La démission n’effraie plus les cadres… et encore moins les jeunes diplômés

L’un des visuels de la nouvelle campagne de Cadremploi.

Oser. Oser claquer la porte de son employeur, oser tenter une nouvelle aventure professionnelle. La démission des collaborateurs fait partie des sujets sur lesquels on jette souvent un voile pudique – elle est d’ailleurs très peu traitée par la littérature managériale. Une question taboue, donc. Cadremploi, spécialiste des offres d’emploi et du recrutement de cadres, vient de s’y atteler, avec une étude réalisée par l’Ifop (à retrouver en intégralité sur Cadremploi:Ifop.2018), portant sur un échantillon de 1001 cadres et dirigeants. Et les résultats montrent une forte évolution des comportements sur ce sujet.

Thibaut Gemignani, directeur général de Cadremploi (DR).

Un chiffre choc, tout d’abord : 6 cadres sur 10 envisagent de démissionner. Ils y songent « souvent » (16 %) ou seulement « de temps en temps » (46 %). Et le taux est encore bien plus élevé chez les jeunes cadres et diplômés (18-34 ans) puisqu’il s’élève à 74 %. « Pour les plus jeunes, donner sa démission a cessé d’être un tabou », relève Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. Ils ne cherchent pas à faire carrière. » Une mauvaise nouvelle pour les entreprises ? « Pas forcément, nuance Thibaut Gemignani, directeur général de Cadremploi : il n’est pas de leur intérêt de conserver des cadres mécontents ou déçus, qui risquent de devenir aigris et de manquer de motivation. »

Ce taux élevé de démissionnaires potentiels est d’autant plus étonnant que, dans l’ensemble, les cadres sont plutôt satisfaits de leur sort. Ils attribuent ainsi une note moyenne de 6,9 (sur 10) à leur épanouissement dans leur vie quotidienne, celle-ci incluant bien sûr leur vie au travail. Cet épanouissement est toutefois plus marqué sur le plan personnel (7,6 sur 10, en moyenne) que pour la vie professionnelle, notée 6,3. 

Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop (DR).

Principaux motifs de satisfaction, à leurs yeux : l’ambiance au sein de l’équipe (pour 84 % des cadres), l’intérêt des missions (76 % d’opinions positives), les relations avec le management (76 %), l’ambiance dans l’entreprise (69 %)… Quant à la rémunération, elle n’arrive qu’au 5ème rang des points positifs. A noter tout de même que 7 % se déclarent franchement mécontents de leur travail. 

Logiquement, les facteurs de mécontentement sont autant de motifs potentiels de démission. Ces facteurs sont assez variés : manque de perspectives (cité par 38 % des cadres interrogés), rémunération jugée insuffisante (37 %), relations délicates avec le management (35 %), missions dépourvues d’intérêt (34 %)… Des raisons liées à la vie personnelle peuvent aussi jouer (34 % de citations). En cas de démission, les cadres visent avant tout une meilleure rémunération (55 % des réponses) et un épanouissement accru. 

« Retrouvez le sens de l’humour : changez de job, démissionnez »

En réalité, les avis sont encore très partagés à propos de la démission. Une courte minorité (48 %) a le sentiment que son épanouissement professionnel passera plutôt par une évolution au sein de l’entreprise – via une promotion ou un changement de poste. A l’inverse, ils sont 52 % à miser plutôt sur un changement d’employeur. 34 % des cadres envisagent même une reconversion – vers un projet personnel ou pour changer de voie. Là encore, les plus jeunes sont nettement plus nombreux : 49 % envisagent un virage radical, contre seulement 22 % pour les 50 ans et plus. 

Pour beaucoup, ce projet de changement doit être assez rapide : dans les prochains mois pour 23 % des cadres concernés, ou dans l’année qui vient pour 25 % d’entre eux. Mais 49 % se donnent deux à cinq ans, voire davantage… Lire la suite

Homme, blanc, diplômé… le monde monocolore de la « start-up nation »

SEVERIN MILLET

Attablé à La Felicita, le restaurant fashion de la Station F, Tally Fofana détonne au milieu des habitués de la pouponnière à start-up de Xavier Niel (actionnaire du Monde à titre personnel). A l’opposé de l’entrepreneur classique – un homme blanc, diplômé, issu de milieux privilégiés –, ce fils de Sénégalais de 39 ans est venu au monde des start-up par les chemins tortueux de la délinquance.

