dorés et de l’enveloppe de 1,3 million d’euros empochée par l’ex-patron d’Airbus Tom Enders, le gouvernement avait annoncé en avril son intention d’encadrer davantage les retraites chapeaux. C’est chose faite : le 4 juillet dernier, une ordonnance parue au Journal officiel apporte un nouveau cadre à ces prestations, qui garantissent à leurs bénéficiaires un certain niveau de revenus à leur retraite en venant compléter les pensions versées par les régimes obligatoires.

Principale innovation apportée par l’ordonnance du 4 juillet : à partir du 1er janvier 2020, les droits acquis chaque année au titre d’une retraite chapeau seront désormais plafonnés à 3 % de la rémunération annuelle, et leur cumul global ne pourra pas excéder 30 % du revenu annuel de référence. Aucun plafond en valeur absolue n’a toutefois été fixé.

« Les entreprises ont déjà mis des limites aux retraites chapeaux »

En l’occurrence, les nouvelles limitations apportées par le texte ne changent pas fondamentalement la donne aux yeux de Christel Bonnet, consultante retraite senior chez Mercer France : « Les entreprises ont déjà mis des limites aux retraites chapeaux, fait valoir l’experte. En réalité, très peu vont au-delà de 3 %. »

Vilipendées par l’opinion publique, les retraites chapeaux ont déjà connu plusieurs tours de vis. La loi Breton de 2005 soumet ces prestations à l’aval du conseil d’administration. Le code de bonne conduite Afep-Medef recommande de plafonner les retraites chapeaux à 45 % du salaire, mais ce code n’a pas force de loi. La loi Macron pour la croissance et l’activité de 2015 vient aussi encadrer plus sévèrement les retraites chapeaux, en limitant à 3 % leur augmentation annuelle pour certaines catégories de dirigeants (président, directeur général, directeurs généraux délégués). L’ordonnance du 4 juillet constitue donc le prolongement de ce texte.

Le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif est-il légal ? La Cour de cassation va décider

Si elle se saisit, la haute juridiction dira si ce dispositif est conforme à des textes internationaux ratifiés par la France.

Le Monde avec AFP Publié le 17 juillet 2019 à 05h24 – Mis à jour le 17 juillet 2019 à 11h59

Temps de Lecture 3 min.

C’est un avis très attendu. La Cour de cassation se prononce mercredi 17 juillet sur le barème prud’homal pour licenciement abusif. La décision de la haute juridiction pourrait sonner le glas de ce dispositif décrié par les syndicats ou au contraire le valider, comme l’espèrent le gouvernement et le patronat. Elle pourrait aussi choisir de ne pas se prononcer sur le fond, en estimant ne pas être compétente sur ce dossier.

A supposer qu’elle se saisisse, la Cour de cassation dira si le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est conforme à des textes internationaux ratifiés par la France. Depuis les ordonnances réformant le code du travail à la fin de 2017, le plafond se situe entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté.

Auparavant, les juges étaient libres de fixer les montants, allant jusqu’à trente mois de salaires pour trente ans d’ancienneté. Il y avait également un plancher de six mois de salaire pour les employés ayant plus de deux ans d’expérience dans une société de plus de dix salariés.

Lire aussi : Vent de contestation sur le plafonnement des indemnités prud’homales

Réparer le préjudice subi

Depuis la fin de 2018, pour une vingtaine d’affaires – selon une association d’avocats –, des conseillers prud’homaux ont passé outre, considérant que le barème ne réparait pas le préjudice subi. Deux d’entre elles ont été renvoyées en appel, avec des décisions attendues le 25 septembre, l’une à Paris, l’autre à Reims.

Sans attendre un éventuel pourvoi, les conseils de prud’hommes de Louviers (Eure) et Toulouse (Haute-Garonnne) ont sollicité dès avril l’avis de la Cour de cassation pour savoir si le barème était conforme aux textes internationaux.

Ils avancent l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1982, disposant qu’en cas de licenciement injustifié les juges doivent « être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Et l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 indique que les travailleurs ont droit à une « indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée » en cas de licenciement. Le conseil de Louviers a aussi évoqué l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le « droit à un procès équitable ».

Le 8 juillet, signe de l’importance du dossier, la Cour de cassation y a consacré une séance plénière, en réunissant toutes ses chambres. Les avocats de salariés ont alors critiqué un barème « injuste », qui « sécurise l’employeur fautif ». Me Thomas Haas a aussi mis en avant la baisse « marquée » des contentieux aux prud’hommes, « jusqu’à  40 % dans certains conseils » en 2018, et en a déduit que ce dispositif « dissuade le salarié de saisir la justice ».

« A ancienneté égale, un salarié de 51 ans peu qualifié dans un bassin d’emploi sinistré et un salarié de 35 ans très qualifié vivant dans un bassin d’emploi très dynamique auront la même indemnité, alors que le préjudice est plus important pour le premier », a relevé Me Manuela Grévy.

