De l’art de persévérer… sans s’obstiner

Ma vie en boîte. Entre ces deux qualités que sont l’intelligence et la persévérance, laquelle est la plus importante pour réussir dans la vie ? Certes, les esprits taquins diront que cumuler les deux est la meilleure des solutions. Mais en dehors de cette situation rêvée, lorsqu’il faut choisir entre deux candidats par exemple, est-il préférable de sélectionner le super-doué, doté d’un coefficient intellectuel très élevé mais que l’échec démotive, ou au contraire le bon, qui, sans être une flèche, est tenace, capable de s’accrocher sur la durée ?

Depuis quelques années, et en particulier la publication, en 2007, de l’article « Persévérance et passion pour des buts à long terme » par la chercheuse en psychologie américaine Angela Duckworth, la persévérance est une qualité unanimement louée. Les travaux de cette psychologue menés sur un échantillon de 1 545 adultes de niveaux d’études variés, plus un panel de 138 étudiants de prestigieuses universités américaines, deux groupes de 1 200 élèves officiers, entre autres, ont prouvé que la persévérance était le principal facteur de succès, plus déterminant que le coefficient intellectuel. Les incitations à travailler pour réussir dans la vie, prodiguées par tout parent soucieux de la réussite de ses enfants, s’en trouvent largement confortées. A en croire Mme Duckworth et ses collègues, il suffit donc (presque) de vouloir pour pouvoir. De quoi tracer une voie claire et donner de l’espoir à chacun.

Périodes fastes

Mais patatras. Il est des revers à cette médaille. André Spicer, professeur en comportement des organisations à la Cass Business School de Londres, sonne l’alerte dans un article de la Harvard Business Review, du 28 septembre, « La persévérance peut être fortement contre-productive ». Certes, c’est un truisme de dire que persévérer dans l’erreur conduit à la catastrophe. Mais il n’est souvent pas évident de réaliser que s’obstiner ne sera pas payant. « Rester…

Audience XXL pour les « Goodyear » d’Amiens

Fiodor Rilov (à gauche) avocat des salariés face à Joël Grangé avocat de Goodyear, avant l’audience, à Amiens, le 4 octobre.

Ils sont arrivés par grappes au petit matin sur le parking de Mégacité, salle pour les grands événements qui jouxte le Zénith d’Amiens (Somme). Mains dans les poches de jean, bras croisés sur la polaire, le visage fermé, mais s’égayant dès qu’ils reconnaissaient un vieux copain. La première question est toujours la même : « T’en es où, t’as du boulot ? » Voilà quatre ans que ces hommes et ces femmes-là, anciens salariés du site Goodyear d’Amiens-Nord, ne se croisent plus à l’usine. « Ça manque des fois, glisse l’un d’eux. Sans boulot, on n’a plus de vie sociale vous savez. » C’est pour contester leur licenciement économique qu’ils estiment sans cause réelle ni sérieuse, qu’ils se sont retrouvés jeudi 4 octobre devant le tribunal des prud’hommes.

Des 1 143 salariés licenciés par Goodyear en 2014, 832 se sont lancés dans cette procédure d’une ampleur inédite, nécessitant de délocaliser l’audience hors des murs du tribunal. En 2011, le procès aux prud’hommes de 500 ex-salariés du fabricant de pneus Continental de Clairoix (Oise) s’était déjà tenu dans une ancienne patinoire, celui des 560 salariés du fabricant de meubles Capdevielle dans un local municipal de Mont-de-Marsan (Landes).

Près de 500 salariés ont ainsi pris place dans la salle des congrès transformée en salle d’audience, les quatre conseillers prud’homaux faisant face, sur scène, aux avocats des salariés et de l’entreprise. « On attend que la vérité éclate !, résume Jonathan Semedo, 39 ans. Qu’on reconnaisse qu’une boîte qui faisait des bénéfices nous a virés comme des malpropres ! »

L’usine d’Amiens-Nord manquait cruellement d’investissements

Chaque camp va plaider quatre heures : un débat technique où chacun s’appliquera à démontrer que c’est l’autre qui « brouille les cartes », « travestit la réalité ». Au centre, une question : la situation économique du groupe Goodyear en 2014 justifiait-elle de licencier 1 143…

Contrats courts : des doutes sur le bonus-malus

Le centre Pole emploi de Tourcoing (Nord), le 4 octobre 2018.

