Devant un restaurant du groupe McDonald’s, à Londres, le 13 mai. HENRY NICHOLLS / REUTERS
Une coalition internationale de syndicats a annoncé avoir porté plainte lundi 18 mai devant l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre le groupe McDonald’s, accusé d’avoir échoué à lutter contre un « harcèlement sexuel systématique » dans ses restaurants dans plusieurs pays. La plainte a été transmise à un centre néerlandais de l’OCDE, chargé de sa supervision.
Deux banques d’investissement − la néerlandaise APG Asset Management et la norvégienne Norges Bank − qui possèdent des parts dans le capital du géant mondial de la restauration, à hauteur de 1,7 milliard de dollars, sont également visées, ont précisé les syndicats.
Il s’agit, selon la coalition, de la première plainte pour « harcèlement sexuel généralisé dans une société multinationale » dans le cadre des principes directeurs de l’OCDE. Ceux-ci prévoient notamment que les multinationales et leurs actionnaires respectent le droit du travail, tels que la protection des salariés contre les violences sexuelles.
Les syndicats ont rassemblé des témoignages, avec des allégations allant de « commentaires vulgaires à des agressions physiques » à l’encontre de salariés en Australie, au Brésil, au Chili, en Colombie, en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
« La violence et le harcèlement basés sur le genre font partie de la culture de McDonald’s. »
La plainte doit être étudiée par le gouvernement néerlandais, qui décidera d’ici à trois mois s’il entame une procédure de médiation avec l’entreprise.
McDonald’s, dont le siège est aux Etats-Unis, affirme à tort ne pas être responsable des conditions de travail des employés car 90 % de ses restaurants sont franchisés, selon la plainte. Les syndicats ont choisi les Pays-Bas car le pays est le « centre nerveux » de McDonald’s en Europe et le siège de la banque APG.
A l’usine Renault de Flins (Yvelines), le 6 mai. Gonzalo Fuentes / REUTERS
Il se présente parfois comme « la Jeanne Calment du décolletage ». Roger Pernat, 75 ans dont cinquante ans de mécanique de précision dans la vallée de l’Arve, entre Genève et Chamonix, en a vu passer des crises, du choc pétrolier de 1973 à l’effondrement financier de 2008-2009. Mais celle-là, le président du groupe Pernat – 90 millions d’euros de chiffre d’affaires, 500 employés – lui aura fait baisser la tête comme à un boxeur qui aurait pris un coup sévère à l’estomac. « Cela ne fait que commencer, commente-t-il. On peut s’attendre à des effets de trésorerie mortels pour les entreprises qui ne sont pas bordées de cash. Il y aura de la casse. »
La casse, c’est-à-dire la cessation de paiement, le tribunal de commerce, la liquidation, le chômage… La casse, elle a déjà commencé, avec la mise en redressement judiciaire, le 11 mai, de Novares, spécialiste des pièces plastiques, 12 000 salariés, un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros, brûlant 4 millions d’euros par jour, incapable d’honorer ses factures et qui, désormais, attend son repreneur pour la fin mai.
Ils sont ainsi des dizaines de patrons de la filière amont de l’automobile française, dirigeants de petites, moyennes et parfois assez grandes entreprises, à mal dormir la nuit. Au moins 120 sociétés, représentant 72 000 emplois si on s’en tient aux seuls adhérents de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), qui fédère les équipementiers.
« La chute de notre chiffre d’affaires est vertigineuse en avril »
Au-delà des mastodontes que sont Faurecia, Valeo ou Plastic Omnium, se cachent de belles réussites industrielles françaises méconnues : Lisi Automotive (fixation mécanique), ARaymond (solutions d’assemblage), Le Bélier (pièces d’aluminium), Punch (boîtes de vitesses), GMD (pièces métalliques et plastiques), des plasturgistes comme Plastivaloire, ou Akwel, qui se propose de reprendre Novares. Ces sociétés oscillent entre 0,5 et 1,5 milliard d’euros de ventes. Elles ont créé des milliers d’emplois. Elles se sont développées hors de France. Et, aujourd’hui, elles souffrent.
