Grève d’employés de l’usine Goodyear Dunlop de Montluçon (Allier), le 31 janvier. FLORIAN SALESSE / LA MONTAGNE / MAXPPP
La mise en place de cette action dans la fabrique de Montluçon s’est expliquée par 88 départs, mais aussi par des gênes augmentées pour ceux qui sont restés.
Quand on avait contacté les responsables syndicaux de l’usine Dunlop-Goodyear de Montluçon (Allier) fin septembre, peu avant l’aboutissement de la rupture conventionnelle collective (RCC) mise en place dans la société, on les avait découverts plutôt positifs. Aucun ne se réjouissait des 88 suppressions d’emplois – « ce n’est jamais une bonne nouvelle » –, mais ils avouaient que cette nouvelle action créée un an plus tôt par les ordonnances travail avait au moins le privilégie de mettre en œuvre une contestation à froid, dépassionnée, sur la base du volontariat uniquement, alors que volait la menace d’un plan social.
La direction du fabricant de pneus, est l’une des premières en France à s’être saisie du mécanisme qui permet de trancher des postes sans devoir réhabiliter de pénuries économiques, contradictoirement à un plan de préservation de l’emploi ou un plan de départ volontaire. Dans le cas de Dunlop, la RCC était un outil de son « plan performance » visant à progresser la productivité d’une usine montrée comme la moins compétitive des sites Goodyear en Europe : il prédisait une réaménagement du travail afin de réduire de 20 % le coût du pneu, en produisant autant avec moins de salariés.
Le document de présentation du plan soulignait d’ailleurs sur le côté « consensuel » de cet « ajustement » des réels en « favorisant une organisation (…) plus souple et plus adaptée ». La direction avait déclaré une liste des postes où elle convoitait des départs, surtout au sein des deux équipes de week-end qu’elle aspirait de diminuer à une seule.
Une enveloppe de départ captivante
La CGT, syndicat ultramajoritaire, comme la CFDT, ont autorisé de s’asseoir autour de la table pour permuter les conditions de départ. « Par principe, la CGT est opposée aux RCC, mais il y a aussi le principe de réalité. Les salariés y étaient entièrement propices, on a été pragmatique », déclare David Guillaume, délégué CGT chez Dunlop à Montluçon.
Mesures financières motivantes avec de cohérentes indemnités supra-légales, congé mobilité, plan de formation, aide à la création d’entreprise, l’enveloppe de départ est captivante. « Mais on n’a pas trop fait monter les enchères, pour que l’engouement soit mesuré, mentionne David Guillaume. D’abord pour que ceux qui se soutenaient volontaires prennent le temps de réfléchir à deux fois : Goodyear est plutôt une bonne boîte et Montluçon n’est pas non plus le supermarché du travail. Ensuite pour supporter le rapport de force avec la direction : comme elle n’avait pas l’embarras du choix dans les candidats, elle n’a pas pu préférer à sa guise qui partait ou non, et a dû au contraire beaucoup ajuster et individualiser les propositions. »
« la France fait partie avec l’Italie et le Portugal des trois pays de l’Union européenne qui se caractérisent par « la pauvreté de la communication entre management et employés à propos de l’organisation du travail » Gary Waters/Ikon Images / PhotononstopJean-Pierre Bouchez
Professeur de management
Le professeur de management Jean-Pierre Bouchez articule les contradictions et les énigmes du « nouvel environnement de travail » résultant de l’usage du digital et de la réorganisation des espaces de travail
Les pratiques managériales ont continuellement été friandes de modes, particulièrement depuis quelques dizaines d’années. Le NWOF, pour New Way of Working, en forme l’une des illustrations typiques récentes. Cette formulation indique un nouvel environnement de travail conçu sur la combinaison entre les supports technologiques et le réaménagement fonctionnel des espaces, débouchant sur de nouveaux comportements au travail.
Ce nouveau décor amène à retoucher fortement les représentations traditionnelles du travail en assouplissant l’espace-temps classique et en engageant les collaborateurs à s’autonomiser et à se culpabiliser. Du côté des employeurs, les bénéfices attendus sont la réduction des coûts immobiliers (en diminuant l’espace dévolu à chaque occupant), un accroissement de la productivité (par l’usage généralisé du numérique) et un encouragement à l’innovation « disruptive » (en développant les pratiques collaboratives).
Du côté des assistants, les bénéfices attendus, notamment pour les jeunes millennials, intéressent la notion assez vague de « bien-être au travail ». La présence de chef happiness, au rôle souvent controversé, nourrit cette curieuse forme d’injonction au bonheur. Cette reproduction prometteuse correspond assez largement à ce qui est regardé, et procure de réelles satisfactions, comme nous avons pu l’enregistrer dans nos enquêtes de terrain.
