Les accidents du travail à un niveau historiquement bas

Les accidents du travail n’ont jamais été aussi peu fréquents depuis soixante-dix ans. En 2017, il y en a eu 33,4 pour 1 000 salariés, soit une diminution de 0,5 % par rapport à l’année précédente, selon les statistiques dévoilées, jeudi 15 novembre, par la direction des risques professionnels de l’Assurance-maladie. Ce recul de la « sinistralité » est général, à l’exception de deux secteurs. Celui de « l’aide et des soins à la personne » continue d’enregistrer une progression, avec un ratio de 52,8 ‰ – les activités les plus touchées se situant dans l’aide à domicile et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), avec un score de 97,2 ‰. L’autre branche concernée par une poursuite de la hausse est l’intérim, où « l’indice de fréquence » atteint 53,6 ‰ : une tendance liée, en partie, à la bonne santé des entreprises de travail temporaire depuis quelques années.

Le bâtiment et les travaux publics (BTP) demeure à des niveaux élevés (56,8 ‰, soit 23 points de plus que la moyenne nationale) mais l’indicateur reste orienté à la baisse, de façon « quasi continue depuis vingt ans ».

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Les ouvriers plus exposés que les cadres

Une autre étude, diffusée jeudi par l’Insee, montre que 26 % des travailleurs déclarent avoir été blessés au moins une fois dans le cadre de leur activité professionnelle. L’enquête (conduite auprès de personnes qui occupaient un emploi en 2013 ou qui en avaient occupé un auparavant) révèle d’importantes disparités selon les catégories socioprofessionnelles et les secteurs. Ainsi, les ouvriers sont beaucoup plus exposés que les cadres : 40 % dans le premier cas, contre 16 % dans le second. Les individus employés dans la construction sont les plus nombreux à indiquer avoir subi un « accident du travail ayant entraîné une blessure » (42 %). Viennent ensuite le transport (34 %), l’agriculture (32 %) et l’industrie (31 %). De façon assez prévisible, les services financiers (13 %) et l’information-communication (14 %) sont beaucoup moins touchés.

Un quart des répondants, qui affirment avoir été blessés, estiment être encore limités dans leur vie quotidienne à cause du dernier accident dont ils ont été victimes. Ces « limitations » sont plus répandues chez les agriculteurs (34 %), les employés (28 %) et les ouvriers (27 %).

Dans 75 % des cas, « le dernier accident a contraint la personne à s’arrêter de travailler au moins un jour », relate l’Insee. Ce pourcentage est plus faible chez les agriculteurs ainsi que les artisans, commerçants et chefs d’entreprises. Des écarts sans doute imputables aux « spécificités des régimes de protection sociale des indépendants », juge l’Insee : « Parmi tous les accidentés », 15 % des agriculteurs et 9 % des artisans, commerçants et chefs d’entreprises expliquent « qu’ils n’ont pas été indemnisés parce qu’ils n’étaient pas couverts ». Or une telle situation est extrêmement rare pour les autres catégories (3 %).

Bertrand Bissuel

LA SILICON VALLEY À LA FRANÇAISE

Au sud-ouest de Paris est en train d’apparaître un pôle d’innovation de rang mondial. Des universités, des grandes écoles et des centres de R&D affluent sur le site Paris-Saclay, qui réunit déjà 15% de la recherche privée et publique française.

Ce n’est encore qu’un vaste chantier, une zone particulièrement agricole dominée d’une immense forêt de grues. Aux confins de l’Essonne et des Yvelines, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, tout un pôle de recherche et d’innovation est en train de se construire à un rythme effréné : le cluster Paris-Saclay. L’Ecole polytechnique, CentraleSupélec, l’Institut de mathématique d’Orsay, l’Institut d’optique et l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) y ont déjà installé dans des locaux flambant neufs. Ils ont rapidement été rejoints par Horiba (le géant japonais de l’optique et de l’instrumentation), par l’EDF Lab et ses 1.000 salariés et étudiants, par le centre de recherche de l’avionneur Safran et par Nokia.