« La chute de notre chiffre d’affaires est vertigineuse en avril, constate François Liotard, directeur général de Lisi Automotive, avec − 80 % ou − 90 % dans certains sites français. C’est irréel. Ce sont des magnitudes qui n’ont pas de précédent. Quant à la reprise de mai, elle reste faible, avec 40 % des volumes habituels. » « Jusqu’ici, ces entreprises vivaient avec les factures de janvier–février et sans besoin de fonds de roulement, puisque l’activité était à l’arrêt et que le chômage partiel avait pris le relais, explique Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), l’entité publique qui coordonne les entreprises du secteur. Mais, en juin, nous entrons dans une période très dangereuse. L’absence des factures de mars et avril va se faire sentir au moment où il faut de l’argent pour le redémarrage. Beaucoup de sociétés vont être étranglées. »
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A l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en avril 2016. JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Jean-Louis Divet demande à ce qu’on le rappelle plus tard dans la journée. « J’ai un rendez-vous en visioconférence avec le cabinet Altedia, il ne faut pas que je le rate. A 50 ans, si je veux retrouver du boulot, je dois me donner à 100 %. » Le reclassement, cet ancien responsable d’équipe connaît. « C’était en 1993, lors de la fermeture d’un atelier de l’usine de Tours. Je suis passé d’un site Michelin à un autre. Aujourd’hui, c’est différent, on parle d’un arrêt total d’activité. »
Communiquée le 10 octobre 2019, la fermeture de l’usine de La Roche-sur-Yon prendra effet fin 2020. Un coup de massue pour les 619 salariés du dernier fleuron français de confection de pneus poids lourds, rapidement atténué par la promesse d’un bassin d’emplois vendéen comme amortisseur à ces centaines de licenciements annoncés. A tel point que 78,7 % des ouvriers se sont prononcés à 96,1 % en faveur de négociations dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Sept mois et une double crise sanitaire et économique plus tard, ce reclassement s’avère bien plus compliqué à mener que prévu.
« Ça a bougé », reconnaît Laurent Bador, délégué central CFDT, qui a pourtant fait le déplacement depuis Clermont pour acter, le 13 mai, quatre nouvelles promesses d’embauche en CDI. « La réalité, nuance Nicolas Robert, de SUD Michelin, c’est que, sur les vingt CDI déjà engagés, la majorité a soit été repoussée, soit transformée en CDD. » Contactés, certains des salariés concernés n’ont pas souhaité donner suite à nos sollicitations. « Le contexte étant ce qu’il est, je préfère ne pas me griller », a fini par déclarer un « ex-Michelin ».
« Difficile de se projeter »
Paralysées par une situation économique fortement dégradée, la majorité des 24 000 entreprises recensées par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Vendée ont cumulé près de 400 millions d’euros d’aides et de reports de crédits. « Des chiffres qui permettent de mesurer l’ampleur des dégâts », a réagi Arnaud Ringeard, président de la CCI, lors de la présentation d’une enquête réalisée auprès de 2 115 entrepreneurs vendéens, entre le 29 avril et le 11 mai.
Anticipant le recours massif au chômage partiel (en avril, 26,4 millions d’heures de travail ont été autorisées pour 60 000 salariés vendéens) et les problèmes de trésorerie à venir, la CGT s’est rapidement inquiétée du respect des règles du PSE auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
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Le droit du travail n’en finit pas de se relâcher au contact du coronavirus. Vendredi 15 mai, les députés ont adopté le projet de loi « portant diverses dispositions liées à la crise sanitaire », qui assouplit, temporairement, des règles encadrant les relations entre patrons et salariés. Tout comme les mesures prises, fin mars, pour alléger – provisoirement, là encore – les contraintes sur la durée du travail, ces changements sont justifiés par la nécessité de permettre aux entreprises de s’adapter aux conséquences de la récession.