Peu propice à la prise de risque et à l’innovation
La première étude robuste et exhaustive sur ce sujet, accomplie par IPSOS pour l’agenceur d’espace de travail Steelcase (L’Engagement et l’espace de travail dans le monde, 2016), déclare particulièrement que l’engagement des employés est corrélé à la satisfaction vis-à-vis de l’espace, et au degré de contrôle de leur environnement physique. Ces observations positives doivent malgré cela être complétées par une version plus sombre, créée justement sur la présence du contrôle, qu’il soit managérial, technologique ou social.
L’organisation constante à la cooptation de postures autonomes et responsabilisantes se heurte certainement au contrôle organisationnel et hiérarchique, peu propice à la prise de risque et à l’innovation. Lors de la visite de ces lieux, on ne manque pas d’être offert par l’usage incessant de badges magnétiques pour franchir les multiples espaces professionnels. Ce contrôle technologique omniprésent se recouvre aussi par la géolocalisation incessante des salariés, via les mêmes badges. Il permet notamment la visibilité généralisée et imposée des activités et plannings, via les calendriers professionnels annoncés sur tous les écrans.
Liron Ben-Shlush et Menashe Noy dans « Working Woman », de Michal Aviad. KMBOL’Israélienne Michal Aviad tourne, dans la vague #metoo, la progressive mainmise d’un patron sur son employée.
Liron Ben-Shlush et Menashe Noy dans « Working Woman », de Michal Aviad. KMBO
Tournant dans la vague #metoo, l’Israélienne Michal Aviad accomplit un film d’une sécheresse et d’une médiocrité bienvenues qui enseigne, au quotidien, comment la vie d’une jeune femme peut être affectée par une conduite de prédation sexuelle montant méchamment en puissance sous les dehors d’une requête d’efficience et de complicité professionnelles.
Interprété par Liron Ben-Shlush – qu’on avait déjà pénétrée très convaincante dans Chelli (2014), d’Asaf Corman – le personnage d’Orna trouve, au début du film, un travail exceptionnel comme assistante dans une agence immobilière spécialisée dans les produits de luxe. Une aubaine, alors que son mari, Ofer, qui se lance au même moment dans la restauration à son propre compte, peine à découvrir ses marques et que la famille tire le diable par la queue.
Devant Orna parade Benny (Menashe Noy), le patron de la société immobilière qui vient de la recruter. Père de famille, mais homme de pouvoir et séducteur irrépressible, le quinquagénaire utilise une gamme de comportements assez subtile pour parvenir à ses fins. Autoritaire et serviable. Amical et prédateur. Il ne régresse que pour mieux revenir à la charge. Et fait feu de tout bois. Promotion rapide, prolongement des journées de travail, voyages à l’étranger, tête-à-tête de plus en plus fréquents, coup de main donné à l’occasion au mari dans sa carrière naissante… Autant d’éléments qui, tant en vertu de la reconnaissance que du témoignage de loyauté professionnelle qu’ils engagent, œuvrent à un approche insidieux entre le patron et son employée.
Mutisme stoïque
Bientôt appelée directrice des ventes pour la clientèle française, Orna, seul pôle de stabilité financière du foyer, résiste en silence. Le mutisme stoïque dans lequel elle s’emmure, tour à tour flattée et choquée, va l’empêcher de prédire et de freiner la montée en puissance du désir de son patron, qui le conduira à transgresser toutes les règles.
Centré sur le couple, filmé en longs plans-séquences, le film laisse en jachère, par la force des choses, les autres personnages, comme le mari ou la mère d’Orna, qui ignorent de quoi il rentre. Encore que l’aveuglement auquel est cantonné le mari, et sa réaction de machiste obtus sur le tard, puisse être aperçu comme une sorte de connivence involontaire, et donc être mis au débit du genre masculin dans son ensemble, qui sort du film en très piteux état. Working Woman installé en revanche une liaison plus subtile entre le libéralisme destructeur qui vend à l’encan le littoral du pays à de riches étrangers et l’outrage à la libre disposition de leur corps dont sont victimes les femmes.
Film israélien de Michal Aviad. Avec Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen (1 h 33). Sur le Web : www.kmbofilms.com/working-woman
Le secrétaire CGT du comité de l’EDF, François Dos Santos, se soulève contre la volonté du gouvernement de diviser le groupe en deux succursales distinctes.
François Dos Santos est secrétaire CGT du Comité central d’entreprise (CCE) d’EDF. Il résiste aux divulgations du Parisien et du Monde sur le plan de l’administration pour réaménager le géant français de l’électricité. EDF pourrait être amenée à être distribuée en deux entreprises distinctes : d’une part le résultat d’électricité nucléaire et hydraulique, et de l’autre les énergies renouvelables, les services, les réseaux et la fourniture d’électricité.
L’administration et la direction d’EDF réaffirment œuvrer à un scénario de réaménagement de la société. Comment la CGT, premier syndicat du groupe, se positionne-t-elle ?