Et ce n’est qu’un début. Normale sup Cachan, Télécom ParisTech, AgroParisTech et les départements de biochimie de l’université Paris-Sud sont attendus d’ici à 2021, ainsi que Total ou la R&D du groupe pharmaceutique Servier. C’est simple : en incluant les agglomérations de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui font désormais partie du nouveau pôle, Paris-Saclay concentre déjà 15% de la recherche française, publique et privée. A terme, on devrait atteindre 20%.

  • 1,7 million de mètres carrés aménagés, dont 560.000 déjà réalisés en mars 2018. 4.100 hectares de zone naturelle protégée, dont 2.500 de terres agricoles. 5,3 milliards d’eurosinvestis par l’Etat (construction de la ligne 18 comprise). 18.000 logements (dont 8.000 destinés aux étudiants).

Business et neurones

“L’idée d’une Silicon Valley à la française est né en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en même temps que le Grand Paris et le projet de supermétro”, raconte Philippe Van de Maele, le directeur de l’Etablissement public d’aménagement Paris-Sacaly, qui pilote l’opération. L’objectif fixé à cet ingénieur, ancien président de l’Ademe et passé par chez Bouygues, est clair : assembler sur un seul territoire les fleurons de la recherche académique et privée française, afin de favoriser les échanges entre chercheurs, étudiants et entreprises, mais aussi de gagner en visibilité internationale. Le choix du plateau de Saclay s’est imposé naturellement : le CNRS s’y est installé après la Seconde Guerre mondiale, suivi par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’université Paris-Sud. Dès la création du projet, il a été prévu d’inscrire le site, desservi seulement par la nationale 118, dans le plan de la future ligne 18 du métro Grand Paris Express, qui devra le relier notamment à Orly et à Versailles.

“Le projet se décline en trois volets, détaille Philippe Van de Maele. Le volet académique, le volet économique et le volet urbain, lequel inclut la construction de logements, d’écoles et de commerces au coeur même du nouveau campus.” Premier à être lancé, le projet académique est ambitieux : il a comme objectif d’ouvrir une université de rang mondial, destinée à figurer dans le top 20 du célèbre classement des universités de Shanghai, donc bien mieux cotée que Sorbonne Université, l’entité née en janvier de la fusion de Pierre-et-Marie-Curie et de Paris IV… qui pointe aujourd’hui à la 36e place.

L’université Paris-Saclay, qui s’ouvrira officiellement le 1er janvier 2020, va réunir une vingtaine d’établissements (les universités de Paris-Sud, Evry et Versailles-Saint-Quentin, des grandes écoles, le CNRS, le CEA, l’Inra, l’Inria…) et va publier sous sa bannière toutes les thèses produites. Très imposant, son périmètre sera pourtant moins étendu que prévu : Polytechnique, rechignant au mariage et craignant les “lourdeurs” de ses partenaires universitaires, a en effet décidé de faire cavalier seul au sein d’un institut technique de type MIT, constitué avec l’Ensta (Ecole supérieure des techniques avancées), l’Ensae et Télécom SudParis.

Esprit lab

La création d’un pôle académique est un argument de taille pour encourager les entreprises à installer leurs équipes de R&D sur le plateau. Comme l’a fait EDF avec son EDF Lab. “La plupart de nos partenaires académiques – le CEA, Supélec, Polytechnique, Normale sup – se existent sur place, explique Jean-Paul Chabard, directeur scientifique de la R&D. Cela nous a semblé évident d’y déménager les 1.200 salariés de notre ancien centre de recherche de Clamart.” Adepte de l’innovation ouverte, l’électricien anime en effet depuis plusieurs années des laboratoires de recherche communs avec ces établissements, sur des thèmes aussi variés que les réseaux électriques intelligents ou les séismes. Il a aussi profité de son arrivée sur le plateau pour y ouvrir, avec Total et Air liquide, l’Institut photovoltaïque d’Ile-de-France, consacré à la recherche sur les énergies nouvelles. Afin de bénéficier de l’effet campus, EDF Lab joue la carte de l’interaction et prête volontiers son amphithéâtre de 550 places à ses partenaires ou à ses nouveaux voisins. Si l’énergie s’annonce comme une spécialité forte du futur pôle d’innovation, elle est loin d’être la seule.