L’une des principales modifications porte sur les renouvellements de contrats à durée déterminée (CDD) et de contrats de travail temporaire (CTT). Leur nombre pourra être fixé par une « convention d’entreprise » et dépasser celui prévu par l’accord de branche (ou, à défaut, par la loi, s’il n’y a pas d’accord de branche). Cette nouvelle règle s’appliquera aux contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2020. Il s’agit de « prolonger les relations de travail » qui ont été suspendues, notamment en raison du recours au chômage partiel, a expliqué, vendredi, Marc Fesneau, le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui défendait l’amendement gouvernemental contenant cette disposition. Le but est de « maintenir les compétences indispensables à la reprise de l’activité », a-t-il ajouté.
« Aucun garde-fou »
La démarche a suscité des réserves au sein la majorité. Le député (La République en marche, Hauts-de-Seine) Jacques Maire a, en effet, indiqué, lors des débats dans l’Hémicycle, qu’il serait préférable de laisser la primauté aux accords de branche. Des représentants de la gauche sont, de leur côté, intervenus pour dénoncer une mesure synonyme, à leurs yeux, de précarité accrue : « On tombe du niveau de la loi à celui de l’entreprise, sans aucun garde-fou, ouvrant ainsi la voie à une forme de dumping », s’est indigné Pierre Dharréville, élu communiste des Bouches-du-Rhône. Ce dispositif est voté « parce que le Medef vous l’a demandé », a estimé Loïc Prud’homme (La France insoumise, Gironde).
Autre évolution controversée : le comité social et économique (CSE) – qui a, peu à peu, remplacé le comité d’entreprise depuis deux ans et demi – pourra utiliser une partie de son budget de fonctionnement (pas plus de la moitié) « au financement des activités sociales et culturelles » proposées aux salariés (voyages, spectacles…). Cette capacité d’initiative, qui résulte d’un amendement porté par Cendra Motin (LRM, Isère), est donnée « à titre exceptionnel (…), jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ». L’objectif est « d’apporter un soutien matériel supplémentaire » aux travailleurs.
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Supprimer une semaine des vacances de la Toussaint 2020 ainsi que le jeudi de l’Ascension comme jour férié pour participer à l’effort de relance économique. Qui a dégoupillé cette petite bombe ? Un certain Laurent Bigorgne, 45 ans, macroniste convaincu, jusqu’ici plus connu des antichambres du pouvoir que du grand public. Depuis 2011, il est à la tête de l’Institut Montaigne, think tank indépendant mais résolument « libéral ». Dans une note publiée le 6 mai, ce dernier avait déjà suggéré d’augmenter le temps de travail pour relancer l’activité économique.
Dans une autre vie qui est aussi la sienne, il cite le jeune chanteur anar Renaud lors de son grand oral de Sciences Po en 1996 (sujet : « Que fait la police ? » Renaud : « La France est un pays de flics/À tous les coins d’rue, y en a cent/Pour faire régner l’ordre public, ils assassinent impunément. »). Il est aussi agrégé d’histoire, fils d’une professeure de commerce et d’un proviseur très rocardien installés en Meurthe-et-Moselle. À Paris, il milite à l’UNEF-ID, l’un des syndicats étudiants à gauche de la période. En 2000, le patron de Sciences Po, Richard Descoings, le recrute pour démocratiser l’institution et la rendre plus accessible aux élèves des zones défavorisées.
Un libéral par défaut
On retourne le disque. En 2009, il tape dans l’œil de Claude Bébéar, ancien patron d’Axa, parrain du capitalisme français et cofondateur de l’Institut Montaigne. Bébéar l’intronise directeur des études puis lui offre les clés de la boutique. Bigorgne, directeur, justifie : « Je suis libéral au sens où il n’y a pas vraiment d’autres modèles que l’économie de marché. J’ai passé six mois à expliquer que l’Institut Montaigne est bipartisan et que son directeur n’a aucun engagement politique. J’arrête. On va le montrer, ce sera plus efficace. »
Un vieux pote du président
Laurent Bigorgne se serait volontiers passé de sa première saillie médiatique. En avril 2016, au lendemain du lancement d’En marche !, Mediapart publie cette information : l’adresse légale du mouvement macroniste est celle de son domicile privé, car sa compagne est directrice de la publication du site enmarche.fr. Bigorgne et Macron sont amis de longue date. Le premier conseille le second pendant la campagne présidentielle, et élabore une partie de son programme en matière d’éducation. La rumeur l’annonce comme le successeur possible de Najat Vallaud-Belkacem. Mais c’est finalement son ami Jean-Michel Blanquer qui prend le poste. En juin 2018, Bigorgne devient membre du Comité action publique 2022, installé par Édouard Philippe pour concevoir le projet de réforme de l’État.