Les représentants des employeurs ont, eux, jugé « trop floues » les notions d’indemnité « adéquate » et « appropriée » figurant dans les textes internationaux. Le barème, « équilibré » en France, est « une tendance lourde en Europe et l’OIT n’a jamais eu de commentaire désobligeant à ce propos », a assuré Me François Pinatel.

Lire aussi la tribune : Plafonnement des indemnités de licenciement : « Les juges ne sont pas des ignorants qu’il faudrait remettre dans le droit chemin »

Des « termes volontairement vagues »

Autres arguments : il n’est pas appliqué en cas de harcèlement moral ou de discrimination ; le licencié peut prétendre à un revenu de remplacement, « généreux » selon Me Pinatel, avec l’allocation-chômage ; la Charte 24 ne peut être appliquée aux « personnes physiques et morales », selon Me Jean-Jacques Gatineau ; le salarié peut être réintégré dans l’entreprise.

L’avocate générale, Catherine Courcol-Bouchard, a jugé le barème conforme à l’article OIT, rédigé dans des « termes volontairement vagues » pour laisser aux Etats une marge de manœuvre, selon elle. Elle a jugé « irrecevable » le recours à la Charte sociale et s’est dite « perplexe » quant à la référence à l’article 6 de la Convention des droits de l’homme. « Le rôle du juge n’est pas de dire si une mesure est bonne ou mauvaise », a-t-elle souligné.

Les positions des avocats généraux ne sont pas toujours suivies par la Cour de cassation.

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La Cour de cassation se prononce sur le barème prud’homal pour licenciement abusif

L’avis de la haute juridiction sur ce dossier est très attendu. Si elle se saisit la Cour dira si le plafonnement des indemnités est conforme à des textes internationaux ratifiés par la France.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 05h24

Temps de Lecture 3 min.

C’est un avis très attendu. La Cour de cassation se prononce mercredi 17 juillet sur le barème prud’homal pour licenciement abusif. La décision de la haute juridiction pourrait sonner le glas de ce dispositif décrié par les syndicats ou au contraire le valider, comme l’espèrent le gouvernement et le patronat. Elle pourrait aussi choisir de ne pas se prononcer sur le fond, en estimant ne pas être compétente sur ce dossier.

Lire aussi : Vent de contestation sur le plafonnement des indemnités prud’homales

A supposer qu’elle se saisisse, la Cour de cassation dira si le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est conforme à des textes internationaux ratifiés par la France. Depuis les ordonnances réformant le Code du travail fin 2017, le plafond se situe entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté.

Auparavant, les juges étaient libres de fixer les montants, allant jusqu’à 30 mois de salaires pour 30 ans d’ancienneté. Il y avait également un plancher de six mois de salaire pour les employés avec plus de deux ans d’expérience dans une société de plus de dix salariés.

Réparer le préjudice subi

Depuis fin 2018, pour une vingtaine d’affaires – selon une association d’avocats –, des conseillers prud’homaux sont passés outre, considérant que le barème ne réparait pas le préjudice subi. Deux d’entre elles ont été renvoyées en appel, avec des décisions attendues le 25 septembre, l’une à Paris, l’autre à Reims.

Sans attendre un éventuel pourvoi, les conseils de prud’hommes de Louviers (Eure) et Toulouse ont sollicité dès avril l’avis de la Cour de cassation pour savoir si le barème était conforme aux textes internationaux.

Lire aussi : Le plafonnement des indemnités prud’homales de nouveau jugé contraire au droit international

Ils avancent l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1982, disposant qu’en cas de licenciement injustifié les juges doivent « être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Et l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 indique que les travailleurs ont droit à une « indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée » en cas de licenciement. Le conseil de Louviers a aussi évoqué l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le « droit à un procès équitable ».

Le 8 juillet, signe de l’importance du dossier, la Cour de cassation y a consacré une séance plénière, en réunissant toutes ses chambres. Les avocats de salariés ont alors critiqué un barème « injuste », qui « sécurise l’employeur fautif ». Me Thomas Haas a aussi mis en avant la baisse « marquée » des contentieux aux prud’hommes, « jusqu’à – 40 % dans certains conseils » en 2018, et en a déduit que ce dispositif « dissuade le salarié de saisir la justice ».

« A ancienneté égale, un salarié de 51 ans peu qualifié dans un bassin d’emploi sinistré et un salarié de 35 ans très qualifié vivant dans un bassin d’emploi très dynamique auront la même indemnité, alors que le préjudice est plus important pour le premier », a relevé Me Manuela Grévy.

Lire aussi la tribune : Plafonnement des indemnités de licenciement : « Les juges ne sont pas des ignorants qu’il faudrait remettre dans le droit chemin »

Les représentants des employeurs ont, eux, jugé « trop floues » les notions d’indemnité « adéquate » et « appropriée » figurant dans les textes internationaux. Le barème, « équilibré » en France, est « une tendance lourde en Europe et l’OIT n’a jamais eu de commentaire désobligeant à ce propos », a assuré Me François Pinatel.