L’intelligence artificielle devrait également s’y épanouir, avec la création d’un center for data science, consacré à développer les outils nécessaires à l’analyse du big data. Il se murmure aussi qu’IBM pourrait installer ici un centre de recherche européen sur le sujet. Le pôle s’installe en outre dans le secteur de la santé, capitalisant sur la présence dans le voisinage du centre de R&D de Danone, mais aussi sur l’arrivée en 2021 des équipes de recherche des laboratoires Servier. Attiré par l’installation imminente à Saclay de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, Servier veut y regrouper ses trois centres de recherche français et annonce l’ouverture d’un incubateur qui mettra à la disposition des start-up une panoplie d’équipements destinés à la pharmacie.

En attendant les étudiants

Si les jeunes pousses ne sont pas encore légion sur le plateau, Philippe Van de Maele se dit bien décidé à les y attirer, avec l’ouverture, dans deux ans, d’un IPHE (incubateur, pépinière, hôtel d’entreprises). Il a mit en place, avec VivaTech, la première édition du Paris-Saclay Spring, qui a rassemblé 320 start-up et nombre de directeurs R&D en mai 2018.”Il faut que Paris-Saclay soit dans le logiciel des investisseurs et des business angels”, proclame-t-il. Les locataires de l’IPHE pourront en tout cas tester leur ingéniosité en s’efforçant d’améliorer la vie quotidienne sur le plateau, car elle relève plus aujourd’hui de la galère et de la débrouille que de la fluidité propre aux grands campus technologiques.

Alors que l’ouverture de la ligne 18 du métro était programmée en 2024, le gouvernement l’a retardé à 2027 pour le tronçon vers Orly et à 2030 vers Versailles ! Un mauvais coup porté à Paris-Saclay. “C’est à croire que l’Etat ne comprend pas son propre projet », glisse un observateur, amer, qui rappelle que 50.000 personnes gagneront le plateau tous les jours en 2020 et 70.000, à terme. Certaines entreprises ont déjà mis en place des navettes, comme celle que se partagent les salariés d’EDF, de l’Onera et du CEA, à partir de la porte d’Orléans, à Paris. L’autopartage a de beaux jours devant lui… ainsi que les embouteillages, déjà légendaires. Sans compter que ce gros raté pourrait aussi refroidir les ardeurs de certaines entreprises… et des habitants appelés à s’installer bientôt dans les 10.000 logements familiaux planifiés sur le site.

L’excellence sur un plateau

“Trop tard pour reculer, se rassure Philippe Van de Maele. Avec tous les projets en cours, la taille critique est dépassée.” Des entreprises et écoles commencent même à communiquer sous la marque Paris-Saclay. Plus anecdotique, mais indispensable à la vie d’un lieu qui veut favoriser l’échange et les interactions, l’ouverture de cafés et autres lieux de convivialité devrait bientôt réconforter les salariés déjà présents sur le site : à défaut d’un transport express, ils pourront siroter un expresso en se félicitant de figurer parmi les pionniers d’un pôle d’innovation destiné à faire partie des huit premiers du monde, selon le MIT. “Le prochain Google sera français et naîtra sur le plateau”, prédit Philippe Van de Maele. On ne demande qu’à le croire.

 

Diplômés sans emploi, comment ce vendre sur le marché du travail ?

C’est à ce moment qu’ils ont besoin d’un conseil personnalisé et d’un coaching de groupe, pour apprendre à définir leur profil et à présenter leurs compétences de manière convaincante sur un marché du travail compétitif et exigeant. C’est ce qu’offre Jeunes@Work, un programme de placement premier emploi créé en 2008 par le Service de l’emploi grâce à l’impulsion et au soutien du banquier genevois Patrick Odier. Porté par la fondation privée IPT (Intégration pour tous) dirigée par Marc Genilloud, le programme soutenu par des donateurs privés, le SECO et le service de l’emploi dans certains cantons.

