Transparence des salaires : les entreprises se préparent timidement

Sur un chantier des Jeux olympiques de Paris, à La Défense (Hauts-de-Seine), le 18 septembre 2024.

Les entreprises ont encore du chemin à parcourir. Le 7 juin 2026 au plus tard, la directive européenne sur la transparence des rémunérations, adoptée en mai 2023, devra être transposée en droit français. Son objectif ? Plus de transparence salariale pour plus d’équité, notamment entre les hommes et les femmes.

Le chantier est énorme. « D’après notre enquête 2025 sur la transparence des rémunérations, seuls 4 % des entreprises françaises communiquent actuellement la rémunération moyenne par catégorie de postes, explique Laura Grouberman, directrice de l’activité “Work, Rewards & Careers” chez WTW. Globalement, [elles] communiquent moins que la moyenne internationale, notamment sur la classification des emplois. »

Pourtant, la directive européenne va impliquer de fournir aux salariés demandeurs les niveaux de rémunération pour des postes de même valeur, ainsi que d’être en mesure de justifier les écarts, et de les corriger lorsqu’ils dépassent les 5 %. Au moment du recrutement, les fourchettes de salaire devront être indiquées, et toute question sur les antécédents salariaux des candidats sera bannie.

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Travailleurs étrangers : Amnesty International dénonce des lenteurs et des erreurs de l’administration française, qui entraînent précarité et exploitation

Nadia élève seule sa fille Emilie, âgée de 11 ans (les prénoms ont été modifiés). Ici, dans leur appartement, en région parisienne, le 18 octobre 2025.

Dans son petit appartement meublé chichement d’objets de récupération disparates, Nadia, 45 ans, pile de courriers à la préfecture du Val-de-Marne devant elle, dresse un bilan douloureux de ces dernières années. « Moi, j’ai toujours suivi mon chemin, c’est l’Etat qui m’a fait dérailler », résume-t-elle. Son parcours est symbolique de ceux qu’a compilés Amnesty International dans un rapport publié mercredi 5 novembre. Il démontre comment la brièveté des titres de séjour, mais aussi la montagne de difficultés pour les faire renouveler en préfecture, « fabrique la précarité » de travailleurs étrangers légaux, y compris dans les métiers en tension.

Titulaire, depuis 2015, d’un diplôme d’auxiliaire de vie – un secteur confronté à une forte pénurie de main-d’œuvre – et mère d’une fille de 11 ans qu’elle élève seule, Nadia (tous les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés) a longtemps travaillé pour un centre communal d’action sociale. Ivoirienne, elle a eu plusieurs cartes de séjour d’un an, puis de deux, puis de trois. En 2020, comme tous les travailleurs « essentiels », elle est restée à son poste pendant les confinements.

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En grève, les intervenants culturels de Paris Musées réclament une hausse des salaires

Lors du rassemblement des guides-conférenciers de plusieurs musées de la Ville de Paris, devant l’Hôtel de ville de Paris, le 23 septembre 2025.

Leur mobilisation ne faiblit pas. Les guides-conférenciers de Paris Musées – qui regroupe 14 musées de la Ville de Paris (Musée d’art moderne, Musées Bourdelle et Carnavalet, le Petit Palais, Musée de la vie romantique, Musée Zadkine…) – sont en grève depuis mardi 4 novembre et jusqu’à vendredi 7 novembre. Après deux mouvements, le 24 juin puis du 18 au 21 septembre, les intervenants culturels de la Ville de Paris (IVCP) – à 77 % des femmes – refusent leur salaire « indécent ».

Ces 29 conférenciers, plasticiens ou conteurs assurent les visites guidées et les ateliers dans ces musées, tout en contribuant à éclairer les différents publics. La plupart sont hautement qualifiés (bac + 5 et jusqu’à bac + 11) mais payés « 13 euros de l’heure », une rémunération « quasiment inchangée depuis 2008 », selon l’association Intervenants culturels de la Ville de Paris (ICVP), essentiellement soutenue par la CGT.