Chronique. Il y a soixante-quinze ans, conformément aux préconisations du Conseil national de la Résistance (CNR), une ordonnance prononçait la dissolution de la Société anonyme des usines Renault pour la transformer en régie. Cette nationalisation avait pour but de sanctionner son actionnaire unique, Louis Renault, accusé d’avoir collaboré pendant la guerre avec l’Allemagne. Comme Charles de Gaulle l’écrit dans ses Mémoires, l’idée était de « placer sous la coupe de l’Etat “l’usine pilote” par excellence ».
Renault a mis des décennies pour redevenir une entreprise presque comme les autres. La privatisation en 1996, puis l’alliance nouée avec Nissan en 1999, avaient pu faire croire que la longue parenthèse ouverte par le Général de Gaulle se refermait, même si, encore récemment, les 15 % du capital conservés par l’Etat ont contribué à entretenir une ambiguïté sur le rôle des pouvoirs publics.
La crise liée à la pandémie de Covid-19 pourrait faire repartir le balancier de l’histoire en sens inverse. Renault renationalisé ? On n’en est pas encore là, même si la référence au CNR et à de Gaulle est très en vogue à l’Elysée. Toutefois, le constructeur se trouve dans une situation telle qu’on imagine mal son futur sans une intervention exceptionnelle de l’Etat, allant bien au-delà des 5 milliards d’euros de prêt garanti qui sont sur le point d’être débloqués.
Des erreurs qui vont se payer comptant
Tous les indicateurs étaient déjà au rouge avant la pandémie. Les dernières années de la présidence de Carlos Ghosn ont été marquées par son manque de vigilance sur la gestion du groupe et la nomination d’une direction générale déficiente. Avant d’être évincée, celle-ci a multiplié les erreurs, qui vont se payer comptant dans les mois à venir.
Dès février, pressé de s’expliquer sur la façon dont il comptait se redresser, le constructeur avait promis pour mai un plan de 2 milliards d’euros d’économies. A quelques jours de l’échéance, les spéculations vont bon train pour savoir où tailler dans le vif et comment ces décisions seront financées. Surtout, le niveau de l’effort, fixé avant la pandémie, pourrait se révéler insuffisant. Depuis cette annonce, le marché automobile s’est effondré et tout indique que le rebond sera poussif. L’allemand Volkswagen (VW), qui avait fait repartir ses chaînes de production dès la fin avril, vient de décider de les interrompre de nouveau, faute de clients.
Si tous les constructeurs se trouvent face à une équation compliquée, pour Renault le défi est titanesque. Sur le plan du bilan comptable, d’abord. La participation du constructeur français dans son partenaire Nissan est inscrite dans ses comptes pour 21 milliards d’euros, alors que ces 43 % ne valent plus que 5,5 milliards. Le réajustement s’annonce douloureux. La valorisation en Bourse de la firme au losange est désormais inférieure au montant du prêt garanti par le gouvernement. Après avoir brûlé plus de 5 milliards d’euros de cash au premier trimestre, la situation risque de se tendre un peu plus au deuxième. Les investisseurs institutionnels se détournant, l’Etat devient la seule bouée de sauvetage crédible.
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Tribune.Tirant les enseignements de la crise sanitaire, Emmanuel Macron a annoncé une grande réforme de l’hôpital. Au-delà de la revalorisation des salaires et des carrières, nécessaire et attendue par les personnels de santé, c’est la méthode et l’organisation des services de santé qu’il faut repenser.
