Coronavirus : comment demander l’indemnisation pour mars, quand on emploie un salarié à domicile ?

Les particuliers employant une femme ou un homme de ménage qui n’a pas effectué en mars toutes les heures prévues peuvent demander une indemnisation via le site du Cesu.
Les particuliers employant une femme ou un homme de ménage qui n’a pas effectué en mars toutes les heures prévues peuvent demander une indemnisation via le site du Cesu. Paul Bradbury/Caiaimages / Photononstop

Comme annoncé par le gouvernement, les plates-formes de déclaration des emplois à domicile (Cesu) et des gardes d’enfants (Pajemploi) ont été aménagées pour permettre aux particuliers employeurs de bénéficier des mesures exceptionnelles d’indemnisation mises en place en cas d’activité partielle, dans le contexte du confinement. Le dispositif est opérationnel depuis ce lundi 30 mars.

Pour rappel, les pouvoirs publics invitent les particuliers qui le peuvent à payer l’intégralité du salaire du mois de mars à leurs salariés, même s’ils n’ont pas travaillé tous les jours. Ceux-là effectueront leur déclaration comme d’habitude et bénéficieront, dans les mêmes conditions que d’ordinaire, du crédit d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile ou pour garde d’enfants à l’extérieur du domicile, aussi bien pour les heures accomplies que pour celles non effectuées. Ainsi que du complément du libre choix du mode de garde (CMG).

Nul besoin d’obtenir une autorisation

Les particuliers employeurs qui ne peuvent pas assumer cette charge ont en revanche la possibilité de bénéficier de la mesure exceptionnelle d’indemnisation pour les heures prévues mais non accomplies en raison de l’épidémie liée au Covid-19. A la différence du dispositif mis en place pour les entreprises, aucune demande d’autorisation ou de déclaration préalable n’est nécessaire.

En contrepartie, le salarié devra fournir à son employeur une attestation sur l’honneur dans laquelle il indiquera le nombre d’heures non travaillées sur lequel porte la demande d’indemnisation. Cette attestation pourra être réclamée en cas de contrôle par l’Urssaf.

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En pratique, la déclaration se fait en deux étapes.

Dans un premier temps, l’employeur doit déclarer les heures réellement effectuées, comme il le fait d’habitude. Ce qui ne pose pas de problème particulier pour les salariés payés à l’heure.

Si votre salarié est mensualisé – c’est-à-dire si vous lui versez tous les mois le même salaire quel que soit le nombre d’heures accomplies – il faut commencer par déterminer le salaire qui correspond aux heures travaillées en effectuant une règle de trois. Par exemple, si le salarié a travaillé six jours au lieu des dix-huit prévus, le salaire qui reste à votre charge est égal à 6/18e de ce que vous lui versez d’habitude. Exemple : pour un salarié payé 350 euros par mois qui n’a travaillé que six jours sur dix-huit, vous devez lui verser 116,66 euros.

Pas de cotisations sur le complément de salaire

Dans un deuxième temps, vous devez compléter le formulaire de demande d’indemnisation exceptionnelle en indiquant les heures prévues et non effectuées. Dans le cas d’un salarié mensualisé, le salaire correspondant à ces heures non accomplies est déterminé par différence avec le salaire à votre charge que vous venez de calculer. Soit 233,34 euros (350 -116,66 euros), dans notre exemple.

Sur cette base, le formulaire d’indemnisation en ligne va calculer de montant de votre indemnité qui correspond à 80 % de cette somme (186,67 euros). Cette indemnité vous sera versée directement sur votre compte bancaire.

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Au total, vous devez donc verser 303,33 euros (186,67 + 116,66) à votre salarié au lieu de 350 euros. Mais vous pouvez aussi décider de lui verser un complément correspondant à la partie des heures non effectuées et non indemnisées par l’Etat (les 20 % restant, soit 46,67 euros dans notre exemple) afin de maintenir son salaire. Ce complément qualifié de « don solidaire » n’est pas soumis aux cotisations sociales.

Et en cas d’arrêt maladie pour garde d’enfants ?

