« Il est du ressort de l’Etat de faire respecter les lois en matière d’embauche, de salariat et de travail des journalistes »

Tribune. Des journalistes rémunérés à la pige sans plus aucune commande depuis mars et donc sans avoir gagné un centime ; des pigistes spécialisés en sport, en tourisme ou dans l’actualité culturelle réduits à une quasi-cessation d’activité ; d’autres encore, au chômage, qui n’ont pas pu bénéficier des indemnisations par Pôle emploi, notamment parce qu’il n’y avait pas de rupture de contrat constatée, se retrouvant ainsi dans un sac de nœuds juridico-administratifs ; des promesses d’embauche et de CDD non tenues ; des étudiants journalistes sans stage… La crise sanitaire et sociale touche de plein fouet les journalistes professionnels et fragilise encore plus les plus précaires.

Une donnée démontre à elle seule l’ampleur du séisme : ils ne seront guère plus de 1 300 à faire leur première demande de carte de presse en 2020. Ils étaient 1 700 chaque année depuis trois ans (2019, 2018, 2017), un chiffre en augmentation régulière mais une dynamique stoppée net.

Des mesures facilitantes en 2021

Composées de journalistes élus et d’éditeurs de presse, véritable baromètre de la profession, la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) a très vite évalué la situation. Déjà bienveillante avec les demandeurs soumis à difficultés, elle a pris une mesure inédite au printemps en renouvelant systématiquement toutes les cartes 2019 pour cette année, une décision exceptionnelle saluée par la profession.

Pour la carte 2021, elle appliquera des mesures facilitantes pour que les journalistes puissent obtenir ou conserver la carte de presse, appréciera la moyenne des salaires (ou piges) des demandeurs sur un temps beaucoup plus long qu’habituellement (au terme de la loi, le journalisme doit être une « activité principale, régulière et rétribuée ») et prolongera une troisième année (au lieu de deux) la possibilité d’obtenir la carte de presse tout en étant demandeur d’emploi.

Pour les maintenir dans la profession et accompagner les journalistes, la commission prend toute sa part. Est-ce le cas de tous ?

Des postulants à la carte de presse qui ne l’obtiennent pas, notamment pour des raisons de rémunération, critiquent parfois la CCIJP. Il est plus aisé de cibler une instance officielle bien identifiée que de combattre de vrais responsables disséminés dans un monde économique parfois nébuleux.

Chantage

Et pourtant, ils existent bien et se sont parfois manifestés lors de cette crise inédite. Des groupes de presse ont annoncé des licenciements, « mesures financières », justifiaient-ils, affichant à l’inverse un peu plus tard des résultats positifs. Paradoxalement d’ailleurs à la demande accrue d’information, beaucoup de titres, de sites, de radios, de chaînes de télé ont réduit leur pagination, le nombre de leurs éditions ou leur contenu dès le confinement, et ne sont pas revenus après l’été à la situation antérieure. Il y a eu dans notre secteur ce que certains ont appelé ailleurs des effets d’aubaine…

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Les extraits du compte privé de Facebook peuvent servir de preuve contre le salarié

« Concernant la question de la loyauté de la preuve, la Cour de cassation considère que l’employeur n’avait pas eu recours à un stratagème dans la mesure où la publication litigieuse avait été communiquée spontanément à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise. »

Une manageuse de la société Petit Bateau est licenciée pour faute grave, pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité, en publiant en avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection Petit Bateau printemps-été 2015 qui avait été présentée exclusivement aux commerciaux de la société.

La lettre de licenciement soulignait, notamment, qu’en agissant de la sorte, la salariée avait pris le risque de perturber les actions de communication de l’entreprise sur une collection future et de dévoiler la future collection à la concurrence. La lettre soulignait à cet égard que la salariée comptait dans son réseau d’amis Facebook de nombreux professionnels de la mode « été » de la distribution appartenant à des entreprises telles que Kenzo, Jacadi, H&M et Zalando.

La salariée a contesté son licenciement en faisant valoir principalement qu’elle avait été victime d’une intrusion abusive et illicite dans sa vie privée et que, pour accéder à sa page personnelle, l’employeur avait utilisé un procédé déloyal.

