« On ne peut pas se permettre d’être en désaccord », pour les jeunes cadres, l’épreuve des discussions politiques à la machine à café

Amir (tous les prénoms ont été modifiés) a pris ses précautions avant de décrocher : il s’est installé dans une salle insonorisée mais préfère encore parler tout bas. « Je n’ai pas envie de faire de vagues, ni qu’on me stigmatise ou qu’on me donne des trucs ingrats », souffle-t-il. A 24 ans, cet étudiant en école de commerce, franco-algérien, est en stage à la Société générale depuis quelques mois.

A la suite de l’annonce de la dissolution, Amir a senti le vent tourner dans son open space, frappé d’observer « la banalisation du RN [Rassemblement national] parmi une population très aisée et éduquée ». D’ordinaire, son équipe échangeait « surtout des banalités ». « Les discussions sont plus électriques désormais », raconte celui qui a voté pour le Nouveau Front populaire au premier tour des législatives.

Arrivé en France à 18 ans, l’Algérois issu d’un milieu bourgeois avait plutôt l’habitude que l’on souligne son jeune âge dans des contextes professionnels. « Je n’avais jamais eu le sentiment que mes collègues me voyaient comme un Arabe », dit-il, fatigué de les entendre dénoncer « les gauchistes » et relayer des fake news. Sa stratégie, quoi qu’il arrive, comme nombre de jeunes interrogés : hocher la tête, baisser les yeux, se mettre en retrait. « Je termine dans quelques semaines, je me dis que ça va passer. Pour décompresser et tourner ça en dérision, j’envoie chaque commentaire ou petit truc haineux à ma famille. Mon père m’a toujours dit de ne pas réagir aux remarques. Et il vaut mieux ne pas parler politique au travail. »

« Rester opaque »

Ce sujet perçu comme tabou, les jeunes cadres l’ont bien intégré à l’épreuve de la machine à café. La nouvelle génération opte pour la discrétion au bureau. Consciente, notamment, de son statut dans la hiérarchie. Dans le public comme dans le privé. « C’est compliqué du fait de ma “juniorité”, témoigne Célestin, 26 ans, en poste depuis deux petits mois dans un fonds d’investissement. On a besoin d’en parler pour montrer à nos supérieurs que l’on comprend les enjeux associés aux élections dans notre secteur : l’impact sur le monde de la finance a été brutal. En même temps, il faut savoir rester opaque sur nos opinions personnelles, on ne peut pas se permettre d’être en désaccord. »

A l’annonce de la dissolution, le 9 juin, Célestin s’est engagé pour la première fois en allant tracter pour Renaissance, le parti d’Emmanuel Macron. « Ecoanxieux », il se dit de « centre gauche » et n’ose échanger qu’avec le collègue avec qui il partage son bureau. « C’est mon supérieur hiérarchique mais il a 40 ans, précise-t-il. On avait discuté des programmes avant les européennes et j’avais compris qu’on était du même bord : ça facilite le dialogue. » Le reste du temps, à la cantine, la politique semble un non-sujet − « alors que c’est tout sauf un non-sujet ! s’agace le jeune homme. On fait les autruches, on met ça sous le tapis. Je commence à en avoir un peu marre de parler des vacances d’été ».

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Des entreprises éphémères au service de l’emploi des seniors

« Cette expérience m’a permis de sortir de l’isolement et de retrouver une dynamique dans ma recherche d’emploi », apprécie Benoît Jarry, 55 ans. Formateur pour adultes durant vingt ans, il s’est retrouvé « le bec dans l’eau » l’été 2023. Se sont ensuivis de longs mois de recherches infructueuses, durant lesquels on lui a bien fait comprendre qu’il était « trop vieux ». Aussi, lorsque France Travail lui a proposé de rejoindre une entreprise éphémère, à Fréjus, dans le Var, il a décidé de tenter l’expérience. « C’était l’occasion d’échanger avec d’autres personnes dans mon cas. »

Depuis la création des entreprises éphémères en 2015, cinquante éditions (qui peuvent s’adresser à différents âges et différents profils) ont été organisées dans toute la France. Les participants, sélectionnés par France Travail, conservent leur statut de demandeur d’emploi. D’avril à juin, trois éditions spéciales destinées aux plus de 55 ans se sont déroulées en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) : à Marseille, à Fréjus/Saint-Raphaël et à Nice.

