Honda va clôturer son usine anglaise, à l’approche de Brexit

André Sapir
Chercheur au Centre Bruegel, Bruxelles
L’action des « gilets jaunes » démontre que le centralisme politique et budgétaire français, à l’origine du sentiment d’abandon et de révolte des citoyens, doit être réformé, déclare l’économiste André Sapir.
Pour un grand nombre d’économistes non français qui examinent le mouvement des « gilets jaunes », la France est un pays de frondeurs, un pays ingérable. Mais la caractéristique de la France tient plutôt à son système réglementaire qui se démarque de celui de ses partenaires européens à plusieurs titres. Trois me semblent notamment pertinents dans le contexte actuel.
Le premier concerne son régime politique. La France, sous la Ve République, est unique dans la personnalisation du pouvoir. Elle n’est pas une démocratie sénatrice comme le sont la plupart des autres pays européens. Bien sûr la France a une Chambre des élus et un Sénat comme les autres pays. Mais le rôle des partis y est très différent. En France, le parti majoritaire est le parti du président. Hier, le RPR était le parti de Jacques Chirac tout comme le PS était le parti de François Mitterrand. De nos jours, La République en marche est le parti d’Emmanuel Macron, totalement axé sur sa personne. Ailleurs, l’histoire des grands partis se distingue nettement de la personne de leur leader. La CDU n’est pas plus le parti d’Angela Merkel que le Parti conservateur n’est celui de Theresa May.
Le deuxième particularisme institutionnel français concerne le rôle des corps intermédiaires, et surtout celui des syndicats. Parmi les grands pays européens, la France est celui où le taux de syndicalisation est le plus faible. En 2015, il était de 36 % en Italie, 25 % au Royaume-Uni, 18 % en Allemagne, 14 % en Espagne, 12 % en Pologne… et à peine 8 % en France. Et la pratique actuelle ne fait qu’affermir la faiblesse des syndicats dans la résolution des oppositions sociaux.
Le pouvoir le plus personnalisé
Le troisième concerne l’aménagement du territoire. La France (métropolitaine) est le plus grand pays de l’Union européenne avec une taille de 550 000 km2, contre 499 000 pour l’Espagne, 349 000 pour l’Allemagne, 304 000 pour la Pologne, 294 000 pour l’Italie et 242 000 pour le Royaume-Uni. Parmi les six grands pays de l’Union européenne (UE), c’est aussi celui qui, derrière l’Espagne, a la plus faible densité de population, avec 119 habitants au km2, contre 236 en Allemagne, et 275 au Royaume-Uni. Une telle condition rend notamment difficile mais essentielle l’organisation du territoire afin d’assurer suffisamment de cohésion. La décentralisation devrait être le maître mot. Or la France est le moins décentralisé des grands pays européens. Selon l’OCDE, seules 20 % des dépenses publiques en France sont le fait d’entités sous-nationales, contre 50 % en Espagne, 47 % en Allemagne, 32 % en Pologne, 30 % en Italie et 26 % au Royaume-Uni.
Les nouveaux tarifs nécessiteraient bien d’entrer en vigueur en septembre. Mais un rapport propose particulièrement de ne pas accroître les droits des nouveaux doctorants extra-européens.
Comment apaiser l’incendie provoqué par l’augmentation des droits d’inscription des étudiants étrangers, décidée par le gouvernement en novembre ? A partir de la rentrée de septembre 2019, les nouveaux étudiants extra-communautaires devront se libérer de 2 770 euros pour s’inscrire en licence (contre 180 euros actuellement) et 3 770 euros en master et doctorat (contre 243 euros et 380 euros). Les organisations syndicales étudiantes et enseignantes, de même que les présidents d’université, s’objectent à l’approbation de cette mesure.
Ça fait un mois, un comité de cinq personnalités indépendantes a été appelé par le ministère de l’enseignement supérieur, pour estimer la mise en œuvre de cette mesure. Il a rendu un rapport, lundi 18 février, qui propose plusieurs évolutions, sans pour autant toucher au principe de la hausse des droits.