Si l’on comptait 45 contrats en 2008, ils ne représentent plus que 18 équivalents temps plein, selon Paris Musées. « Avec 1 300 euros par mois en temps partiel à 70 %, je dois travailler à côté comme enseignante vacataire dans trois universités et une école d’ingénieurs », explique Sophie (le prénom a été changé), la plus diplômée, qui travaille depuis vingt-quatre ans au Musée d’art moderne. Diplômée de l’Ecole du Louvre, cumulant un DEA d’histoire et une thèse en art contemporain, elle a conscience de faire partie de ces « intellectuels précaires ».

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Erasteel annonce 280 suppressions de postes en France et en Suède, dont 180 dans l’Allier

L’usine Erasteel à Commentry (Allier), le 4 juin 2020.

La société Erasteel, spécialisée dans les aciers rapides, a annoncé mardi 4 novembre la suppression de 280 postes, essentiellement en France et en Suède, dont 190 à Commentry dans l’Allier.

L’annonce a été faite lundi aux représentants des salariés lors d’un comité social et économique (CSE) : « On s’attendait à un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] ou un redressement judiciaire mais pas de cette ampleur, c’est énorme, c’est très difficile à avaler, les salariés ne réalisent pas », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Dorian Durban, délégué syndical CGT du site de Commentry. L’usine implantée dans cette ancienne cité minière de 6 000 habitants compte 240 postes.

Erasteel, ancienne filiale d’Eramet qui appartient au fonds belge Syntagma Capital depuis 2023, est spécialisée dans les aciers rapides conventionnels, les aciers rapides élaborés par métallurgie des poudres et le recyclage de batteries et catalyseurs pétroliers.

La société « souhaite se recentrer sur les aciers rapides élaborés par métallurgie des poudres » où elle est leader (49 % des parts de marché), et stopper ses autres activités pour « garantir la pérennité » de l’activité, a fait valoir une porte-parole auprès de l’AFP. Elle invoque « une concurrence intense sur le marché des aciers rapides conventionnels, avec une part de marché limitée et une surcapacité mondiale ».

Forte concurrence internationale

A Commentry, l’atelier de tréfilerie « resterait », a expliqué la porte-parole. Mais du côté des salariés, « nous craignons pour la pérennité du site », a fait savoir M. Durban. Les premiers salariés partiront en avril 2026 selon le calendrier présenté par la direction, qui promet de son côté de « maintenir le dialogue avec les équipes et les représentants du personnel pour mettre en place des mesures pour les accompagner ». Une nouvelle réunion est prévue sur le site de Commentry mercredi 12 novembre.

L’entreprise compte 700 postes sur ses six sites industriels en France, Suède et Chine. La réorganisation annoncée par Erasteel s’inscrit dans un contexte de forte concurrence internationale et de mutation du secteur des aciers rapides. Les suppressions de postes, principalement à Commentry, suscitent l’inquiétude des salariés et des élus locaux, qui redoutent un impact durable sur l’emploi dans la région.

La direction affirme vouloir accompagner les salariés concernés par des mesures d’accompagnement, mais les syndicats restent prudents quant à l’avenir du site et à la capacité de l’entreprise à maintenir une activité pérenne à Commentry. La prochaine réunion prévue avec les représentants du personnel sera déterminante pour préciser les modalités du plan social et les perspectives pour les salariés touchés.

Face à cette situation, les collectivités locales et les acteurs économiques du territoire s’interrogent sur les moyens pour soutenir la reconversion des salariés et de préserver le tissu industriel local. La restructuration d’Erasteel illustre les difficultés rencontrées par l’industrie métallurgique en Europe, confrontée à la fois à la concurrence mondiale et à la nécessité d’innover pour rester compétitive.

Le Monde avec AFP

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Les ruptures conventionnelles, un engouement qui a un coût pour les finances publiques

Le ministre du travail, Jean-Pierre Farandou, à Paris, le 13 octobre 2025.

Voilà une étude qui tombe à point nommé pour les parlementaires et le gouvernement. Alors que les ruptures conventionnelles sont dans le viseur de l’exécutif, l’Institut des politiques publiques (IPP) publie une note, mardi 4 novembre, sur le sujet. Le document, que Le Monde a consulté, évalue notamment la part des licenciements ayant été remplacée par ce dispositif, un de ses objectifs premiers.