La cour d’appel de Paris constate que ses « amis » Facebook – plus de deux cents – sont des professionnels de la mode dont certains travaillent auprès d’entreprises concurrentes. Elle juge que l’employeur n’a pas recouru à un procédé déloyal dans la mesure où il a été informé de cette diffusion par un des « amis » de la salariée travaillant au sein de la société qui s’étonnait de cette publication.

Confidentialité

La salariée saisit la Cour de cassation qui rejette son pourvoi (Cass. soc., 30 septembre 2020 n° 19-12.058) et reconnaît que la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, ainsi que des éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée.

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Néanmoins, la Cour de cassation juge que le droit à la preuve peut justifier de tels éléments si cette production est indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi.

Pour la haute juridiction, cette production réunissait ces conditions dans la mesure où la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires était en jeu et que, d’autre part, l’employeur n’avait fait procéder au constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte. Enfin, concernant la question de la loyauté de la preuve, la Cour de cassation considère que l’employeur n’avait pas eu recours à un stratagème dans la mesure où la publication litigieuse avait été communiquée spontanément à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » au compte privé Facebook de la salariée.

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A Radio France, les syndicats acceptent le plan de la direction

Cinq des six syndicats de Radio France ont apposé leur signature au bas du « Projet accord emploi 2022 », jeudi 1er octobre, entérinant de ce fait le plan d’économies proposé par la direction. Trois cent quarante personnes quitteront donc l’entreprise d’ici à 2022, uniquement sur la base du volontariat ; les départs en retraite et les fins de carrière seront encouragés. En échange, 271 embauches devront être réalisées, par le remplacement d’un départ sur deux d’abord, par la création de postes ensuite.

« Ces embauches permettront de proposer à des salariés non permanents de Radio France un CDI, avec un objectif de 70 % de propositions d’embauches à leur endroit », se félicite la direction de Radio France dans un communiqué. Sans surprise, seule la CGT a refusé de signer ce plan. « Il n’est en rien “équilibré”, et encore moins “socialement responsable” », fustige le syndicat, qui n’y voit qu’un « accord de suppressions d’emplois ».

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« Une solution moins pire »

Cette rupture conventionnelle collective a paru « une solution moins pire qu’un plan de départs volontaires », commente Jean-Paul Quennesson du syndicat SUD, dont la signature ne paraissait pas parmi les plus acquises. Présenté à l’automne 2019, ce plan initial avait occasionné la grève la plus longue qu’ait connue Radio France.

« On a pesé le pour et le contre, mais ce plan promet des embauches de CDD », fait à son tour valoir Valeria Emanuele, élue SNJ. « Nous essaierons évidemment de peser le plus possible pour diminuer la précarité », ajoute Philippe Ballet, à l’UNSA, qui attend encore quelques contreparties supplémentaires.

La trajectoire financière, qui accule Radio France à des économies (40 millions par an, auxquels s’ajoute le redéploiement de 20 millions vers le numérique), demeure toutefois dans leur ligne de mire. « Nous voulons pouvoir démontrer qu’elle est insoutenable », insiste Jean-Paul Quennesson, pour qui l’accord de ce jour ne signifie pas que la « colère » des salariés est éteinte.

Alors que le groupe devrait être déficitaire d’environ 20 millions d’euros cette année, il devrait bénéficier d’une dotation de 20 millions d’euros sur deux ans dans le cadre du plan de relance, a précisé la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, en début de semaine.

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« On a beau être combatif, vient un moment où on s’écroule » : la détresse des petits patrons face à la crise

Ricardo Blanch, 64 ans, patron de Paris Querido Voyage. Aubervilliers.

BRUNO FERT POUR « LE MONDE »

Par

Publié aujourd’hui à 01h12, mis à jour à 10h18

Des crises, ces chefs d’entreprise en avaient pourtant traversées. Mais aucun n’aurait imaginé connaître pareille déflagration. « Vous avez beau vous débattre dans tous les sens, ne plus dormir, chercher toutes les solutions, vous ne pouvez rien contre une activité qui ne repart pas et des banques qui refusent de vous aider », lâche Roger (qui a souhaité conserver l’anonymat), visage marqué, seul au milieu des scies à panneaux et des plaqueuses empoussiérées, dans ses grands entrepôts déserts.