«Ce qui manque aux jeunes à cette étape de leur vie, poursuit Cathy-Jill Barraud, c’est la connaissance du marché du travail, du monde des entreprises. Ces jeunes sont en décalage par rapport à ce monde; ce n’est pas du tout comme ils l’avaient imaginé. Ils peuvent être perdus, faire des erreurs dis-qualifiantes lors du premier entretien. Certains savent déjà où ils veulent travailler, mais pour d’autres, par exemple diplômés de Sciences Po, ou de psychologie, ou de géographie, c’est moins évident. Pour un criminologue, il est difficile de trouver un poste en Suisse. On les aide à convaincre, à avoir confiance dans le fait qu’on leur laissera leur chance s’ils sont motivés.»

Les jeunes apprennent aussi à développer un réseau. «Ils sont très informatisés et mettent des annonces sur des sites, mais on les encourage à demander des rendez-vous pour se renseigner sur un métier qui les intéresse, histoire d’établir des contacts», souligne Franck Layec.

Philippe Askenazy : « Robots ou travailleurs immigrés ? »

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Le robot acteur de théâtre nô mis au point par la société Seed Solutions, à Tokyo, le 17 octobre.
Le robot acteur de théâtre nô mis au point par la société Seed Solutions, à Tokyo, le 17 octobre. KIM KYUNG-HOON / REUTERS

Chronique « Tendances France ». Deuxième grand chantier social du quinquennat, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » opère une refonte de la formation professionnelle pour l’axer sur la transition vers une « société de compétences ». La nouvelle agence nationale créée à cet effet, France compétences, et la myriade de conseils en orientation professionnelle ne pourront éviter de considérer les effets du déploiement des technologies robotiques et de l’intelligence artificielle (IA). D’autant que le gouvernement multiplie simultanément les initiatives pour les développer. L’action de l’Etat balance de ce fait entre deux préoccupations : si la France n’a pas assez de robots et d’IA, elle ne sera pas assez compétitive ; mais ces derniers vont remplacer des masses de travailleurs qu’il faudra reconvertir.

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Au niveau mondial, les industriels de la robotique anticipent à court ou moyen terme une extension du recours aux robots dans le secteur manufacturier à un rythme régulier. Dans les autres secteurs, en revanche, la robotique couplée à l’IA connaîtrait un boom, mais en partant de niveaux très bas. Ainsi, les fameux robots d’accueil ne seraient tout au plus que quelques dizaines de milliers en 2022 sur la planète. Dans le secteur médical, où les investissements sont les plus importants en valeur, les robots n’auraient pas vocation à remplacer, par exemple, les chirurgiens, mais plutôt à améliorer leur productivité, alors que la formation de nouveaux professionnels ne suit pas les besoins croissants en effectifs.

Dans plusieurs pays, les technologies d’automation sont d’ailleurs vues comme une solution au déclin démographique. C’est le cas en l’Allemagne, où il faudrait une immigration nette annuelle de 400 000 personnes pendant les deux prochaines décennies pour compenser le déclin naturel de la population en âge de travailler. Des travaux théoriques récents formalisent même un déterminisme démographique que des évidences empiriques confortent. Par exemple, il existe une forte corrélation positive entre décroissance démographique et usage des robots industriels dans un large panel de pays (« Automation and demographic change », Ana Abeliansky et Klaus Prettner, Center for European Governance and Economic Development Research, Discussion Paper n° 310, avril 2017). Ce qui permet au passage de relativiser la nécessité de rattraper un « retard » français.

Un emploi, un logement

Principal bailleur social du territoire, Plaine Commune Habitat présente son aider aux jeunes diplômés, enfants de locataires, à trouver un job avant de leur offrir un logement.

Titulaire d’un bac S, Rayane a fini ces ans en classe préparatoire, maths sup et maths spé, avant d’aller à la fac, d’y obtenir une licence en maths-informatique-physique… Et d’voir enfin un travail, dans le bâtiment en tant que serrurier. À 23 ans, ce jeune Dionysien vit encore chez ses parents dans un logement de Plaine Commune Habitat (PCH). C’est ainsi qu’il a été sélectionné pour tester un dispositif dont il sera l’un des tout premiers bénéficiaires, d’abord pour chercher un emploi qui correspond à ses compétences et ensuite pour l’attribution d’un logement par PCH. Telle est en effet la finalité du Pack Emploi-Logement que le bailleur social a lancé le lundi 12 novembre, avec ses partenaires, l’Union sociale pour l’Habitat (USH), le cabinet de recrutement Mozaïk RH et l’association pour le parrainage professionnel Nos Quartiers ont des Talents (NQT).