Des « termes volontairement vagues »

Autres arguments : il n’est pas appliqué en cas de harcèlement moral ou de discrimination ; le licencié peut prétendre à un revenu de remplacement, « généreux » selon Me Pinatel, avec l’allocation-chômage ; la Charte 24 ne peut être appliquée aux « personnes physiques et morales » selon Me Jean-Jacques Gatineau ; le salarié peut être réintégré dans l’entreprise.

L’avocate générale, Catherine Courcol-Bouchard, a jugé le barème conforme à l’article OIT, rédigé dans des « termes volontairement vagues » pour laisser aux Etats une marge de manœuvre, selon elle. Elle a jugé « irrecevable » le recours à la Charte sociale et s’est dite « perplexe » quant à la référence à l’article 6 de la Convention des droits de l’homme. « Le rôle du juge n’est pas de dire si une mesure est bonne ou mauvaise », a-t-elle souligné.

Les positions des avocats généraux ne sont pas toujours suivies par la Cour de cassation.

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Le chômage britannique au plus bas depuis quarante-cinq ans

Si l’emploi précaire et le sous-emploi sont réels au Royaume-Uni, la vraie explication à la baisse du taux de chômage, qui s’élève à 3,8 %, est la faiblesse des salaires.

Par Publié aujourd’hui à 18h06

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Depuis la crise financière de 2008, les économistes britanniques n’y comprennent plus rien. Eux qui prévoyaient d’abord une envolée du chômage à cause de la récession, puis un lent recul étant donné la croissance médiocre, sont obligés de constater que celui-ci est particulièrement bas au Royaume-Uni. Il a culminé à seulement 8 % au plus fort de la crise et est désormais de 3,8 % pour les mois de mars à mai, selon les statistiques publiées mardi 16 juillet. Soit le plus bas niveau depuis décembre 1974, il y a quarante-cinq ans.

Plus étrange encore, alors même que la croissance ralentit à cause du Brexit (elle tourne à 1,5 % en rythme annuel), le chômage continue de refluer. Depuis le référendum de juin 2016, il a reculé d’un point. Il est désormais question régulièrement du « miracle britannique de l’emploi ».

L’agence de travail temporaire Tiger Recruitment constate ce dynamisme quotidiennement. « Les candidats se montrent plus exigeants, demandant une augmentation de salaire de 8 % à 10 % pour changer d’emploi », note Rebecca Siciliano, une de ses dirigeantes. Récemment, une jeune secrétaire, sortie de l’université depuis trois ans, demandait un salaire annuel de 35 000 livres (39 000 euros) : elle s’est vu offrir 42 000 livres. « Les entreprises sont aussi prêtes à proposer des horaires flexibles et du télétravail, continue Mme Siciliano. J’ai même entendu parler de cas de gens qui peuvent travailler quatre jours par semaine payés cinq. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Royaume-Uni, le Brexit entraîne déjà une pénurie de main-d’œuvre

Pourtant, le vote en faveur du Brexit le prouve : les Britanniques ne sont guère heureux de leur situation économique. Les banques alimentaires ne désemplissent pas. En 2018, le Trussell Trust, équivalent des Restos du cœur, a distribué 1,6 million de colis alimentaires, en hausse de 19 %.

Développement des emplois ultra-précaires

L’explication de ce paradoxe vient avant tout de la faiblesse des salaires. Actuellement, les rémunérations des Britanniques demeurent 5 % en dessous de leur niveau de 2008. Une telle stagnation sur une décennie est du jamais-vu dans l’histoire économique récente. « Dans les années 1980, 10 % de la population étaient en permanence au chômage et 90 % avaient un emploi. Aujourd’hui, la douleur est partagée par tous. Mais il n’est pas certain que ce soit mieux », explique Danny Blanchflower, économiste à l’université de Dartmouth, ancien membre de la Banque d’Angleterre, qui vient de publier un livre sur le marché du travail intitulé Not Working. Where Have All the Good Jobs Gone ? (« Je ne travaille pas. Où sont passés tous les bons emplois ? », Princeton University Press, non traduit).

« Amazon offre ces rabais aux clients aux dépens de salaires » : dans le monde entier, des employés en grève

Des milliers de salariés de la multinationale ont manifesté, profitant des promotions « Prime Day » pour réclamer des meilleures conditions de travail.

Le Monde avec AFP Publié le 15 juillet 2019 à 18h53 – Mis à jour le 16 juillet 2019 à 08h25

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A New York, le 15 juillet.
A New York, le 15 juillet. Kevin Hagen / AFP

Un mouvement de contestation coordonné en Europe et aux Etats-Unis. Des milliers de salariés d’Amazon ont profité des journées de promotions « Prime Day », lundi 15 juillet, pour dénoncer leurs conditions de travail.

En Allemagne, la grève contre « les promos sur le dos des salaires » a mobilisé « plus de 2 000 » employés sur sept sites, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Orhan Akman, du syndicat Verdi, la première centrale du secteur tertiaire dans le pays. La direction locale du groupe avait déclaré en amont ne prévoir aucune perturbation dans ses livraisons de commandes.

