A leur tour, les magasins The Body Shop exploités en France sont dans la tourmente. La chaîne britannique aux 900 points de vente et 1 600 franchises dans le monde était déjà sur le point de tirer le rideau de ses 75 magasins exploités au Royaume-Uni. En France, sa filiale a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, jeudi 4 avril. L’entreprise, qui exploite 66 points de vente dans l’Hexagone et emploie 266 salariés entre dans une période d’observation de six mois. The Body Shop était détenue depuis 2017 par le brésilien Natura & Co, avant d’être repris en novembre 2023 par le fonds allemand Aurelius, faute de candidats industriels à son rachat. Fondée en 1976 à Brighton par Anita Roddick, cette chaîne spécialisée dans la cosmétique naturelle − la première à avoir renoncé aux tests sur les animaux − avait été achetée par le groupe L’Oréal en 2006 qui s’en était séparé, à perte, pour 1 milliard d’euros onze ans plus tard.
Gabriel Attal dans son bureau, à Matignon, le 4 avril 2024. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Gabriel Attal tâche de rectifier le tir. Ce jeudi 4 avril, lorsque le premier ministre reçoit Le Monde, les fenêtres de son bureau, au premier étage de l’hôtel de Matignon, sont grandes ouvertes. Le temps printanier vire à l’orage. Au sens propre, comme au figuré. La réforme de l’assurance-chômage, que le locataire de la Rue de Varenne a annoncé, une semaine plus tôt, suscite les critiques de toute part. L’opposition de gauche reproche au gouvernement de faire des économies « sur le dos des chômeurs ».
La fronde atteint le camp présidentiel. Des voix s’élèvent, comme celles de la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet et de l’ex-première ministre Elisabeth Borne, aujourd’hui députée du Calvados, s’étonnant d’une réforme qui contredit l’esprit contracyclique de celle de 2023 – le projet du premier ministre pourrait réduire la durée des allocations alors que le chômage repart à la hausse. Le débat s’envenime. La veille, en conseil des ministres, Emmanuel Macron s’en est inquiété, appelant à remettre du « sens » dans le récit de l’action gouvernementale.
Gabriel Attal s’exécute. « Ce n’est pas une réforme d’économie, c’est une réforme d’activité et de prospérité », assure le premier ministre. Si ce projet a été révélé au même moment que l’annonce d’un déficit budgétaire hors des clous, à 5,5 % du produit intérieur brut, c’est pur hasard. L’initiative, programmée, figurait dans la litanie de mesures promises par le chef du gouvernement lors de sa déclaration de politique générale, en janvier.
« J’assume totalement. J’ai été nommé pour agir. Il y aura une réforme de l’assurance-chômage en 2024 », affirme le locataire de la Rue de Varenne, qui assure avoir l’appui d’une majorité de députés de son camp. Depuis son arrivée à Matignon, Gabriel Attal a reçu quelque 150 élus de la coalition présidentielle et s’est encore entretenu avec une trentaine de députés de sensibilité de droite, mercredi soir, qui lui ont garanti leur soutien.
L’esprit de la réforme est de parvenir au plein-emploi, Graal macroniste, dit-il. « On est passé [depuis 2017] de 9,6 % à 7,5 % de chômage. Cette baisse historique, on ne l’a pas obtenue par magie. C’est le fruit, de nos réformes, notamment de l’assurance-chômage », lâche-t-il.
Répondre aux préoccupations des Français
En réponse à Elisabeth Borne qui vante dans un tweet publié le matin même les bienfaits de sa précédente réforme contracyclique, le chef du gouvernement signale qu’« il est attaché à rester dans cette logique-là tout en en faisant évoluer les paramètres ». Et il souligne que « la Banque de France anticipe un fort rebond économique en 2025, quand la réforme entrera pleinement en vigueur ».
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Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, au siège de l’organisation syndicale, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le 3 avril 2024. AGNES DHERBEYS / MYOP POUR «LE MONDE»
Alors que Gabriel Attal a annoncé une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, critique vivement le projet du premier ministre. Et annonce que son syndicat ne devrait pas signer l’accord voulu par le gouvernement pour un « nouveau pacte de la vie au travail », dont la négociation s’achève le 8 avril.
