« Faut-il être pour ou contre le télétravail ? »

Depuis quelques mois, certaines grandes entreprises, en France comme à l’étranger, réduisent le nombre de journées de télétravail. A la Société générale, la direction a annoncé le passage à un jour de télétravail par semaine, contre deux ou trois auparavant. Elle a expliqué cette décision par la nécessité « d’interagir, d’échanger, y compris de façon informelle, pour renforcer chaque jour notre culture et notre unité autour d’ambitions stratégiques partagées et de défis opérationnels surmontés ensemble ».

Chez JCDecaux, une nouvelle règle impose quatre jours de présence au bureau, contre trois auparavant. Comme l’a déclaré le directeur des ressources humaines France : « Compte tenu de notre forte culture d’entreprise reposant sur la proximité, l’innovation et la performance, nous avons constaté que les interactions entre équipes, manageurs et collaborateurs étaient plus efficaces en présentiel. »

Chez Iliad, maison mère de Free, le nombre maximal de jours de télétravail chaque mois est passé de huit à six. A cela s’ajoutent des restrictions telles que pas plus de deux vendredis en télétravail par mois et l’interdiction de télétravailler deux jours consécutifs.

A chaque fois, le même scénario se répète. D’un côté, les dirigeants estiment que le télétravail nuit à la dynamique d’équipe et à la productivité. De l’autre, une majorité de salariés défend le télétravail, qui offre plus de flexibilité et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Faut-il être pour ou contre le télétravail ?

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De nombreux travaux de recherche ont été publiés sur ce sujet. En particulier, une méta-analyse récente (« A dual pathway model of remote work intensity : A meta‐analysis of its simultaneous positive and negative effects », par Ravi S. Gajendran, Ajay R. Ponnapalli, Chen Wang et Anoop A. Javalagi, Personnel Psychology, 2024, 77 (4), 1351-1386) a synthétisé les résultats de 162 études, portant sur plus de 78 000 salariés. Alors qu’il est difficile de tirer des conclusions d’une étude isolée, une méta-analyse offre des résultats bien plus fiables. Elle permet d’apporter des éclairages utiles sur l’impact du télétravail, tant pour les salariés que pour les employeurs.

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David Spector, économiste : « Pour rendre acceptable le recul de l’âge de départ à la retraite, rémunérons mieux le travail »

Le constat a été maintes fois formulé : l’envolée de la dette publique et le décrochage de l’économie française au cours du dernier quart de siècle – l’écart de produit intérieur brut (PIB) par habitant avec l’Allemagne est passé de 7 % à 21 % – s’expliquent largement par la divergence des taux d’emploi – il est aujourd’hui plus élevé en Allemagne de 8,5 points. De nombreux commentateurs ou dirigeants politiques déplorent que « les Français ne veulent pas travailler plus », une conclusion pourtant discutable.

Certaines mesures peuvent augmenter la quantité de travail sans coûter un centime, comme un plus grand recours aux dispositifs de retraite progressive ou la facilitation du cumul emploi-retraite. Mais il faut aussi que le travail paye. Contrairement à une idée reçue, il n’est pas démontré que les Français ne veulent pas travailler : il serait plus juste de dire qu’ils ne veulent pas travailler pour rien.

Aujourd’hui, les prélèvements fiscaux et sociaux sur le travail sont exorbitants : pour un salarié qui gagne le salaire moyen et vit avec un conjoint inactif et deux enfants, le « coin fiscalo-social » – l’écart entre le coût pour l’employeur et ce qui reste au salarié après cotisations et impôts – est plus élevé que dans tous les autres Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – 39,1 % en 2024, contre 25,7 % en moyenne.

Le retour de la corvée prévu dans le « plan Bayrou » – la suppression de deux jours fériés sans rémunération supplémentaire, et dont l’Etat aurait été le principal bénéficiaire – revenait à alourdir encore ce prélèvement. Faut-il s’étonner de l’hostilité qui a accueilli cette proposition ? Les salariés n’ont pas réservé un meilleur accueil à une réforme des retraites qui dégradait le taux de rendement déjà presque nul de leurs cotisations, sans introduire une dose de capitalisation pour améliorer ce rendement, ni augmenter les salaires, ni demander le moindre effort aux retraités actuels.

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« A CV égal, celui qui contient des fautes d’orthographe a deux fois plus de risques d’être écarté »

Enseignante-chercheuse en sciences de gestion à l’université Grenoble-Alpes, Christelle Martin-Lacroux a consacré sa thèse, en 2015, à « l’appréciation des compétences orthographiques en phase de présélection des dossiers de candidature » –, à ce jour la seule publiée en France dans le domaine des ressources humaines.