Voilà sept mois que les machines de sa société d’événementiel, spécialisée dans la conception de stands pour les foires et salons, sont à l’arrêt, et que son équipe de vingt et un salariés est au chômage partiel. Avec l’interdiction des grandes manifestations, son secteur est l’un des plus sinistrés par la crise liée au Covid-19. Celle-ci a frappé « au pire moment » : l’entreprise réalise 70 % de son chiffre d’affaires entre février et juin. Sept mois que le dirigeant niçois de 58 ans frappe à toutes les portes pour tenter d’obtenir des aides et stopper cette descente aux enfers. En vain. Trésorerie exsangue, dettes qui s’accumulent, refus du prêt garanti par l’Etat (PGE) par les banques, assignation d’expulsion du bailleur… Au pied du mur, Roger vient de déposer le bilan.

Une hausse des défaillances se profile – de l’ordre de 21 % d’ici à 2021

Sur près de quatre millions de petites et moyennes entreprises (PME), combien sont-ils, ces dirigeants qui, en ce moment, livrent une bataille à corps perdu pour tenter de « sauver la boîte » ? Alors que peu de procédures ont été engagées durant le confinement et que les entreprises étaient assez protégées de la faillite par différents dispositifs, une hausse des défaillances se profile – de l’ordre de 21 % d’ici à 2021, selon un rapport de l’assureur-crédit Coface publié début juin. Evénementiel, restauration, tourisme, artisanat… autour de lui, Roger ne compte plus ceux qui se préparent à mettre la clé sous la porte.

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A Armentières (Nord), Rousselle Industrie, petite société quasi centenaire qui fabrique des machines pour la chimie, y a échappé de peu. Après des mois à remuer ciel et terre, Eric Plaisant a fini par arracher les accords de prêts qui conditionnaient le redémarrage de son activité. Reste à ce que les fonds soient versés. Soulagé, le patron de 59 ans est aussi « à genoux » : « Six mois comme ça, c’est l’équivalent de trois ans. On a l’impression qu’on ne verra jamais le bout », dit-il. La société se relevait à peine de la crise de 2008 et d’un plan de continuation sur dix ans. L’homme, lui, a encore besoin de somnifères pour trouver le sommeil.

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Restauration d’entreprise : Elior va supprimer plus de 1 800 postes en France

Sinistrée depuis l’épidémie de Covid-19 qui a conduit les grandes entreprises, notamment, à mettre leurs salariés en télétravail, le géant de la restauration collective Elior a annoncé, jeudi 1er octobre, la suppression de 1 888 postes en France dans sa branche dédiée à la restauration d’entreprise.

Cette réorganisation, qui fait l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi présenté aux organisations syndicales, touche 1 260 lieux de restauration exploités par ses filiales Elior Entreprises et Arpège, précise le groupe dans un communiqué.

Elior tentera de « proposer un reclassement aux collaborateurs concernés » vers ses autres activités en France et estime « à plus de 1 000 le nombre de postes potentiellement disponibles dans l’année à venir », précise Frédéric Galliath, directeur général de l’activité entreprise au sein d’Elior France, cité par le communiqué. « L’entreprise va maintenant s’engager dans une démarche de concertation et d’échanges avec [ses] partenaires sociaux pour limiter au maximum l’impact de ce projet sur l’emploi », dit-il.

« Reprise très molle »

Au total, 9 500 salariés travaillent aujourd’hui dans la restauration d’entreprise en France au sein d’Elior Entreprises et Arpège, qui est le segment haut de gamme de cette activité et compte parmi ses clients nombre de grandes entreprises ayant leur siège social dans le quartier d’affaires de La Défense, dont les effectifs présents au bureau au quotidien ont fondu. La branche restauration d’entreprise d’Elior a ainsi vu son activité se contracter de 45 %, comparé à l’an dernier, en raison de la crise sanitaire : à la période de confinement, où elle était quasi nulle, a succédé une reprise très molle, a précisé un porte-parole.

En effet, les restaurants d’entreprises sont aujourd’hui largement désertés en raison d’un recours accru au télétravail, qui représente désormais en moyenne « plus de deux jours par semaine contre moins d’un jour » avant la crise sanitaire, parmi les clients d’Elior.