A 14 ans, il volait sa première voiture. A 16 ans, il quittait l’école et un BEP jamais terminé. Une décennie plus tard, il dirigeait un réseau spécialisé dans le vol, le maquillage et la revente de voitures en Europe, employant une dizaine de personnes. « C’était lucratif, l’argent rentrait vite, et sortait tout aussi vite. C’était difficile de s’arrêter. Mais l’appât du gain, beaucoup d’inattention… ont conduit à mon interpellation, le 18 novembre 2013 », se rappelle Tally Fofana, qui va alors passer deux ans à la prison de Nanterre.

Libéré il y a quatre ans, le banlieusard du Val-d’Oise décide que ses deux enfants ne viendront plus le voir au parloir, et transforme son savoir-faire en activité légale. Il crée Digitall qui propose d’aider les constructeurs automobiles à mieux sécuriser leurs véhicules. Depuis un an, sa start-up est hébergée au cœur de la Station F, au sein du Fighters Program, consacré aux entrepreneurs atypiques.

83 % ont un niveau d’étude de bac + 5

Dans le monde monocolore de la « start-up nation », Tally Fofana fait figure d’exception. A 90 % les start-upeurs sont des hommes, 71 % des dirigeants ont été formés en école d’ingénieurs ou de commerce, 83 % ont un niveau d’étude de bac + 5, et leur moyenne d’âge est de 40 ans, relate une étude dévoilée en 2017 par la French Tech, un organisme du ministère de l’économie. Exit les femmes, les banlieusards et les ruraux.

« La société dit culturellement aux femmes et aux pauvres qu’entrepreneurs, ce n’est pas pour eux », lance crûment Mounir Mahjoubi. Ce fils d’immigrés marocains se souvient que sa mère a pleuré le jour où il lui a dit qu’il souhaitait être entrepreneur. « Le risque lui paraissait insoutenable », se souvient le secrétaire d’Etat au numérique.

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Absence de réseau, de financement, d’accompagnement, mais surtout autocensure ou manque d’information, les freins à la création de start-up sont autant d’ordre matériel que psychologique. « Dans les quartiers, l’entrepreneuriat fonctionne, mais reste très local, car on n’a jamais dit à ces jeunes qu’ils pouvaient être accompagnés, lever des fonds. L’information n’a pas passé le périphérique », témoigne Loubna Ksibi, qui a monté Meet My Mama, une start-up proposant des recettes préparées par les « mamas » des quartiers.

Les Pays-Bas, l’autre pays du plein-emploi

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Des porte-conteneurs dans le port de Rotterdam (Pays-Bas), le 11 septembre.
Des porte-conteneurs dans le port de Rotterdam (Pays-Bas), le 11 septembre. Piroschka Van De Wouw / REUTERS

A première vue, le chiffre a de quoi faire pâlir d’envie de ce côté-ci de l’Europe. En octobre, le taux de chômage des Pays-Bas s’est établi à 3,7 %, selon les statistiques officielles publiées jeudi 15 novembre. C’est, avec l’Allemagne (3,4 % en septembre), le pays affichant le plus bas niveau de chômage de la zone euro (8,1 %). « Il est si bas que certaines entreprises commencent sérieusement à souffrir de la pénurie de main-d’œuvre », observe Henk Volberda, professeur à l’Ecole de commerce de Rotterdam (RSM).

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Ces chiffres sont, d’abord, le reflet de la bonne santé économique des Pays-Bas (17 millions d’habitants). Le produit intérieur brut (PIB) a certes un peu déçu au troisième trimestre, où il a progressé de 0,2 % seulement : le pays a souffert du coup de froid conjoncturel traversé par l’Allemagne, son principal partenaire.