Si vous êtes un utilisateur des services Cesu + et Pajemploi +, il faut savoir que ces services ne prennent pas en charge le versement de l’indemnité exceptionnelle : une fois le formulaire validé, l’indemnité doit être versée directement au salarié par virement, chèque ou Cesu préfinancé. En revanche, la rémunération déclarée au titre des heures travaillées sera versée sur le compte bancaire de votre salarié dans les mêmes conditions que d’habitude.

A noter que les particuliers employeurs qui ont mis leur salarié en arrêt maladie parce qu’il devait garder ses « propres » enfants ne peuvent pas demander à bénéficier de ce dispositif de chômage partiel. Leur salarié sera indemnisé directement par l’assurance-maladie. Mais ils doivent néanmoins déclarer les heures effectuées avant l’arrêt de travail et verser à leur salarié le salaire correspondant à la période antérieure à l’arrêt.

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Un dispositif spécifique est prévu pour les employeurs qui n’utilisent pas Internet. Ils recevront début avril, par courrier, le formulaire à compléter pour pouvoir être indemnisé. Mais rien ne les empêche de payer leurs salariés sans attendre de recevoir ledit formulaire. Pour faciliter le traitement des déclarations, l’Urssaf encourage les employeurs à créer un compte en ligne, au besoin avec l’aide d’un proche.

Coronavirus : aux Etats-Unis, grève de salariés d’Amazon pour réclamer une meilleure protection

Des salariés des plates-formes américaines de distribution Amazon et Instacart se sont mis en grève, lundi 30 mars, en plein confinement à New York et San Francisco, accusant leurs employeurs de ne pas suffisamment les protéger face au nouveau coronavirus.

Plusieurs dizaines de salariés de l’entrepôt new-yorkais d’Amazon à Staten Island, au sud de Manhattan, ont cessé le travail lundi midi. Ils se sont réunis devant l’entrepôt Amazon, masque ou foulard devant la bouche pour certains, éparpillés sur le parking, éloignés les uns des autres, distanciation sociale oblige.

Sous un ciel gris, ils ont brandi leurs pancartes : « Notre santé est juste essentielle », « Traitez vos employés comme vos clients. » Ou encore : « C’est difficile de fermer une entreprise pour troisquatre semaines. Mais c’est encore plus difficile de fermer pour toujours le cercueil de quelqu’un qu’on aime !!! RESTEZ CHEZ VOUS. »

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Des accusations « infondées », selon le groupe

Alors que la région, devenue l’épicentre de l’épidémie aux Etats-Unis, est appelée au confinement, ces travailleurs reprochent au géant américain de ne pas prendre les mesures nécessaires pour les protéger.

« Des personnes testées positives travaillent dans ce bâtiment et transmettent [le virus] à des centaines d’autres », indique un compte Twitter, baptisé @Shut_downAmazon, et tout juste créé.

« Ces accusations sont tout simplement infondées », a réagi Amazon dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). « Nous avons pris des mesures extrêmes pour assurer la sécurité des personnes, en faisant un nettoyage en profondeur trois fois plus souvent que d’habitude, en achetant les équipements de sécurité disponibles et en modifiant les procédures afin de garantir les distances de sécurité », assure le groupe.

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« Nous voulons également protéger nos clients »

Les salariés de la chaîne de magasins haut de gamme Whole Foods, qui appartient à Amazon, appellent à une grève mardi, demandant eux aussi des mesures de sécurité renforcées, ainsi qu’une rémunération plus élevée.

De leur côté, des acheteurs-livreurs de la plate-forme Instacart, qui permet de commander ses courses en ligne, ont également cessé le travail lundi. Ils demandent plus de sécurité et de meilleures conditions financières.

Ils cesseront ainsi le travail jusqu’à ce que « toutes [leurs] demandes [soient] satisfaites », a indiqué à l’AFP une porte-parole du groupe Gig Workers Collective. « Il ne s’agit pas seulement de nous, nous voulons également protéger nos clients. Les travailleurs sont furieux qu’Instacart ne fasse même pas le strict minimum pendant cette pandémie mortelle », a-t-elle ajouté.

Le Covid-19 a touché aux Etats-Unis près de 157 000 personnes lundi et fait plus de 2 880 morts, selon l’université Johns Hopkins, dont le comptage fait référence.

