Congé maternité : les primes sont-elles imputables ?
Droit Social. Durant son congé maternité, la salariée perçoit, au lieu et place de son salaire et sous certaines conditions des compensations journalières de Sécurité sociale. Plusieurs conventions collectives prévoient des compléments d’indemnisation, pouvant aller jusqu’au maintien du salaire net.
A la paye de base peuvent s’ajouter des majorations diverses pour travail du dimanche ou travail de nuit, pour heures additionnels, des avantages en nature, mais également certaines primes ou bonifications liées aux conditions de travail.
Ces salaires complémentaires, fruits de la négociation, peuvent porter les noms les plus divers, correspondre à des situations répétitives ou particulières et connaître des modes de calcul variés. S’il est clair que du fait de l’accord collectif le salaire de base doit être maintenu pendant le congé de maternité, qu’en est-il de ces autres éléments de rémunération ?
Ce problème a été porté en justice dans le cadre d’un conflit né à l’annonce de la fermeture d’une succursale d’une entreprise et d’un transfert d’activité à une filiale italienne. Pour y mettre fin, certains salariés avaient obtenu le paiement d’une « prime de coopération », inscrite dans un accord signé par les représentants du personnel. La prime récompensait un travail de formation et de transmission du savoir-faire des salariés de la succursale aux salariés du repreneur. Elle était subordonnée à la coopération effective du salarié en question avec les équipes du repreneur.
Pas de ségrégation
Face à une salariée qui réclamait la prime versée durant son congé maternité, se plaignant de discrimination fondée sur le sexe, la Cour de cassation a rejeté l’argument. L’employeur pouvait donc, en toute légitimité, considérer que ce bonus n’était pas dû pendant son congé de maternité : l’exigence d’un travail effectif n’était pas remplie et il n’y a pas discrimination puisque la règle s’applique à tout salarié absent.
Cet arrêt de la chambre sociale de la haute juridiction judiciaire du 19 septembre 2018 est dans la ligne de décisions antérieures, considérant que la réduction ou la suppression de la prime de fin d’année ou d’assiduité d’une salariée en raison de son absence pour congé de maternité n’était ni ségrégationniste, ni illégale, à condition que toutes les absences, hors celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail réel, entraînent les mêmes effets sur son attribution.
Congé parental : ce que font les autres pays
Peu de pays ont réellement exercé un revenu parental en tant que tel ; la plupart indemnisent le congé lié à une naissance (congé maternité et/ou de paternité) et aident, plus ou moins généreusement, à la prise en charge d’un enfant en bas âge (congé parental d’éducation). Sept pays de l’Union ne paient pas du tout le congé parental : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Irlande, la Grèce, les Pays-Bas et Chypre.
La Suède est le pays qui prime le mieux les parents : le congé parental ouvre droit à un revenu de remplacement, correspondant à 80 % du salaire antérieur, durant les treize premiers mois (les trois derniers mois étant indemnisés environ 500 euros chaque). Le modèle suédois est cohérent avec ce concept de revenu : ce dernier est taxable et, en contrepartie, tous les droits sociaux du bénéficiaire sont maintenus. Il continue à cotiser pour sa retraite, la période de congé est comptabilisée dans le calcul des avantages liés à l’ancienneté et il bénéficie de la garantie du retour à son poste.
Si le parent au foyer tombe malade, il reçoit une indemnité journalière et ses jours de maladie ne sont pas comptabilisés dans le congé parental. Il faut toutefois avoir travaillé au moins huit mois avant l’arrêt. « Les parents ne satisfaisant pas à ces conditions touchent, pour leur part, une indemnité forfaitaire d’environ 18 euros par jour. Les modalités de ce congé incitent donc assez fortement à s’intégrer sur le marché du travail avant d’avoir des enfants », expliquent la docteure en sociologie Nathalie Morel. De plus, la Suède a mis en place des mesures incitatives pour pousser les hommes à davantage utiliser le congé : chaque parent est obligé de prendre au moins trois mois pour bénéficier du reste du congé parental.
Même logique en Allemagne : si les deux parents prennent le congé (deux tiers du salaire, plafonné à 1 800 euros par mois), ils ont droit à deux mois additionnels. Une « prime aux fourneaux » de 150 euros mensuels avait, en outre, été initiée en 2013 par les conservateurs pour relancer la natalité, mais elle a été invalidée en 2015 par la Cour constitutionnelle qui a jugé que le gouvernement fédéral avait empiété sur les prérogatives des Etats régionaux.
L’Islande a le modèle le plus égalitaire avec un congé parental de neuf mois, dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers divisible entre les deux, avant les dix-huit mois de l’enfant, chaque partie étant perdue si elle n’est pas prise par son destinataire. Il est rétribué à 80 % pour tout salaire en dessous de 1 260 euros par mois et 75 % pour les salaires supérieurs, avec un plafonnement à 1 890 euros mensuel.
A l’opposé d’un ouvrage social de la rémunération parentale, et dans une proportion probablement anecdotique, une version néocapitaliste aurait déjà été expérimentée dans la sphère privée : à New York, certaines femmes au foyer toucheraient un « bonus d’épouse » au titre de leur bonne gestion du budget du foyer ou de la qualité de l’éducation apportée aux enfants et de la capacité de ces derniers à intégrer de bonnes écoles. Les Etats-Unis sont actuellement le seul pays de l’OCDE à ne même pas financer un congé maternité.