Le premier ministre, Gabriel Attal, veut que le modèle social incite davantage au travail, pour atteindre le plein-emploi. Que pensez-vous de cette orientation, présentée comme une réponse au chômage qui augmente depuis un an ?
Le gouvernement n’a plus aucun argument pour défendre une cinquième réforme contre les chômeurs. La justifier au nom de la dette ne tient pas, puisque les comptes de l’Unédic, l’association paritaire qui gère le régime, sont dans le vert. Pire, le gouvernement se contredit par rapport à son précédent discours : en 2022, il nous avait expliqué qu’il était nécessaire d’avoir une assurance-chômage contracyclique, avec des protections qui reculent quand la croissance s’améliore et l’inverse lorsque la conjoncture se dégrade.
Alors même que les destructions d’emplois se multiplient ces derniers mois, le pouvoir en place nous certifie désormais qu’il faut encore durcir les règles d’indemnisation. Quant à l’idée selon laquelle il faudrait baisser les droits des chômeurs pour créer de l’emploi, elle n’est pas plus crédible, aucun économiste n’établissant une telle relation de cause à effet.
Le gouvernement objecte que c’est une réforme en faveur de l’activité et pour la prospérité, et que l’accent va être mis sur l’accompagnement des chômeurs, notamment avec la réforme du revenu de solidarité active…
Ce sont des mensonges, ça s’appelle du marketing. Il n’y a aucune mesure concrète pour mieux accompagner les privés d’emploi. On demande aux conseillers de France Travail [anciennement Pôle emploi] de concentrer leur énergie sur le contrôle et les sanctions, au lieu d’épauler les personnes dans la construction de leur projet professionnel. Cela engendre une souffrance très grande parmi les équipes, car on leur demande d’accomplir un travail contraire à leur mission de service public de conseil et d’accompagnement.
Cette nouvelle attaque contre l’assurance-chômage rejaillit sur l’ensemble des salariés. La finalité de cette réforme, c’est de forcer les gens à accepter n’importe quel poste et de généraliser les petits boulots. Le gouvernement s’inspire des politiques de Gerhard Schröder en Allemagne et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni.
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Favoriser le télétravail ou accorder un jour de congé supplémentaire pour les femmes souffrant de règles douloureuses : cette idée fait son chemin en Europe et en France ces derniers mois. Une proposition de loi, inspirée de la loi espagnole adoptée en février 2023 et examinée jeudi 4 avril en séance à l’Assemblée nationale, propose d’en faire un droit.
S’il était voté, le texte porté par le député écologiste Sébastien Peytavie accorderait jusqu’à treize jours de congé annuels aux femmes souffrant de crampes menstruelles, sans délai de carence, et sous réserve d’un certificat médical en cas de « règles incapacitantes ».
Une poignée d’entreprises françaises, comme Carrefour, et des collectivités locales ont déjà annoncé qu’elles accorderaient jusqu’à un jour de congé supplémentaire par mois aux femmes concernées. Mais la proposition de loi rencontre aussi l’opposition du Medef, de la majorité sénatoriale, qui a rejeté un texte similaire début février, ou encore d’associations féministes.
Dans cette vidéo, nous examinons les arguments promus par les partisans d’un congé menstruel et les réserves formulées par ses opposants. Et pour savoir pourquoi la municipalité de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a mis en place cette disposition, nous vous invitons à lire l’article ci-dessous.
« Le travail est le premier combat du gouvernement »,a déclaré Gabriel Attal, à l’ouverture du séminaire gouvernemental organisé le 27 mars, sur le ton martial qu’on lui connaît désormais. Un séminaire qui a fait suite aux annonces proférées lors de sa déclaration de politique générale, parmi lesquelles figuraient la réforme du revenu de solidarité active et la suppression de l’allocation de solidarité spécifique – deux mesures à l’effet très hypothétique sur le travail –, ainsi que l’expérimentation de la semaine en quatre jours dans les administrations des ministères. A ces mesures, confirmées mais non détaillées lors du séminaire, s’est ajouté un nouveau projet de réforme de l’assurance-chômage, destiné à « inciter à la reprise d’emploi ». Si le « travailler mieux » avait pu furtivement apparaître comme une visée de l’exécutif, c’est donc finalement le « travailler plus » qui apparaît comme le mot d’ordre du gouvernement.