Un Pack contre les discriminations et pour l’embauche

Destiné au moins de 30 ans, de niveau bac+2, le Pack a été imaginé par PCH, comme le témoigne son président, le maire Laurent Russier, afin de trouver une solution à cette situation hélas fréquente et « déstabilisante pour toute une famille » quand un enfant diplômé « est en galère ». Et contraint de rester sous le toit familial. « Nous avons, de la part des jeunes, énormément de demandes de décohabitation », ajoute-t-il. Grâce au soutien de l’USH, signale Marie-Noëlle Lienemann, sa vice-présidente et sénatrice (ex PS), le Pack est « doté d’un outil financier et technique. On a signé un protocole avec l’État, nous avons sollicité la Caisse des Dépôts et Consignations, ainsi que des fondations privées pour l’emploi des jeunes et contre les discriminations ».

De son côté, Mozaïk RH a mis en place « une base de données où les candidats les plus volontaires vont être identifiables (1), explique son président-fondateur Saïd Hammouche. On va travailler à partir des opportunités d’embauche ». Et pour compléter cet accompagnement,  l’association NQT qui va permettre aux jeunes de profiter du parrainage d’un cadre supérieur ou chef d’entreprise. Si l’ambition est d’aboutir à un emploi, et plutôt en CDI, « on va travailler aussi sur l’alternance et sur les offres de stage », précise Saïd Hammouche.

Dimensionné pour 50 jeunes, le Pack pourrait ainsi en toucher 200, eux-mêmes enfants de locataires de PCH. Un bailleur déjà remarqué pour d’autres initiatives, tels un programme « logement et santé mentale » et un Club des locataires groupant achats de biens et de services.

Emploi et handicap : Au café Joyeux, des salariés (presque) comme les autres

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« Joyeux, un café qui redonne dignité à des personnes en handicap cognitif en leur offrant un travail en milieu ordinaire. »
« Joyeux, un café qui redonne dignité à des personnes en handicap cognitif en leur offrant un travail en milieu ordinaire. » joyeux.fr

En 2014, un catamaran de dix-huit mètres navigue au large de Dinard. A bord, un groupe d’autistes s’évade du quotidien en découvrant les sensations de la voile. « J’ai adoré la sortie, j’ai pris beaucoup de plaisir, merci », lance Théo, 20 ans, à Yann Bucaille Lanrezac, à l’origine de ce projet associatif innovant, Emeraude Voile Solidaire. Puis un moment de gêne s’installe, le jeune autiste persiste dans les remerciements, sans poser la question qui lui tient vraiment à cœur. Il ose enfin : « Captain, il paraît que tu es patron ; t’as pas un métier pour moi ? »

La réponse est négative, Théo se recroqueville, se met en colère, s’énerve encore plus lorsqu’on lui propose une autre sortie en bateau : « Vous n’avez pas compris, moi ce que je veux, c’est être utile. » Cette phrase est un vrai détonateur pour Yann Bucaille Lanrezac : « La voile, c’est un beau projet, on a organisé quatre cent sept sorties en mer en six ans avec des personnes en souffrance. Mais j’ai compris qu’il fallait passer à l’étape supérieure et faire non plus quelque chose pour eux, mais quelque chose avec eux. »

Depuis qu’il a rejoint le café Joyeux, le manageur a changé son regard sur le handicap

Ce quelque chose, c’est Joyeux, un café qui redonne dignité à des personnes en handicap cognitif en leur offrant un travail en milieu ordinaire. Après une première adresse à Rennes en 2017, cette échoppe à la badine enseigne jaune a ouvert ses portes ce printemps à Paris, près de l’Opéra. Les deux établissements embauchent vingt-cinq travailleurs handicapés en CDI, encadrés par quelques manageurs, loin devant le quota de 6 % imposé par la loi.

