Casino : le récit d’une faillite collective
Neuf mois, c’est le temps qu’il a fallu pour solder une épopée entrepreneuriale de plus de trente ans. Lundi 26 février, le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de sauvetage accéléré du Groupe Casino, entré en conciliation le 26 mai 2023. Ce feu vert ouvre la voie à la recapitalisation du distributeur, au terme de laquelle le consortium mené par le financier tchèque Daniel Kretinsky deviendra le principal propriétaire de Franprix, de Monoprix ou encore de CDiscount.
Ce sauvetage n’évite pas une casse importante. Des milliers d’emplois au siège de Saint-Etienne ou dans la chaîne logistique restent menacés, après le rachat en urgence des hypermarchés et des supermarchés sous bannière Casino par Intermarché et Auchan. Et les petits porteurs d’actions Casino ont tout perdu. Quelque 8 milliards d’euros de dettes émis par le distributeur et sa maison mère, Rallye, sont partis en fumée.
Un tel gâchis amène à s’interroger sur les responsabilités des uns et des autres dans ce fiasco. Rien ne peut, certes, exonérer Jean-Charles Naouri, actionnaire majoritaire et PDG du groupe, tour à tour bâtisseur et déprédateur de son œuvre. La faute à un endettement excessif qui a fini par tout engloutir, alors que le fondateur s’obstinait à vouloir conserver sa majorité dans Casino. Difficile, toutefois, de se limiter à ce seul coupable.
Trois moments-clés
Le plus troublant dans cette chute annoncée reste la faiblesse des contre-pouvoirs internes et externes face à M. Naouri. Force est de constater que le prestigieux conseil d’administration de Casino, rompu aux « meilleures pratiques de gouvernance », selon le rapport annuel, a failli. Et pourquoi les banques françaises, l’Autorité des marchés financiers (AMF), les commissaires aux comptes, ou encore la justice commerciale, n’ont-ils pas davantage pesé ? Cet attentisme relève-t-il de la connivence, du respect des élites ou d’un manque de courage ? En dix ans, il y a eu trois moments-clés pour l’avenir de Casino et, à chaque fois, le choix collectif a consisté à soutenir mordicus M. Naouri.
Premier avertissement, le 17 décembre 2015 ; le financier américain Carson Block fond sur Casino, dénonçant un surendettement et une communication financière trop optimiste. L’establishment vole au secours de son fleuron français. Des groupes de travail s’improvisent pour élaborer des parades face aux activistes, sans rien trouver de décisif, d’ailleurs. « Les fonds activistes qui détruisent de la valeur doivent être combattus », dira plus tard le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, en référence aux agitateurs qui secouent Casino, mais aussi Pernod Ricard ou SCOR.
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