Le 8 avril, le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) du Grand-Est était limogé, après avoir assuré que le plan d’économies devant aboutir à la suppression de 174 lits et 598 postes allait se poursuivre. Au moment où les services de santé du Grand Est étaient à saturation et où les personnels de santé faisaient preuve d’un dévouement et d’un engagement exceptionnels, cette prise de parole était plus que malvenue. Ces propos du directeur de l’ARS sont cependant symptomatiques d’une transformation de l’Etat, bureaucratique et totalement désincarnée où l’hôpital et les personnels soignants sont réduits à des nombres de lits et de postes.
Depuis vingt ans, la modernisation de l’Etat survalorise la culture du résultat mesuré par des indicateurs. Dans la culture administrative du secteur public, plus encore que dans le privé, cette focalisation sur la mesure et le pilotage quantitatif amplifient l’abstraction des activités professionnelles. Ces méthodes renforcent la fracture entre des professionnels de terrain qui se sentent incompris et empêchés de réaliser correctement leur métier, et une administration centrale, focalisée sur une gestion budgétaire.
Des services dépassés par la situation
Il n’y a aucune place à la confiance dans un système essentiellement construit sur l’encadrement par les règles, le contrôle et la sanction. Confiance, autonomie, responsabilité, initiative, coopération, professionnalisme, autant de principes que la bureaucratie ne permet pas, voire qu’elle combat. Ce sont pourtant ces comportements-clés, dont ont fait preuve les professionnels de santé, qui ont sauvé le système face à cette crise épidémique.
En temps « normal », on constate les écarts et les incompréhensions entre une tutelle et des professionnels confrontés à l’urgence et au traitement du patient. Cette crise n’a pas révélé des problèmes déjà bien connus, mais elle a mis en exergue les limites d’un système à bout de souffle.
Eloignés du terrain, dépourvus de capteurs, prisonniers de leurs règles et procédures abstraites, les services administratifs régionaux de santé ont rapidement été dépassés : une faible anticipation des difficultés, une faible capacité à mobiliser des moyens, des défaillances dans la mise en alerte des structures privées, une mobilisation et une mise en réseaux des établissements publics et privés lente et compliquée…
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Devant un magasin Conforama, à Paris, en décembre 2017. ERIC PIERMONT / AFP
Dans le secteur de la consommation, Fnac Darty l’a eu (500 millions d’euros), Castorama et Brico Dépôt, propriété de Kingfisher, viennent de l’obtenir (600 millions d’euros), la Cafom, propriétaire d’Habitat et de Vente-unique.com, aussi. Mais Conforama attend toujours l’obtention du prêt garanti par l’Etat (PGE) d’environ 300 millions d’euros, selon nos informations, qu’elle a sollicité il y a plusieurs semaines.
La dernière réunion sous l’égide du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), avec les quatre banques concernées (Crédit du Nord, LCL, HSBC et BNP), vendredi 15 mai, n’a pas débloqué la situation.
Au 7 mai, 386 658 entreprises de toutes tailles avaient obtenu une enveloppe de 65,799 milliards d’euros. Pour le distributeur français de produits d’ameublement, la situation est de plus en plus tendue. Sans cet apport financier, il risque dans les prochaines semaines la mise en redressement judiciaire.
1 900 emplois supprimés en France sur 9 000
Après le scandale financier lié à des irrégularités comptables de son actionnaire principal, le groupe Steinhoff, en 2017, Conforama avait été pris dans une tempête financière qui a abouti, en juillet 2019, sur un vaste plan de restructuration : 32 magasins Conforama en France fermés en 2020, et 10 Maison Dépôt, entraînant la suppression de 1 900 emplois – sur quelque 9 000 en France. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avait été mis en place pour accompagner le départ des salariés et la fermeture des magasins programmée en trois vagues, à partir du 15 avril.