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Le Monde

Non, le chômage partiel n’est pas moins bien indemnisé que le chômage

« Quelle est la différence entre le chômeur et le chômeur partiel ? Le premier pourra partir en vacances cet été sans avoir travaillé et le second travaillera cet été pour rembourser les dettes de mars et avril. » Sous couvert d’ironie, ce message très populaire sur Facebook laisse entendre que les demandeurs d’emploi seraient mieux indemnisés que les travailleurs au chômage partiel du fait de la pandémie de Covid-19.

Un autre message, partagé plus de 150 000 depuis le 23 mars, prétend également que les chômeurs toucheraient « 100 % » de leur ancien salaire, alors que le chômage partiel ne serait indemnisé qu’à hauteur de « 70 % » et que les artisans toucheraient « 0 % ». C’est faux.

Capture d’écran d’un message partagé plus de 150 000 fois sur Facebook en une semaine.
Capture d’écran d’un message partagé plus de 150 000 fois sur Facebook en une semaine. Facebook

POURQUOI C’EST FAUX

1. Un chômeur ne conserve pas « 100 % » de son salaire

Contrairement à ce qu’affirment ces messages sur Facebook, les demandeurs d’emploi ne reçoivent pas une allocation à hauteur de leurs revenus d’activité. Les allocations-chômage sont calculées sur la base d’un salaire journalier de référence, qui prend en compte le salaire brut perçu sur les douze derniers mois.

Plusieurs règles s’ajoutent à cela, ce qui fait que le taux de remplacement des allocations (ce qu’elles représentent par rapport au salaire de départ) varie d’un cas à un autre. Selon l’Unédic, en juin 2018, un chômeur touchait en moyenne 72 % de son revenu net mensuel. Ce chiffre monte à 79 % pour les anciens salariés au smic, mais tombe à 64 % pour les personnes gagnant plus de 3 000 euros net par mois.

Rien ne change dans le niveau d’indemnisation des chômeurs pendant la pandémie, ces chiffres n’ont donc que très peu varié depuis. Les droits au chômage seront cependant automatiquement prolongés pour les demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs droits au mois de mars, pour compenser le fait qu’il était particulièrement délicat de retrouver un emploi en plein confinement. Par ailleurs, l’entrée en vigueur de nouvelles règles de calcul qui devaient s’appliquer à partir d’avril a été repoussée à septembre.

2. Le chômage partiel est souvent plus avantageux

Un grand nombre d’employeurs ont recours au chômage partiel du fait d’une baisse de leur activité pendant la pandémie. Au 27 mars, 2,2 millions de dossiers avaient été déposés auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Dans ce système, l’employeur verse une indemnité à ses salariés, mais l’Etat le rembourse après acceptation du dossier de chômage partiel. Le montant de l’indemnité correspond à 70 % de la rémunération brute des salariés, soit environ 84 % du salaire net, si l’on tient compte du fait que cette rémunération n’est pas sujette aux cotisations et contributions sociales.

Il existe des exceptions. D’abord, les salariés au smic recevront une indemnité équivalant à 100 % de leur salaire net. A l’inverse, l’Etat ne prendra en charge l’indemnité que pour les salaires jusqu’à 4,5 smic horaire brut. Les montants dépassant ce plafond restent à la charge de l’employeur.

Contrairement à ce qu’affirme la rumeur, le chômage partiel est mieux indemnisé que le chômage « classique » : les demandeurs d’emploi reçoivent en moyenne 72 % de leur ancien salaire, contre 84 % pour les salariés en chômage partiel (et 100 % pour les personnes au smic).

Cette précision n’enlève rien au fait que le chômage partiel entraînera une perte de revenus pour beaucoup de salariés concernés.

3. Des aides pour les indépendants, sous conditions

Bon nombre d’artisans, commerçants et indépendants voient leur activité réduite, voire suspendue, par le confinement. Si leur situation est préoccupante, il est trompeur d’affirmer qu’ils ne toucheront tous que « 0 % » de leurs revenus, ou de laisser croire que rien n’est prévu dans leur cas. Le gouvernement a en effet mis en place une série de mesures d’aide aux entreprises dont une partie s’adresse spécifiquement aux petites entreprises et aux indépendants.