Peu importe, en définitive, la formule retenue par l’exécutif. Dans un cas comme dans l’autre, ces expressions ne font que masquer une incompréhension sidérante de ce qui se joue en ce moment au travail, et par conséquent une incapacité à mener une politique du travail (« du travail » oui, et non seulement « de l’emploi ») digne de ce nom.
Car les mutations récentes du travail nécessitent bien un encadrement politique. Au cours des dernières décennies, les conditions de travail des Françaises et des Français se sont transformées de façon drastique, sous l’effet d’évolutions technologiques et managériales qui se traduisent essentiellement par la dématérialisation du travail (travail à distance, management algorithmique) et par l’externalisation des tâches non directement productives (nettoyage et maintenance des infrastructures, notamment). Ces transformations ont conduit à l’apparition de nouvelles modalités de travail, parmi lesquelles : le télétravail, le travail de plate-forme (celui des chauffeurs de VTC ou des livreurs de repas), ou encore la sous-traitance du travail du soin (celui des choses aussi bien que des vivants).
Ambiguïté sémantique
M. Attal croit-il sincèrement accompagner politiquement ces transformations en déclarant vouloir que, « désormais, dans l’Etat, les personnels d’entretien qui le souhaitent puissent travailler aux mêmes horaires que tout le monde » ? L’exécutif croit-il avoir suffisamment encadré l’émergence du télétravail, qui soulève, au-delà des questions matérielles et organisationnelles liées à sa mise en place opérationnelle, des questions politiques liées notamment aux inégalités sociales, générationnelles et de genre ? Et le gouvernement français a-t-il cru illustrer son souci du« travailler mieux » en bloquant, le 11 mars, la directive européenne qui visait à requalifier les emplois des chauffeurs VTC et livreurs de colis ou de repas, aujourd’hui abusivement qualifiés d’« indépendants » par les plates-formes qui les font travailler ?
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Livre. Attention, couples fragiles. Des séparations en nombre croissant (45 % des mariages se terminent par un divorce en France en 2020), une explosion du nombre de familles monoparentales (1,5 million en 1999, près de 2,4 millions en 2020)… les statistiques mettent aujourd’hui en lumière toute la difficulté de mener, au long cours, une vie à deux. Si les causes d’une telle évolution sont multiples, Antoine de Gabrielli, spécialiste de l’égalité professionnelle, a fait le choix d’interroger la responsabilité des mutations du système économique en général et du monde du travail en particulier.
Quels sont les écueils rencontrés par ces couples dans lesquels chacun tente de mener de front carrière et responsabilités privées ? Quelles réponses l’entreprise propose-t-elle ? Quels leviers déployer pour qu’un partage équitable des différents types de travail (professionnel, social, familial) ait lieu entre femmes et hommes ? Autant de questions auxquelles M. de Gabrielli tente de répondre dans son nouvel essai, S’émanciper à deux. Le couple, le travail et l’égalité (Ed. du Rocher).
Premier constat : le couple a changé au fil des dernières décennies, devenant « la juxtaposition de deux projets personnels et professionnels qui peuvent entrer en concurrence, explique l’auteur. Il est plus aérien, plus libre, plus respectueux des talents de chacun, mais aussi plus fragile et moins solidaire que l’épaisse pièce de bois, le joug, qui unissait les animaux de trait au sein d’un attelage, réalité imagée et concrète de l’égalité conjugale ».
Dès lors, deux défis se sont imposés. Celui de l’égalité au cœur des entreprises, tout d’abord. Pour y répondre, les organisations ont négligé l’approche systémique, pourtant indispensable pour permettre aux femmes d’accéder aux responsabilités. Des quotas de femmes ont notamment été imposés à certains cénacles exécutifs.
Mais tout s’est passé « comme s’il ne s’agissait que de mettre un terme à une mauvaise volonté sexiste », déplore M. de Gabrielli. C’est nier une organisation du travail inadaptée car trop chronophage pour des femmes portant encore la plus grande part des charges familiales.