Quelques acquéreurs pour les magasins s’étaient même présentés, comme But et Lidl. Tandis que les résultats financiers de Conforama avaient commencé à s’améliorer. Le chiffre d’affaires était en hausse de 1 % au quatrième trimestre 2019, par rapport à 2018, et la tendance se poursuivait jusqu’en février. « Cela n’était plus arrivé depuis longtemps. Les efforts de tout le monde commençaient à porter leurs fruits », raconte Jacques Mossé-Biaggini, délégué syndical central FEC-FO. « Les difficultés étaient éteintes. Les objectifs financiers étaient tenus. On était sur un retour de la rentabilité dès 2020. Le Covid-19 nous a fait sortir de la trajectoire », assurait-on du côté de la direction, début mai.
Depuis plusieurs semaines, la direction de Conforama négocie avec difficulté cet apport financier. L’Etat a même accepté d’augmenter sa garantie à 90 %, au lieu de 80 % dans d’autres dossiers, pour que le prêt soit bouclé. Rien n’y a fait. L’une des quatre banques, BNP, ayant même séché la dernière réunion, vendredi 15 mai, organisée par le CIRI. « Et HSBC semble moins intéressé à soutenir des investissements français, indique M. Mossé-Biaggini. Avec l’augmentation de l’engagement de l’Etat, c’est difficilement compréhensible. » A l’AFP, la banque française a répondu, samedi 16 mai, que, « si un nouveau projet industriel et commercial de long terme, et mobilisant les actionnaires actuels ou de nouveaux actionnaires, devait se dessiner, BNP Paribas l’examinerait. »
« C’est le serpent qui se mord la queue ! »
Or, sans ce prêt, outre une mise à mal de la situation financière de l’entreprise, pas de financement du plan social pour les salariés. « Le PSE devait être financé par la tranche B de l’emprunt théoriquement consenti par le panel de créanciers dirigé par Helen Lee Bouygues. 110 millions d’euros devaient rentrer, mais les créanciers conditionnent maintenant ce versement à l’obtention du PGE. C’est le serpent qui se mord la queue ! », se désole M. Mossé-Biaggini. Certains salariés ayant déjà quitté l’entreprise, environ 1 500 personnes sont encore concernées. « Les propositions de reclassements internes devaient être envoyées à partir du 11 mai, et les premières notifications de licenciement devaient partir début juin. Tout est gelé », poursuit le syndicaliste.
Rien de signé non plus du côté des acheteurs potentiels des magasins. Après avoir annoncé dans les médias son intérêt pour une dizaine de magasins, But s’est retiré des discussions au début de l’année.
Pour le moment, Conforama n’a rouvert que 19 magasins en libre-service sur 182. Les 16 magasins de la première vague de fermeture ne rouvriront pas, et les 13 autres de la seconde vague, prévue début juin, sont en suspens. Les derniers sont censés fermer le 15 octobre. Une situation compliquée pour l’ensemble des salariés de Conforama, qui « sont plongés dans l’insécurité quand à la viabilité de leur entreprise et la pérennité de leur emploi », a indiqué la CGT dans un communiqué, samedi 16 mai.
La comédienne Vanessa Desmaret diffuse une émission depuis sa cuisine, le 11 avril 2020, à Lyon. JEFF PACHOUD/AFP
A en croire Corona-work.fr, plus de 4 personnes sur 5 souhaitent continuer à télétravailler après la sortie de crise. Projet collaboratif, ce site a été lancé par six spécialistes de l’analyse de données pour mesurer et comprendre l’impact de la mise en télétravail confiné de plus de 5 millions de personnes. Entrepreneur, ingénieur ou sociologue, ils ont élaboré un questionnaire qui a récolté plus de 1 540 réponses depuis le 16 mars. Les données brutes dressent une typologie des télétravailleurs.
L’expérience du travail à distance est suffisamment positive pour que 60 % des répondants affirment vouloir télétravailler davantage quand la situation sera redevenue normale, car leurs conditions de travail se sont améliorées pendant le confinement. S’ils disent travailler plus qu’avant, ils affirment aussi être plus efficaces et plus concentrés. Ils font également plus d’activité physique que les autres. Ils envisagent de télétravailler une fois de temps en temps (44,3 %), le plus possible (14 %), voire tous les jours (1,7 %). Et 25,5 % souhaitent télétravailler « autant qu’avant ».