Quels sont les préjugés derrière un CV truffé de fautes ?

Les trois quarts des recruteurs y voient un manque de rigueur, de la légèreté et de la négligence, et presque le tiers d’entre eux y voient un défaut de politesse, de correction et de professionnalisme. Certains vont jusqu’à l’associer à un manque d’intelligence et de compétences qui peut augurer d’une incapacité à tenir un poste.

Ce n’est pas seulement une compétence technique, mais aussi une compétence sociale, autrement dit, avoir des codes. Derrière la maîtrise de l’orthographe, de la conjugaison et de la grammaire, les recruteurs interrogés dans le cadre de ma thèse anticipaient une incapacité du candidat à s’adapter aux exigences de la situation. Avec cette idée : « Il peut faire des fautes dans un SMS envoyé à un copain, mais s’il en fait dans son CV il en fera face à mes clients. »

Par ailleurs, le niveau d’orthographe du recruteur modère sa sévérité par rapport aux fautes. S’il a lui-même des lacunes, il va moins rejeter la candidature. En revanche, plus on est bon en orthographe, moins on laisse passer les fautes et plus on les trouve « impardonnables ». Dans l’étude, à CV égal en matière d’expérience, celui qui contenait des fautes d’orthographe avait deux fois plus de risques d’être écarté.

Quels sont les préjudices que veulent éviter les employeurs ?

Il y a vraiment l’idée d’entacher l’image véhiculée auprès des clients. La crédibilité de l’entreprise est en jeu, les fautes d’orthographe sont, par ailleurs, des coûts cachés pour l’entreprise. Pourquoi ? Parce que c’est de la perte de temps. Il faut relire les documents des collaborateurs. Un salarié passera du temps à les soumettre à un logiciel de correction, par exemple, et derrière il y a une question de productivité. Mais, au moment où j’ai fait ma thèse, il n’y avait pas d’intelligence artificielle (IA) générative, les cartes sont sans doute un peu rebattues aujourd’hui…

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Les conditions de travail, source majeure de la fatigue en entreprise

En 2022, 66 % des Français se sentaient fatigués, contre 47 % en 2000, 32 % déclarant même une « fatigue extrême », selon une étude réalisée par Odoxa. Un phénomène massif qui touchait tout particulièrement les moins de 35 ans, les femmes, les employés, et qui était partagé dans des proportions similaires à travers l’Europe.

Comment expliquer un tel ressenti ? Quelles sont les causes qui sous-tendent ce sentiment massif parmi la population ? Quelles en sont les conséquences ? Dans La Fatigue (Que sais-je ?), le psychosociologue Philippe Zawieja, déjà auteur de publications sur le burn-out, a décidé de s’intéresser à ces problématiques aux multiples implications sur les interactions sociales, la santé publique, l’économie, etc. Cet ouvrage érudit est un travail d’analyse mené, notamment, sur le terrain professionnel.

M. Zawieja démontre en quoi le travail est une source majeure de fatigue, tant physique que mentale. De fait, les actifs doivent faire face à nombreux facteurs de risque. L’intensité et la durée du travail, en particulier, jouent à plein : « La fatigue est induite par le rythme du travail et par sa monotonie », explique l’auteur.

Manageurs et salariés concernés

De même, de multiples atteintes psychiques favorisent la survenue du phénomène de fatigue. Il concernera le manageur qui, dans la gestion des tensions interpersonnelles, doit contrôler ses émotions. Il touche aussi le salarié dans « l’impossibilité d’utiliser et de développer certaines compétences » ou encore « dans [des] situations de qualité empêchée ou de travail empêché ». Seront aussi concernés les travailleurs ne se sentant pas reconnus par leur hiérarchie dans l’accomplissement de leur mission ou encore ceux percevant « l’inutilité ou l’absurdité d’une tâche ».

Les évolutions contemporaines du travail sont de nature à accentuer le risque de fatigue : tendance au « multitasking » (accomplissement de tâches simultanées), travail mené de façon fragmenté, interrompu par diverses sollicitations, mais aussi développement de la visioconférence, perçue comme « une source de fatigue sensorielle, par sursollicitation de la vision et de l’audition, cognitive et émotionnelle ».

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CDI seniors : l’Assemblée nationale approuve le « contrat de valorisation d e l’expérience » pour l’emploi des plus de 60 ans

Le ministre du travail, Jean-Pierre Farandou, lors d’une séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 15 octobre 2025.