« Amazon offre ces rabais aux clients aux dépens des salaires de ses propres employés et en fuyant les négociations collectives », a déploré M. Akman. Des accusations rejetées par le groupe, qui a affirmé être honnête vis-à-vis de ses employés, « sans accord collectif », outre-Rhin.

Dans les centres allemands, les salaires « sont au plus haut de ce qui est payé pour des emplois comparables », a ajouté la direction locale du groupe, qui souligne que plus de « 8 000 employés » travaillaient chez Amazon « depuis plus de cinq ans ».

Aux Etats-Unis, les salariés d’un entrepôt du Minnesota ont débrayé, bloquant brièvement quelques camions et agitant des banderoles proclamant « Nous sommes des humains, pas des robots. » « Nous créons beaucoup de richesse pour Amazon, mais ils ne nous traitent pas avec le respect et la dignité que nous méritons », a expliqué l’un des grévistes, Safiyo Mohamed, dans un communiqué.

En France, la mobilisation a concerné le site de Lauwin-Planque, dans le nord, avec une faible participation des 2 500 employés, selon la direction.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Amazon : « Le diable est dans les emplois »

Rareté dans l’histoire syndicale

Manifestation d’employés Amazon à Shakopee, Minnesota, le 15 juillet.
Manifestation d’employés Amazon à Shakopee, Minnesota, le 15 juillet. GLEN STUBBE / AP

En signe de solidarité, des rassemblements d’employés étaient aussi prévus à Madrid et aux portes de plusieurs sites au Royaume-Uni. Dans un communiqué, le syndicat britannique GMB écrit :

« Nous avons reçu des informations horrifiantes sur des employés obligés d’uriner dans des bouteilles en plastique faute de pouvoir aller aux toilettes ou sur des femmes enceintes forcées de rester debout et certaines visées par des licenciements. »

En Pologne, où le conflit social s’est également particulièrement enlisé ces derniers mois, Amazon a annoncé lundi la création de 1 000 postes supplémentaires au sein de ses entrepôts et une augmentation du salaire horaire brut pour les nouvelles recrues de 20 zlotys, soit de 4,68 euros.

Depuis 2013, les syndicats européens d’Amazon, qui ont peiné à se faire reconnaître par la direction, se mobilisent régulièrement, de préférence à l’occasion des journées cruciales en termes de ventes comme les « Prime Day » et le « Black Friday ».

En 2018, la colère s’est renforcée : une cinquantaine de grèves ont été organisées par différentes centrales en Europe, une rareté dans l’histoire syndicale récente, si l’on exclut le secteur du transport aérien. En avril, les représentants syndicaux d’Amazon en provenance de quinze pays s’étaient retrouvés pour la première fois à Berlin pour coordonner leur lutte face au géant américain, décrié sur le plan social à travers le monde.

Outre les cadences jugées trop rapides, la surveillance des employés à travers des méthodes contestées de tracking (contrôle du temps de travail et des performances) ou la suppression des pauses, les employés d’Amazon Logistics déplorent leurs salaires trop faibles et réclament des conventions collectives ou un dialogue social plus apaisé.

Mark Lennihan / AP
Lire aussi : A Amazon, semaine de 60 heures et quête « du pic d’activité » dans les centres logistiques
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Les salariés d’Amazon mobilisés dans le monde entier contre des « promos faites sur leur dos »

A l’occasion des journées de promotions « Prime Day », des milliers d’employés ont participé à un mouvement de contestation pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 18h53

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Les salariés d’Amazon critiquent les cadences, la surveillance constante de leur performance et les faibles salaires.
Les salariés d’Amazon critiquent les cadences, la surveillance constante de leur performance et les faibles salaires. JOHANNES EISELE / AFP

Des milliers de salariés d’Amazon organisaient, lundi 15 juillet, un mouvement de contestation coordonnée en Europe et aux Etats-Unis, dont des débrayages, pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail à l’occasion des journées de promotions « Prime Day ».

En Allemagne, la grève contre « les promos sur le dos des salariés » a mobilisé « plus de 2 000 » personnes sur sept sites à travers le pays. En France, la mobilisation concerne le site de Lauwin-Planque, dans le nord, avec une faible mobilisation parmi les 2 500 salariés, selon la direction. En Espagne et au Royaume-Uni, les salariés se sont également rassemblés pour protester. « Amazon offre ces rabais aux clients aux dépens des salaires de ses propres employés et en fuyant les négociations collectives », déplore Orhan Akman, du syndicat allemand Verdi.

Lire aussi Amazon : semaine de 60 heures et quête « du pic d’activité » dans les centres logistiques

Aux Etats-Unis, les salariés d’un entrepôt d’Amazon dans le Minnesota ont aussi annoncé vouloir profiter de ces journées de « super promos » pour mettre en avant leurs revendications en faisant grève au démarrage de l’événement. La direction locale du groupe avait indiqué en amont ne prévoir aucune perturbation dans ses livraisons de commandes.

« Nous avons reçu des informations horrifiantes sur des employés obligés d’uriner dans des bouteilles en plastique faute de pouvoir aller aux toilettes ou sur des femmes enceintes forcées de rester debout et certaines visées par des licenciements », a indiqué dans un communiqué le syndicat britannique GMB.