Le plan de restructuration actuel est néanmoins « calibré sur une baisse d’activité de 20 % », ce qui est le niveau sur lequel le groupe table après la crise sanitaire, car la restauration d’entreprise devrait rester durablement affectée par ces changements de mode de travail, a indiqué le porte-parole. En complément de ces réductions de postes, Elior « envisage d’avoir recours à un dispositif d’activité partielle de longue durée dans les sites », en particulier ceux de grande taille, précise-t-il.

Le Monde avec AFP

Covid-19 : les entreprises confrontées à la hausse des cas contacts

Dans le quartier des affaires de La Défense, près de Paris, le 1er septembre 2020.

Le foyer d’infection, c’est la hantise des « référents Covid-19 », qui ont pris place au sein des équipes des ressources humaines depuis le mois de mai. Tout peut aller très vite : trois cas confirmés ou probables dans une période de sept jours transforment une entreprise en cluster. Il ne s’agit pas de désorganiser le travail pour autant.

« Dans un premier temps, à la moindre suspicion, les manageurs avaient tendance à considérer tout un étage cas contact, on a progressé pour identifier les cas contacts à risque, remarque Marie-Pierre Pirlot, médecin coordonnateur chez Orange. Désormais les décisions suivent les consignes du gouvernement, tiennent compte des conseils de l’ordre des médecins et des contraintes de l’entreprise. » Le point de départ est toujours le même, à savoir la définition du cas contact donnée par Santé publique France dès le 7 mai : avoir croisé un cas positif sans masque ni écran de protection pendant au moins quinze minutes dans un espace confiné ou en face à face à moins d’un mètre. Toutes les autres situations de contact sont « à risque négligeable », précise l’Agence nationale de santé publique.

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La plupart du temps, les entreprises transmettent cette définition à l’ensemble des manageurs, chargés de gérer la situation en collaboration étroite avec les responsables des ressources humaines. « Nous avons un protocole très strict, qui a été communiqué et expliqué aux manageurs, qui l’expliquent eux-mêmes aux collaborateurs. Puis on a favorisé toutes les questions qui pouvaient être posées pour pouvoir rassurer les salariés », témoigne Hélène Gemähling, la DRH de Nespresso France.

Compter avant tout sur la responsabilité civique

Les entreprises ont tendance à considérer que le danger vient de l’extérieur : « La plupart du temps, le contact s’est fait à l’extérieur de l’entreprise », assure Sibylle Quéré-Becker, directrice du développement social d’Axa France. « Une pendaison de crémaillère entre collègues d’une boutique a été à l’origine de cas contacts à risque », témoigne Mme Pirlot. « Les gens sont assez prudents, mais, quand ils passent le seuil de l’entreprise, on ne les contrôle plus », souligne Marc-Henri Bernard, le DRH de Rémy Cointreau.

Ils comptent avant tout sur la responsabilité civique et l’efficacité des mesures sanitaires pour empêcher la survenue de cas contact. Outre les consignes standards, comme les masques, le gel et le sens de circulation, ce sont les temps de convivialité qui sont sous surveillance : « On a dit pas de dîners ou d’événements professionnels », illustre Mme Gemähling. Chez Orange sont interdites toutes les occasions qui favorisent le contact : petits déjeuners, distribution de viennoiseries en réunion. « On est allé jusqu’à ne plus rembourser les moments de convivialité à l’extérieur : un rendez-vous avec un client oui, une réunion d’équipe, non », développe le DRH Gervais Pellissier.

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La filière événementielle rassurée par les promesses de Bercy

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, quitte l’hôtel Matignon, à Paris, le 29 septembre.

Venus chercher des mesures de soutien qui leur permettraient de franchir le cap de la crise, les représentants de la filière événementielle sont ressortis rassurés de leur rendez-vous avec le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, jeudi 30 septembre. Outre la prolongation, jusqu’au 31 décembre, de la prise en charge à 100 % du chômage partiel et un relèvement des seuils d’octroi de certaines aides, ils ont obtenu « l’écoute » qu’ils escomptaient, dans l’attente de mesures complémentaires à venir la semaine prochaine.