Première piste, montrée comme prioritaire : le retrait des doctorants du champ d’attention de la mesure. « Les doctorants sont en grande partie des salariés ; les doctorants étrangers, qui représentent environ 45 % des doctorants, contribuent largement à l’activité scientifique dans les unités de recherches », déclare-ils. Au niveau international, les universités sont en compétition pour attirer les meilleurs, constatent les auteurs. Et à ce titre, elles pratiquent soit la gratuité des droits, soit une politique systématique de financement des années de doctorat.
Les distances territoriales « renforcées »
La deuxième proposition d’adaptation vise à « doter les universités de capacités d’exonération suffisantes ». Le sujet est sensible : une quinzaine d’universités ont déjà annoncé qu’elles n’appliqueraient pas la hausse des droits. Actuellement, une université peut exonérer de droits – hors boursiers – 10 % de ses étudiants. D’après les calculs du comité, toutes les universités (hormis celle de La Rochelle) peuvent déjà, avec ce taux, exonérer l’intégralité de leurs nouveaux étudiants extra-communautaires à la rentrée 2019. Mais les choses s’embarrasseront les années suivantes, quand les rangs grossiront, chaque nouvelle « promo » s’ajoutant à la précédente. Les auteurs du rapport recommandent donc de porter ce taux à 15 %. « Cela donnera aux établissements la possibilité de décider en toute autonomie de la politique qu’ils veulent mener », estime l’un des auteurs, Christophe Strassel, professeur associé à l’université de Lille.
La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, doit s’exprimer dans les jours qui viennent sur ces pistes, après avoir échangé avec les organisations syndicales. La FAGE, premier syndicat étudiant, a déjà réagi : si l’organisation salue les propositions concernant l’accueil des étudiants étrangers, elle dénie la « demi-mesure » de ces ajustements. « La politique d’exonération va très rapidement renforcer un enseignement supérieur à double vitesse, de très fortes inégalités territoriales, et n’est de toute façon pas tenable à plus d’un an de mise en œuvre », juge l’organisation, qui appelle à traquer la mobilisation pour le retrait de la mesure.
Baisse des inscriptions des étudiants étrangers non-européens en France
Les inscriptions des étudiants étrangers extra-européens en première année de licence sont en diminution de 10 % par rapport à l’an dernier, a avisé Campus France, l’agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, le 5 février. Celles-ci ont été clôturées le 1er février, dans la plupart des 42 pays relevant de la plate-forme « Etudes en France », gérée par le ministère des affaires étrangères. Si certains pays connaissent une augmentation du nombre de candidats, comme le Sénégal (+11,34 %), la Russie (+8,95 %), et la Chine (+8,62 %), d’autres enregistrent une forte baisse, comme l’Algérie (-22,95 %), le Vietnam (-19,72 %) ou la Tunisie (-16,18 %).
Autres universités françaises se sont déjà affectées de voir les candidatures s’effondrer à la suite de l’annonce du plan gouvernemental d’attractivité des étudiants internationaux, « Bienvenue en France », qui prévoit particulièrement l’élévation des droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires, fermement contestée dans la communauté universitaire.
Après les « erreurs » du ministère du travail, 19,7 millions de Japonais ont été privés les aides
Peut-on faire foi aux comptes du gouvernement japonais ? L’annonce jeudi 14 février d’un PIB en augmentation de 1,4 % en glissement annuel entre octobre et décembre 2018, après un recul de 2,6 %, reste sujette à sollicitation en raison d’un vaste scandale entourant les données du ministère du travail.
L’affaire a éclaté fin décembre 2018, lorsque la section du ministère chargée des salaires a déterminé de changer les composants de l’enquête mensuelle sur ces revenus. Elle a découvert que la méthode utilisée n’estimait pas les règles. Les enquêteurs du ministère doivent normalement consulter l’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés. Or, entre 2004 et 2017, ils n’ont réuni les informations qu’auprès d’un tiers d’entre elles.