Certains peuvent obtenir une aide (sous conditions) pouvant aller jusqu’à 3 500 euros pour les indépendants qui subissent une fermeture d’activité ou une chute de plus de 70 % de chiffre d’affaires. A cela s’ajoutent des délais de paiement d’impôts et de charges sociales, des reports de factures et diverses mesures de soutien.

Là encore, l’existence de ces aides n’enlève rien au fait que de nombreuses entreprises subiront de plein fouet les conséquences de la pandémie de Covid-19. Il est cependant caricatural de laisser entendre qu’elles auraient été abandonnées.

Coronavirus : L’Oréal n’aura pas recours au chômage partiel

A son tour, après Danone et Chanel, L’Oréal a annoncé, lundi 30 mars, s’engager à ne pas recourir « au chômage partiel en France jusqu’à fin juin ». Le groupe français – qui fabrique des produits cosmétiques sous les marques L’Oréal, Maybelline ou Kérastase – a suspendu partiellement ou totalement l’activité de plusieurs catégories de personnel, « notamment dans ses équipes de force de vente et d’animation en magasins », précise-t-il.

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En tout, « plus de 3 000 personnes sont actuellement privées de leur activité » en France, chiffre le groupe présidé par Jean-Paul Agon. Le fabricant s’est, par ailleurs, « engagé depuis la mise en place du confinement », à maintenir à 100 % « la rémunération fixe » de « l’ensemble de ses collaborateurs en France – soit 13 400 personnes ».

Le groupe, qui a modifié les lignes de production de plusieurs de ses usines françaises pour fabriquer des flacons de gel hydroalcooliques, annonce, par ailleurs, « avoir mobilisé et mis à la disposition des autorités françaises ses infrastructures opérationnelles en France et en Chine pour commander du matériel médical en grande quantité, dont plusieurs centaines de respirateurs et dizaines de millions de masques ». Ils seront acheminés en France.

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Les salariés de la propreté aux avant-postes face au coronavirus

Un employé du groupe de nettoyage Onet, à Déols, près de Châteauroux (Indre), le 26 mars.
Un employé du groupe de nettoyage Onet, à Déols, près de Châteauroux (Indre), le 26 mars. GUILLAUME SOUVANT / AFP

Anne-Marie n’est ni infirmière ni caissière, et personne ne l’applaudit le soir à 20 heures. Pourtant, elle aussi dit aller au travail le matin « la peur au ventre ». Comme son mari, elle est employée dans des entreprises de nettoyage. « Chaque matin, on se demande si on va aller travailler. Nos deux enfants voudraient que nous restions à la maison. Mais on a les charges à payer, le réfrigérateur à remplir, alors, on y retourne. »

Environ 550 000 personnes sont salariées dans le domaine de la propreté et du nettoyage en France, un secteur aujourd’hui soumis à deux mouvements antagonistes : d’une part, la fermeture des bureaux, commerces non alimentaires, écoles, crèches (ce qui entraîne une réduction d’environ 60 % de l’activité) ; d’autre part, la nécessité, pour les entreprises, de continuer à intervenir afin d’assurer le nettoyage des établissements de soins (hôpitaux, cliniques, Ehpad…), des transports en commun, des supermarchés et des commerces alimentaires ou encore des entrepôts logistiques. Sans oublier les copropriétés, où les prestataires viennent toujours évacuer les ordures ménagères, nettoyer halls d’entrée, ascenseurs et escaliers avec une attention toute particulière aux « points de contacts » : digicodes, poignées de porte, boutons d’ascenseur…

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« Nous avons aussi été appelés pour assurer la continuité sanitaire dans les copropriétés dont les gardiens ont été mis en congés par les syndics », témoigne Aurélie Boileau, présidente de l’entreprise Utile et Agréable, qui emploie 1 000 salariés pour entretenir 5 000 immeubles en Ile-de-France.

Dans ce secteur comme ailleurs, le manque de masques ou d’équipements de sécurité se fait cruellement sentir. Selon Jean-Pierre Duquesne, président de la FEP (Fédération des entreprises de propreté et services associés) Ile-de-France et dirigeant de Netindus, « quelques entreprises on pu mettre des équipements de protection individuelle à disposition de leurs salariés». Mais la grande majorité se « débrouille » avec les moyens du bord : des gants de ménage, « mais ni masques ni combinaisons jetables ».