Cet après-midi, Mathilde Knauer, 25 ans, atteinte de trisomie 21, est à la caisse : « Dans mon précédent emploi, j’étais cantonnée à un seul rôle, la mise en rayon. Ici, je fais un peu de tout, même ce qui me paraissait impossible ! Par exemple, me servir de mes doigts pour la caisse, manier des chiffres, des données, c’était dur. Mais les manageurs m’ont aidée à surmonter mes difficultés. »

Jean-Baptiste Dziurda, un des manageurs, a accompagné Mathilde en la faisant travailler sur ses lacunes par différents exercices, du rendu de la monnaie aux phrases à dire. « En termes de management, on apprend à devenir plus patient, plus modéré, car la moindre petite source de stress peut détruire une journée entière », explique-t-il.

Emploi et handicap : « Une réforme en profondeur est nécessaire »

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« Malgré le « quota » de 6 % de travailleurs handicapés imposé aux entreprises depuis 2005, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste à 19 % »
« Malgré le « quota » de 6 % de travailleurs handicapés imposé aux entreprises depuis 2005, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste à 19 % » Image Source G / Photononstop

Le taux de chômage des handicapés en France est toujours le double de celui des valides. A la suite de la concertation lancée par le gouvernement avec les partenaires sociaux pour améliorer cette situation, les premières mesures ont été annoncées. Arnaud de Broca, qui a participé à la concertation en tant que secrétaire général de l’association des accidentés de la vie (Fnath), et Florian Guzdek, administrateur à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et vice-président du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et de la Fnath, font le point.

Malgré le « quota » de 6 % de travailleurs handicapés imposé aux entreprises depuis 2005, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste à 19 %. Ce système montre-t-il ses limites ?

Arnaud de Broca : N’oublions pas qu’il y a aussi de plus en plus de personnes en situation de handicap parmi la population active. L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH) reste un objectif mobilisateur pour les employeurs. Les limites sont plutôt dans la représentation des personnes handicapées.

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On a pourtant l’impression que l’image des travailleurs handicapés a évolué positivement. Quels blocages subsistent chez les employeurs ?

Florian Guzdek : La société commence à avoir un nouveau regard sur les personnes handicapées, mais lorsqu’il s’agit de faire intervenir un acteur extérieur à l’entreprise pour évaluer les aménagements de postes nécessaires, l’employeur reste réticent. Il arrive aussi que des salariés qui basculent dans une situation de handicap se fassent licencier parce que l’employeur veut se débarrasser de quelqu’un qui arrive à la cinquantaine, qui a un salaire assez conséquent ou un fort caractère…

A de B : C’est aussi compliqué pour une entreprise de remettre en cause l’organisation globale du travail, alors que ça peut bénéficier à tous. Des freins en matière de formation subsistent également, même si des progrès sont faits. En formation initiale, de plus en plus de personnes handicapées vont loin dans leurs études. Mais ce ne sont pas elles qui ont le plus de difficultés d’emploi.

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La récente réforme de la formation professionnelle peut-elle changer la donne ?

A de B : Dans ses objectifs, la loi veut simplifier l’accès à la formation, c’est une bonne chose. La majoration du compte personnel de formation (CPF) pour les travailleurs handicapés, c’est aussi positif. Après, il faut voir comment va s’appliquer la loi.

Emploi et handicap : Embaucher ou payer ?

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« Les entreprises peuvent éviter l’obligation d’emploi de salariés en situation de handicap en versant une contribution pour chacun des travailleurs handicapés qu’elles auraient dû employer. »
« Les entreprises peuvent éviter l’obligation d’emploi de salariés en situation de handicap en versant une contribution pour chacun des travailleurs handicapés qu’elles auraient dû employer. » Robert Schlesinger/DPA / Photononstop

Question de droit social. Toute entreprise du secteur privé occupant au moins vingt salariés est tenue, aux termes des articles L.5212-1 et L.5212-2 du code du travail, à une obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées entendues comme celles qui se sont vues délivrer une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), ou titulaires d’une pension d’invalidité, ou encore victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité d’au moins 10 %, titulaires de la carte d’invalidité, bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, ou mutilés de guerre et assimilés.

