Gilbert Cette : « Il est probable d’assister et faire une suivie les mobilités des travailleurs »

Une mobilité ratée des actifs, à la fois géographique et professionnelle, peut augmenter le chômage structurel. En France, les obstacles à la mobilité sont nombreux et les réponses inévitablement complexes. Ce thème faisait l’objet du Séminaire Emploi co-organisé par les ministères de l’économie et du travail, qui s’est déroulé le 30 novembre 2018 et lors duquel sont intervenus le juriste Christophe Radé, l’économiste Francis Kramarz et la syndicaliste Véronique Descacq, ancienne secrétaire générale adjointe de la CFDT.
Les analyses de la direction de la recherche et des statistiques du ministère du travail (Dares) montrent que des zones d’emplois à forts ou faibles taux de chômage relatifs se côtoient sur le territoire, ce qui atteste d’une faible mobilité géographique. Cette faible mobilité est structurelle : plusieurs sont les départements, parmi les quinze à plus fort ou à plus faible taux de chômage relatif en 2017, qui connaissaient déjà la même situation en 1982. Une étude des économistes allemands Ronald Bachmann, Peggy Bechara et Christina Vonnahme (« Occupational mobility in Europe », Ruhr Economic Papers n° 732, universités de Dortmund, Bochum et Duisbourg) montre également que, parmi les pays de l’Union européenne, seuls trois pâtissent d’une mobilité professionnelle significativement inférieure à celle observée en France, et quatre – l’Allemagnela Suède, l’Irlande et le Royaume-Uni – bénéficient d’une mobilité professionnelle plus forte.
Problèmes juridiques et culturels
Les résultats de la vaste enquête « Parlons travail » réalisée fin 2016 par la CFDT auprès de salariés indiquent qu’une majorité d’entre eux n’auraient pas peur de la mobilité, leur principale crainte étant le chômage. Mais les obstacles à la mobilité sont nombreux. Dans le domaine économique, évoquons en vrac : un système de relations sociales qui attache des droits au travailleur en emploi dans une entreprise donnée plutôt qu’à la personne – c’est ainsi qu’un salarié qui bouge peut perdre ses indemnités de fin de carrière ; l’insuffisance de la formation professionnelle – que la réforme en cours vise à affaiblir ; les politiques du logement, qui entravent la mobilité car elles incitent à devenir propriétaire ou font craindre de perdre un logement social difficilement obtenu – le plan du bailleur social Action Logement annoncé le 9 janvier vise précisément à réduire ces obstacles. Mais aussi la fiscalité élevée sur les droits de changement et sur les revenus locatifs et, enfin, le permis de conduire, cher et long à obtenir…
Il s’agit de la « première fois » que la cour d’appel de Paris juge que la relation de travail entre un chauffeur VTC et Uber est un contrat de travail, a souligné Me Fabien Masson, du cabinet BNR, défenseur du plaignant.
En décembre 2017, la cour d’appel de Paris avait déjà requalifié le partenariat entre un chauffeur VTC indépendant et la plateforme LeCab en salariat, relevant que l’application « avait le pouvoir de donner des ordres et des directives (au chauffeur), d’en contrôler la bonne exécution ».
Dans la décision rendue jeudi, la cour explique particulièrement qu’« une condition essentielle de l’entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer (…), la maîtrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs ». Elle rappelle que le conducteur s’est engagé auprès d’Uber en signant un « “formulaire d’enregistrement de partenariat” », mais aussi en obtenant « sa carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur » et en s’inscrivant « au registre Sirene, en tant qu’indépendant ». Or, le plaignant n’a pu se « constituer aucune clientèle propre », possibilité interdite par Uber, et ne fixait « pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport », relève la cour.
D’ailleurs, argumente-t-elle, Uber exerçait bien un « contrôle » sur lui puisque « au bout de trois refus de sollicitations, (le chauffeur reçoit) le message : “Êtes-vous encore là ?” ».
Constamment à disposition
Si un chauffeur veut de se déconnecter, la plate-forme « se réserve le droit de désactiver ou autrement restreindre l’accès ou l’utilisation » de l’application. Cette pratique a « pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non », détaille la cour.
A ce titre, elle rappelle que le fait de choisir les horaires et jours de connexion « n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors qu’il est démontré que lorsqu’un chauffeur se connecte (…) il intègre un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle la réalisation et exerce un pouvoir de sanction à son endroit ».
La Cour de cassation a établi fin novembre pour la première fois un lien de dépendance entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l’un de ses coursiers à vélo.