« Le ministre a pris conscience que la filière devait être aidée et soutenue », souligne Cédric Angelone, coprésident du syndicat des activités événementielles (SAE), tandis qu’Arnaud Chouraki, représentant de l’association Lévénement, qui regroupe plusieurs organisations professionnelles de la filière (Coésio, Créalians, France Congrès et Evénements, Synpase, Traiteurs de France et Unimev), estime que « la problématique du secteur a été entendue ».

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L’événementiel, qui rassemble quelques grands groupes, une myriade de PME et d’indépendants, figure parmi les secteurs les plus sinistrés par le Covid-19, en raison de l’annulation et de l’interdiction des grandes manifestations – foires, salons ou congrès, notamment. Les professionnels font état d’une chute de 80 % de leur chiffre d’affaires par rapport à 2019. Pour 2021, ils s’attendent à un recul de 50 % « seulement », encore bien loin d’un retour à la normale.

Absence de visibilité

La raison ? Une reprise de l’épidémie, qui a conduit à un tour de vis sur les consignes sanitaires et à l’absence totale de perspectives. « La rentrée de septembre représentait pour nous un espoir, celui de réenclencher une dynamique, certes en pente douce. Mais clairement, cela a été une vraie douche froide », résume Cédric Angelone. « Pour un événement qui se tient, neuf sont annulés. Et aujourd’hui, les carnets de commandes sont vides, car nous n’avons aucune visibilité. »

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Les professionnels déplorent la prérogative donnée aux préfets d’interdire des événements « du jour au lendemain », en fonction de la situation sanitaire, ce qui, selon eux, « revient de facto » à les empêcher de travailler, compte tenu des risques d’annulation qu’ils feraient courir à leurs clients. De sorte que les carnets de commandes pour 2021 sont aujourd’hui bien maigres. La « jauge » fixée à 5 000 personnes dans certaines zones et à 1 000 dans d’autres complique singulièrement la donne. Un « cafouillage » préjudiciable à l’activité, tandis que les clients, eux, craignent plus que tout l’absence de visibilité sur leurs futurs événements et préfèrent reporter sine die.

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Miné par une forte baisse d’activité, Air France s’enfonce dans la crise

Un Airbus A320 d’Air France sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, près de Paris, le 12 mai 2020.

Le climat social menace de se tendre chez Air France. Le plan visant à supprimer plus de 6 500 postes, mis en œuvre par la direction, vient de subir un premier accroc. Les personnels navigants commerciaux (PNC) sont moins nombreux qu’espéré à vouloir quitter la compagnie. Alors que 1 700 départs étaient attendus, seuls 1 151 hôtesses et stewards se sont inscrits pour bénéficier du dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC), qui est arrivé à échéance, mercredi 30 septembre.

En revanche, du côté des pilotes, les objectifs de la RCC ont été remplis, 368 navigants ayant déjà quitté l’entreprise. Devant le peu d’enthousiasme des PNC, la direction fait contre mauvaise fortune bon cœur. Selon elle, les 1 700 départs programmés n’étaient qu’un « calibrage maximum ». Elle assure avoir atteint son but, en poussant vers la sortie « 10 % des PNC, autant que pour les pilotes ».

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A l’inverse, les syndicats font grise mine. Faute d’avoir obtenu le nombre de départs souhaités, la direction voudra « trouver des mesures complémentaires », s’inquiète Christelle Auster, présidente du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) d’Air France. Il y aurait environ 3 000 hôtesses et stewards en surnombre.

Arsenal de mesures

D’après Mme Auster, la compagnie cherche déjà, par tous les moyens, à « réduire les coûts pendant l’activité partielle ». Elle souhaiterait « des équipages moins nombreux » en cabine, notamment à bord des nouveaux avions qui entreront dans la flotte. La direction voudrait aussi convaincre les PNC de « renoncer à la garantie de rémunération ». En définitive, les hôtesses et stewards seraient payés à l’heure de vol, un peu à la manière des pilotes, redoute la syndicaliste. Cet arsenal de mesures « est un accord de performance collective qui ne dit pas son nom », juge-t-elle.