Malgré cette obligation, il n’y a, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) de décembre 2017, qu’une faible progression du nombre de salariés en situation de handicap dans les entreprises. Ces dernières peuvent, en effet, éviter l’obligation d’emploi en versant une contribution pour chacun des travailleurs handicapés qu’elles auraient dû employer. C’est l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) qui est chargée de collecter cette contribution pour financer ultérieurement des actions en faveur des personnes handicapées.

La détermination de cette contribution se fait en plusieurs temps. L’entreprise est d’abord tenue de déclarer, chaque année, ses efforts en faveur de l’emploi de personnes handicapées, comptabilisés sous forme « d’unité bénéficiaire ». Cette notion permet d’exprimer en équivalent temps plein de travailleur handicapé, aux côtés des emplois directs et des postes de stagiaires, le montant de la sous-traitance auprès d’entreprises qui embauchent majoritairement des handicapés, conclue par accord collectif et agréée par l’administration du travail. Dans ce calcul, les périodes d’invalidité, les arrêts maladie, les congés maternité et congés formation ne sont pas pris en compte.

Peu de contentieux

Le montant de la contribution est ensuite calculé en appliquant à chaque « unité bénéficiaire » manquante (au regard de l’obligation de 6 %) un multiple du smic horaire, qui varie selon la taille de l’entreprise. Ainsi, en 2018, pour une entreprise de vingt à cent quatre-vingt-dix-neuf salariés le coût pour l’entreprise était de 400 × 9,88 soit 3 952 euros par « unité bénéficiaire » manquante.

Finance solidaire : un fonds pour favoriser l’emploi

Entre janvier 2015 et décembre 2017, quelque 63 entreprises ont été investies par le fonds. Parmi elles de grandes entreprises comme L’Oréal, Dassault Systèmes ou Cap Gemini.
Entre janvier 2015 et décembre 2017, quelque 63 entreprises ont été investies par le fonds. Parmi elles de grandes entreprises comme L’Oréal, Dassault Systèmes ou Cap Gemini. Philippe Turpin / Photononstop

Société de gestion spécialiste de l’investissement durable appartenant à Natixis Investment Managers, Mirova publie le 6 novembre un premier rapport évaluant l’impact de son fonds Insertion Emploi Dynamique (IED). C’est l’un des plus anciens produits solidaires commercialisés dans l’Hexagone (1994) visant à favoriser les créations d’emplois en France.

Quel bilan ? « Alors que les entreprises du CAC 40 n’ont pas créé d’emplois sur la période allant de fin 2014 à fin 2017, celles dans lesquelles investit le fonds IED ont augmenté leurs effectifs de 10,1 % », avance le gérant, Fabien Leonhardt. Cette politique n’a pas pénalisé la performance puisque le fonds affiche un gain de 26,2 % depuis fin 2014, certes dans un contexte boursier favorable.

La poche solidaire finance directement des structures à fort impact social, notamment des entreprises d’insertion qui tentent de remettre en selle des personnes exclues du marché du travail. De 1 500 à 2 000 emplois sont ainsi créés ou préservés chaque année.

Insertion Emploi Dynamique est un fonds 90/10 – qui peut consacrer jusqu’à 10 % de son portefeuille au financement de structures solidaires. La poche solidaire finance directement des structures à fort impact social, notamment des entreprises d’insertion qui tentent de remettre en selle des personnes exclues du marché du travail.

De 1 500 à 2 000 emplois sont ainsi créés ou préservés chaque année. Le reste, la poche cotée en Bourse, est investi dans des actions d’entreprises susceptibles de créer des emplois en France. Le fonds ne s’interdit pas d’investir dans des entreprises étrangères implantées sur le territoire français.

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Pour rendre sa gestion plus transparente, Mirova propose sur son site une carte interactive présentant, région par région, l’implantation des entreprises concernées ­ (Carte-emplois.mirova.com). On y trouve de grandes entreprises comme Essilor, L’Oréal, Dassault Systèmes ou Cap ­Gemini, mais aussi de beaucoup plus modestes comme Basic-Fit, une société néerlandaise qui compte sept salles de sport à Paris, ou Colruyt, une chaîne belge de supermarchés (Colruyt, Coccinelle, Coccimarket…).