Il n’empêche : après avoir frôlé les 3 % l’an passé, l’économie néerlandaise devrait encore progresser de 2,8 % cette année et de 2,4 % en 2019, selon les prévisions de la Commission européenne. C’est mieux que la moyenne de la zone euro (2,1 % et 1, %) et que l’Allemagne (1,8 % et 1,7 %). « 2019 sera la troisième année où notre économie croît plus vite que celle de nos voisins », résume Marcel Klok, économiste chez ING, à Amsterdam.

Effet de rattrapage après la récession de 2012

Cela tient en partie à un effet de rattrapage : après la violente récession de 2009, tandis que les économies française et allemande se remettaient lentement, celle des Pays-Bas a replongé en 2012 (– 1 %) et 2013 (0,1 %). « Nous avons essuyé une profonde crise immobilière à la suite de l’explosion de la bulle du secteur, et les politiques d’austérité ont freiné la reprise », explique M. Klok. De fait, la consommation s’est effondrée sous l’effet de la rigueur salariale et de la montée du chômage, qui culmina à 7,9 % en février 2014.

« Le chômage est si bas que certaines entreprises commencent sérieusement à souffrir de la pénurie de main-d’œuvre », observe Henk Volberda, professeur à l’Ecole de commerce de Rotterdam

Mais l’économie a rebondi vigoureusement dès 2015. Les années suivantes, elle a profité de la reprise des échanges mondiaux. « Nous sommes un petit pays, très tourné vers l’extérieur : plus de 30 % de notre PIB dépendent du commerce international », explique Jeroen Lammers, économiste du VNO-NCW, la confédération des employeurs néerlandais. Une spécialisation symbolisée par le puissant port de Rotterdam, dont bénéficie l’ensemble du tissu industriel néerlandais. A l’exemple du Mittelstand allemand, celui-ci est composé de nombreuses PME, travaillant main dans la main avec les grands groupes tels que Shell, Philips ou ING.

« Mieux vivre au boulot tout en étant plus productif »

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Chronique. Comme il est réjouissant de découvrir un livre qui confirme noir sur blanc vos intuitions pour mieux vivre au boulot tout en étant plus productif. Tel est le cas d’It Doesn’t Have to Be Crazy at Work (« Pas la peine de travailler comme des fous »), de Jason Fried et David Heinemeier Hansson (ed. HarperCollins, 240 p., 20 €, non traduit). Merci à l’auteur anonyme de la chronique Bartleby (The Economist du 6 octobre 2018) de nous l’avoir fait connaître.

L’ouvrage est d’autant plus percutant que ses auteurs sont des hommes de terrain. Ils ont l’expérience de ce qu’ils avancent, étant les deux fondateurs et dirigeants de Basecamp, un éditeur de logiciels américain, créé en 1999. Depuis une vingtaine d’années, ils mettent donc leurs principes en application, avec succès.

Leur société est rentable, et l’on peut imaginer que les salariés y sont heureux, bien que nous n’ayons pu vérifier ce deuxième point. Le calme est leur maître mot. « Le calme protège le temps de travail et l’attention. Le calme est d’avoir des objectifs raisonnables. Le calme est de travailler le plus possible en mode asynchrone, et en temps réel par défaut Le calme, c’est la profitabilité. »

Pour parvenir à cet état apaisé, ni séance de yoga ni cours de méditation ! M. Fried et M. Heinemeier Hansson mettent à terre bien des dogmes, des modes, des expressions répétées à l’envi dans le monde du business, et qui contribuent à le rendre nocif. Ainsi de la disruption – stratégie de rupture –, néologisme créé par un Français, Jean-Marie Dru, président du groupe publicitaire TBWA. « Le monde du travail souffre d’une hyperinflation d’ambitions. (…) Si vous arrêtez de penser que vous devez changer le monde, vous soulagez grandement vos collaborateurs et vous-même. (…) Traitez plutôt vos clients, vos employés et la réalité avec justesse », affirment les auteurs.

Haro sur les plans, les réunions

Plus étonnant : inutile de faire des plans, disent-ils. Pas de plan à cinq ans ni de plan à trois ans. Pas de plan du tout. Difficile à admettre ? Peut-être pas tant que ça. Le 2 novembre, deux responsables de deux groupements renommés de dirigeants, Denis Terrien, président d’Entreprise et progrès, et Gilles Levêque, administrateur du Cigref, proclamaient dans Les Echos que « la stratégie, objectif structurant de long terme, Graal dans l’ancien monde, est devenue un handicap à l’ère du numérique ». Inutile donc de s’angoisser pour réaliser des objectifs dans l’univers économique changeant qui prévaut actuellement.