Une cinquantaine de grèves en 2018

En Pologne, après des mois de conflit social, Amazon a annoncé lundi la création de 1 000 postes supplémentaires au sein de ses entrepôts et une augmentation du salaire horaire brut pour les nouvelles recrues de 20 zlotys, soit 4,68 euros.

Depuis 2013, les syndicats européens d’Amazon, qui ont peiné à se faire reconnaître par la direction, se mobilisent régulièrement, de préférence à l’occasion des journées cruciales en termes de ventes comme les « Prime Days » ou le « Black Friday ».

En 2018, la colère s’est renforcée : une cinquantaine de grèves ont été organisées par différents syndicats en Europe, une rareté dans l’histoire syndicale récente, si l’on exclut le secteur du transport aérien. En avril, les représentants syndicaux d’Amazon venus de 15 pays s’étaient retrouvés pour la première fois à Berlin pour coordonner leur lutte face au géant américain, décrié sur le plan social à travers le monde.

Outre les cadences jugées trop rapides, la surveillance des employés à travers des méthodes contestées de « tracking » (contrôle du temps de travail et des performances) ou la suppression des pauses, les employés d’Amazon Logistics déplorent leurs salaires trop faibles et réclament des conventions collectives, ou un dialogue social plus apaisé.

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Cordiste, un métier à hauts risques sans filet social de sécurité

En plein développement, le métier de cordiste est une des professions les plus dangereuses. Sur près de 8 500 professionnels, souvent intérimaires, vingt et un sont morts depuis 2006 dans des accidents du travail.

Par Publié aujourd’hui à 09h41

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Dans le mémoire qu’il a rendu en 2015 dans le cadre de sa formation de cordiste, Philippe Krebs évoquait longuement l’accident mortel survenu en 2012 sur le site agro-industriel de Cristal Union, à Bazancourt (Marne). Descendus en rappel dans un silo pour le nettoyer, Arthur Bertelli et Vincent Dequin, deux cordistes intérimaires de 23 ans et 33 ans, avaient été ensevelis sous des tonnes de sucre. Il écrivait : « Aucun enseignement n’a été tiré au sein de la profession. (…) Il aurait dû y avoir un avant et un après cet accident dramatique. Il y a surtout une continuité de pratiques aléatoires. » Moins de deux ans après l’écriture de ces lignes, en juin 2017, un nouvel accident mortel, sur le même site, dans des circonstances similaires, coûtait la vie à Quentin Zaroui-Bruat, 21 ans, autre cordiste intérimaire.

Travailler suspendu au bout d’une corde, dans des endroits peu accessibles, est dangereux par essence. C’est même une pratique en principe interdite par le code du travail qui ne la tolère que pour des travaux temporaires, si aucune technique plus sûre n’est envisageable. Maîtriser les risques est alors central.

« Je me suis mis à mon compte parce que j’avais peur en mission d’intérim », explique Philippe Krebs, cordiste

Comme tous les cordistes que Le Monde a contactés, Philippe Krebs estime que les conditions de sécurité ne sont aujourd’hui encore pas réunies sur de nombreux chantiers. Matériel usé, défaut de supervision et d’anticipation des risques… « Je me suis mis à mon compte parce que j’avais peur en mission d’intérim, explique celui qui est également formateur. Nos anciens stagiaires nous racontent être en permanence confrontés à des pratiques déviantes. Or, lorsque vous êtes jeune intérimaire, refuser une mission c’est prendre le risque d’être blacklisté. »

En cause, un déficit d’encadrement des pratiques dans une profession qui n’en est, en réalité, même pas une. « Nous n’avons ni code APE, désignant l’activité principale de l’entreprise, ni convention collective », souligne Eric Louis, qui aurait dû prendre la relève de Quentin Zaroui-Bruat le jour de son accident. Cordiste n’est pas un métier en soi, mais une pratique rattachée à un autre métier, comme maçon ou électricien. « Nous n’avons pas non plus de statistiques propres à l’accidentologie des cordistes, qui sont mélangés avec tous les intérimaires. On a peut-être la profession la plus mortelle de France sans que ça se sache », pointe Eric Louis.

Morts au travail : à l’usine Renault de Cléon, « on attend l’accident »

Chaque semaine, environ deux personnes ont un accident du travail nécessitant un arrêt, dans l’usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime.
Chaque semaine, environ deux personnes ont un accident du travail nécessitant un arrêt, dans l’usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime. CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Il n’a jamais rejoint ses collègues qui l’attendaient pour dîner. Le 10 mars 2016 à 19 h 05, Jérôme Deschamps, technicien de maintenance à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), a été retrouvé le torse coincé sous un caisson de séchage par l’un de ses camarades, un électricien inquiet de ne pas le voir venir au réfectoire.