Une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron est-elle sur le point d’être abandonnée ? Plusieurs responsables syndicaux s’interrogent, alors que doit s’ouvrir une négociation visant à revoir les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Pour résorber la précarité sur le marché du travail, il était initialement envisagé d’instaurer un bonus-malus, qui aurait pour effet de pénaliser les entreprises abusant des contrats courts. Or, cette mesure, contestée par le patronat, n’apparaît pas explicitement dans le document que le premier ministre a transmis, le 25 septembre, aux partenaires sociaux afin de cadrer leurs discussions sur la refonte des règles de l’assurance-chômage. La note de cinq pages parle de « responsabilisation » des employeurs.

Un terme bien vague, aux yeux de Michel Beaugas (Force ouvrière) : « Pour moi, cela signifie qu’ils enterrent le dispositif. » Denis Gravouil (CGT) défend le même point de vue : « Le Medef a bien réussi son lobbying, dit-il. Les conseillers du gouvernement proches de cette organisation ont obtenu d’enterrer le projet, sous prétexte de ne pas nuire aux employeurs. Nous verrons, une fois à l’œuvre. »

Des charges modulées

Un pessimisme qui n’est pas partagé de tous. « Le sujet reste sur la table », estime Marylise Léon (CFDT). « Le gouvernement a pris toutes les précautions sémantiques pour ne pas chiffonner le patronat en s’abstenant de mentionner le mot qui fâche dans la lettre de cadrage », renchérit Eric Courpotin (CFTC). Autrement dit, les intentions de départ demeureraient.

Les organisations d’employeurs sont, d’ailleurs, elles, toujours inquiètes. Pour François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), il faut rester sur ses gardes. Selon lui, le gouvernement n’a pas renoncé à cette idée.

Plusieurs sources syndicales et patronales évoquent même un scénario précis : il consisterait à moduler…

« Pour être forte économiquement, la France doit encore investir dans la formation »

« Fondamentalement, un gouvernement ne peut s’attendre à être fort économiquement s’il n’investit pas dans le développement de sa force de travail », avance Christopher Murray.

Tribune. Un vieux proverbe français s’applique bien au concept de « capital humain », définissable comme le produit des investissements d’un pays dans la santé et l’éducation de ses citoyens : « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. »

Fondamentalement, un gouvernement ne peut s’attendre à être fort économiquement s’il n’investit pas dans le développement de sa force de travail. Tout travail ne se vaut pas, et le degré de productivité des travailleurs peut être amélioré en s’assurant que les individus ne se contentent pas d’aller à l’école, mais y apprennent réellement quelque chose, comme le démontrent plusieurs études. Les dirigeants doivent aussi veiller à permettre à ces actifs bien formés de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

Jusqu’à présent, il n’existait aucun outil quantitatif pour mesurer la qualité de la force de travail d’un pays. Une étude, publiée le 24 septembre dans la revue médicale internationale The Lancet, vient pallier ce manque. Elle permet au législateur de comparer l’évolution du capital humain pays par pays entre 1990 et 2016. Elle résulte de l’analyse systématique de données issues de plus de 100 000 sources provenant, entre autres, des administrations gouvernementales, des établissements d’enseignement et des systèmes de santé.

Force de travail

Aujourd’hui, la France n’a pas à rougir de son capital humain, mais d’autres pays progressent plus vite. Le pays se classe 9e sur 195 pays et territoires à l’échelle mondiale en 2016, avec 25 ans de « capital humain espéré », c’est-à-dire le nombre moyen d’années que les Français peuvent espérer travailler au maximum de leur productivité, tout en se maintenant en bonne santé et à un haut niveau de compétences.

La Finlande, l’Islande et le Danemark occupaient, dans cet ordre, les trois premières places en 1990. Ils récidivent en 2016. Et chacun de ces pays a augmenté son nombre d’années…

Au Japon, la fin de l’impunité pour le client tyran

Sur près de 50 000 personnes consultées par UA Zensen, 70,1 % disent avoir été confrontées à des comportements déplacés de clients.