Cela fait plusieurs mois que les débats sont vifs autour de ce mécanisme. Il figurait notamment parmi les sujets que les partenaires sociaux devaient aborder dans le cadre de la négociation sur les règles d’indemnisation de l’assurance-chômage lancée par François Bayrou, alors premier ministre, en août. Depuis, l’avenir des pourparlers restait flou mais, selon toute vraisemblance, le nouveau chef du gouvernement, Sébastien Lecornu pourrait bientôt faire savoir aux organisations syndicales et patronales que les discussions devraient avant tout se concentrer sur le sujet des ruptures conventionnelles.

Depuis sa création en 2008, le dispositif a très rapidement rencontré un succès grandissant dans les entreprises. En 2024, quelque 515 000 contrats à durée indéterminée (CDI) ont pris fin ainsi (soit environ 200 000 de plus en une décennie) et, depuis 2021, entre 15 % et 18 % des CDI se terminent de cette manière. Sa mise en œuvre avait plusieurs objectifs : diminuer le nombre de litiges devant les conseils de prud’hommes en évitant des ruptures conflictuelles ou encore faciliter les transitions entre deux emplois en rendant le salarié éligible à l’allocation-chômage.

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Les « new collar jobs » introduisent la primauté des compétences sur le diplôme

Compétences contre diplôme, la situation évolue. Les suppressions d’emplois au profit d’une automatisation par l’intelligence artificielle se multiplient. Pour autant, de nombreux métiers restent en tension, et pas seulement ceux qui sont apparus récemment, portés par la vague numérique. Dans ce contexte, de nouveaux profils de poste apparaissent. Baptisés « new collar job », ces « emplois de nouveaux cols » mixent les compétences techniques des cols bleus et celles, plus comportementales, des cols blancs.

« Pour de nombreux métiers, notamment ceux qui évoluent rapidement, le diplôme n’est pas suffisant, pas utile ou il n’existe tout simplement pas », remarque Eric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed, moteur de recherche d’emploi. Les recrutements doivent alors se baser sur les compétences, la personnalité et l’expérience du candidat.

Il peut s’agir de métiers où la pénibilité fait évoluer des cols bleus vers des fonctions d’encadrement sans qu’ils aient de diplômes dans ce domaine, ou des femmes qui recherchent un emploi après une interruption de carrière. De tels profils obtiennent rarement de réponses sur les sites de recherche d’emploi, car ils ne passent pas le filtre des algorithmes lecteurs de CV. En effet, ces outils trient les candidatures en fonction de mots-clés, encore essentiellement liés aux diplômes, aux noms des écoles et au parcours.

Formation individuelle en ligne

« La question est de savoir s’il est pertinent de recruter aujourd’hui de la même façon qu’il y a vingt ans, alors que la durée de vie des compétences techniques est passée de trente ans en 1983 à seulement trois ans aujourd’hui », s’interroge David Bernard, directeur et fondateur d’AssessFirst, solution d’analyse prédictive des recrutements. Les possibilités de formation individuelle en ligne et de reconversion pallient l’obsolescence rapide des compétences, mais elles sont rarement sanctionnées par un diplôme, au mieux par un certificat…

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Les entretiens d’évaluation sous examen

Droit social. « L’optimisme », « l’honnêteté » ou « le bon sens » sont-ils des critères licites pour évaluer le travail d’un collaborateur ? Non, a répondu la Cour de cassation, le 15 octobre, car « trop vagues pour établir un lien direct, suffisant et nécessaire avec l’activité des salariés en vue de l’appréciation de leurs compétences au travail, conduisant à une approche trop subjective s’éloignant de la finalité première : la juste mesure des aptitudes professionnelles ». A l’instar des objectifs, qui doivent être… objectifs.