Pour une Business Intelligence agile

De nos jours, moins de 15 % des entreprises ont désigné un Chief Data Officer (CDO) et moins de 10 % un Chief Analytics Officer (CAO). D’ici deux ans ça ne sera plus le cas. Malgré cela au cœur des nouveaux enjeux économiques, la data est souvent mal utilisée, voire mal dirigée par les entreprises, alors que toutes les études convergent vers une explosion de l’IoT et du Big Data à l’horizon 2020.

Dans cette situation, les solutions de Business Intelligence traditionnelles, dirigées par les services IT, ne répondent plus aux besoins des utilisateurs qui maîtrisent leurs données et veulent réaliser des analyses métiers adaptées à leurs besoins. Pour les entreprises, cette mutation représente un fort défi de compétitivité.

Business Intelligence : un marché en pleine transformation

Le terme Business Intelligence rassemble l’ensemble des méthodes et outils permettant de mettre en place une stratégie d’aide à la décision dans une entreprise.

Souvent, les entreprises structurent leur stratégie BI autour d’un entrepôt de données et/ou d’un cube décisionnel, l’existence de ce point problématique les rendant mécaniquement très dépendantes de leur DSI. En effet, chaque besoin remonté par les métiers doit d’abord être rassemblé, centralisé et validé par le service IT, ce qui rallonge les délais de traitement.

Si ce modèle, très structurant, est encore fortement utilisé, un besoin apparait néanmoins progressivement chez les utilisateurs métier : celui de s’approprier les outils décisionnels.

Cette nécessiter ne date pas d’hier mais jusqu’à maintenant, les outils étaient plutôt dédiés à des utilisateurs techniques. En pleine mutation, la Business Intelligence se transforme donc pour gagner en modernité et en efficacité : plus agile, plus souple et plus accessible, elle se met au service des métiers pour redonner le pouvoir à ses utilisateurs. La croissance des solutions disponibles en mode SaaS, permettant de structurer le modèle de données selon l’utilisation métier que l’on désire en faire, a permis de démocratiser l’outil décisionnel au sein de l’entreprise.

Cette transformation de la Business Intelligence vers un modèle « sur-mesure » minimise considérablement le cycle d’analyse de données et permet, désormais, de prototyper très rapidement rapports et tableaux de bords.

Aujourd’hui, les deux modèles de Business Intelligence, classique et moderne cohabitent. Le modèle moderne intègre des algorithmes d’intelligence artificielle et est d’ores et déjà prêt pour le marché du Big Data et propose des modes de diffusion des rapports ajustés au déploiement à grande échelle. Un avantage non négligeable qui devrait pousser les entreprises à sauter le pas pour rester compétitives.

La Business Intelligence, appui économique pour les entreprises

La popularisation de la Business Intelligence, désormais entre les mains des utilisateurs métier, a profondément converti le rôle de ces derniers au sein des entreprises. Auparavant utilisateurs finaux des solutions de Business Intelligence, ils sont désormais acteurs de la mise en œuvre de ces solutions, tant au niveau de la réalisation de rapports et de tableaux de bord qu’au niveau de la structuration du modèle de données.

Dans ce contexte, l’appui pour les entreprises est celui de la compétitivité économique. En apportant de l’agilité, la Business Intelligence permet d’accélérer le processus de diffusion des rapports décisionnels et d’avoir ainsi davantage de réactivité. Grâce à une analyse des données plus rapide, les décisions stratégiques peuvent être prises plus vite, sans perdre en efficacité.