« Il s’agit d’une aventure collective pour créer une impulsion », résume Didier Krief, le cocréateur du concept. Le principe de cette vraie fausse entreprise est de rassembler durant six semaines une cinquantaine de seniors qui créent ensemble une entreprise fictive, en lui donnant un nom et en créant un logo. Celle-ci est organisée autour de quatre services : ressources humaines (définition du projet professionnel, entraînement aux entretiens…), communication (webradio, plateau télé, communication externe…), relations entreprises (détection des besoins de recrutement) et web (data), où se côtoient différents profils de demandeurs d’emploi : de l’opérateur en logistique au directeur administratif et financier par exemple.

L’objectif est que chaque participant − appelé « associé » − retrouve à terme une solution professionnelle durable : CDI, CDD de plus de six mois… « Le concept est de miser sur la force du groupe, explique Didier Krief, puisque les 50 chercheurs d’emploi unissent leurs efforts pour décrocher un poste non seulement pour eux, mais aussi pour leurs collègues. Ce sens du collectif est encore plus fort chez les seniors. »

Des discussions, pas de CV

Des coachs accompagnent les « associés » au quotidien pour travailler sur leur CV, réfléchir à leur projet professionnel ou encore leur apprendre à se présenter efficacement. Une aide particulièrement appréciée par Valérie Masurel, 56 ans, qui a participé à la session de Marseille : « Je me suis vraiment sentie soutenue et la simulation des entretiens avec les coachs m’a été très utile », souligne celle qui vient de décrocher en juin un CDD de six mois dans un centre d’hébergement d’urgence, par son propre réseau. « Nous aidons les seniors à identifier leurs croyances limitantes – par exemple, “je suis trop cher” − qui font qu’ils s’excluent d’eux-mêmes en ne candidatant pas à certaines offres d’emploi », explique Jérémy Valency, coach et référent opérationnel sur les opérations seniors de Marseille et de Fréjus.

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Comment l’entreprise peut protéger les salariés du racisme ordinaire

Carnet de bureau. La lettre de propos racistes reçue par Karim Rissouli à son domicile, mardi 25 juin, devrait servir d’alerte à tous ceux susceptibles de lutter contre une banalisation de la parole raciste au travail. Car c’est d’abord au travail que le journaliste de France 5 recevait des injures : « Ce n’est pas la première fois que je reçois ce genre d’insultes. Ça m’arrive régulièrement au bureau. Souvent on en rigole d’ailleurs, entre collègues, c’est le moyen de dédramatiser », témoigne-t-il dans son interview accordée au média en ligne Brut. Mais « quand ça arrive chez soi, il y a une forme de violence supérieure ».

L’expression raciste n’est pas une opinion. C’est une infraction, voire un délit lorsqu’elle est publique : l’injure publique à caractère discriminatoire est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’enjeu est de taille : en 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a enregistré 5 000 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, et 8 500 crimes ou délits, en hausse de 32 % sur un an, selon le rapport de la CNCDH publié le 27 juin.

Au-delà du simple respect du droit, il s’agit de lutter contre la violence qui affecte durablement le salarié et porte atteinte à l’entreprise, qu’elle soit exercée par des clients, des fournisseurs ou des collègues. Dans son essai Le Racisme ordinaire au travail (Editions Erès, 192 pages, 18 euros), la psychologue Marie-France Custos-Lucidi relate les ravages provoqués par des petites phrases du type « Moi pas comprendre toi » adressées à plusieurs reprises à une salariée métisse par sa directrice. Ce n’est ni de l’humour ni inoffensif, mais un acte de pure violence commis, dans ce cas, pour instaurer un rapport de domination. Comment l’entreprise peut-elle en protéger les salariés ?