Cadres, employés et professions intermédiaires
Les adeptes sont pour plus de 45 % des néo-télétravailleurs. Ils ne pratiquaient jamais, ou seulement exceptionnellement, le télétravail avant le confinement et souhaitent télétravailler au moins un jour par semaine. Ils sont en grande majorité employés et de professions intermédiaires. Les cadres et les professions intellectuelles supérieures, qui représentaient 60 % des télétravailleurs avant la crise, souhaitent continuer au moins autant sinon plus. Les aspirants au télétravail se répartissent assez également entre hommes et femmes.
En revanche, l’âge est un critère clivant. Seuls 14,5 % des télétravailleurs interrogés refusent de continuer, mais ils sont 20,6 % chez les 18-29 ans. Les plus jeunes, qu’on aurait pu croire plus adeptes du télétravail car désireux d’être libres de s’organiser et aguerris au numérique, réclament leur bureau. Ce pourcentage monte à 28,7 % pour les jeunes célibataires et à 36,1 % pour les jeunes femmes. Le besoin d’être en relation avec les autres et avec son manageur, alors que l’on commence sa carrière professionnelle, est important. Le lieu de travail reste un espace de sociabilité et de rencontres essentiel pour les jeunes.
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Lors d’un salon à Los Angeles, en novembre 2019. FREDERIC J. BROWN/AFP
Quand, du jour au lendemain, plusieurs millions d’employés et d’agents de collectivités se sont retrouvés à travailler depuis leur domicile, les cybercriminels se sont frotté les mains. Dès les premiers jours du confinement, les utilisateurs se sont précipités sur les applications de visioconférence. Le nombre de réunions organisées chaque jour sur Zoom est ainsi passé de 10 millions en décembre 2019 à 300 millions fin avril…
Mais utiliser une telle application sans avoir activé ou non les différents paramètres expose aux fuites de données, à la présence de participants non invités et à l’enregistrement des échanges. Rapidement accusée de ne pas chiffrer les réunions et de faire transiter certains échanges par des serveurs en Chine, l’application a été interdite par nombre d’entreprises, et même d’Etats. Elle a été corrigée depuis. Mais si l’on ne tient pas à voir ses discussions entre collègues exploitées par des inconnus malveillants, mieux vaut consulter la politique de confidentialité.
Les données personnelles et professionnelles sont d’autant plus à risque que beaucoup d’employés ont commencé à télétravailler sur l’ordinateur de la maison. « Les logiciels y sont rarement mis à jour, il y a donc un risque lorsqu’on les autorise à accéder aux serveurs des entreprises », remarque Gérôme Billois, associé cybersécurité et confiance numérique au cabinet de conseil Wavestone, sauf pour les entreprises qui ont déjà migré une partie des applications dans le cloud. Les logiciels de messagerie, les documents et les données sont alors accessibles en ligne sans passer par le système informatique de l’organisation.
« Le collaborateur est le premier rempart de l’entreprise, il faut lui faire adopter les bonnes pratiques », affirme Stéphane Tournadre, du groupe Servier
« Le collaborateur est le premier rempart de l’entreprise, il faut lui faire adopter les bonnes pratiques », affirme Stéphane Tournadre, responsable de la sécurité des systèmes d’information (RSSI) du groupe Servier. Le laboratoire a montré à ses salariés comment l’application de suivi du Covid-19 sur la carte du monde, largement diffusée sur les smartphones, servait en fait à exfiltrer les données des mobiles…
« Cet exemple dans l’environnement personnel leur a fait mesurer ce qu’il peut se passer dans le monde professionnel. » Et pour éviter que des données sur les savoir-faire industriels ou de recherche s’égarent, Servier a tout simplement proscrit le papier pour ceux qui travaillent à domicile. Les assistantes ont créé les procédures d’utilisation de la solution collaborative Teams, adoptée par toute l’entreprise.
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