L’Assemblée nationale a approuvé définitivement, mercredi 15 octobre, des mesures visant à faciliter l’embauche des plus de 60 ans, avec notamment la création d’un CDI seniors, lors de l’examen d’un projet de loi transposant plusieurs accords trouvés entre organisations syndicales de salariés et patronales.

Ce texte, adopté au Sénat avant la pause estivale, était le premier de la session ordinaire à être examiné par les députés, au lendemain de la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu, et à la veille de l’examen d’une motion de censure qui devrait être rejetée, faute de soutien du Parti socialiste. Il a été approuvé largement par 143 voix contre 25, toutes issues de La France insoumise.

« Nous avons bien travaillé ensemble pour les entreprises et les salariés de ce pays. Nous nous retrouverons cet automne pour d’autres rendez-vous importants », s’est félicité le ministre du travail, Jean-Pierre Farandou, qui a fait mercredi ses premières interventions en tant que ministre dans l’hémicycle.

Exonérations sur l’indemnité de mise à la retraite

Le texte prévoit la création d’un CDI seniors baptisé « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE), à titre expérimental les cinq prochaines années suivant la promulgation de la loi. Destiné à faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi d’au moins 60 ans, voire dès 57 ans en cas d’accord de branche, ce contrat donnera de la latitude aux employeurs, qui pourront décider d’une mise à la retraite lorsque le salarié a droit à un taux plein, et bénéficieront d’exonérations sur l’indemnité de mise à la retraite. Actuellement, les employeurs ne peuvent mettre à la retraite d’office les salariés qu’à l’âge de 70 ans.

Le texte renforce par ailleurs les obligations de négociations de branche et d’entreprise sur le sujet du maintien en emploi. Il prévoit également l’entrée en vigueur d’une petite évolution dans l’assurance-chômage : les primo-accédants devront avoir travaillé cinq mois, au lieu de six, pour pouvoir avoir droit à leur allocation chômage.

Un accord supprimant la limite de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique (CSE), répondant à une revendication syndicale, a également été approuvé.

Le texte transpose enfin un accord trouvé entre la majorité des syndicats et l’ensemble des organisations patronales le 25 juin, destiné à faciliter l’utilisation des dispositifs de reconversion professionnelle. Un amendement du gouvernement satisfait les demandes des partenaires sociaux, qui s’étaient plaints en juillet d’une transposition incomplète.

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L’adoption large n’a pas empêché des débats acerbes, l’« insoumis » Louis Boyard anticipant ceux de jeudi pour promettre la « censure » au gouvernement, et mettre en garde les socialistes qui s’apprêtent à ne pas la voter contre une « monumentale erreur ».

Le Monde avec AFP

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Le télétravailleur de 2025, sensiblement le même qu’en 2023, n’arrive pas à se déconnecter

Mettre son téléphone dans une autre pièce pour ne pas être tenté ; couper les notifications ; ne pas se sentir obligé de répondre immédiatement à un courriel ou à une autre sollicitation numérique ; sortir du « millefeuille » des sources entre les courriels, WhatsApp et les autres réseaux, en choisissant un seul canal de communication : les bonnes pratiques s’échangent chaque jour entre pairs sur les réseaux pour tenter de se protéger de la connexion permanente en télétravail.

Entre janvier et juin, 5 336 salariés télétravailleurs ont répondu au questionnaire « Télétravail : stop ou encore ? » dans le cadre de l’enquête nationale de l’Observatoire du télétravail pour l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict) de la CGT et le cabinet de conseil Secafi, publiée le 15 octobre. Ils plébiscitent le travail à distance : près des deux tiers (67 %) des répondants utilisent le nombre maximum de jours autorisés par leur entreprise, et plus d’un salarié sur deux (51 %) aimerait en avoir davantage, à contre-courant de la dynamique patronale.

Mais 30 % d’entre eux témoignent aussi de leurs difficultés à se déconnecter. Celui ou celle qui a du mal à démarrer le matin surcompense en travaillant plus le soir et le week-end et n’est donc jamais au repos. Les plus anxieux se sentent obligés de répondre par retour de mail, en oubliant de distinguer l’urgent de l’important.

Deux jours par semaine en moyenne

Essentiellement cadre et pour 43 % en forfait jours, le télétravailleur type de 2025 est une télétravailleuse âgée de 30 et 39 ans, salariée du privé en CDI dans le secteur de l’informatique et des télécommunications, dans un grand groupe. Elle vit en couple avec au moins un enfant, et pratique le travail à distance deux jours par semaine en moyenne. Un profil sensiblement identique à celui de 2023, mais qui n’a pas réglé la question de la déconnexion.