S’il est un pays où le culte du client est respecté à la lettre, c’est bien le Japon. La qualité de service y est sans égal. Mais cette bonne volonté se heurte parfois à des comportements douteux de certains acheteurs, qui prennent prétexte d’une réclamation pour abuser de cette culture de l’accueil. Le roi devient alors un bourreau, pour le vendeur. « J’ai été obligée de m’excuser à genoux sur le parking du magasin », raconte une personne travaillant dans le commerce. « Tous les jours, on me dit : “Crève !” », ajoute une autre. « Des hommes d’âge mûr me crient souvent dessus », signale une troisième.

Ces témoignages apparaissent dans une étude menée l’année dernière par la puissante organisation syndicale UA Zensen, qui compte 1,6 million d’adhérents des secteurs du commerce, des services ou encore du textile, et dont les résultats ont été dévoilés le 18 septembre. L’organisation a choisi de travailler sur ce qu’elle a baptisé Mazushitsu kureimu (« harcèlement par réclamation »), également appelé Kasutoma harasumento (« harcèlement de la part des clients »). Ce problème ne concerne pas uniquement les personnels des magasins mais aussi ceux des services publics ou encore des hôpitaux.

Menaces, intimidations ou agressions

Sur les près de 50 000 personnes consultées par UA Zensen, 70,1 % disent avoir été confrontées à des comportements déplacés de clients. Sur ce total, 66,5 % affirment avoir essuyé des insultes. Plus d’un tiers (35,2 %) ont fait l’objet de menaces ou d’intimidations. Enfin, 13,4 % (majoritairement des femmes) ont été la cible de comportements déplacés voire d’agressions sexuelles.

Et ces attitudes génèrent des tensions. Un peu plus de la moitié (54,2 %) des victimes affirment subir un stress élevé. L’affaire est d’autant plus sérieuse que les employés apparaissent démunis face aux comportements agressifs. Dans de telles situations, 48 % affirment continuer à s’excuser malgré…

« Alcool, drogue et médicaments s’apparentent à des instruments de travail »

Empty pill container in foil.

Tribune. Si le dopage dans le monde du sport professionnel fait régulièrement la « une » des médias, il faut reconnaître qu’aujourd’hui ce type de pratique se généralise dans tous les métiers et secteurs d’activité. Or, cette banalisation du recours à des produits psychotropes, de plus en plus diversifiés, ne relève pas – uniquement – de la recherche de performance. Elle n’est pas non plus soluble dans cette image de l’alcoolique chronique qui hante nombre de services. Nous avons pris le parti de mettre en perspective les évolutions contemporaines des usages de produits avec celles du travail. C’est la condition non seulement pour repenser les liens complexes qu’entretiennent travail et produits, mais aussi questionner les politiques et les actions de prévention.

Le stéréotype du « salarié alcoolique » permet de continuer à croire que les usages professionnels de produits relèvent d’un problème localisé et privé, importé dans les espaces de travail par des personnes vulnérables. Il favorise l’économie d’une réflexion sur nos propres consommations comme sur les rapports ambigus qu’entretiennent les entreprises avec les usages, les mobiles et effets de ces produits. Mais nous ne sommes plus au temps où le docteur Villermé dénonçait « l’ivrognerie, le plus grand fléau des classes laborieuses » (1840) : le monde du travail a changé, les produits, les usages, leurs fonctions sont pluriels. La question qui constitue le fil rouge de notre ouvrage est donc : à quoi sert la consommation de ces produits, quels sens les salariés donnent-ils à ces recours ?

L’intensification des exigences productives, le défaut de coopération, l’exacerbation de la compétition, la crainte de perdre son emploi sont des éléments déterminants pour comprendre ces usages

Ce livre propose de se déprendre des approches les plus courantes qui, centrées sur les produits, légaux (médicaments, alcool, nicotine) ou illégaux (cannabis, amphétamines, cocaïne,…

« Au XIXe siècle, la solidarité avec les travailleurs étrangers est une question cruciale pour le mouvement ouvrier »

Ouvriers polonais dans un atelier de broyage de scories phosphatées, dans le nord de la France, en 1922.

Chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po, ­Nicolas Delalande, spécialiste de l’histoire de l’Etat, des solidarités et des inégalités, est l’un des maîtres d’œuvre d’Histoire mondiale de la France (Seuil, 2017). Il publie en janvier 2019 un livre sur ­l’internationalisme ouvrier de 1864 à 1914 (La Lutte et l’Entraide, Seuil).