Ah, l’objectivité au pays de l’égalité ! Pas toujours simple des deux côtés de la table, a fortiori avec la montée en puissance de la figure du citoyen-parent-travailleur : il en va ainsi de jeunes manageurs notant sévèrement les parents arrivant en retard, à l’inverse d’autres manageuses elles-mêmes mères de famille…

Et un bon technicien du droit ne faisant pas un bon juge, le grand oral d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature prévoit que « le jury apprécie les qualités, aptitudes et le savoir-être du candidat ». Et, du côté de l’Institut national du service public, « la personnalité du candidat, ses qualités et aptitudes, notamment managériales, le savoir-être et la motivation ».

L’évaluation du travail d’un ouvrier est en effet plus aisée que celle de salariés travaillant avec des clients. Et comment évaluer l’intelligence émotionnelle d’un manageur, dont les qualités comportementales et relationnelles sont plus importantes que ses connaissances techniques ? Son courage managérial, évitant les filets d’eau tiède n’aidant guère à progresser ?

Le risque d’un nivellement général

Mais beaucoup d’entreprises se sont détournées de cette « épreuve » annuelle pour les deux parties, pouvant générer stress puis frustration, voire démission, au profit d’un processus continu d’échanges, conduisant presque naturellement à cet entretien tourné vers l’avenir. Qui ne doit pas être confondu avec le nouvel entretien de parcours professionnel, issu de la loi du 24 octobre, qui aura lieu tous les quatre ans au lieu de deux, dont le but est l’employabilité. Pas une augmentation ou le bonus tant attendu.

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Sur le marché du travail, les bac + 5 ne peuvent plus jouer les difficiles

En amont du Salon international du nucléaire civil, du 4 au 6 novembre, le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire, le syndicat professionnel du secteur, annonce un besoin de 100 000 recrutements d’ici à 2035. Il leur faudra tenir les échéances, car au-delà, les candidats pourraient devenir plus exigeants.

C’est à cette même date que le nombre de personnes en âge de travailler commencera à diminuer : la population active perdra alors 28 000 individus par an en moyenne, selon une récente note du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, publiée le 28 octobre. Son auteur, Antoine Foucher, explique que, parce que la main-d’œuvre disponible va se raréfier, le rapport de force entre employeurs et candidats va s’inverser, et « les difficultés de recrutement des entreprises vont s’intensifier et devenir la norme ».

Pour l’heure, cet horizon ne semble pas d’actualité pour les nouveaux diplômés du supérieur qui rejoignent le marché du travail. Les données de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), publiées mardi 4 novembre, révèlent que ces jeunes sont confrontés, au contraire, à un rapport de force qui leur est défavorable. « En seulement deux ans, le marché de l’emploi est devenu beaucoup plus difficile pour les jeunes diplômés », déclare Gilles Gateau, le directeur général de l’APEC.

Accès à l’emploi plus long et plus complexe

« La dégradation de l’insertion professionnelle amorcée en 2024 devrait se poursuivre en 2025 », indique l’étude « Jeunes diplômés d’un bac + 5, une insertion difficile et au prix de concessions importantes », réalisée sur la base du dispositif InserSup, qui mesure l’insertion professionnelle des sortants de l’enseignement supérieur, complété d’un sondage mené en juin auprès de quelque 1 500 bac + 5 âgés de 20 à 30 ans. En effet, le taux d’emploi salarié des bac + 5 baisse de promotion en promotion. Les entreprises ont beau avoir du mal à trouver la perle rare, elles recrutent toujours moins de cadres débutants : 16 % de moins en 2025, après un premier recul de 19 % en 2024.

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« Le travail est un facteur de risque avéré du cancer »

Une récente publication du Lancet place la France en tête des pays les plus touchés par le cancer, avec plus de 433 000 personnes malades chaque année, un nombre qui a doublé en vingt ans. Cette situation très inquiétante est le plus souvent rapportée aux seuls comportements individuels à risque – tabac, alcool, activité physique –, mais est-ce la bonne approche ?

Cette jeune fleuriste, dont l’enfant est morte à 11 ans d’un cancer du sang après sept ans de lourds traitements, avait-elle « choisi » d’être contaminée par les pesticides dont étaient imprégnées ses fleurs, pesticides cancérogènes non seulement pour elle-même mais aussi pour l’enfant à naître ? Les ouvrières du laboratoire Tetra Medical ont-elles « choisi » le procédé de stérilisation à l’oxyde d’éthylène, cancérogène, mutagène, toxique pour la reproduction qui les a empoisonnés durablement, elles et leurs enfants ? Les ouvriers des usines chimiques ont-ils « choisi » les PFAS, au redoutable pouvoir toxique ? Sans parler des employées du nettoyage, contaminées par les cancérogènes des produits d’entretien.