Luxe, robotique, filière bio…

« Les acteurs ayant un impact positif sur l’emploi ne sont pas les plus gros. Près de 20 % des entreprises présentes dans le fonds ont une capitalisation inférieure à 7 milliards d’euros », précise Emmanuelle Ostiari, analyste en investissement socialement responsable chez Mirova. Par secteur, ce sont la consommation (et surtout le luxe), les technologies de l’information, la restauration, l’hôtellerie, l’aéronautique, les services à la personne, la robotique et la filière bio qui ont le plus contribué aux créations d’emplois. Au total, 63 entreprises ont été investies par le fonds entre janvier 2015 et décembre 2017.

Durant cette période, la corrélation entre les créations d’emplois et la performance financière (hors dividendes) a été significative : les entreprises ayant légèrement détruit de l’emploi ont eu une performance financière moyenne de seulement 5 %, alors que celles qui ont vu leurs effectifs bondir d’au moins 30 % ont enregistré une performance moyenne de 39 %.

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Jérôme Porier

« Cessons de voir le service national universel comme une punition »

Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, devra mettre en oeuvre le service national universel.
Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, devra mettre en oeuvre le service national universel. GONZALO FUENTES / REUTERS

Tribune. Le service national universel (SNU) va-t-il susciter les passions ? Certaines prises de position donnent déjà à penser que ce nouveau dispositif serait une façon de stigmatiser la jeunesse, de lui assigner plus de contraintes que de droits. Il porterait atteinte au principe quasi philosophique d’engagement volontaire.

La Fédération Léo-Lagrange, qui agit depuis près de soixante-dix ans pour l’émancipation des jeunes sur tous les territoires soutient le SNU : il peut être une formidable opportunité d’atteindre, enfin, les objectifs que ses détracteurs appellent pourtant de leurs vœux : l’égalité, la mixité, la valorisation de l’engagement. Pour peu que chacun s’engage dans sa réussite.

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Reconnaissons tout d’abord que les appréhensions entourant le SNU sont légitimes, tant la jeunesse pâtit d’une image dégradée. Trop individualistes, les jeunes ? Pas assez engagés ? Nous qui les accompagnons au quotidien savons qu’il n’en est rien, et qu’ils ne manquent pas d’initiatives à réaliser. Pour peu qu’on leur en donne les moyens.

Bien sûr, la jeunesse n’a pas à combler seule les failles de la société. Ces fractures, qu’elles soient sociales ou territoriales, appellent à un combat global et partagé. Parmi les mesures à prendre, il est urgent de transmettre, dès le plus jeune âge, le goût de l’altérité et de l’engagement. Encore faut-il rendre possible cette rencontre.

Un tremplin vers l’engagement

Cessons de voir le SNU comme une punition, mais plutôt comme une chance de répondre ensemble à ces enjeux ! Un temps vécu en commun par tous les jeunes d’une classe d’âge, pour mettre à la portée de tous les mêmes opportunités. Le SNU n’est pas un dispositif d’engagement obligatoire. Il n’y a d’engagement que librement choisi.

Mais qui, aujourd’hui, a la chance de s’engager ? Majoritairement les jeunes les mieux éduqués. Les autres ignorent trop souvent la richesse des parcours associatifs qui s’offrent à eux, ou bien ils se censurent. Le SNU offre à tous un temps de « découverte des opportunités d’engagement », indispensable pour susciter des vocations, et d’autant plus efficace qu’il passe par une expérience concrète de réalisation d’un projet d’intérêt général. Libre à chacun ensuite de poursuivre cette expérience sous diverses formes, après 18 ans. Le SNU peut être un véritable tremplin vers l’engagement.

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Favoriser l’engagement des jeunes, ce n’est pas les charger du poids des problématiques sociétales, c’est leur donner la possibilité de développer des compétences qui faciliteront ensuite leur insertion professionnelle, c’est leur permettre de s’épanouir, de se sentir utile, de faire des rencontres.