« Ce n’est pas normal »

Approuvé par une récente décision de justice, Enedis a par exemple mis fin au contrat de travail d’un employé qui avait lancé à un collègue : « Je ne serre pas la main aux Noirs. » Des propos outrageux assimilés à des faits graves « qui ont un impact sur la santé et la sécurité des salariés », a souligné l’employeur à celui qui se défendait de les avoir prononcés « dans le but de plaisanter ».

La mécanique discriminatoire – idée reçue, stéréotype, préjugé, discrimination – particulièrement insidieuse dans des relations de subordination propres au milieu du travail peut pourtant être enrayée avant la sanction. « Pour le manageur comme pour le salarié, la prévention passe par l’intervention sur le choix des mots à la fois pour identifier les violences et pour ne rien laisser passer. Car la violence sournoise sur le lieu du travail passe par une distorsion du langage », explique le sociologue Thomas Périlleux, auteur du Travail à vif (Editions Erès, 2023, 280 pages).

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Construire une stratégie, un exercice de discernement

Décider d’une stratégie, c’est trancher dans les champs des possibles économiques, sociaux ou politiques. Mais l’efficacité d’une stratégie repose aussi sur la formulation d’un futur de l’organisation suffisamment désirable pour que l’on puisse espérer l’engagement durable des parties prenantes qui coopéreront. Au moment où le conseil d’administration ou l’assemblée générale se prononce pour approuver telle stratégie se joue donc un exercice de jugement qui porte sur ces deux niveaux, afin de dégager et d’assumer un choix final.

Un programme stratégique propose d’abord de décider parmi des actions possibles, dont aucune ne s’impose naturellement. Il est normal en effet qu’il existe des options, parfois fortement divergentes, sans quoi les notions même de choix et de stratégie n’auraient pas lieu d’être. Mais les options n’existent qu’au regard d’une hiérarchie de contraintes et de valeurs que le stratège dresse au préalable et selon laquelle il propose d’agir.

C’est cette hiérarchie qui détermine le contenu et la cohérence interne de la stratégie. Par exemple, considérer l’indépendance capitalistique d’une entreprise comme prioritaire impose des choix économiques qui ne sont pas les mêmes si l’accent principal est mis sur le remboursement de la dette ou sur le rachat d’un concurrent. Un programme stratégique sérieux se présente donc moins comme une liste de solutions que comme une échelle de contraintes à affronter et de priorités à résoudre et face auxquelles les solutions envisagées s’avèrent les plus convaincantes.

Savoir trancher

Mais une stratégie doit aussi offrir une vision du futur qui projette l’organisation vers un progrès sans doute idéalisé mais non pas impossible. Une vision d’une œuvre commune suffisamment attirante pour motiver l’engagement de ceux qui seront impliqués dans sa réalisation. Sauf à croire que les parties prenantes et, en particulier, les collaborateurs ne se nourrissent que de chiffres et de calculs, il faut tenir compte de ce que Bergson appelait l’« énergie spirituelle », sans laquelle les calculs les plus rigoureux restent dépourvus de raison. Elle permet de s’extraire de la boue des contraintes en marchant vers un objectif supérieur commun.

L’exigence du rêve a pour revers un risque de découragement quand l’idéal mobilisateur s’essouffle et se réduit à une suite de petites décisions pragmatiques qui empruntent, parfois, des méandres inattendus. Pour autant, la nécessaire distinction des niveaux ne signifie pas leur opposition : elle invite, au contraire, à évaluer régulièrement la mise en œuvre de la stratégie à l’aune de la vision au service de laquelle elle avait été élaborée.

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« L’impression de n’être plus compris ni défendu par personne dans l’entreprise alimente le sentiment de déclassement des salariés, carburant du vote RN »

Parmi les ressorts qui ont conduit à ce que le vote RN [Rassemblement national] irrigue désormais l’ensemble des classes sociales, partant des classes populaires pour entraîner une partie significative des professions intermédiaires et cadres du public comme du privé, se trouve la question du travail : sa rémunération bien sûr, mais aussi sa perception, son intérêt, et ce sentiment qu’il perd de son sens, et même qu’il nous échappe.