Les risques du travail, facteurs de dangers avérés du cancer, n’apparaissent pas dans l’article du Lancet, qui reprend le discours dominant et culpabilisant qui fait reposer la responsabilité de la survenue des cancers sur les victimes elles-mêmes.

Le travail de nuit ou posté, par exemple, est l’une des causes du cancer du sein, reconnue officiellement comme telle en 2007 par le Centre international de recherche sur le cancer. Chez les femmes, ce type d’organisation temporelle du travail a néanmoins augmenté de 150 % entre 1982 et 2015, en progression dans de multiples secteurs où il n’est nullement indispensable – industrie, commerce, nettoyage.

Scandales sanitaires

Nous, signataires de cette tribune, nous voulons rappeler le travail inlassable et les mobilisations de tous ceux et celles – militants associatifs et syndicalistes, chercheurs, médecins, avocats – qui, depuis plus de quarante ans, alertent sur ces risques évitables que sont les multiples situations de mise en danger de la vie d’autrui dans le travail exposé aux cancérogènes.

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« C’est un métier ! » : la récente protection des égoutiers, des travailleurs de l’ombre surexposés aux risques

2015 : cela ne fait que dix ans que les égoutiers de la Ville de Paris ont l’obligation de porter un masque filtrant lorsqu’ils opèrent, et un masque intégral depuis 2020. Le port du casque est devenu obligatoire en 1984, tandis que le détecteur jaune « 4 gaz » – les agents le surnomment le « canari » –, qui sonne lorsque la teneur en gaz toxiques est trop élevée, est arrivé en 2007. Cela peut sembler récent, pour une profession surexposée aux risques : c’est ce que retrace l’exposition « Habits d’égoutiers », qui se tient cet automne au Musée des égouts de Paris.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Paris, le musée des égouts s’est refait une beauté

En remontant dans le passé, les clichés sont frappants : dans les années 1960 ou 1970, on y observe des hommes en bleu de travail classique accroupis dans les eaux usées et la pénombre, dont les équipements de sécurité se limitent à des bottes en cuir et des bandelettes pour protéger leurs jambes. L’équipement a bien changé : la tenue d’aujourd’hui, exposée dans les couloirs du musée – d’authentiques tunnels des égouts –, a quelque chose de celle du spationaute.

L’essentiel du travail d’un égoutier consiste à inspecter, réparer et nettoyer les réseaux souterrains de canalisations où circulent les eaux usées et pluviales. Autrefois plus d’un millier, ils ne sont plus que 260 à la Ville de Paris, notamment grâce à la mécanisation de plusieurs opérations : par exemple, les sables qui encombrent les égouts ne sont plus ramassés manuellement, mais grâce à des bateaux-vannes. « Cette baisse est aussi due à l’externalisation de nombreuses activités, comme l’extraction des bassins de dessablement ou la maçonnerie », déplore Julien Devaux, égoutier et secrétaire adjoint de la CGT-FTDNEEA (filière de traitement des déchets, nettoiement, eau, égouts, assainissement).

Le reste des réseaux en France étant géré soit par des fonctionnaires en régie, soit par des salariés de sous-traitants, on peut difficilement connaître le nombre de spécialistes des égouts sur le territoire. Mais les effectifs sont bien plus conséquents à Paris, car l’intégralité des 2 600 kilomètres du réseau haussmannien est visitable. Les plus petits collecteurs font 1,70 mètre de haut, et à peine un mètre de large. « Ça reste un métier risqué, mais la qualité des équipements s’est fortement améliorée, juge Antoine Guillou, adjoint à la maire de Paris, chargé de la propreté et de l’assainissement. Le taux d’absence est certes plus élevé que dans d’autres professions, mais l’accidentologie a diminué avec le temps. »

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