Donc, la Business Intelligence moderne (également appelée « self-service » BI), répartisse les rôles au sein de l’entreprise : au sein d’une petite équipe, les collaborateurs peuvent par exemple réunir plusieurs rôles, mais une croissance de rapports à grande échelle peut aussi nécessiter une séparation claire et précise de ceux-ci. Néanmoins, si elle donne aux utilisateurs métier un accès au pilotage des analyses de données, la Business Intelligence moderne ne doit pas pousser ces derniers à se lancer seuls dans la assistance du modèle de données décisionnelles, plus difficile que la création de rapports et qui demande donc des connaissances pointues pour rester efficace. En cela, la BI moderne est un vecteur fort de coopération entre les services d’une même entreprise : elle pousse les utilisateurs métier à travailler de concert avec d’autres collaborateurs, plus transversaux, afin de déboucher les DSI et de s’assurer une réactivité décisive dans un marché toujours plus pressé.

La modification de la Business Intelligence est toujours en cours. L’étape suivante à appréhender sera l’intégration de plus en plus forte des outils collaboratifs dans les entreprises. A terme, la réunion de plusieurs « business apps » permettra la création de systèmes de Business Intelligence complets, capable de réaliser des simulations basées sur des hypothèses saisies directement dans l’outil d’analyse de données.

Les accidents du travail à un niveau historiquement bas

Les accidents du travail n’ont jamais été aussi peu fréquents depuis soixante-dix ans. En 2017, il y en a eu 33,4 pour 1 000 salariés, soit une diminution de 0,5 % par rapport à l’année précédente, selon les statistiques dévoilées, jeudi 15 novembre, par la direction des risques professionnels de l’Assurance-maladie. Ce recul de la « sinistralité » est général, à l’exception de deux secteurs. Celui de « l’aide et des soins à la personne » continue d’enregistrer une progression, avec un ratio de 52,8 ‰ – les activités les plus touchées se situant dans l’aide à domicile et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), avec un score de 97,2 ‰. L’autre branche concernée par une poursuite de la hausse est l’intérim, où « l’indice de fréquence » atteint 53,6 ‰ : une tendance liée, en partie, à la bonne santé des entreprises de travail temporaire depuis quelques années.

Le bâtiment et les travaux publics (BTP) demeure à des niveaux élevés (56,8 ‰, soit 23 points de plus que la moyenne nationale) mais l’indicateur reste orienté à la baisse, de façon « quasi continue depuis vingt ans ».

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Les ouvriers plus exposés que les cadres

Une autre étude, diffusée jeudi par l’Insee, montre que 26 % des travailleurs déclarent avoir été blessés au moins une fois dans le cadre de leur activité professionnelle. L’enquête (conduite auprès de personnes qui occupaient un emploi en 2013 ou qui en avaient occupé un auparavant) révèle d’importantes disparités selon les catégories socioprofessionnelles et les secteurs. Ainsi, les ouvriers sont beaucoup plus exposés que les cadres : 40 % dans le premier cas, contre 16 % dans le second. Les individus employés dans la construction sont les plus nombreux à indiquer avoir subi un « accident du travail ayant entraîné une blessure » (42 %). Viennent ensuite le transport (34 %), l’agriculture (32 %) et l’industrie (31 %). De façon assez prévisible, les services financiers (13 %) et l’information-communication (14 %) sont beaucoup moins touchés.

Un quart des répondants, qui affirment avoir été blessés, estiment être encore limités dans leur vie quotidienne à cause du dernier accident dont ils ont été victimes. Ces « limitations » sont plus répandues chez les agriculteurs (34 %), les employés (28 %) et les ouvriers (27 %).

Dans 75 % des cas, « le dernier accident a contraint la personne à s’arrêter de travailler au moins un jour », relate l’Insee. Ce pourcentage est plus faible chez les agriculteurs ainsi que les artisans, commerçants et chefs d’entreprises. Des écarts sans doute imputables aux « spécificités des régimes de protection sociale des indépendants », juge l’Insee : « Parmi tous les accidentés », 15 % des agriculteurs et 9 % des artisans, commerçants et chefs d’entreprises expliquent « qu’ils n’ont pas été indemnisés parce qu’ils n’étaient pas couverts ». Or une telle situation est extrêmement rare pour les autres catégories (3 %).

Bertrand Bissuel

LA SILICON VALLEY À LA FRANÇAISE

Au sud-ouest de Paris est en train d’apparaître un pôle d’innovation de rang mondial. Des universités, des grandes écoles et des centres de R&D affluent sur le site Paris-Saclay, qui réunit déjà 15% de la recherche privée et publique française.