L’équation semble impossible
Le second défi, justement, est celui que doivent relever les couples : concilier temps professionnels et privés. Une gageure pour nombre d’entre eux, tant l’équation semble impossible, sauf à ce que l’une des deux parties mette en sommeil une part de ses aspirations ou ambitions. Une source potentielle de fragilisation du couple.
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Des salariés du groupe Seb, lors d’une manifestation contre une proposition de loi visant à interdire les PFAS en France à partir de 2026, à Paris, le 3 avril 2024. ALAIN JOCARD / AFP
« Touche pas à ma poêle », clament les pancartes. A l’appel de leur direction, plusieurs centaines de salariés du groupe Seb ont manifesté bruyamment près de l’Assemblée nationale, mercredi 3 avril à Paris, pour réclamer le retrait de la proposition de loi contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), à la veille de son examen en séance plénière.
Portée par le député écologiste de Gironde, Nicolas Thierry, la proposition de loi prévoit notamment d’interdire les « polluants éternels » dans les ustensiles de cuisine à partir de 2026. A l’instar du célèbre Teflon, qui a fait la renommée mondiale de Tefal, certains revêtements antiadhésifs sont de gros consommateurs (et émetteurs) de PFAS.
Damien Ferrari, 28 ans, cariste sur le site historique de Tefal à Rumilly (Haute-Savoie), porte une banderole qui détourne l’acronyme de ces substances aussi toxiques que persistantes dans l’environnement : « Production française à sauver ». « Nous sommes contre cette loi car elle va détruire nos emplois, dit-il. Nos produits sont contrôlés depuis cinquante ans et il n’y a jamais eu de soucis pour le consommateur. »
Le 31 mars, dans un entretien à La Tribune dimanche, le président de Seb, Thierry de La Tour d’Artaise, agitait le chiffon rouge : « Trois mille emplois sont menacés par la proposition de loi. » Le PDG a offert une journée de congé et affrété des cars pour que ses salariés viennent protester à Paris à grand renfort de concert de poêles Tefal. Beaucoup de drapeaux aux couleurs de FO mais aucun de la CFDT ni de la CGT parmi les manifestants. « Le syndicalisme ne sera pas complice d’une nouvelle tragédie sanitaire, sociale, économique et environnementale », fait savoir la CGT Auvergne-Rhône-Alpes. Dans le rassemblement, on distingue en revanche quelques écharpes tricolores. A commencer par celle du maire (sans étiquette) de Rumilly (Haute-Savoie), Christian Dulac. « Tefal, c’est 3 000 emplois directs et indirects, dit aussi le nouvel édile, élu en novembre 2023. Sauver les emplois, c’est sauver la ville. »
A l’automne 2022, son prédécesseur avait pourtant dû fermer en urgence deux points de captage d’eau potable qui alimentaient 12 000 de ses 16 000 administrés, après la découverte de concentrations importantes en PFOA, un « polluant éternel » classé cancérogène et longtemps utilisé par Tefal pour fabriquer son Teflon.
Le président de Seb assure aujourd’hui que « les produits Tefal – comme tous ceux de Seb – ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l’environnement par les autorités sanitaires ». Des assertions qui font bondir les scientifiques : plusieurs chercheurs et toxicologues dénoncent « une manipulation frauduleuse et dangereuse des résultats scientifiques », dans une tribune au Monde.
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Partiellement soulagés, mais déjà inquiets pour la suite. C’est l’état d’esprit qui traverse les salariés du Quotidien de La Réunion, après avoir appris que le journal local placé en liquidation cession depuis le début octobre 2023 allait être repris par l’entrepreneur Henri Nijdam, PDG du Nouvel Economiste, via Media Capital.
Le tribunal de commerce de Saint-Denis a tranché en sa faveur, mercredi 3 avril, estimant que celle-ci engendrerait moins de casse sociale que l’offre concurrente de l’imprimeur réunionnais Alfred Chane-Pane.