Ce jour-là, ce père de 33 ans, employé chez Renault depuis ses 18 ans, a été désigné pour poser un tendeur sur les chaînes trop lâches d’une machine à laver industrielle. Il installe le tendeur sur la machine à l’arrêt, puis effectue des essais en mode manuel. Vers 18 h 40, il décide avec ses collègues de passer la machine en mode automatique, afin de la voir fonctionner en conditions réelles. Les portes de la machine sont grandes ouvertes, bloquées par des « sucettes », de petits morceaux de métal laissant croire au système de sécurité qu’elles sont fermées. Impossible, sinon, de vérifier la qualité de son travail.

La machine redémarre, mais il faut une dizaine de minutes pour qu’elle tourne à plein régime. Ses collègues partent dîner. Jérôme ne tardera pas, pensent-ils. Qu’a-t-il vu dans la machine qui ait nécessité qu’il s’y penche ? En l’absence de témoin, les circonstances de l’accident restent indéterminées. Mais son geste enclenche un mécanisme fatal dont il ignorait l’existence : en mode automatique, la machine abaisse un lourd caisson dès qu’elle capte une présence sur le convoyeur. Après l’avoir veillé une semaine à l’hôpital, sa famille décidera de mettre fin à son assistance respiratoire.

Accidents courants

Depuis, Renault est poursuivi pour « homicide involontaire ». Le 3 avril, le parquet du tribunal de Rouen a requis une amende de 200 000 euros à son encontre. La direction, contactée, n’a pas souhaité commenter l’enquête en cours. « Les événements qui ont amené à la mort de M. Deschamps sont loin d’être rares dans cette usine, estime William Audoux, secrétaire de la CGT de Cléon. Le manque de sécurité et de formation, l’intensification du travail et le manque d’effectifs ont pu donner lieu à d’autres accidents graves ces dernières années. »

« Il y a 8 000 machines, s’exclame un proche de la direction. Il est impossible de former qui que ce soit sur chacune d’elles »

Son syndicat s’est porté partie civile aux côtés de la famille, représentée par Me Karim Berbra. Quatre-vingt-douze salariés ont signé une lettre faisant état du caractère courant de la procédure suivie par M. Deschamps : usage des « sucettes », travail isolé, absence de formation à chaque machine… « Il y a 8 000 machines, s’exclame un proche de la direction. Il est impossible de former qui que ce soit sur chacune d’elles. » Les équipes de maintenance, toutes affectées à des secteurs particuliers, n’interviennent cependant pas sur la totalité de l’immense usine, qui s’étend sur le quart de Cléon.

Dans cette petite ville normande lovée dans une boucle de la Seine, les accidents sont courants. Chaque semaine, environ deux personnes ont un accident du travail nécessitant un arrêt, selon le bilan social 2018 de l’usine. Chutes de charges lourdes, éclaboussures d’aluminium brûlant, brouillards chimiques irritants jalonnent la vie des 4 000 salariés et intérimaires qui s’affairent pour produire boîtes de vitesses et moteurs. Jusqu’à parfois y mettre brutalement fin, comme ce fut le cas pour M. Deschamps en 2016. Cette année-là, sept salariés de l’industrie automobile française sont morts au travail et plus de 3 400 accidents suivis d’un arrêt ont eu lieu, selon l’Assurance-maladie.

L’impératif de productivité l’emporte

La mort de Jérôme Deschamps dans le ventre d’une machine – un événement rare à l’usine – a obligé la direction à repenser les procédures de sécurité. Mais pour la trentaine de salariés interrogés par Le Monde, managers, soignants, syndicalistes, techniciens ou ouvriers, l’impératif de productivité l’emporte encore trop souvent sur la prévention des accidents.

Depuis 2016, un hublot a bien été ajouté à la machine à laver, pour permettre à la maintenance de la voir fonctionner portes fermées, et l’usage des « sucettes » a été drastiquement limité. Une formation générale est dispensée à chacun dès son embauche. Un carnet rappelant les dix fondamentaux de la sécurité, déclinés en 74 « exigences-clés », a été distribué. Des fiches rappelant les risques ont été collées sur les machines.

« Plusieurs éléments tendent à décrire une culture de sécurité plus réactive que proactive sur le site de Renault Cléon », note le cabinet Aptéis

Certains managers, un badge « réflexe sécurité, ma priorité » à la boutonnière, rappellent à l’ordre les opérateurs s’ils ne portent pas leurs équipements de protection. « On nous emmerde sur le port du casque, des bouchons d’oreilles, des lunettes… Mais dès qu’il faut arrêter une machine dangereuse pour la réparer, c’est silence radio, s’agace Corentin (tous les prénoms des témoins ont été modifiés), ouvrier à la fonderie. Parce que ça impacte la production, qui est toujours en flux tendu. En gros, on attend l’accident. » Un avis partagé par le cabinet Aptéis, mandaté pour expertiser les « risques graves » dans l’usine après la mort de M. Deschamps : « Plusieurs éléments tendent à décrire une culture de sécurité plus réactive que proactive sur le site de Renault Cléon », écrit-il en 2018.