« Ils sont très courageux et savent se mobiliser »

« Nos salariés ont tous du gel hydroalcoolique et des gants à usage unique, mais pas de masques », confirme Aurélie Boileau. Pour de nombreux chefs d’entreprise, la situation est intenable. « Les employés sont pleins de bonne volonté, mais si on les envoie sur le terrain, il faut qu’ils soient en sécurité », insiste Laurent Ruh, directeur général de RH Propreté, une entreprise installée dans l’Est.

Coronavirus : Station F, grand campus parisien de start-up, se met aussi au télétravail

Station F, dans le 13e arrondissement de Paris, se veut le plus grand campus de start-up au monde. Elle en héberge un millier.
Station F, dans le 13e arrondissement de Paris, se veut le plus grand campus de start-up au monde. Elle en héberge un millier. JOEL SAGET / AFP

La Halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement de Paris, a retrouvé le silence qui prévalait il y a seulement trois ans, avant qu’elle soit transformée en Station F. Lundi 16 mars au soir, ce lieu, qui se veut le plus grand campus de start-up au monde, a fermé ses portes en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus. Là où venaient travailler chaque jour près de 3 500 personnes, seules les équipes chargées de la sécurité circulent encore.

Le choix de baisser le rideau a été fait le vendredi 14 mars au soir, à la suite du discours du premier ministre Edouard Philippe, qui réclamait la fermeture des « lieux recevant du public non indispensables à la nation », tels que les restaurants, les bars ou les cinémas. Peu auparavant, un premier cas attesté de personne porteuse du SARS-CoV-2 avait été signalé à Station F. Déjà, un certain nombre de résidents avaient fait le choix de travailler à distance, de chez eux.

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Un courriel envoyé tard le samedi soir a informé les locataires du lieu qu’ils disposaient de quarante-huit heures pour venir récupérer leur matériel (ordinateurs, dossiers…). « C’était une décision assez évidente à prendre et qui a été bien comprise », explique la dirigeante de Station F, Roxanne Varza, qui a convenu préalablement de cette mesure avec Xavier Niel, le fondateur du lieu (par ailleurs actionnaire à titre individuel du Monde).

Rendez-vous individuels avec des spécialistes

Les équipes de Station F – soit une grosse trentaine de personnes – se sont évidemment astreintes au même régime que les start-up qu’elles accompagnent et se sont mises en télétravail pour continuer à répondre aux demandes des résidents. La première semaine, les équipes ont été assaillies de question très concrètes, notamment sur les conditions d’application du chômage partiel. Un soin tout particulier a été apporté aux non-francophones, qui, par exemple, ne trouvaient pas de formulaire en anglais pour les attestations de déplacement que chacun doit désormais posséder pour sortir de chez soi.

Station F propose à sa communauté des rendez-vous individuels avec des spécialistes (avocats, responsables de fonds…), mais elle a aussi commencé à instaurer des vidéoconférences, avec pour premiers invités des patrons de start-up ayant déjà traversé des crises, ainsi que le secrétaire d’Etat chargé du numérique, Cédric O, et le directeur exécutif de Bpifrance, Paul-François Fournier. Par ailleurs, les entrepreneurs peuvent continuer à échanger entre eux grâce aux outils de communication internes de Station F. « Les échanges y sont très vivants ces derniers jours », observe un entrepreneur.

Coronavirus : le gouvernement français étend le dispositif de chômage partiel

Le premier ministre français, Edouard Philippe, lors d’une conférence de presse à Paris, le 28 mars, au douzième jour du confinement décrété par les autorités pour enrayer la pandémie de Covid-19.
Le premier ministre français, Edouard Philippe, lors d’une conférence de presse à Paris, le 28 mars, au douzième jour du confinement décrété par les autorités pour enrayer la pandémie de Covid-19. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Une fois de plus, l’Allemagne est citée en exemple. Si le gouvernement d’Edouard Philippe cherche à faciliter le chômage partiel dans les entreprises, c’est, dit-il, parce que nos voisins ont démontré l’efficacité du remède en période de crise. Outre-Rhin, les employeurs avaient mis en place des mesures de ce type, en 2008-2009, en particulier dans les industries exportatrices de biens manufacturés. Elles avaient, du même coup, conservé leur main-d’œuvre et s’étaient relancées « plus vite », alors que le produit intérieur brut avait baissé plus fortement qu’en France, argumente-t-on dans l’entourage de Muriel Pénicaud, la ministre du travail.