Depuis une vingtaine d’années, alors même que la demande d’autonomie monte dans tous les champs de la société, beaucoup d’entreprises régressent sur ce point : excès de process devenant une fin en soi, reporting chronophages, centralisation des décisions sans marge de manœuvre dans la mise en œuvre locale, changements organisationnels permanents affectant la productivité et détournant l’énergie des équipes de leur cœur de métier…

A cela s’ajoutent souvent un recul de la représentativité institutionnelle collective dans l’entreprise, une baisse de la confiance des salariés dans leurs représentants, conduisant de plus en plus à l’émergence de collectifs salariés autonomes. Le tout conduisant au sentiment croissant chez les salariés que ni la direction ni les syndicats ne connaissent en réalité leur travail quotidien.

Les engagements des syndicats et des directions

Cette impression de n’être plus compris ni défendu par personne dans l’entreprise alimente largement le sentiment de déclassement et de dépossession des salariés, et fonctionne comme un carburant du vote RN, promettant à tous les citoyens-travailleurs de reprendre le contrôle de leur vie. Répondre à cette crise du travail passe par un double aggiornamento des syndicats et des directions.

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Du côté syndical, l’heure est à la mobilisation des forces militantes pour retisser les liens avec les salariés. Les moyens syndicaux existants (sauf dans quelques rares secteurs) le permettent. Il s’agit de construire avec les personnels des propositions concrètes améliorant l’organisation, la qualité et la reconnaissance du travail sur le terrain. Le syndicalisme doit repenser son rôle pour attirer de nouvelles catégories et faire reculer l’abstention aux élections professionnelles. Il lui faut inventer un nouveau modèle de démocratie sociale en encourageant la participation des salariés.

De même, du côté des directions, il est impératif de comprendre, comme les entreprises les plus lucides et innovantes l’ont déjà fait, que l’évolution contemporaine du rapport au travail n’est pas une désaffection ou un désinvestissement du travail, mais au contraire un supplément d’exigence vis-à-vis de son travail et de son entreprise : comprendre en quoi son travail s’inscrit dans un collectif dont on est fier, utiliser l’autonomie dont on dispose pour imprimer sa marque personnelle et bien faire son travail, avoir son mot à dire sur l’organisation du travail et sur la répartition de la valeur qu’il crée, disposer de perspectives professionnelles lorsqu’on souhaite évoluer.

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Législatives 2024 : « Nous, dirigeants d’entreprise, devons avoir le courage de tenir le cap des valeurs de l’entrepreneuriat responsable »

Depuis sa création en 1938, le Centre des jeunes dirigeants (CJD) accompagne des patrons d’entreprises résolument humanistes, qui s’engagent pour une société plus juste, plus durable, plus équitable, au sein du mouvement comme dans leurs entreprises. Ces dirigeants agissent aujourd’hui au quotidien pour une transformation de l’économie au service du vivant.

En 1953, nous avons milité pour la création d’une assurance-chômage ; bien avant la mise en place de l’alternance, nos entreprises étaient déjà des lieux de partage et de transmission pour la jeunesse. Nous restons fidèles à notre mission historique et nous refusons de céder aux discours de haine et d’exclusion qui se propagent.

Dès le 11 juin, nous l’avons souligné : la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République nous plonge dans une situation périlleuse, menaçant nos institutions démocratiques, notre tissu économique et la cohésion de notre société. Face à la montée d’idées autoritaires portées par l’extrême droite, les entrepreneurs responsables sont inquiets pour notre place en Europe et dans le marché unique, et pour la réponse au défi de la transition écologique. Il nous faut aujourd’hui avoir le courage de tenir le cap des valeurs de l’entrepreneuriat responsable.

La responsabilité, d’abord. Notion-clé pour tout dirigeant, elle doit s’étendre à la cité. Etre responsable, c’est assurer l’avenir des générations futures dans une société respectueuse des droits de chacun, chacune. C’est utiliser son pouvoir d’agir, son pouvoir de décision, pour aider à construire un monde pacifié et durable, loin des idées réactionnaires et autoritaires.