En mars, un ouvrier a été brûlé au troisième degré au cou par une projection d’aluminium. « Cet accident aurait pu être évité, tonne Willliam Audoux, de la CGT. Les équipes avaient signalé ce problème depuis des semaines. » Consulté par Le Monde, le tableau des dysfonctionnements, où les ouvriers indiquent les risques sur leurs machines, fait bien état d’un « danger car trop d’éclaboussures ». « La veille, il avait encore prévenu son chef : “Si on ne fait rien, un accident va se produire” », poursuit M. Audoux.

Réparer les machines « en une heure »

D’autres pratiques dangereuses, comme les interventions sur les machines en marche, continuent à avoir lieu. Et ce sans être toujours déclarées, contrairement aux procédures. « C’est l’hypocrisie la plus totale. On ne peut pas faire le diagnostic de la panne rapidement, ni vérifier que la machine a été réparée si elle est à l’arrêt, explique Damien, technicien en maintenance. Les machines prioritaires, il faut qu’elles crachent des pièces non-stop. En une heure, elles doivent être réparées. Sinon, les chefs se mettent derrière toi pour te demander pourquoi ça prend autant de temps. »

Selon Annabelle Chassagnieux, une experte d’Aptéis, la multiplication des règles de sécurité permet à Renault « de ne pas interroger son mode d’organisation ». « Lorsqu’un accident se produit, ils peuvent dire “Untel n’a pas respecté la procédure” sans se poser la question de la possibilité même de l’appliquer, analyse-t-elle. Trop souvent, les salariés ont à arbitrer entre suivre la procédure et travailler au plus vite pour respecter les contraintes de production. »

En novembre 2017, Renault s’était opposé devant le tribunal de Rouen à la venue des experts d’Aptéis dans son usine

Une expertise indépendante dont la marque au losange se serait bien passée. En novembre 2017, Renault s’est opposé devant le tribunal de Rouen à la venue d’Aptéis. Celle-ci avait été demandée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) après la mort de M. Deschamps, afin d’étudier les « risques graves » à Cléon. Pour justifier cette opposition, un proche de la direction estime que « rien ne permet d’affirmer qu’il y a, à Cléon plus qu’ailleurs, une exposition des opérateurs à un risque grave ». L’argument n’a pas convaincu le tribunal, qui a permis à Aptéis de se rendre dans l’usine début 2018.

Encouragés à « revenir vite » au travail

Par le passé, la venue d’observateurs extérieurs à Cléon s’était déjà soldée par une dénonciation des pratiques de la direction. En 2007, l’inspection du travail avait décrit un « système organisé de pressions visant à ce que les salariés victimes d’accident du travail (…) renoncent à prendre tout ou une partie de [leur] arrêt ». Douze ans plus tard, la dizaine d’accidentés du travail interrogés par Le Monde racontent la même histoire. Hugo, arrêté après avoir été blessé à la main, a reçu un appel de son chef le lendemain lui suggérant de « revenir vite ». Deux jours plus tard, le voilà de retour sur un poste aménagé, à remplir des tableurs et effectuer des photocopies. « Le reste du temps, je restais assis sur une chaise à attendre », raconte-t-il. La direction lui envoie un taxi puisqu’il ne peut pas conduire. « Ils ont dû dépenser 80 balles par jour… »

La somme, qui paraît importante aux salariés, reste inférieure à ce que devrait verser Renault si les blessés étaient restés longtemps en arrêt. Les cotisations à la branche « accidents du travail-maladies professionnelles » (AT-MP) de la Sécurité sociale dépendent en effet de la fréquence et de la gravité des accidents du travail, afin de faire payer aux entreprises les plus accidentogènes le coût de leurs pratiques dangereuses. Louis, un manager, justifie ce procédé par la dure concurrence que subit Renault : « Aujourd’hui, on est dans un système de production très contraint. Les cotisations à la Sécu pèsent sur le coût du travail. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Morts au travail : un flou statistique qui révèle un « non-problème » de santé publique

De son côté, la direction de Renault affirme qu’« il n’existe pas de système organisé de pression sur les salariés » et ajoute que ce qu’elle leur propose, « c’est de garder le lien avec l’entreprise en leur donnant la possibilité de revenir (…) sur des postes aménagés ». L’expertise d’Aptéis a été versée au dossier par les parties civiles. Le tribunal devrait se prononcer sur la responsabilité de Renault lors d’une nouvelle audience, le 21 janvier 2020.

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Entre opacité des chiffres et indifférence des autorités, les morts au travail encore largement ignorés

Il n’existe aucune donnée précise pour rendre compte du nombre global d’accidents mortels du travail en France. Selon l’Assurance-maladie, au moins 530 salariés du secteur privé sont décédés sur leur lieu de travail en 2017.

Par et Publié le 15 juillet 2019 à 05h19 – Mis à jour le 18 juillet 2019 à 15h34

Temps de Lecture 5 min.