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L’exécutif entend aujourd’hui s’inscrire dans cette même logique de préservation des compétences, menacées par la récession consécutive à la pandémie de Covid-19. Une ordonnance publiée au Journal officiel du samedi 28 mars contient plusieurs dispositions « exceptionnelles et temporaires » qui cherchent à « limiter les ruptures des contrats de travail (…) en renforçant le recours à l’activité partielle », le terme officiel pour désigner le dispositif. Ce dernier permet à des sociétés en proie à des difficultés passagères de ralentir ou de stopper leur production, moyennant une aide financée par l’Etat et par l’assurance-chômage pour couvrir une partie des rémunérations du personnel.

Entreprises mieux soutenues

Le système sera ouvert aux employés à domicile, aux assistantes maternelles ainsi qu’aux VRP et aux salariés dont le temps de travail est décompté en jours et non pas en heures. De même, les agents des « entreprises publiques qui s’assurent elles-mêmes contre le risque de chômage » y seront éligibles (RATP, SNCF).

Le texte prévoit aussi d’étendre momentanément la mesure aux « entreprises étrangères » qui n’ont pas d’établissement dans l’Hexagone et qui emploient au moins une personne « effectuant son activité sur le territoire national ». A une condition : elles doivent relever du système de Sécurité sociale tricolore. Parmi les bénéficiaires, il y a notamment la compagnie aérienne britannique easyJet et ses quelque 1 700 salariés sous contrat français, d’après Mme Pénicaud.

Des améliorations sont par ailleurs apportées, notamment pour les travailleurs à temps partiel : ainsi, ceux qui sont à mi-temps au salaire minimum percevront 100 % de la moitié du smic (et non pas 84 % comme aujourd’hui). Les entreprises sont également mieux soutenues puisque l’allocation qui leur est versée couvre la totalité de la rémunération de leur salarié, dans la limite de 4,5 smic (un peu plus de 4 800 euros net par mois). « C’est nettement plus favorable que la prise en charge forfaitaire de droit commun », se réjouit le directeur des affaires sociales d’un grand groupe. Avec l’ensemble de ces règles, le ministère du travail assure avoir instauré le régime de chômage partiel « le plus protecteur d’Europe ».

Coronavirus : le recours au chômage partiel vire parfois au casse-tête

Le BTP est un des secteurs les plus concernés par le chômage partiel. Ici, le 27 mars, à Paris.
Le BTP est un des secteurs les plus concernés par le chômage partiel. Ici, le 27 mars, à Paris. ISA HARSIN/SIPA / ISA HARSIN/SIPA

Stéfany Guessard ne décolère pas. A la tête d’un institut de beauté près de Lille, cette chef d’entreprise de 43 ans bataille depuis plus d’une semaine pour faire passer ses deux salariées au chômage partiel. Dès le 13 mars, devant l’avalanche de rendez-vous annulés par des clientes, elle s’était rendue sur la plate-forme numérique prévue à cet effet par le ministère du travail pour créer son espace personnel et engager les démarches. Mais faute de s’être vu communiquer des codes – sésame indispensable –, elle n’a pas pu aller plus loin.

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Elle a frappé à toutes les portes, multipliant les coups de fil au service d’assistance téléphonique et les courriels à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) – l’administration qui instruit sa demande. Quand elle a fini par recevoir une réponse, on l’a renvoyée vers d’autres interlocuteurs. Dimanche 29 mars, sa situation n’avait toujours pas été débloquée. « Personne n’est capable de me trouver une solution, se désespère-t-elle. On se retrouve quand même très seuls. Et vu le nombre de demandes, le robinet va se fermer : premiers arrivés, premiers servis… »