Ce n’est encore qu’un vaste chantier, une zone particulièrement agricole dominée d’une immense forêt de grues. Aux confins de l’Essonne et des Yvelines, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, tout un pôle de recherche et d’innovation est en train de se construire à un rythme effréné : le cluster Paris-Saclay. L’Ecole polytechnique, CentraleSupélec, l’Institut de mathématique d’Orsay, l’Institut d’optique et l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) y ont déjà installé dans des locaux flambant neufs. Ils ont rapidement été rejoints par Horiba (le géant japonais de l’optique et de l’instrumentation), par l’EDF Lab et ses 1.000 salariés et étudiants, par le centre de recherche de l’avionneur Safran et par Nokia.

Et ce n’est qu’un début. Normale sup Cachan, Télécom ParisTech, AgroParisTech et les départements de biochimie de l’université Paris-Sud sont attendus d’ici à 2021, ainsi que Total ou la R&D du groupe pharmaceutique Servier. C’est simple : en incluant les agglomérations de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui font désormais partie du nouveau pôle, Paris-Saclay concentre déjà 15% de la recherche française, publique et privée. A terme, on devrait atteindre 20%.

  • 1,7 million de mètres carrés aménagés, dont 560.000 déjà réalisés en mars 2018. 4.100 hectares de zone naturelle protégée, dont 2.500 de terres agricoles. 5,3 milliards d’eurosinvestis par l’Etat (construction de la ligne 18 comprise). 18.000 logements (dont 8.000 destinés aux étudiants).

Business et neurones

“L’idée d’une Silicon Valley à la française est né en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en même temps que le Grand Paris et le projet de supermétro”, raconte Philippe Van de Maele, le directeur de l’Etablissement public d’aménagement Paris-Sacaly, qui pilote l’opération. L’objectif fixé à cet ingénieur, ancien président de l’Ademe et passé par chez Bouygues, est clair : assembler sur un seul territoire les fleurons de la recherche académique et privée française, afin de favoriser les échanges entre chercheurs, étudiants et entreprises, mais aussi de gagner en visibilité internationale. Le choix du plateau de Saclay s’est imposé naturellement : le CNRS s’y est installé après la Seconde Guerre mondiale, suivi par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’université Paris-Sud. Dès la création du projet, il a été prévu d’inscrire le site, desservi seulement par la nationale 118, dans le plan de la future ligne 18 du métro Grand Paris Express, qui devra le relier notamment à Orly et à Versailles.

“Le projet se décline en trois volets, détaille Philippe Van de Maele. Le volet académique, le volet économique et le volet urbain, lequel inclut la construction de logements, d’écoles et de commerces au coeur même du nouveau campus.” Premier à être lancé, le projet académique est ambitieux : il a comme objectif d’ouvrir une université de rang mondial, destinée à figurer dans le top 20 du célèbre classement des universités de Shanghai, donc bien mieux cotée que Sorbonne Université, l’entité née en janvier de la fusion de Pierre-et-Marie-Curie et de Paris IV… qui pointe aujourd’hui à la 36e place.

L’université Paris-Saclay, qui s’ouvrira officiellement le 1er janvier 2020, va réunir une vingtaine d’établissements (les universités de Paris-Sud, Evry et Versailles-Saint-Quentin, des grandes écoles, le CNRS, le CEA, l’Inra, l’Inria…) et va publier sous sa bannière toutes les thèses produites. Très imposant, son périmètre sera pourtant moins étendu que prévu : Polytechnique, rechignant au mariage et craignant les “lourdeurs” de ses partenaires universitaires, a en effet décidé de faire cavalier seul au sein d’un institut technique de type MIT, constitué avec l’Ensta (Ecole supérieure des techniques avancées), l’Ensae et Télécom SudParis.