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Les syndicats craignent qu’Air France tente de l’imposer, à la faveur des négociations lancées lors du basculement de l’activité partielle – en place depuis mars 2020 –, vers l’activité partielle de longue durée. Initialement prévu au 1er novembre, il ne devrait intervenir qu’au 1er janvier 2021. La ministre du travail, Elisabeth Borne, a annoncé, mercredi 30 septembre, la prolongation, jusqu’à fin 2020, du dispositif d’activité indemnisé à 100 % pour tous les secteurs protégés, dont le transport aérien.

Un répit bienvenu pour la compagnie, toujours engluée dans la crise. « L’été était plutôt bien parti », fait-on savoir chez Air France, qui avait même augmenté ses capacités, de 35 % à 40 %. Cependant, l’activité a faibli « à partir de la mi-août, avec l’annonce des mesures de restriction de circulation ». Elle s’est même effondrée en septembre , sous le « double effet » de la diminution des passagers loisirs liée à la fin des congés d’été et de l’absence des clients affaires, « qui ne sont toujours pas revenus ». « D’ailleurs, on ne s’attend pas à ce qu’ils reviennent tout de suite », se désole la compagnie. En septembre, le taux de remplissage des avions serait tombé à 50 %.

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La politique handicap des entreprises à l’épreuve du Covid-19

C’est une évolution que Stéphane Marion, restaurateur de la région nantaise, observait jusqu’alors avec satisfaction. « De plus en plus d’établissements de Loire-Atlantique s’engageaient en faveur de l’intégration des travailleurs handicapés. Même des petites structures étaient prêtes à jouer le jeu », explique ce cadre du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration, qui milite de longue date pour leur insertion professionnelle.

Las, la crise liée à l’épidémie de Covid-19 a bouleversé la donne économique. « La préoccupation première de mes confrères est désormais de maintenir leur établissement hors de l’eau. La problématique financière va prendre le pas sur les autres, et notamment sur la question du recrutement des personnes en situation de handicap, dont l’employabilité va être fragilisée. »

Des embauches orientées à la baisse dans les entreprises ? « C’est une certitude, tranche Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps. Durant les crises économiques, ces travailleurs sont particulièrement touchés et rencontrent d’importantes difficultés à décrocher un travail et à s’y maintenir. »

Un constat que confirment les données des organismes de placement spécialisés Cap Emploi : « Au premier semestre 2020, on observe une baisse de 19 % des contrats conclus par rapport à un an plus tôt », précise Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops (Conseil national han­dicap & emploi des organismes de placement spécialisés).

Les placements en CDI chutent de 26 % sur la même période. Durant les six premiers mois de l’année, l’une des rares bonnes nouvelles vient de l’apprentissage : « Il n’a pas été impacté, poursuit Mme Cappelle. Il a bénéficié des dispositifs de soutien déployés. » Elle se veut toutefois prudente : « Une telle tendance demandera à être confirmée au second semestre. »

Réduction des postes à pourvoir

Les recrutements en intérim ont, quant à eux, fortement diminué. « Un retournement complet de situation s’est produit, déplore Julia Barone, directrice générale d’Up’interim, une agence consacrée aux travailleurs handicapés en Bretagne. Avant la crise, la difficulté principale était le sourcing des candidats. Désormais, c’est la prospection commerciale auprès des entreprises, les besoins en recrutement étant bien moins importants qu’avant la crise, même si une reprise s’est dessinée en septembre. »

Une évolution également constatée par Alexandre (pour préserver leur anonymat, certaines personnes ont témoigné sous leur seul prénom), un intérimaire poitevin de 38 ans, atteint de troubles schizoïdes. « Le changement a été très brutal. Avec la crise, les offres ont disparu et les appels pour me proposer une mission ont cessé », regrette-t-il.

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Cette chute s’inscrit dans un contexte de réduction générale des postes à pourvoir, tous publics confondus. Il arrive que les postulants en situation de handicap souffrent de fragilités supplémentaires. A l’heure de la crise sanitaire, « certains dirigeants considèrent que les recruter constituerait une difficulté de plus », explique M. de Broca. Un entrepreneur confirme : « Des dirigeants peuvent estimer, parfois à tort, qu’ils ne seront pas opérationnels directement et demanderont un accompagnement. D’autres les assimilent à des personnes vulnérables… Cela ne favorise pas les embauches en période de crise épidémique. »

Changer les regards

Avant la crise, « les recruteurs bretons n’avaient parfois pas d’autres solutions que de se tourner vers nous, indique Mme Barone. Ce n’est plus le cas : les demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues, sont désormais beaucoup plus nombreux ».