Vous avez étudié la période de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Y a-t-il, à cette époque, dans le mouvement socialiste, des débats sur les migrations ?

Entre la création de la Ire Internationale, en 1864, et la première guerre mondiale, cinquante ans plus tard, la solidarité avec les travailleurs étrangers est une question cruciale pour le mouvement ouvrier.

D’abord parce que cette époque correspond à une phase d’intense mondialisation : en raison de la baisse des coûts du transport, la mobilité de la main-d’œuvre européenne et asiatique est très forte.

Ensuite parce qu’apparaissent, dans ces ­années-là, le syndicalisme et les premières grandes mobilisations ouvrières, notamment en Angleterre : pour briser les grèves, certains patrons font venir de Belgique ou d’Allemagne, parfois pour quelques semaines, une main-d’œuvre étrangère que les ouvriers anglais appellent les black legs et les ouvriers français les « sarrasins ». Ces travailleurs étrangers sont accusés de faire le jeu des capitalistes en acceptant des salaires plus bas et des conditions de travail difficiles.

Quelle est la position des socialistes face à cette mobilité ?

Les internationales (la IIe est fondée en 1889) sont favorables à la mobilité, mais à condition qu’elle profite aux ouvriers, pas aux capitalistes. Pour Karl Marx et Friedrich Engels, l’internationalisme est la clé du succès de la lutte des classes : puisque les capitalistes se coordonnent à l’échelle internationale, il faut que les ouvriers en fassent…

Nouveau changement de propriétaire en vue pour l’équipementier GM&S

Un salarié de l’équipementier automobile GM&S , à La Souterraine (Creuse), le 16 septembre 2017.

A La Souterraine (Creuse), les salariés de l’équipementier automobile GM&S ont de quoi se montrer inquiets. En septembre 2017, leur usine mal en point était reprise, après des mois de suspense, par le seul candidat sur les rangs, Alain Martineau, un industriel qui laissait sur le carreau 150 salariés sur 277 dans l’espoir de rendre au site sa compétitivité perdue. Un an plus tard, alors que le redressement de GM & S paraît à peine amorcé, un nouveau changement de propriétaire se profile déjà : M. Martineau se prépare à vendre tout son groupe (35 sites dans le monde, dont celui de la Creuse) qui emploie en France environ 2 400 personnes en CDI.

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Agé de bientôt 72 ans, sans enfant prêt à lui succéder, le président-fondateur de GMD (Groupe mécanique découpage) envisage depuis plusieurs années de passer la main, malgré un attachement viscéral à son entreprise. « A notre connaissance, cela fait quatre ans que le groupe est en vente », indique un syndicaliste. Divers candidats ont regardé le dossier. Mais cette fois-ci, le mouvement se précise avec CIE Automotive, un gros équipementier automobile espagnol, coté à la Bourse de Madrid, indiquent trois sources concordantes.

Inquiétude des syndicats

« CIE a fait part de son intérêt à racheter la totalité de notre groupe », qui réalise 800 millions d’euros de chiffre d’affaires, a indiqué M. Martineau le 28 septembre dans un message au secrétaire du comité de groupe. Après avoir visité une partie des sites, les responsables de CIE souhaitent rencontrer les principaux directeurs de GMD. Des rendez-vous sont prévus ces prochains jours.

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Ces tractations aboutiront-elles ? « Il reste à s’entendre sur le prix exact et le rôle de M. Martineau après la vente, deux points sensibles », met en garde un homme au fait du dossier. « Notre patron est peut-être réticent, mais les clients PSA et Renault, de même que les banques et les actionnaires minoritaires font pression pour qu’il règle la question de la succession, d’autant qu’il y a eu beaucoup de départs parmi les cadres », avance Nathalie Roma, au nom de l’intersyndicale. Inquiets d’une possible « casse sociale massive » à l’occasion de la vente, les élus demandent des rencontres rapides avec CIE d’un côté, les pouvoirs publics de l’autre.

Le cas de La Souterraine sera scruté de près. Depuis un an, Renault et PSA, qui s’étaient engagés sur des volumes de commandes, n’ont pas tenu leurs promesses, si bien que l’usine reste en grande difficulté. Un repreneur étranger n’aura pas forcément une affection particulière pour le vieux site de la Creuse.