Même chose, pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les « travailleuses ne peuvent utilement invoquer le bénéfice » des règles antidiscriminatoires de l’Union européenne « pour revendiquer le maintien, pendant leur congé de maternité, de leur rémunération intégrale comme si elles occupaient effectivement, comme les autres travailleurs, leur poste de travail ».
Entamés depuis la première quinzaine de novembre 2018, les négociations sur l’assurance-chômage sont sur le point d’aborder un sujet hautement inflammable : la lutte contre la précarité. Dans un « document de cadrage », le premier ministre avait demandé aux partenaires sociaux de construire de « nouvelles règles », afin de « responsabiliser » les employeurs, spécialement, ceux qui recourent excessivement aux contrats courts. Ce thème occupera l’essentiel des discussions que le patronat et les syndicats doivent poursuivre, mercredi 9 janvier, en vue de bâtir un nouveau système d’indemnisation des demandeurs d’emploi.
La rencontre s’annonce difficile. Car les acteurs vont échanger sur une idée très clivante, défendue par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle : le bonus-malus, qui consiste à moduler les cotisations des entreprises (autour d’un taux pivot par secteur) en fonction du nombre de fins de contrat donnant lieu à une inscription à Pôle emploi. Les sociétés où la main-d’œuvre tourne fréquemment paieront plus, tandis que celles qui créent des emplois stables seront moins mises à contribution.
Or, le patronat y est brutalement hostile. « Nous ne négocierons pas sur un tel dispositif », avait prévenu Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dans un entretien au Journal du dimanche du 4 novembre 2018. « La vision centraliste du gouvernement au travers de ce système n’est pas adaptée à l’économie de demain », avait-il ajouté. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales) ont, sans surprise, annoncé des positions similaires durant l’automne 2018.
Leur analyse a-t-elle évolué, depuis ? « Je ne les sens pas disposés à lâcher du lest, confie Michel Beaugas (FO). Ils sont même prêts à faire capoter les discussions, sur cette question. » « Le chef de file de la délégation patronale dans la négociation nous assure que toutes les thématiques peuvent être débattues, enchaîne Eric Courpotin (CFTC). Mais les leaders patronaux, eux, ne veulent pas entendre parler de bonus-malus. » Dès lors, il est difficile, à ce stade, d’envisager un geste d’ouverture de la part des organisations d’employeurs.
Des accords dans la sidérurgie et la distribution
Celles-ci ont l’intention, durant la rencontre de mercredi, de mettre en avant les mesures récemment adoptées dans plusieurs secteurs d’activité pour prolonger les périodes d’emploi et proposer de nouveaux droits aux travailleurs (par exemple en matière de formation continue). D’après Hubert Mongon (Medef), des accords allant dans ce sens ont été paraphés dans cinq branches, en 2018, notamment dans la métallurgie, la distribution et le secteur de la propreté. « Leur contenu est intéressant, car ils contribuent à mettre en place la flexisécurité à la française, avec plus de souplesse pour les entreprises et plus de garanties en faveur des salariés », explique M. Mongon.
S’agissant de la sidérurgie, les accords conclus prévoient – entre autres – de réduire les périodes de carence entre deux CDD ou deux missions d’intérim, c’est-à-dire la durée pendant laquelle une entreprise ne peut pas embaucher sur le même poste, sous l’un de ces statuts. Est également créé un contrat de chantier ou d’opération, qui lie l’employeur et le salarié pendant au moins six mois, pour la réalisation d’un projet bien précis. Ce dispositif a également été instauré par l’accord applicable au monde de la distribution. Dans cette même branche, le délai de carence entre deux CDD est supprimé et une expérimentation va être lancée afin de permettre « le remplacement de plusieurs absences par un même contrat à durée déterminée ».
Mais ces initiatives risquent de ne pas suffire, aux yeux des syndicats. « Pour le moment, le nombre d’accords est faible et leur teneur n’est pas tout à fait en phase avec la lettre de cadrage de Matignon, qui recommandait de favoriser l’emploi durable », estime Marylise Léon (CFDT). « Ils ne sont pas très ambitieux et ne vont pas assez loin », renchérit M. Beaugas. Dès lors, complète Mme Léon, « si le compte n’y est pas, on a intérêt à étudier une mesure comparable au bonus-malus pour combattre l’abus de contrats courts ». « Si on ne parle pas du système de cotisations, je ne vois pas pourquoi il conviendrait de continuer la négociation », affirme M. Courpotin.
« Deux écoles »
Le dialogue pourrait donc tourner court, mercredi, entre des organisations de salariés, désireuses d’avancer sur la modulation des cotisations en fonction des pratiques des entreprises, et le patronat, opposé à une telle option. En cas d’échec des discussions, l’exécutif pourrait reprendre la main et mettre en œuvre le bonus-malus, s’il trouve que les accords de branche ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Une hypothèse dont la crédibilité est accentuée par le contexte social du moment, pour Jean-François Foucard (CFE-CGC).
Mais certains mettent en doute les intentions affichées : « Deux écoles coexistent au sein du gouvernement », observe Denis Gravouil (CGT). Marc Ferracci, le conseiller spécial de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, « est le plus résolu à faire le bonus-malus », relève-t-il. Mais d’autres, au sein de l’exécutif, ne font pas preuve du même enthousiasme, considérant qu’un tel mécanisme « contredit le discours sur la baisse des charges », selon M. Gravouil. La confrontation va donc avoir lieu entre partenaires sociaux mais, peut-être, aussi dans les arcanes du pouvoir en place.