Esprit lab

La création d’un pôle académique est un argument de taille pour encourager les entreprises à installer leurs équipes de R&D sur le plateau. Comme l’a fait EDF avec son EDF Lab. “La plupart de nos partenaires académiques – le CEA, Supélec, Polytechnique, Normale sup – se existent sur place, explique Jean-Paul Chabard, directeur scientifique de la R&D. Cela nous a semblé évident d’y déménager les 1.200 salariés de notre ancien centre de recherche de Clamart.” Adepte de l’innovation ouverte, l’électricien anime en effet depuis plusieurs années des laboratoires de recherche communs avec ces établissements, sur des thèmes aussi variés que les réseaux électriques intelligents ou les séismes. Il a aussi profité de son arrivée sur le plateau pour y ouvrir, avec Total et Air liquide, l’Institut photovoltaïque d’Ile-de-France, consacré à la recherche sur les énergies nouvelles. Afin de bénéficier de l’effet campus, EDF Lab joue la carte de l’interaction et prête volontiers son amphithéâtre de 550 places à ses partenaires ou à ses nouveaux voisins. Si l’énergie s’annonce comme une spécialité forte du futur pôle d’innovation, elle est loin d’être la seule.

L’intelligence artificielle devrait également s’y épanouir, avec la création d’un center for data science, consacré à développer les outils nécessaires à l’analyse du big data. Il se murmure aussi qu’IBM pourrait installer ici un centre de recherche européen sur le sujet. Le pôle s’installe en outre dans le secteur de la santé, capitalisant sur la présence dans le voisinage du centre de R&D de Danone, mais aussi sur l’arrivée en 2021 des équipes de recherche des laboratoires Servier. Attiré par l’installation imminente à Saclay de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, Servier veut y regrouper ses trois centres de recherche français et annonce l’ouverture d’un incubateur qui mettra à la disposition des start-up une panoplie d’équipements destinés à la pharmacie.

En attendant les étudiants

Si les jeunes pousses ne sont pas encore légion sur le plateau, Philippe Van de Maele se dit bien décidé à les y attirer, avec l’ouverture, dans deux ans, d’un IPHE (incubateur, pépinière, hôtel d’entreprises). Il a mit en place, avec VivaTech, la première édition du Paris-Saclay Spring, qui a rassemblé 320 start-up et nombre de directeurs R&D en mai 2018.”Il faut que Paris-Saclay soit dans le logiciel des investisseurs et des business angels”, proclame-t-il. Les locataires de l’IPHE pourront en tout cas tester leur ingéniosité en s’efforçant d’améliorer la vie quotidienne sur le plateau, car elle relève plus aujourd’hui de la galère et de la débrouille que de la fluidité propre aux grands campus technologiques.

Alors que l’ouverture de la ligne 18 du métro était programmée en 2024, le gouvernement l’a retardé à 2027 pour le tronçon vers Orly et à 2030 vers Versailles ! Un mauvais coup porté à Paris-Saclay. “C’est à croire que l’Etat ne comprend pas son propre projet », glisse un observateur, amer, qui rappelle que 50.000 personnes gagneront le plateau tous les jours en 2020 et 70.000, à terme. Certaines entreprises ont déjà mis en place des navettes, comme celle que se partagent les salariés d’EDF, de l’Onera et du CEA, à partir de la porte d’Orléans, à Paris. L’autopartage a de beaux jours devant lui… ainsi que les embouteillages, déjà légendaires. Sans compter que ce gros raté pourrait aussi refroidir les ardeurs de certaines entreprises… et des habitants appelés à s’installer bientôt dans les 10.000 logements familiaux planifiés sur le site.

L’excellence sur un plateau

“Trop tard pour reculer, se rassure Philippe Van de Maele. Avec tous les projets en cours, la taille critique est dépassée.” Des entreprises et écoles commencent même à communiquer sous la marque Paris-Saclay. Plus anecdotique, mais indispensable à la vie d’un lieu qui veut favoriser l’échange et les interactions, l’ouverture de cafés et autres lieux de convivialité devrait bientôt réconforter les salariés déjà présents sur le site : à défaut d’un transport express, ils pourront siroter un expresso en se félicitant de figurer parmi les pionniers d’un pôle d’innovation destiné à faire partie des huit premiers du monde, selon le MIT. “Le prochain Google sera français et naîtra sur le plateau”, prédit Philippe Van de Maele. On ne demande qu’à le croire.