De quoi fausser les résultats, et sustenter de vifs échanges depuis la reprise des débats parlementaires en janvier. Le 8 février, après plusieurs journées de tergiversations, le ministère alléguait une augmentation du salaire moyen, ajusté de l’inflation, de 0,2 % en 2018. L’opposition a immédiatement réagi car, selon ses calculs, cette rémunération aurait en réalité baissé de 0,4 %.
Un gouvernement notoirement embarrassé
« Pouvez-vous nous assurer qu’il n’y a pas eu de volonté de dissimulation ? », n’avait pas décidé à jeter auparavant Akira Nagatsuma, du Parti démocrate constitutionnel (opposition) à un gouvernement évidemment embarrassé. « Est-ce que tout va bien au ministère de la santé et du travail ? », se questionnait avec un soupçon d’ironie Shinjiro Koizumi, pourtant membre du Parti libéral démocrate, le PLD au pouvoir. Et les parlementaires de se imiter du slogan opté par le gouvernement pour souligner l’importance des statistiques – il y a une journée des statistiques au Japon, le 18 octobre : « Exploiter les statistiques pour fixer un cap pour l’avenir » (« Ikase tokei, mirai no shishin »).
Les « erreurs » du ministère ont déjà eu des suites pour les services sociaux qui s’adossent sur ses données pour calculer le montant des allocations-chômage ou encore des primes d’assurance versées aux victimes d’accidents du travail. Au total, selon une première évaluation du ministère, 19,7 millions de personnes auraient été privées d’un total de 79,5 milliards de yens (632 millions d’euros).
La Banque du Japon utilise de son côté l’enquête mensuelle pour estimer la fin de l’inflation sur l’économie. L’affaire menace aussi d’agiter les certitudes du gouvernement sur l’économie. Dans son exposé économique mensuel de janvier, il considérait l’économie comme « en redressement sur un rythme modéré ». Citant les données faussées, l’opposition a qualifié les abenomics, la politique économique du premier ministre, Shinzo Abe, d’« escroquerie ».
Marguerite Bérard, la nouvelle directrice de l’enseigne en France a un parcours droit de major de l’ENA. Elle édite le 6 mars un livre sur son grand-père, russe juif de Rovno, qui traversa le XXe siècle et toutes ses vicissitudes.
Elle arrive en jean au bureau. Certes accrochée sur des stilettos, mais dans l’équipe dirigeante de BNP Paribas « on n’avait jamais vu ça », glisse, bouche bée, une responsable au sein du groupe. La parvenue de Marguerite Bérard à la tête de la banque de détail en France et de ses 27 000 salariés de l’auguste établissement, le 1er janvier, bouscule le ballet des costumes gris d’une maison un tantinet austère.
Une transformation culturelle calculée, à l’heure de la digitalisation. La jeune dirigeante de 41 ans aime d’ailleurs qualifier BNP Paribas d’« entreprise de tech et de services ». En cet après-midi gris de février, elle passe comme un poisson dans l’eau dans les étages aux longs couloirs du campus du boulevard Macdonald, à la lisière nord de Paris. C’est là que sont aussitôt installées la plupart des équipes chargées du pilotage des agences bancaires et de la banque mobile Hello Bank!, dans une ambiance GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), entre baby-foot et poufs de couleurs. Un sourire pour chacun, un serrement de main, une bise, « ça va ? », « tu vas ? », la récente directrice s’est mis toutes les équipes dans la poche.
Son défi est de taille : faire pénétrer la « banque à papa » dans le XXIe siècle, négocier avec un système informatique archaïque et mieux servir les clients pour pouvoir concourir demain avec les géants d’Internet, lorsqu’ils se lanceront pour de bon dans les services financiers. Si elle y parvient, d’aucuns lui promettent une ascension rapide chez BNP Paribas, et pourquoi pas le titre de dauphine de Jean-Laurent Bonnafé, le patron de la première banque européenne qui lui aussi est passé par la banque de détail.
Major de la promotion Senghor
La juvénile quadragénaire a habitué son entourage à rapporter la première place. Philippe Heim, directeur général délégué de Société générale, l’a connue jeune étudiante lorsqu’il enseignait à Sciences Po. « Elle sortait du lot, brillantissime », déclare-il. Après un master à Princeton, sur la côte est des Etats-Unis – « deux années de rêve », où elle enseigne en parallèle de ses études et pige pour le Pittsburgh Post-Gazette – elle intègre l’ENA.