Se déconnecter n’est en effet évident pour personne, d’autant que la frontière entre la sphère privée et professionnelle se brouille toujours plus : 44 % des répondants déclarent télétravailler pour « s’occuper de leur enfant malade », tandis que 43 % des salariés disent consacrer le temps gagné sur le transport grâce au télétravail… au travail. Ce qui est loin d’être négligeable dans la mesure où 56 % des répondants déclarent un trajet domicile-travail supérieur à une heure.

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Les premiers pas de l’activité partielle de longue durée rebond, un dispositif pour éviter de licencier

Le secteur de la métallurgie (42 000 entreprises et 1,6 million de salariés) a ouvert le bal de l’activité partielle de longue durée pour garantir un maintien de l’emploi au printemps : le 18 avril, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), la CFDT et FO signaient le premier accord d’activité partielle de longue durée rebond (APLD-R).

Depuis, d’autres branches ont suivi : le travail temporaire, les architectes, l’ameublement, les industries nautiques, les industries du bois, le textile… En 2025, le seuil de 68 000 défaillances d’entreprise a été franchi et 240 000 emplois sont menacés, d’après les chiffres du groupe BPCE.

Le dispositif APLD-R, accessible depuis le 1er mars, a été mis en place pour accompagner les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable, mais dont la pérennité n’est pas compromise. Disponible jusqu’au 28 février 2026, il vise à les aider à passer « un trou d’air, en attendant que le carnet de commandes se remplisse à nouveau ou que de nouvelles activités soient développées », explique Luc Bérard de Malavas, directeur associé chez Secafi (groupe Alpha), cabinet de conseil auprès des instances représentatives du personnel.

« Outil de stabilité sociale »

Inspiré du mécanisme d’activité partielle mis en place durant la crise sanitaire de 2020 (aide au maintien dans l’emploi des salariés, afin de prévenir des licenciements économiques), l’APLD-R met en 2025 l’accent sur la formation. « Plus qu’un simple amortisseur conjoncturel », selon Xavier Berjot, avocat au cabinet Sancy Avocats, qui y voit un « outil de stabilité sociale et un vrai levier de transformation de l’entreprise via le développement des compétences ».

« L’emploi industriel est particulièrement sensible aux aléas de la conjoncture », souligne Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM. Parmi les secteurs de la métallurgie les plus mal en point : la sous-traitance automobile, la mécanique industrielle, la fabrication de machines-outils ou encore les fournisseurs de charpentes métalliques pour le bâtiment. Mais les entreprises confrontées à une dégradation de la conjoncture ne restent pas inactives.

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L’IA s’invite en trompe-l’œil dans les accords sur l’emploi

Carnet de bureau. Les déclarations alarmistes autour de l’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi ne manquent pas et pourtant, le sujet s’impose difficilement dans les entreprises en France.

Le récent « accord relatif à la gestion des emplois et des parcours professionnels au sein du groupe BPCE 2025-2028 » en est une illustration probante. Il réunissait des conditions favorables pour le faire : un effectif important de plus de 100 000 personnes d’une moyenne d’âge de 43 ans, avec une large implantation territoriale à travers un réseau d’une centaine d’entreprises, une volonté de développer l’usage de l’IA par les salariés, et un climat social raisonnablement serein. Le texte a été signé à l’unanimité des organisations syndicales représentatives (CFE-CGC/CFDT/UNSA) à la mi-juillet.

Annoncé par le groupe BPCE comme « inédit » parce qu’il intègre l’IA générative à la gestion des emplois et des parcours professionnels, l’accord, qui couvre une large palette de sujets (travailleurs expérimentés, apprentissage, mécénat de compétence, etc.), n’a paradoxalement pas l’objectif d’anticiper l’impact des nouvelles technologies sur l’emploi, ni d’adapter les parcours professionnels à l’évolution numérique des métiers.

« Au service de l’efficacité des opérations bancaires »

Il s’inscrit bien dans le cadre de l’obligation de négocier sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, mais le chapitre consacré à l’IA se limite à la création de valeur pour les salariés. Il porte sur « l’IA dans nos modes de travail et non pas dans l’évolution des métiers. L’intégration de l’IA générative dans le groupe s’opère au service de l’efficacité des opérations bancaires, ce n’est pas de la transformation de métier. L’IA renforce la dimension relationnelle au service de nos clients, donne plus de capacité d’analyse », explique Annie Martin-Robert, la directrice des relations sociales du groupe BPCE.