 

Diplômés sans emploi, comment ce vendre sur le marché du travail ?

C’est à ce moment qu’ils ont besoin d’un conseil personnalisé et d’un coaching de groupe, pour apprendre à définir leur profil et à présenter leurs compétences de manière convaincante sur un marché du travail compétitif et exigeant. C’est ce qu’offre Jeunes@Work, un programme de placement premier emploi créé en 2008 par le Service de l’emploi grâce à l’impulsion et au soutien du banquier genevois Patrick Odier. Porté par la fondation privée IPT (Intégration pour tous) dirigée par Marc Genilloud, le programme soutenu par des donateurs privés, le SECO et le service de l’emploi dans certains cantons.

«Ce qui manque aux jeunes à cette étape de leur vie, poursuit Cathy-Jill Barraud, c’est la connaissance du marché du travail, du monde des entreprises. Ces jeunes sont en décalage par rapport à ce monde; ce n’est pas du tout comme ils l’avaient imaginé. Ils peuvent être perdus, faire des erreurs dis-qualifiantes lors du premier entretien. Certains savent déjà où ils veulent travailler, mais pour d’autres, par exemple diplômés de Sciences Po, ou de psychologie, ou de géographie, c’est moins évident. Pour un criminologue, il est difficile de trouver un poste en Suisse. On les aide à convaincre, à avoir confiance dans le fait qu’on leur laissera leur chance s’ils sont motivés.»

Les jeunes apprennent aussi à développer un réseau. «Ils sont très informatisés et mettent des annonces sur des sites, mais on les encourage à demander des rendez-vous pour se renseigner sur un métier qui les intéresse, histoire d’établir des contacts», souligne Franck Layec.

Philippe Askenazy : « Robots ou travailleurs immigrés ? »

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Le robot acteur de théâtre nô mis au point par la société Seed Solutions, à Tokyo, le 17 octobre.
Le robot acteur de théâtre nô mis au point par la société Seed Solutions, à Tokyo, le 17 octobre. KIM KYUNG-HOON / REUTERS

Chronique « Tendances France ». Deuxième grand chantier social du quinquennat, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » opère une refonte de la formation professionnelle pour l’axer sur la transition vers une « société de compétences ». La nouvelle agence nationale créée à cet effet, France compétences, et la myriade de conseils en orientation professionnelle ne pourront éviter de considérer les effets du déploiement des technologies robotiques et de l’intelligence artificielle (IA). D’autant que le gouvernement multiplie simultanément les initiatives pour les développer. L’action de l’Etat balance de ce fait entre deux préoccupations : si la France n’a pas assez de robots et d’IA, elle ne sera pas assez compétitive ; mais ces derniers vont remplacer des masses de travailleurs qu’il faudra reconvertir.

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Au niveau mondial, les industriels de la robotique anticipent à court ou moyen terme une extension du recours aux robots dans le secteur manufacturier à un rythme régulier. Dans les autres secteurs, en revanche, la robotique couplée à l’IA connaîtrait un boom, mais en partant de niveaux très bas. Ainsi, les fameux robots d’accueil ne seraient tout au plus que quelques dizaines de milliers en 2022 sur la planète. Dans le secteur médical, où les investissements sont les plus importants en valeur, les robots n’auraient pas vocation à remplacer, par exemple, les chirurgiens, mais plutôt à améliorer leur productivité, alors que la formation de nouveaux professionnels ne suit pas les besoins croissants en effectifs.

Dans plusieurs pays, les technologies d’automation sont d’ailleurs vues comme une solution au déclin démographique. C’est le cas en l’Allemagne, où il faudrait une immigration nette annuelle de 400 000 personnes pendant les deux prochaines décennies pour compenser le déclin naturel de la population en âge de travailler. Des travaux théoriques récents formalisent même un déterminisme démographique que des évidences empiriques confortent. Par exemple, il existe une forte corrélation positive entre décroissance démographique et usage des robots industriels dans un large panel de pays (« Automation and demographic change », Ana Abeliansky et Klaus Prettner, Center for European Governance and Economic Development Research, Discussion Paper n° 310, avril 2017). Ce qui permet au passage de relativiser la nécessité de rattraper un « retard » français.