Elle éprouve déjà la maison. « L’ENA, c’est une industrie familiale », s’amuse un ancien camarade, Olivier Babeau, créateur de l’Institut Sapiens. Ses deux parents y ont étudié, ainsi que son ex-mari, Thomas Andrieu. De cette désormais mythique promotion Senghor (2002-2004), celle d’Emmanuel Macron, elle sortit major, et choisit donc pour le premier des grands corps de l’Etat, l’Inspection générale des finances, où elle continua de côtoyer Emmanuel Macron. Mais c’est l’un des sujets sur lesquels elle ne s’étendra pas. « J’ai beaucoup d’estime pour son parcours, il a une vision », affirme-t-elle. « Entre eux, à l’époque, c’était un choc d’ambition », admet savoir un observateur.
Pour vaincre les fantasmes et les préjugés qui font le lit de l’antisémitisme, il est urgent d’introduire dans les programmes d’histoire une présentation complémentaire de l’histoire des juifs, estime Jean-Claude Lescure, enseignant, dans une tribune au « Monde ».
Pour les retraités, la saisie à la source prend la forme d’une retenue à la source prélevée directement par les différentes caisses de retraite sur les pensions qu’elles leur versent. Cette retenue doit en fondement être calculée sur le montant net taxable et non sur le net versé. On l’obtient en déduisant la Contribution sociale généralisée (CSG) déductible, pour les retraités qui y sont assujettis, du montant brut de la pension.
Par exemple, pour un retraité soumis à la CSG au taux normal de 8,3 % et qui reçoit une pension brute de 760 euros, le net à payer s’élève à 690,84 euros alors que la saisie doit être calculée sur le net imposable qui est de 715,16 euros.
C’est certainement ce que font l’Assurance retraite ou encore l’Agirc et l’Arrco.
Mais pas la Sécurité sociale des indépendants (ex-RSI) qui appose le « prélèvement sur le montant net de la retraite après déduction de tous les prélèvements sociaux, et pas seulement de la CSG déductible », comme l’a défini après plusieurs relances, sans aucune autre forme d’explication, la caisse de retraite d’Ile-de-France Ouest en réplique à un retraité qui l’interrogeait sur cette anomalie.
Consultée par nos soins, la Sécurité sociale des indépendants nous a répondu qu’il ne s’agissait pas, comme le appréhendait ce retraité, d’une erreur de calcul, mais d’un choix délibéré pour permettre au régime d’être au rendez-vous en janvier 2019. Car le système informatique du régime ne leur admet pas de faire autrement pour l’instant…
Ecart minime
Sur les 2,2 millions de retraités que compte le régime, seuls 920 000 d’entre eux sont taxables et nécessiteraient donc être impactés par cette décision. Pour 65 % d’entre eux, soit 600 000 personnes, cela revient à enlever un montant sous-estimé inférieur à un euro par mois. Ce n’est que pour 1 % des retraités que l’écart devrait être supérieur à dix euros par mois. Quoi qu’il en soit, le « pas-assez-prélevé » sera régularisé à l’été 2020 lors du calcul de l’impôt à payer sur les revenus de 2019.
La Sécurité sociale des indépendants nous a, d’autre part, assuré que des travaux étaient en cours pour que les moyens de calcul du contribution à la source soient normalement appliquées à partir de l’année prochaine et pour qu’une meilleure information soit délivrée, entre-temps, aux retraités qui le demandent.
Bachelor versus programme grande école. Sur le campus de Lille de cette « business school », les étudiants conduisent des vies parallèles, selon la filière qu’ils ont choisie. Dans un climat de relative indifférence.