Selon l’accord, « le groupe BPCE aborde l’intégration de l’intelligence artificielle générative de façon pragmatique avec pour objectif d’améliorer le quotidien des collaborateurs, la qualité du travail, la satisfaction client et la performance des entreprises du Groupe ». L’IA y est présentée comme un « assistant du collaborateur » à l’égard duquel le salarié devra garder son esprit critique et veiller au respect de l’éthique. L’accord anticipe bien une « optimisation des tâches », une « libération de temps » grâce à l’IA, mais sans envisager de transformation de métier ni de destruction d’emploi.

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L’étrange statut des étudiants en « junior entreprise »

Vingt-cinq mille futurs entrepreneurs en risque juridique ! La « junior entreprise », à ne pas confondre avec les conventions de stage conduisant à la mise à disposition directe de l’étudiant par l’école ou l’université, est un cadre juridique permettant aux étudiants qui en sont membres de participer à des missions d’études, de développement informatique, de data science ou d’ingénierie confiées par des entreprises ou administrations publiques, moyennant rémunération de l’association. Car cette structure est une association à vocation pédagogique exclusive, à but non lucratif mais commercial, et constituée par des étudiants d’établissements d’enseignement supérieur.

Le dispositif a essaimé dans les grandes écoles et dans quelques universités. Créé en 1967 au sein de l’Essec dans la catégorie des pédagogies par projet, il concerne désormais près de 25 000 étudiants par an. Il existe même une Confédération nationale des JE, qui organise notamment une procédure d’appel d’offres à projet à destination des entreprises.

Les conditions de la collaboration entre les étudiants et la junior entreprise sont fixées par une convention. Mais quelle est la nature juridique des sommes versées par l’association à l’étudiant ? Le droit social pose la question.

Dissonances

En effet, selon le code de la Sécurité sociale, « toutes les sommes, ainsi que les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, d’une activité (…), quelles qu’en soient la dénomination, ainsi que la qualité de celui qui les attribue, que cette attribution soit directe ou indirecte “sont assujetties à cotisations” ».

Mais les textes censés cadrer la mise en œuvre ont multiplié les dissonances. Une première circulaire Bérégovoy de 1984 avait qualifié les sommes perçues par les étudiants d’« honoraire ». La Cour de cassation a, pour sa part dans un arrêt du 15 juin 1988 (n° 86-10.732), approuvé une cour d’appel qui avait jugé que, « s’agissant d’un travail rémunéré à la tâche et accompli dans le cadre du service organisé par l’association », les étudiants relevaient du régime général.

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Daniel Veron, sociologue : « Le rejet social des personnes étrangères rend leur force de travail attrayante économiquement »

« S’ils ne passent pas la frontière, les fraises sont flinguées ! », s’alarmait, en février 2021, dans les colonnes du Monde un maraîcher exploitant, tandis qu’un autre prévenait, en mai 2020 : « Si l’on embauche des locaux, on ne va pas sortir nos récoltes ! » Alors que la pandémie de Covid-19 a stoppé net l’immense majorité des circulations humaines et a mis en crise l’économie mondiale, en particulier le secteur agricole, la plupart des pays européens ont permis, de manière plus ou moins assumée, l’entrée – ou la régularisation – de nombreux travailleurs et travailleuses migrants pour « sauver » les récoltes.

La crise sanitaire du printemps 2020 a ainsi rappelé de manière aiguë la dépendance des économies capitalistes avancées au travail de femmes et d’hommes venus d’ailleurs. Pour autant, cette réalité n’a pas infléchi l’hostilité envers l’immigration et celle-ci n’a cessé de s’accentuer ces dernières années.

Comment comprendre cette contradiction profonde qui structure les politiques migratoires depuis un siècle et demi ? La présence des travailleurs étrangers est soumise à la fois à un rejet social, souvent violent, et à un appétit économique, toujours insatiable, pour cette main-d’œuvre. Comme pour tenter de tenir ensemble ces injonctions contradictoires, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, avait promis, en novembre 2022, à l’occasion de l’annonce de la future loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », d’être « méchants avec les méchants et gentils avec les gentils ».

Logique utilitariste

Si ce projet de loi a eu un temps pour ambition de faciliter les régularisations pour les travailleurs sans papiers, notamment lorsqu’ils sont employés dans les métiers dits « en tension », le texte promulgué le 26 janvier 2024 est loin des promesses initiales, tant il a été au cœur des rapports de force politiciens et des enjeux de survie d’un gouvernement sans majorité à l’Assemblée nationale.

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