Le respect de la dignité humaine, ensuite, comme cadre éthique. Les dirigeants responsables partagent le souci constant de l’égalité de traitement. C’est pourquoi l’écoute et la tolérance sont au cœur du projet de notre mouvement, qui s’incarne notamment dans le rejet de toute forme de discrimination.

La solidarité est une valeur organique de notre mouvement, elle érige en principe cardinal de l’entrepreneuriat responsable l’accueil des différences et le vivre-ensemble. N’est-ce pas lorsque nos sociétés sont solidaires qu’elles sont résilientes et peuvent faire face aux défis et aux crises ? N’est-ce pas lorsque nous agissons collectivement dans toute notre diversité et unis autour d’un projet de société désirable, que nous sommes plus forts ?

L’économie doit profiter au plus grand nombre

La loyauté, enfin, à l’égard de toutes et tous comme envers les valeurs qui permettent le progrès économique, social et environnemental. Dans une société marquée par l’incertitude et la tension, nous devons tenir loyalement sur nos valeurs.

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Un guide d’usage de l’intelligence artificielle dans la fonction publique d’Etat

A l’instar des entreprises, la fonction publique d’Etat se prépare à intégrer l’intelligence artificielle (IA) dans la gestion des ressources humaines (GRH). Des expérimentations vont bientôt démarrer dans les ministères se portant volontaires. Il est plus que temps : en 2019, un rapport de l’OCDE estimait qu’il serait bientôt possible de libérer près d’un tiers du temps des fonctionnaires, qui passeraient dans ce scénario optimiste de « tâches banales à un travail à haute valeur ajoutée ».

L’Etat, qui s’était vu reprocher il y a quelques années le retard français dans la numérisation des services publics, entend cette fois intégrer au plus vite l’IA dans ses processus RH, tout en se prémunissant contre d’éventuelles dérives. ​« La prise en compte du risque en termes de responsabilité sociétale est plus forte dans la fonction publique, qui exige plus de transparence sur le fonctionnement de l’IA. Mais ça n’est pas simple, s’agissant de produits prépackagés par des entreprises de la tech », souligne Karim Chérif, associé du cabinet Magellan qui accompagne les employeurs sur ce sujet.

D’où la publication en ligne, le 4 juin 2024, d’un guide pour encadrer l’usage de l’IA sous les auspices de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Partant du constat que l’immixtion de l’IA dans la GRH de l’administration d’Etat (ministères, établissements publics à caractère administratif) recèle à la fois des opportunités (gain de temps, productivité) et des risques (mésusage des données personnelles, déshumanisation…), la DGAFP répertorie dans son guide 26 cas d’usages potentiels de l’IA en GRH.

Des usages souhaitables et d’autres à proscrire

Cinq usages considérés comme particulièrement souhaitables seront a priori les premiers à être testés : l’analyse des résultats d’enquêtes internes, des recommandations contextuelles de formation, l’apprentissage personnalisé, la rédaction de fiches de poste et l’identification des compétences émergentes.

A l’inverse, la DGAFP identifie dans son guide quatre cas d’usages « à proscrire ». L’IA ne saurait ainsi être pertinente pour la détection précoce des problèmes de santé mentale, l’analyse des relations entre collègues, pour faire passer des entretiens vidéo automatisés avec les candidats, ou instaurer des systèmes de reconnaissance et de récompense.

Entre ces deux extrêmes, on recense 17 usages de l’IA « envisageables » sous réserve. Ainsi en va-t-il du parcours d’onboarding (intégration du nouveau salarié) ou de carrière personnalisé, de l’évaluation des compétences, du feedback en temps réel des formations suivies, de la formation des équipes interdisciplinaires…

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Les allocations-chômage revalorisées de 1,2 % au 1ᵉʳ juillet, « trop faible » pour les syndicats

Une femme entre dans une agence France Travail à Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne), le 23 avril 2024.

Les allocations d’assurance-chômage vont être revalorisées de 1,2 % le 1er juillet, a déclaré jeudi 27 juin l’Unédic, la CGT dénonçant « l’extrême faiblesse de cette revalorisation » et la CFDT exprimant une « déception amère ».