Pour s’immerger du « cas » du jour, une étude de la stratégie de marque d’Adidas, des étudiants de ce cours de marketing de deuxième année de bachelor ont chaussé des baskets dont les couleurs chatoyantes dépendent avec les murs immaculés de la salle de cours. « Dans quelle autre tendance s’inscrit la marque ? », demande la professeure, Sabine Ruaud. « Oui, le vintage moderne, la logotisation, c’est ça ! »
Il est presque midi sur le campus lillois de l’Edhec et, malgré l’heure du déjeuner qui arrive, l’interactivité du cours tient la trentaine d’étudiants en haleine. Des étudiants dynamiques, qui n’ont pas peur de prendre la parole.
Nous n’assistons pas à un cours de l’Edhec au sens classique du terme – dans ce cursus grande école en trois ans, qui délivre un diplôme de master et recrute parmi les meilleurs étudiants des classes préparatoires de France. Nous sommes dans un cours du Bachelor in Business Administration (BBA), un cursus postbac en quatre ans, bien moins sélectif à l’entrée et moins connu du grand public. « Quand je dis que je suis à l’Edhec, les gens pensent d’abord au master », révèle Sara, en deuxième année de ce bachelor.
Deux formations, deux publics, deux philosophies. Le bachelor captive, à l’instar de Sara, des étudiants éblouis par les cours professionnalisants et la possibilité d’accomplir très rapidement stages et séjours à l’étranger, quand le programme grande école (PGE) recrute des « très bons élèves » sélectionnés à travers un concours académique sanctionnant deux années de bachotage en prépa.
Une fourmilière
« Les étudiants de bachelor sont moins formatés que les élèves de la grande école. Ils n’arrivent pas avec la même culture, les mêmes attentes… On part plus facilement du concret pour expliquer la théorie », communique Sabine Ruaud. Comme les 172 professeurs et chercheurs continus de l’Edhec, elle enseigne aussi bien en « bachelor » qu’en « programme grande école ». A des élèves qui dispensent au quotidien les 43 000 mètres carrés de locaux pédagogiques de l’imposant campus lillois : salles de cours, cafétéria, salle de spectacle, incubateur, équipements sportifs… « Et pourtant, à part en sport ou dans certaines associations, on a très peu de contacts », garantissent en chœur Sara, Perrine, Joseph et Théo, tous élèves en deuxième année du bachelor.
Un matin de janvier, sur le parking de Promeo, à Compiègne (Oise). Ils sont une douzaine de jeunes gens à frapper des pieds pour faire circuler le sang. Il n’y a pas de pancarte, pas de slogan, et pas davantage de CRS. Face à eux, deux enseignants, un camion et quelques chariots élévateurs.
Savoir guider ce type d’engin et obtenir un certificat d’aptitude à la conduite et à la sécurité (CACES) est une des disciplines enseignées par ce centre de formation en alternance de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM). Ici, on répond aux besoins de l’industrie en matière de savoir-faire : usinage des pièces, chaudronnerie, maintenance de la chaîne de production… Sans oublier tous les métiers transversaux : comptabilité, vente, transports.
Déficit de compétences
Peu de crise chez les futurs titulaires d’un brevet de technicien supérieur (BTS) ou d’une licence pro du secteur. « Nous sommes à 93 % d’insertion en entreprise à l’issue de la formation », déclare Carole Marigault, directrice générale du centre compiégnois. Les diplômés de l’industrie n’ont même pas à « traverser la rue » pour décrocher un emploi, pour récupérer la formule lancée par Emmanuel Macron à un chômeur. « La métallurgie a 110 000 recrutements à faire par an, et ce chaque année jusqu’en 2025 », estime Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM.
En janvier, le chômage en France a connu une sensible décrue. Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi sans chômage a baissé de 1,1 % au cours du dernier trimestre 2018. Il atteint tout de même le total de 3 676 000 individus. De plus en plus de projets d’embauche sont jugés « difficiles » par les entreprises, constate Pôle emploi. En 2018, 44,4 % des recrutements se font dans des secteurs dits « en tension », du fait particulièrement d’un déficit de compétences. Alors que les emplois sont là, les candidats qualifiés manquent.