Ce dernier s’engageait à reprendre seulement 20 % des effectifs, excluant tout bonnement de reprendre un seul journaliste, une offre dénoncée comme « brutale et abrupte » par Flavien Rosso, le représentant des salariés et les syndicats du journal. La veille, un collectif d’une quinzaine de journalistes avait campé devant le tribunal pour dénoncer « la volonté des repreneurs de faire des journaux sans journalistes ».
« Epuisement et lassitude »
M. Nijdam va reprendre 27 des 48 salariés (dont 15 journalistes des 36 qui constituent la rédaction), ainsi que 12 employés de presse et cadres. Les secrétaires de rédaction, photographes et rédacteurs en chef ne font pas partie de l’aventure, ce qui laisse craindre de grandes difficultés à très court terme pour boucler quotidiennement le journal. « Est-ce que ça vaut le coup de survivre dans ces conditions-là ? », s’interrogent plusieurs journalistes en interne, avouant « épuisement et lassitude après des mois d’incertitudes ».
Alors que le dernier journal de « l’ère Chane-Ki-Chune » (actionnaire depuis sa fondation en 1976) sortira jeudi 4 avril, la nouvelle direction de l’entreprise souhaite publier un nouveau journal dès samedi 6 avril.
« C’est irréaliste », répond Edouard Marchal, du Syndicat national des journalistes. « On doit rendre jeudi nos téléphones et ordinateurs professionnels, tout comme les voitures de fonction à l’ex-actionnaire, donc je vois mal comment on pourrait relancer le journal en même temps », complète Flavien Rosso.
Appel à lever « les zones d’ombre »
Aussi, les salariés du journal classé comme progressiste appellent leur nouvelle direction à lever « les zones d’ombre sur l’actionnariat, la gouvernance, l’organisation du journal ». En cause ? Si M. Nijdam doit devenir le directeur de la publication et de la rédaction, il représente seulement 1 % des 500 000 euros de capital, aux côtés de l’actionnaire majoritaire (70 %), le promoteur réunionnais Jean-Jacques Dijoux.
Le deuxième actionnaire, Jean-Pierre Lallemand (29 %), est à la tête d’une société de nettoyage et par ailleurs président du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale de La Réunion. Les salariés réclament donc « des garanties d’indépendance de la rédaction », demande pour le moment sans réponse, et « rejettent par avance toute tentative d’instrumentalisation ».
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Philippe Combes, représentant du personnel de Toupnot, usine spécialisée dans la production de conserves de viande de bœuf, à Lourdes (Hautes-Pyrénées), le 28 mai 2019. MATHIAS KERN / RADIO FRANCE / MAXPPP
Des trémolos dans la voix, Eric Testeil, 59 ans, s’interrompt pour reprendre son souffle. Cinq ans après qu’un incendie a ravagé les locaux de l’entreprise Toupnot, donnant à sa carrière professionnelle une tournure imprévue, cet ancien salarié ne s’en remet toujours pas. « J’ai laissé plus de trente ans de ma vie dans l’entreprise. Puis il a fallu que je retrouve un emploi. C’était dur, car je n’avais plus 20 ans », raconte M. Testeil, aujourd’hui cariste magasinier.
Entré à l’âge de 17 ans et demi chez le fabricant de corned-beef, installé sur 2 hectares dans le nord-est de Lourdes (Hautes-Pyrénées), il occupe divers postes (déballage de viande congelée, maintenance des outils, chef d’équipe) jusqu’à son licenciement, en mai 2020. Alors, jeudi 4 et vendredi 5 avril, il assistera aux audiences du conseil de prud’hommes délocalisé dans une salle de la chambre de commerce et d’industrie de Tarbes. Au total, ils seront 54 anciens salariés, sur les 72 employés que comptait l’usine, sur les bancs de la juridiction pour contester leur licenciement économique.
Toupnot, une PME familiale créée en 1932, change de mains lorsque Pierre Franco, petit-fils du fondateur, part à la retraite : à partir de 2011, le dirigeant cède progressivement le capital de l’entreprise à Rémi Arnauld de Sartre, qui finit par en détenir 75 % en 2012. Le reste est cédé à Cofigeo.