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Son cas illustre les tourments rencontrés par des employeurs pour bénéficier de « l’activité partielle ». Ce dispositif, plus communément appelé « chômage partiel » ou « chômage technique », est l’une des armes que les pouvoirs publics ont dégainée afin d’amortir la crise déclenchée par l’épidémie de Covid-19. Il permet à des sociétés, confrontées à des difficultés passagères, de ralentir ou d’interrompre leur production. La rémunération du personnel est partiellement prise en charge par une allocation, financée par l’Etat et par l’Unédic, l’association paritaire qui gère le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Vendredi soir, quelque 220 000 sociétés, employant au total 2,2 millions de salariés, s’étaient manifestées

Une série de mesures viennent d’être édictées pour que ce système de soutien soit, provisoirement, plus généreux et étendu à des catégories qui n’y étaient pas éligibles jusqu’à présent. Concrètement, le salarié reçoit 84 % de son salaire net (parfois l’intégralité, si sa direction en décide ainsi) et l’employeur est dédommagé à 100 %, dans la limite de 4,5 smic. « Le but du chômage partiel, qu’on utilise massivement, c’est d’éviter les licenciements », a rappelé, dimanche, la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Il s’agit d’« éviter la casse sociale » tout en veillant à ce que les entreprises puissent, « demain, (…) repartir avec leurs compétences ».

Coronavirus : les salariés de PSA hostiles à une réouverture rapide des usines

Entrée principale de l’usine PSA de Mulhouse, à Sausheim (Haut-Rhin), le 16 mars.
Entrée principale de l’usine PSA de Mulhouse, à Sausheim (Haut-Rhin), le 16 mars. SEBASTIEN BOZON / AFP

L’information s’était répandue, vendredi 27 mars dans l’après-midi, comme une traînée de poudre : malgré la progression de la pandémie de Covid-19, PSA allait rouvrir ses usines dans les plus brefs délais. Le groupe automobile, qui avait fermé ses sites industriels deux semaines auparavant, venait de publier un communiqué indiquant qu’il mettait en place « des mesures sanitaires renforcées afin de créer les conditions d’une reprise d’activité sécurisée et progressive ».

Au même moment, dans au moins deux usines françaises du groupe, à Valenciennes (Nord, boîtes de vitesses) et à Douvrin (Pas-de-Calais, moteurs), étaient évoquées en comité social et économique (CSE) non seulement les mesures à mettre en place (port de masque, distances de sécurité, nettoyage…), mais aussi une reprise dès la semaine du 30 mars, en effectif réduit.

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La réaction syndicale ne s’est pas fait attendre : un rejet franc et massif du principe de reprise rapide, venu y compris des organisations les plus enclines à rechercher le compromis. « La reprise d’activité ne pourra s’envisager qu’après le pic de l’épidémie dans notre pays » a déclaré FO, première organisation syndicale du Groupe PSA, dans un communiqué diffusé le 27 mars.

La CFTC (troisième syndicat), au ton habituellement modéré, a adressé, lundi 30 mars, un courrier à Carlos Tavares, le président de PSA, dans lequel Franck Don, le délégué central PSA du syndicat chrétien, ne mâche pas ses mots. « Il est hors de question de demander aujourd’hui aux salariés de PSA de sortir de chez eux, alors que le gouvernement vient de prolonger la période de confinement », déclare M. Don dans cette missive, que Le Monde a pu consulter.

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« Pour envisager une reprise d’activité, même progressive, deux conditions au minimum devront être réunies, poursuit le syndicaliste. Le pic de l’épidémie sera derrière nous et les soignants français bénéficieront du matériel de protection nécessaire à l’exercice de leur activité. Il n’est pas question que PSA utilise pour ses propres besoins des masques, des blouses, des lunettes de protection, alors que médecins, infirmières, policiers ne peuvent en bénéficier en nombre suffisant. Ces conditions étant encore loin d’être remplies, il serait indécent de parler de reprise d’activité. »

Scepticisme

Face au front syndical, PSA a amorcé un rétropédalage en souplesse, affirmant qu’aucune date de réouverture n’était définie nulle part. « On met en place le protocole sanitaire renforcé dans nos usines sans production, avec par exemple la pose de marquages au sol, puis on fait un audit, détaille un porte-parole de l’entreprise. Il s’agit d’anticiper afin d’être prêt le jour venu. Le redémarrage sera décidé avec nos partenaires sociaux. »

Le groupe français n’est pas le seul à piaffer d’impatience, tant l’immobilisation des usines engloutit les précieuses réserves de trésorerie des entreprises. Aux Etats-Unis, où le pic épidémique est loin d’être atteint, Ford, Fiat Chrysler, Honda et Toyota ont pris des mesures dès le jeudi 26 mars pour redémarrer leurs usines nord-américaines au début ou à la mi-avril.