Plusieurs secteurs ont été digérés par l’établissement public. Les métiers de la santé réclament des diplômés à bac + 2 ou bac + 3 dans les domaines de l’appareillage ou de la préparation médicale. Et dans les nouvelles technologies, les entreprises peinent à recruter des programmateurs, des techniciens de maintenance…
Réputation de précarité
Même chose pour l’hôtellerie et la restauration. « Il y a dans nos métiers plus de 100 000 emplois à pourvoir », constate Jean-Luc Michaud, président de l’Institut français du tourisme, un observatoire du secteur. Mais c’est bien dans la métallurgie que la tension est la plus forte : 67 % des recrutements y sont « difficiles », selon les employeurs cités par Pôle emploi.
Essentielle cause de la carence de candidatures pour ces formations et leurs métiers : « le déficit d’attractivité », pointe l’établissement public. Dans l’hôtellerie-restauration, les emplois souffrent ainsi d’une popularité de précarité, en raison de la saisonnalité, des horaires décalés et de la faible qualification. « C’est une vision totalement erronée des métiers d’accueil, tempête Jean-Luc Michaud. Par exemple, un réceptionniste doit être un expert dans la relation client, maîtriser plusieurs langues et connaître absolument l’usage des outils numériques. Il doit au moins être titulaire d’une licence pro.
Le tourisme, « c’est 7 % du PIB, deux fois plus que l’automobile, et pour des emplois non délocalisables », a répété Lionel Walker, délégué général de la Conférence des formations d’excellence au tourisme. C’est aussi 437 formations post bac disséminées sur l’ensemble du territoire. « Mais le secteur manque de visibilité, concède Lionel Walker. Au moment des choix d’orientation des lycéens, le tourisme subit une vision très éloignée de la réalité qu’ont les responsables d’orientation et les familles. »
Désaffection de l’alternance
L’image dévaluée de l’apprentissage en France est également un des facteurs de la désaffection des formations en alternance. Alors que des milliers de lycéens ont passé l’été 2018 aux portes des universités ou des classes préparatoires en espérant qu’une place se libère, « certains de nos BTS ne sont pas pleins », ajoute Carole Marigault. Pourtant, le taux d’employabilité dépasse les 90 % six mois après l’obtention du diplôme, et le coût de la formation est nul pour l’étudiant. Au printemps 2018, quinze places étaient libres au sein du BTS conception des processus de réalisation de produit, mais seulement 8 candidatures ont été posées et 5 retenues. Paradoxe : alors que le secteur peine à recruter des étudiants, le ministère de l’éducation nationale souligne pour sa part que « les bacheliers des filières professionnelles et technologiques sont trop souvent évincés des formations auxquelles ils sont nombreux à aspirer : les sections de technicien supérieur et les instituts universitaires de technologie ».
« Les filières des métiers de l’industrie sont peu éprouvées par les élèves de terminale, reconnaît également Marie-Hélène Garcia, responsable du pôle alternance et formation initiale chez Campus Veolia Seine et Nord. Malgré cela, un BTS métiers de l’eau ouvre à de belles carrières, d’importantes responsabilités et la possibilité de s’ouvrir à l’international. » L’industrie serait victime d’une image obsolète, « celle d’un travail à la chaîne, répétitif et polluant, loin de la réalité de la vie d’une usine moderne », poursuit Carole Marigault. Dans les faits les métiers de l’usinage ont profondément évolué, mais ils restent en tension. Les machines sont aujourd’hui de très haute technologie, conduites grâce à des tableaux de bord compliqués qui demandent une formation poussée.
Impression d’échec
Plus de dix ans après la crise, les fortes pertes d’emploi dans l’industrie n’ont pas été anticipées. « Alors que les carnets de commandes se remplissent, il y a urgence à restaurer l’attractivité et l’image des filières professionnelles dans le regard des lycéens », déclare Hubert Mongon. Carole Maringault abonde : « Nos difficultés de recrutement sont notamment liées à la régression du nombre de bacs pro dans nos filières. Ils ne constituent plus le vivier nécessaire pour remplir nos BTS. » Modifier le regard des enseignants du secondaire, des conseillers d’orientation et des familles est un grand enjeu pour toutes ces filières.