Une situation qui peut toutefois être différente dans certains secteurs toujours en tension, où l’apport des travailleurs handicapés demeure bienvenu. C’est le cas, par exemple, du bâtiment. « Notre secteur attire peu, et beaucoup de nos métiers connaissent par conséquent une pénurie, explique Ingrid Muccignato, référente handicap chez Eiffage Construction. La crise du Covid a donc peu d’impact sur notre politique de recrutement des personnes en situation de handicap. »

Face à la baisse des recrutements, les acteurs du secteur cherchent à communiquer en direction des entreprises. « Nous devons dédramatiser l’embauche des personnes en situation de handicap », résume Mme Barone. Pour Mme Cappelle, « il faut changer les regards, en expliquant que beaucoup d’entre elles peuvent être opérationnelles tout de suite et qu’elles ne sont pas forcément en situation de fragilité ».

Il convient aussi de rappeler aux entreprises qui pourraient être tentées d’avoir une moindre attention à la question du handicap que « ce serait une erreur de balayer des engagements précédemment pris en matière de RSE [responsabilité des entreprises] », appuie Hugues Defoy, directeur du pôle métier à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Dans le cadre du plan de relance, présenté le 3 septembre, les pouvoirs publics ont annoncé une aide aux entreprises, d’un montant global de 100 millions d’euros. Elle prévoit le versement d’une prime de 4 000 euros au maximum pour toute embauche d’un travailleur handicapé en CDI ou CDD de plus de trois mois. L’Agefiph a, pour sa part, renforcé ses aides pour les recrutements en alternance.

Le maintien dans l’emploi est aujourd’hui un second point de vigilance des organismes accompagnant les travailleurs en situation de handicap. Et pour cause : une enquête Agefiph-IFOP réalisée en mai a montré que, sur cette question, l’implication des organisations s’est révélée très inégale lors du confinement.

Ainsi, 47 % des actifs handicapés indiquaient que leur entreprise n’avait alors pas pris en compte leur situation spécifique pour déterminer les modalités de leur exercice professionnel. De même, 54 % de ceux passés en télétravail assuraient que leur employeur n’avait pas aménagé les conditions de travail à leur domicile, ce qui avait entraîné des difficultés à accomplir leurs tâches professionnelles pour 46 % d’entre eux.

C’est le cas de Pierre, déficient visuel, qui « n’avait pas à [son] domicile les logiciels accessibles qui [lui] permettent de travailler au bureau ». C’est également la situation qu’a vécue Cyril (le prénom a été modifié), également déficient visuel, employé dans un ministère : des équipements techniques lui permettant de lire certains documents lui faisaient défaut.

Edouard Ferrero, président de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, confirme que « la période du confinement et de télétravail a parfois été très compliquée. Et, en cas de blocage, les salariés ne pouvaient pas, comme au bureau, demander l’aide d’un collègue proche d’eux ».

Quelques mois plus tard, à l’heure de la reprise en présentiel pour de nombreux salariés, les conditions apparaissent toujours dégradées dans de nombreuses organisations. Les auteurs d’une nouvelle enquête Agefiph-IFOP, menée en septembre, décrivent une prise en compte limitée des situations de handicap par les employeurs. Parmi les personnes handicapées considérées comme « vulnérables » par leur entreprise, seulement 22 % affirment que des dispositions particulières ont été prises pour adapter leur poste de travail.

Financement des masques inclusifs

Si des difficultés sont ainsi relevées, certaines sociétés ont toutefois décidé d’engager des actions favorisant le maintien dans l’emploi. Elles ont pu, pour ce faire, bénéficier d’aides déployées à l’occasion de la crise par l’Agefiph ou le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), comme la prise en charge des coûts liés au télétravail et le financement des masques inclusifs.

« Des actions ont été menées dans plusieurs de nos organismes, notamment pour faciliter le télétravail en adaptant des postes de travail au domicile des collaborateurs et en les équipant en siège ergonomique, en tables à hauteur réglable… », se réjouit Simona Burgio, pilote de la mission handicap nationale du régime général à l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale.