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C’est en cherchant dans la presse quotidienne régionale qu’on les trouve. Un court article souvent, relatant l’accident mortel. Sous la mention « faits divers », Le Populaire du Centre faisait ainsi part, mardi 9 juillet, de la mort d’un ouvrier agricole de 18 ans, écrasé sous son tracteur à Saint-Jean-Ligoure (Haute-Vienne). Le même jour, L’Ardennais relatait celle, sur un chantier, d’un ouvrier de 45 ans percuté par la chute du contrepoids d’une grue, à Herpy-l’Arlésienne (Ardennes). La veille, Le Parisien informait du décès d’un mécanicien de 43 ans mort à Beautheil-Saints (Seine-et-Marne), coincé dans une arracheuse de lin.

On pourrait encore évoquer, depuis début juillet, ce manutentionnaire tombé d’un engin de levage en Seine-Maritime, cet ouvrier écrasé par une machine alors qu’il refaisait la chaussée de l’A7, dans les Bouches-du-Rhône, ou cet ascensoriste tué en Haute-Savoie.

Un « drame » ici, une « terrible tragédie » là. Une somme d’histoires individuelles. Mais que diraient ces accidents mortels de la réalité du monde du travail en France en 2019 si l’on les examinait dans leur ensemble ?

Un chiffre existe : celui des accidents du travail des salariés du secteur privé, recensés par l’Assurance-maladie. Il nous apprend qu’au moins 530 personnes sont mortes sur leur lieu de travail en 2017. Et cela sans compter les 264 qui se sont tuées sur leur trajet, ou les cas de suicide, qui nécessitent souvent un passage par le tribunal pour être reconnus comme des accidents du travail. Plus de dix personnes meurent donc au travail chaque semaine en France. A bas bruit.

« Une logique comptable et financière »

« L’accident du travail est un non sujet de santé publique, confirme Véronique Daubas-Letourneux, sociologue, enseignante-chercheuse à l’Ecole des hautes études en santé publique. On l’envisage sous l’angle de la fatalité, des risques du métier. Cela contribue à une naturalisation du risque professionnel, qui n’est pas interrogé en soi. On ne questionne ni le facteur organisationnel ni la précarité au travail. Si chaque histoire est un drame au plan individuel, elle pourrait aussi être un facteur d’alerte au plan collectif sur les conditions de travail. »

Morts au travail : un flou statistique qui révèle un « non-problème » de santé publique

Il n’existe aucune donnée chiffrée précise pour rendre compte du nombre global d’accidents mortels du travail en France. Selon l’Assurance-maladie, au moins 530 salariés du secteur privé sont décédés sur leur lieu de travail en 2017.

Par et Publié aujourd’hui à 05h19

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La « branche » des intérimaires est la plus à risque, avec 80 décès en 2017, suivie par les transports routiers et les travaux publics.
La « branche » des intérimaires est la plus à risque, avec 80 décès en 2017, suivie par les transports routiers et les travaux publics. ROMAIN LAFABREGUE / AFP

C’est en cherchant dans la presse quotidienne régionale qu’on les trouve. Un court article souvent, relatant l’accident mortel. Sous la mention « faits divers », Le Populaire du Centre faisait ainsi part, mardi 9 juillet, de la mort d’un ouvrier agricole de 18 ans, écrasé sous son tracteur à Saint-Jean-Ligoure (Haute-Vienne). Le même jour, L’Ardennais relatait celle, sur un chantier, d’un ouvrier de 45 ans percuté par la chute du contrepoids d’une grue, à Herpy-l’Arlésienne (Ardennes). La veille, Le Parisien informait du décès d’un mécanicien de 43 ans mort à Beautheil-Saints (Seine-et-Marne), coincé dans une arracheuse de lin.

On pourrait encore évoquer, depuis début juillet, ce manutentionnaire tombé d’un engin de levage en Seine-Maritime, cet ouvrier écrasé par une machine alors qu’il refaisait la chaussée de l’A7, dans les Bouches-du-Rhône, ou cet ascensoriste tué en Haute-Savoie.

Un « drame » ici, une « terrible tragédie » là. Une somme d’histoires individuelles. Mais que diraient ces accidents mortels de la réalité du monde du travail en France en 2019 si l’on les examinait dans leur ensemble ?

Un chiffre existe : celui des accidents du travail des salariés du secteur privé, recensés par l’Assurance-maladie. Il nous apprend qu’au moins 530 personnes sont mortes sur leur lieu de travail en 2017. Et cela sans compter les 264 qui se sont tuées sur leur trajet, ou les cas de suicide, qui nécessitent souvent un passage par le tribunal pour être reconnus comme des accidents du travail. Plus de dix personnes meurent donc au travail chaque semaine en France. A bas bruit.

« Une logique comptable et financière »

« L’accident du travail est un non-sujet de santé publique, confirme Véronique Daubas-Letourneux, sociologue, enseignante-chercheuse à l’Ecole des hautes études en santé publique. On l’envisage sous l’angle de la fatalité, des risques du métier. Cela contribue à une naturalisation du risque professionnel, qui n’est pas interrogé en soi. On ne questionne ni le facteur organisationnel ni la précarité au travail. Si chaque histoire est un drame au plan individuel, elle pourrait aussi être un facteur d’alerte au plan collectif sur les conditions de travail. »