Pour doser le travail qu’il reste à accomplir, la parole des intéressés est révélatrice. Questionnés sur leur parcours, plusieurs bacheliers pro, aujourd’hui élèves d’un BTS en maintenance industrielle, admettent avoir souffert du mépris « des bacs généraux » quand ils ont rejoint la voie professionnelle. Quand Damien Kluck, ancien élève de première S, a été réorienté en filière pro, il dit qu’il s’est « perdu ». Un sentiment d’échec avant même d’initier l’apprentissage. « Les autres lycéens nous jugeaient. Mais nous, on apprend un métier, défend Baptiste Padieu. Les bacs pro sont l’objet de plein de préjugés, comme s’ils étaient inférieurs. Alors que nous apprenons simplement des choses différentes. »
Le chômage en France est tombé, au quatrième trimestre 2018, à 8,8 % de la population active, une chute consistante de 0,3 point, selon les statistiques de l’Insee publiées jeudi 14 février. On ne sait quel sentiment doit l’emmener : la satisfaction de repasser sous la barre symbolique des 9 % ou bien le stress face au constat qu’il aura fallu une décennie pour retrouver le niveau d’avant la crise financière. La courbe du chômage a effectivement fini par s’inverser, mais la performance n’a rien d’un exploit : rappelons que le taux de chômage moyen de la zone euro, lui, est tombé sous les 8 %.
Même si les chiffres sont encourageants, et il convient de le souligner. D’abord, le taux de chômage des 15-24 ans, qui baisse clairement, à 18,8 %, soit six points de moins par rapport au pic de 2016. Autre bonne nouvelle : le taux d’emploi des 15-64 ans n’a pas été aussi élevé depuis 1980, avec 66,1 % de la population. Enfin, la précarité recule : le nombre de contrats à durée imprécise progresse, tandis que les personnes à temps complet n’ont jamais été aussi nombreuses depuis 2003.
Ces chiffres viennent réaffirmer la tendance molle qui est à l’œuvre ces derniers mois : une décrue lente et irrégulière, qui appelle prudence et modestie. Prudence, parce que les données sont fluctuantes. Fin 2017, on avait déjà cru à une diminution significative et prometteuse, qui avait été pratiquement effacée le trimestre suivant. Certes, les chiffres de la fin de 2018 constituent une heureuse surprise, alors qu’on nous promettait le pire entre le net ralentissement de la croissance et la crise des « gilets jaunes ». Mais il ne faut pas se réjouir trop vite.
D’abord, ce n’est qu’au dernier « acte » que l’on pourra estimer le coût réel des blocages et des abaissements auxquels on assiste samedi après samedi. Ensuite, il serait naïf de miser sur la conjoncture pour espérer la poursuite de la baisse du chômage. Un rapide coup d’œil sur la situation de nos principaux partenaires commerciaux nous remet les pieds sur terre. L’Italie est de nouveau entrée en récession, l’Allemagne y a échappé de peu, quant au Royaume-Uni, le ralentissement est déjà là, alors qu’on ne sait toujours pas comment le Brexit va évoluer.
Pénurie à recruter
Au-delà de quelques indicateurs encourageants, on prend surtout connaissance de la complexité de la situation. Comment, dans un pays où il y a près de 9 % de chômeurs, les entreprises peuvent-elles avoir autant de pénuries à recruter ? Par ailleurs, la fluctuation de la courbe de l’emploi aura toujours du mal à rendre compte des dégâts sociaux générés par des années de chômage de masse. Il ne faut pas imaginer qu’on va rétablir 1,4 million de personnes sans emploi depuis plus de deux ans simplement grâce à une plus grande flexibilité du travail et des carnets de commandes qui se remplissent. Le gouvernement l’a bien compris, en consacrant 15 milliards d’euros pour rehausser le niveau des compétences des personnes les plus éloignées de l’emploi. De là à affirmer que « personne n’est inemployable », c’est faire preuve de beaucoup d’optimisme.
Optimiste, Emmanuel Macron l’a été durant ledébut de son quinquennat il s’est fixé l’objectif de revenir à 7 % de chômage à la fin de son mandat. Le président de la République est encore dans les temps. Mais qui aurait dit que la France mettrait dix ans pour récupérer son niveau d’avant-crise ?