En France, le rival de PSA, le groupe Renault, adopte une stratégie assez différente, consistant à réduire encore un peu plus l’activité

Ford, en particulier, a déclaré vouloir rouvrir cinq usines de montage entre le 6 avril et le 14 avril. Une décision, là-bas aussi, accueillie avec scepticisme par le puissant syndicat automobile United Auto Workers (UAW). « Avant de mettre en place un quelconque plan de reprise dans une usine, la direction devrait se demander : “Voudrais-je y envoyer mon propre fils ou ma propre fille ?” », a déclaré Rory Gamble, le président de l’UAW.

En France, le rival de PSA, le groupe Renault, adopte une stratégie assez différente, consistant à réduire encore un peu plus l’activité, alors que l’ensemble de ses usines françaises sont à l’arrêt depuis le 16 mars. A partir du lundi 30 mars, une grande partie des salariés en Ile-de-France (les activités liées au siège et à la recherche et développement qui étaient jusqu’alors en télétravail à temps plein) passent en activité partielle à 50 % sur une plage limitée au matin. « Les personnes dont l’activité le nécessite continueront à travailler à temps plein », souligne l’entreprise.

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Renault fait par ailleurs savoir que des négociations ont été ouvertes avec les organisations syndicales pour la mise en place d’un « contrat de solidarité et d’avenir », qui vise à transformer une partie des congés des salariés en rémunération et à « ajuster » les augmentations salariales. Des mesures analogues à celles prises lors de la crise de 2008-2009.

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« Comment continuer à se former en temps de crise épidémiologique ? »

Tribune. Nous vivons en régime de coronavirus. Avec un premier souci évident : celui de notre santé individuelle et collective, en se donnant les pleins moyens de prévenir, de protéger, de guérir. Pas question toutefois de renoncer à vivre face à un fléau de ce type, mais plutôt de chercher à vivre différemment, en mode adapté. Certaines missions, certes non vitales, n’en restent pas moins essentielles. C’est bien le cas de la formation, qui est à la source de l’épanouissement personnel et social. La fermeture des établissements scolaires pose clairement la question : comment continuer à se former en temps de crise épidémiologique ?

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Et si on apprenait dans les difficultés ? Et si le virus nous incitait à changer non seulement nos habitudes quotidiennes mais aussi notre manière de porter un certain nombre de grandes missions ? Car former autrement est possible, même nécessaire dans certains cas. D’autant que des solutions existent, éprouvées, qui fonctionnent parfaitement. Je pense, bien entendu, en premier lieu, à la formation à distance. C’est là l’alternative à privilégier pour concilier continuité de la mission de service public et respect des consignes de protection de nos concitoyennes et de nos concitoyens, la lutte contre la pandémie limitant drastiquement circulations et échanges.

Investir dans les infrastructures, une priorité

Le coronavirus doit nous servir d’électrochoc. Il doit nous pousser à avancer plus vite, plus loin et faire de la France un pays pionnier, voire exemplaire, pour la formation ouverte et à distance (FOAD). Cela suppose un engagement sans faille et une convergence de tous les efforts. A commencer bien sûr par la question des « tuyaux » : investir dans les infrastructures doit rester la priorité pour laquelle Etat et collectivités territoriales se mobilisent déjà. La généralisation du haut et du très haut débit sur l’ensemble du territoire est un impératif absolu.

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Si la qualité de la transmission est majeure, le contenu l’est au moins autant. Beaucoup de ressources numériques existent, peut-être trop. Il est désormais essentiel qu’elles s’appuient sur un parcours pédagogique clairement identifiable. Il est nécessaire que leur qualité soit garantie et leur accessibilité facilitée, notamment en matière financière. Un pays comme la France doit se retrouver dans une offre pédagogique digitale de tout premier plan, en mesure de suppléer temporairement à l’indispensable médiation enseignante, y compris, d’ailleurs, en proposant des échanges interactifs à distance entre apprenants et formateurs. C’est un point important.