Cette revalorisation « concernerait environ 2 millions de demandeurs d’emploi indemnisés » sur quelque 2,7 millions au total, selon un communiqué de l’organisme géré paritairement par les organisations syndicales et patronales. Certains allocataires de moins de six mois ne sont pas concernés. La décision a été prise lors d’un conseil d’administration de l’Unédic, composé de représentants des salariés et des employeurs, et a été votée « à la majorité des suffrages exprimés », ajoute l’organisme.

L’Unédic fait valoir qu’elle « tient compte à la fois du contexte économique et de l’équilibre financier du régime d’assurance-chômage » et rappelle que cette revalorisation « intervient après deux autres en 2023 (+ 1,9 % au 1er avril, puis + 1,9 % au 1er juillet) ». En moyenne, la revalorisation annuelle a été de 1,68 % au cours des cinq dernières années.

« Le gouvernement comme le patronat continuent de cibler les allocataires de l’assurance-chômage »

« Pour 2024, le montant de la revalorisation s’élèverait à 150 millions d’euros pour le régime d’assurance-chômage et, pour 2025, à 210 millions d’euros », précise-t-elle dans son communiqué. Un allocataire n’ayant pas travaillé dans le mois et bénéficiant de l’allocation minimale passera ainsi de 979,29 euros brut à 991,07 euros brut, détaille l’Unédic.

La CFDT, qui « regrette avec amertume la décision patronale d’une revalorisation trop faible des allocations-chômage », précise dans un communiqué que « le patronat a fait une première proposition de revalorisation à hauteur de 1 % et n’a accordé que 1,2 % après une suspension de séance ».

« A quelques jours des législatives, le gouvernement comme le patronat continuent de cibler les allocataires de l’assurance-chômage », dénonce de son côté la CGT, rappelant que le gouvernement s’apprête à publier le décret mettant en œuvre la nouvelle réforme controversée de l’assurance-chômage à compter du 1er décembre.

Le Monde avec AFP

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« Par des procédés pour le moins discutables, l’Urssaf cherche par tous les moyens à remettre en cause les aides Covid aux entreprises »

Si les contraintes imposées à la population par la pandémie mondiale du Covid sont encore dans toutes les mémoires, ce n’est pas le cas des aides versées aux entreprises pour survivre lors de cette période. Pourtant l’Etat avait su se montrer très généreux, accordant largement allègements financiers, exonérations de cotisations sociales et aides au paiement, le tout administré par l’Urssaf.

Certes, il était attendu que, dans un second temps, l’Urssaf tienne à s’assurer que les aides aient été octroyées aux sociétés effectivement éligibles, mais l’attitude adoptée par cette institution à partir de 2023 a été particulièrement surprenante. Par des procédés pour le moins discutables et sur la base de raisonnements souvent hasardeux, l’Urssaf a cherché en effet par tous les moyens à remettre en cause les aides accordées.

Cette démarche n’est pas passée inaperçue, obligeant le Conseil national de l’ordre des experts-comptables à se fendre d’un communiqué à l’été 2023, tout en proposant un argumentaire juridique visant à aider les entreprises touchées à se défendre. La BPI est également intervenue afin de relayer la même position de défense.

Le sujet est loin d’être clos : des centaines de contentieux sont déjà en cours contre l’Urssaf, sans parler des milliers de procédures menées par l’Urssaf et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une contestation. L’ampleur du phénomène est cependant difficile à chiffrer, l’Urssaf étant bien silencieuse sur le sujet, et aucune statistique officielle n’existant à ce jour. Seule une remontée du terrain constatée par les experts-comptables auprès de leurs clients, ainsi que par les professionnels du droit, a permis de sonner l’alarme auprès des entreprises concernées.

Les aides pendant le Covid

L’enjeu pour l’Urssaf est très conséquent, des millions d’euros étant susceptibles d’être récupérés. Mais l’enjeu pour les entreprises concernées est encore plus important, confrontées à la nécessité de devoir rembourser des dizaines, voir des centaines de milliers d’euros du jour au lendemain.