A la place, Honda va centraliser sa production au Japon. La firme va profiter du nouvel accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE), entré en vigueur le 1er février, qui doit supprimer les droits de douane sur l’automobile d’ici sept ans. Le Japon va ainsi avoir accès au marché unique européen, tandis que le Royaume-Uni risque de perdre le sien, en fonction de la forme que prendra le Brexit.
« L’industrie automobile au Royaume-Uni est mise à genoux par l’incertitude chaotique qui entoure le Brexit »
« L’industrie automobile au Royaume-Uni est mise à genoux par l’incertitude chaotique qui entoure le Brexit », déplore Des Quinn, chargé de l’automobile au syndicat Unite. Lundi, un employé sortant de l’usine, consulté par Channel 4, s’emportait contre les députés britanniques : « Il reste quarante-quatre jours avant le Brexit et ils n’ont pas aucune idée [de ce qu’il va se passer]. Ils n’arrivent même pas à se mettre d’accord entre eux sur ce que le Brexit veut dire. C’est d’une incroyable idiotie. »
Mais le Brexit est-il vraiment la cause de la fermeture de l’usine ? Honda ne l’évoque pas dans son communiqué. Le constructeur affirme « réorganiser ses opérations mondiales » devant le « défi de l’électrification » des véhicules, et « se concentre dans les régions où il prévoit de forts volumes de production ».
Robert Buckland et Justin Tomlinson, les deux députés conservateurs de Swindon – qui ont voté pour le Brexit –, assurent que la conclusion du constructeur japonais n’a rien à voir avec la sortie de l’Union européenne. « Nous avons parlé au ministre de l’industrie et à Honda, explique M. Tomlinson. Ils ont été clairs pour dire qu’il s’agit de phénomènes mondiaux et pas du Brexit. » La crise du diesel en Europe, la transition vers les modèles électriques, la baisse de la popularité des voitures chez les jeunes sont des facteurs bien plus importants que le Brexit, qui n’a, de toute façon, pas encore eu lieu. Les deux élus assurent aussi que l’usine Honda de Turquie va fermer, preuve qu’il s’agit d’une réorganisation qui dépasse la question britannique.
Nissan et Jaguar aussi
Leur argumentation est malgré cela rejeté par David Bailey, spécialiste de l’industrie automobile à l’université d’Aston. « Ces députés vivent sur un nuage. Le Brexit n’est pas le seul facteur, bien sûr, mais il en fait partie. » Il en veut pour preuve la série noire qu’est en train de traverser l’industrie automobile britannique. Le 4 février, Nissan a annoncé que la X-Trail, un 4 x 4, ne serait finalement pas assemblée dans son usine de Sunderland, au nord-est de l’Angleterre, contrairement à ce qu’il avait annoncé en octobre 2016. L’usine britannique ne perdra pas d’emploi, mais les 750 embauches supplémentaires, qui étaient espérées, n’auront pas lieu. Parmi les différentes raisons de ce choix, Nissan rappelle avant tout la chute du marché du diesel en Europe, mais ajoute aussi « l’incertitude qui entoure les futures relations du Royaume-Uni avec l’UE ».
En janvier, Jaguar Land Rover a également décidé le licenciement de 4 500 personnes, plaçant en avant la crise du diesel, qui touche de plein fouet ce constructeur aux voitures gourmandes en carburant, et la chute immense de ses ventes en Chine (– 22 % en 2018). Mais l’incertitude liée au Brexit est aussi citée.
En clair, dans des situations difficiles, la prochaine sortie de l’UE n’arrange rien. Impossible de préparer l’avenir alors que personne ne sait à quoi ressemblera le Brexit dans seulement quelques semaines. Les investissements dans le secteur automobile britannique se sont effondrés de 75 % depuis 2015. La tendance n’est pas irréversible. Dans les semaines qui viennent, il est possible qu’un accord sur le Brexit soit signé, portant un peu de calme. « Mais les investissements qui n’ont pas été faits ces dernières années risquent de porter en eux l’échec de l’industrie automobile britannique à l’avenir », attrape M. Bailey.