Autre initiative : mettre en place un accompagnement pour s’assurer que les personnes concernées ne « décrochent » pas. La caisse générale de Sécurité sociale de Guyane, par exemple, a organisé durant le confinement des appels hebdomadaires en direction des agents en situation de handicap pour détecter d’éventuelles fragilités. Un guide relatif à la mise en œuvre d’une politique globale de prévention de la désinsertion professionnelle a également été déployé afin d’accompagner les directeurs d’organismes et de leur permettre de détecter les situations de vulnérabilité.

« Adaptations de postes à domicile et sur le lieu de travail, aménagements de plannings : des mesures ont également dû être envisagées pour les personnels en situation de handicap dans les établissements d’Elsan », détaille Sandrine Mathis, directrice des affaires sociales du groupe hospitalier privé.

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La crise a eu une autre conséquence, plus inattendue : « Des collaborateurs se sont déclarés en situation de vulnérabilité, poursuit-elle, sans qu’ils se soient forcément déclarés en situation de handicap. Cette détection va nous permettre de communiquer avec eux sur cette thématique et de les accompagner le cas échéant. »

Même constat chez Eiffage Construction. « Nous avons pu identifier des salariés handicapés qui n’avaient pas souhaité se signaler jusqu’à présent », explique Mme Muccignato. La crise liée à l’épidémie de Covid-19 pourrait donc, paradoxalement, favoriser la diffusion de dispositifs de soutien grâce à une connaissance plus fine des effectifs. Et renforcer, ainsi, à plus long terme, le maintien dans l’emploi.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées).

L’Agefiph organise l’Université du réseau des référents handicap 2020 du 6 au 9 octobre. Pour vous y inscrire, rendez-vous ici.

« En Europe centrale et orientale, les destructions d’emplois sont plus fortes qu’en 2008 »

Beata Javorcik, chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Dans ses nouvelles prévisions, publiées jeudi 1er octobre, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) s’alarme du fait que l’impact sur l’emploi de la pandémie de Covid-19 est plus marqué que lors de la crise financière d’il y a douze ans. Cette institution, née en 1991 pour soutenir la transition économique de l’espace post-soviétique, souligne que les peu diplômés sont particulièrement touchés par la récession. Selon sa chef économiste, Beata Javorcik, la région ne retrouvera pas son niveau de richesse d’avant-crise avant fin 2021.

Votre institution est présente dans plus de 30 pays, des Etats baltes à l’Asie centrale. Quels sont ceux qui sont les plus touchés par la crise économique liée à la pandémie ?

Ceux très dépendants de l’extérieur, d’abord, parce qu’ils exportent des matières premières dont les prix ont chuté, comme l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ou parce que le tourisme représente une large part de leur produit intérieur brut (PIB), à l’image de la Croatie, de la Grèce et du Monténégro. Les pays très dépendants des transferts d’argent de la diaspora, tels que la Géorgie et le Kosovo, sont également pénalisés par le retour des émigrés au pays et la baisse de leur revenu. Enfin, l’effondrement du commerce international a frappé fortement les Etats comme la Slovaquie, très intégrée dans les chaînes de production automobile européenne.

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Quelle est l’ampleur du choc ?

En moyenne, le PIB des pays que nous couvrons devrait baisser de 3,9 % en 2020, avant de rebondir de 3,6 % en 2021. Pour ces Etats, où une croissance forte est indispensable pour permettre le rattrapage économique, c’est une chute importante. Dans l’enquête que nous avons menée en août, 73 % des ménages de la région confiaient souffrir économiquement de la crise, contre 24,8 % des ménages en France, et 19,8 % en Allemagne. Plus de 15 % des Grecs et des Ukrainiens déclarent avoir perdu leur emploi contre 3,4 % des Allemands, et plus de 20 % des Biélorusses et des Ukrainiens ont été contraints de fermer leur entreprise familiale, contre 2,2 % en France. Ces premiers résultats montrent que la crise est plus sévère à l’Est qu’en Europe de l’Ouest. De plus, les destructions d’emplois et faillites d’entreprises sont plus fortes qu’en 2008, même si les effets sont plus atténués dans les pays qui ont pu déployer des plans de relance.

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Quelles cicatrices à long terme cette crise va-t-elle laisser dans la région ?

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