Trois ans plus tard, le groupe agroalimentaire avale entièrement la société lourdaise. L’appétit du spécialiste des plats cuisinés en conserve ne s’arrête pas là : il met la main sur William Saurin, avec l’aval de Bercy. Le 19 juillet 2018, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, donne son feu vert à cette opération, à la seule condition du maintien de l’emploi dans le groupe pendant deux ans.
« C’est de la fraude, un scandale absolu »
En 2019, dans la nuit du 9 au 10 janvier, un incendie détruit en grande partie l’atelier de fabrication de Toupnot. Le choc passé, les salariés ne perdent pas espoir. Car, pour eux, la reconstruction de l’usine peut être financée par les 18 millions d’euros de prime d’assurance que perçoit Cofigeo. Et puis, un atelier relais de 7 000 mètres carrés est envisagé pour sauver une cinquantaine d’emplois. Ce projet est jugé viable par le cabinet d’expertise Secafi et la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne. Il est aussi présenté aux collectivités locales et aux élus politiques lors d’une réunion en préfecture, en février 2019.
Cependant, « les salariés ne voient rien venir », rapporte Me Elise Brand, saisie par ces derniers au mitan de 2022. « Et, le 1er octobre 2019, le groupe décide de fermer l’usine. C’est de la fraude, un scandale absolu »,tonne l’avocate, qui réclame l’indemnisation des salariés pour la perte de leur emploi en raison du non-respect par l’employeur de l’accord conclu en juillet 2018. Pour Philippe Combes, délégué syndical CGT, il s’agit d’une « trahison ». « La direction nous a pris pour des ploucs du Sud-Ouest, sauf que les Toupnot sont toujours là. »
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Enzo Poultreniez les appelle les « étoiles filantes ». Ce sont, comme lui, des collaborateurs du mouvement Les Ecologistes. Ils sont arrivés à l’occasion d’une campagne électorale dans laquelle ils se sont investis sans retenue, jusqu’à l’épuisement. « On ne les reverra plus », conclut-il.
Aujourd’hui à la tête de l’Association des collaborateurs d’élus écologistes et apparentés (Aceva), il se dit inquiet pour la santé de ces salariés éphémères mais aussi, plus largement, pour celle de l’ensemble des collaborateurs du mouvement, dont beaucoup seraient touchés par un « surengagement ».
Lui-même est allé au bout de ses limites. En 2015, il a été l’un de ces « martyrs » prêts à « se sacrifier pour la cause ». Victime d’un burn-out, il explique aujourd’hui avoir pris du recul et appris à dire non.
Rien d’une exception
Le ressenti de M. Poultreniez est confirmé par une enquête menée par le sociologue Simon Cottin-Marx en 2023 sur les conditions de travail des collaborateurs d’Europe Ecologie-Les Verts (rebaptisé Les Ecologistes), à la demande de l’Aceva, et dont Le Monde livre les résultats en exclusivité. Elle montre que, si les salariés trouvent du sens au travail ils se plaignent d’exercer un métier qui « déborde ».
68 % se disent sollicités en dehors des heures de travail, ce qui a une influence négative sur leur vie privée (47 %) et leur santé (46 %) ; 64 % disent être préoccupés par la situation de collègues, et 66 % déclarent connaître des collègues ayant quitté leur emploi pour cause de souffrance ou d’épuisement au travail.
La situation rencontrée chez Les Ecologistes n’a rien d’une exception. Elle peut être observée dans d’autres mouvements politiques, des syndicats, des associations. Les structures militantes peuvent être ainsi, parfois, le cadre de situations de travail douloureuses et représenter un risque pour la santé de leurs salariés.
Le fort engagement des salariés dans leur travail est une première explication. Les collaborateurs sont en grande majorité des militants qui épousent une cause. « Au départ, il y a la flamme », résume le sociologue Matthieu Hély. Leur implication est d’autant plus forte que la frontière est floue entre missions salariées et militantisme (surtout lorsque l’on côtoie des bénévoles eux aussi très investis), et que le dévouement est présenté comme une norme. « Il est par exemple très dur de dire non lorsque des actions sont proposées par mon employeur – et, donc, pour la cause – le soir ou le week-end », reconnaît une salariée dans l’humanitaire.
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