L’angle d’attaque utilisé par l’Urssaf pour remettre en question l’éligibilité aux aides Covid est le code NAF/APE. Ce code attribué à une entreprise représente une classification administrative de son activité principale. Or, le bénéfice de ces aides nécessite d’appartenir à des secteurs d’activité bien précis.

La stratégie choisie par l’Urssaf est claire : dès lors que le code NAF/APE d’une entreprise n’appartenait pas à un secteur d’activité éligible aux aides, il était automatiquement réclamé un remboursement intégral des aides perçues pendant la crise sanitaire. Mais, si le code permet d’avoir une idée de l’activité d’une société, il est très courant en pratique de constater que l’activité réelle de ladite société est bien différente de son activité présumée.

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La France tente de combler son retard dans les biomédicaments

Des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, en octobre 2021, à Strasbourg.

Vaccins, anticorps monoclonaux, thérapies géniques ou cellulaires, antibiotiques… Les biomédicaments, ces produits dont les substances actives sont issues du vivant (cellules d’origine animale ou humaine, micro-organismes), et qui se distinguent des médicaments obtenus par synthèse chimique, sont en plein essor. Capables d’agir sur des cibles spécifiques, ces traitements de pointe ont déjà permis d’améliorer les pronostics de certains cancers ces dernières années, voire de guérir des maladies rares. Mais la France a raté le virage de ces innovations il y a plusieurs années et peine, depuis, à rattraper le retard accumulé.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Alès, LFB double sa production de biomédicaments

L’Hexagone n’en produisait sur le sol national que huit en 2022 sur les soixante-seize autorisés à la commercialisation en Europe, notamment grâce à deux entreprises tricolores, Sanofi et le laboratoire public LFB, ainsi qu’au suisse Novartis. L’enjeu est pourtant loin d’être négligeable : 59 % des médicaments actuellement en développement dans le monde concernent des biothérapies.

« En 2020, les ventes mondiales représentaient 300 milliards de dollars [280 milliards d’euros] sur un marché du médicament évalué à plus de 1 100 milliards de dollars. Et les projections indiquent qu’ils pèseront le double en 2030. C’est un relais de croissance énorme pour l’industrie pharmaceutique », observe Laurent Lafferrère, directeur général de France Biolead, qui fédère les acteurs du secteur en France. Sans compter l’enjeu de souveraineté nationale : 95 % des biomédicaments consommés dans l’Hexagone sont aujourd’hui importés.

Favoriser les synergies

Lancée sous l’impulsion de l’Etat, en décembre 2022, l’association, qui rassemble sous sa bannière plus d’une cinquantaine de membres qui interviennent sur tous les maillons de la chaîne du biomédicament, de la recherche à la production, s’attelle, depuis sa création, à structurer la filière, qui avançait jusqu’ici en ordre dispersé. Avec un objectif : faire de la France un futur champion européen.

Depuis dix-huit mois, elle s’est ainsi employée, entre autres, à répertorier les différents acteurs de l’écosystème en France pour rendre la filière plus lisible et favoriser les synergies, et s’apprête, le 5 juillet, à inaugurer une journée nationale destinée à promouvoir, dans toute la France, la filière auprès du grand public. Car le secteur, en plein développement, recrute. Il ambitionne de doubler ses effectifs d’ici à 2030, pour atteindre 20 000 emplois.

En parallèle, l’association a lancé des travaux afin d’identifier les réponses à apporter aux grands enjeux du secteur, notamment en matière de simplification réglementaire pour encourager la compétitivité de l’industrie tricolore, ou sur les innovations technologiques dans les procédés de fabrication. « Nous devons nous assurer que ces biomédicaments, qui sont aujourd’hui très chers, auront un coût soutenable pour notre système de santé. Il faut pour cela améliorer les rendements pour produire plus, mieux et à moindre coût », explique M. Lafferrère. France Biolead travaille à la mise en place de consortiums pour mutualiser les efforts des industriels.

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