Pour les salariés d’EDF, il y a une grande incompréhension. C’est intolérable d’apprendre par la presse que notre avenir se joue à l’Elysée.
Pour notre part, nous considérons que toutes les activités du groupe doivent subsister ensemble. Toute volonté de changer le périmètre du groupe est inacceptable. On n’est pas partis pour négocier. Aucune concertation avec les organisations syndicales n’a d’ailleurs été engagée.
Le gouvernement estime que ce réaménagement pourrait donner de l’air à EDF et accepter au groupe d’investir…
Il y a en réalité deux sujets : le premier concerne la normalisation. Comment donne-t-on la possibilité à EDF d’investir dans le contexte actuel ? C’est le sujet majeur, il ne faut pas le négliger. Et ensuite, en fonction de cela, il y a une discussion sur l’organisation du groupe. Il n’y a aucune obligation à parler de la structure d’EDF. Honnêtement, il n’y a pas besoin de découper EDF pour avoir une meilleure normalisation.
Que vous inspire le plan de découpage en deux sociétés distinctes, chapeautées par une maison mère ?
Il y a en France depuis longtemps un fantasme sur la création d’un pôle industriel du nucléaire. Cela peut s’exprimer. Mais EDF ne peut pas n’être que cela ! Les agents EDF procurent de l’électricité à 30 millions d’abonnés et les font bénéficier d’un mix diversifié. Ce qui nous importe c’est que les gens aient du courant à un prix concurrentiel et qu’il y ait un service public de l’électricité. Ce n’est pas ce vers quoi on se dirige.
La seconde partie de l’entreprise ressemble à un agglomérat qui n’a pas beaucoup de sens : on y rassemblerait le réseau de distribution [Enedis], la fourniture d’électricité, les énergies renouvelables, les services. Il n’y a pas beaucoup de synergies possibles entre ces activités. Quel est le sens industriel de cette deuxième société ? Là aussi on peut s’attendre à l’arrivée de capitaux privés.
Ni la CGT, ni la commission centrale d’entreprise ne sont favorables à un assemblage qui vise à accroître la part privée du capital. Nous allons réfléchir à la mobilisation dès maintenant ; quand le plan aura été choisi par Macron et vendu à Bruxelles, ce sera trop tard.
Quelles peuvent être les résultats pour les salariés et pour les consommateurs ?
Cela peut avoir des résultats graves par exemple pour les 8 500 salariés de l’activité de commercialisation d’électricité. Les marges d’un EDF séparé de la production seraient très faibles et n’admettraient pas de maintenir des centres d’appels en France, et une forte qualité de service.
Pour les consommateurs, ce projet a de très grandes chances de conduire un accroissement des factures d’électricité.
La dirigeante du syndicat étudiant interdit la fermeture fin mars à la Sorbonne de la pièce de théâtre « Les Suppliantes », d’Eschyle, à la mise en scène dénoncée de « blackface ».
L’UNEF, segonde syndicat étudiant, s’est caractérisée sur la scène universitaire en supportant la fermeture de la pièce de théâtre Les Suppliantes, à la Sorbonne, le 25 mars. Mélanie Luce, qui a pris les rênes de l’organisation étudiante en février 2019, conserve cette position controversée.
Que répondez-vous aux nombreux universitaires qui ont révoqué cette condamnation des Suppliantes comme un « antiracisme dévoyé » et un « contresens » autour du « blackface » ?
Des étudiants de la Sorbonne sont venus nous voir pour nous parler de cette pièce, qui avait utilisé, l’année dernière, le « blackface », ce maquillage en noir qui existe dans le théâtre pour parodier. Ils étaient offensés. Même si cette pièce date du Ve siècle av. J.-C., elle s’inscrit dans l’actualité, la jouer ainsi, c’est soutenir le poids du « blackface ».
Le réalisateur a beau avoir définitivement choisi des masques cette fois-ci, ces derniers caricaturent de la même manière les personnes racisées, c’est-à-dire qui supportent un processus de racisation du fait des caractéristiques attribuées à leur couleur de peau. Nous avons demandé au metteur en scène de ne pas avoir recours à ce procédé, d’autres choix présentaient pour reproduire les Danaïdes. Ce n’est pas possible de reprendre aujourd’hui une mise en scène avec des connotations racistes. Le racisme, ce n’est pas une opinion, c’est un délit.
N’est-ce pas au juge d’arrêter en la matière ?
La totalité des étudiants à l’entrée de la pièce a été spontané. Nous concevons qu’ils aient réagi et se soient nommés. Il faut que cette pièce ait lieu mais sans mise en scène raciste. On soutient la culture, mais on est antiraciste. On pourrait aller au tribunal, mais ce n’est pas notre volonté, nous voulons parler avec le metteur en scène.
Nous sommes une génération qui est beaucoup plus délicate aux questions de discriminations. Nous avons conscience que le racisme transparaît dans tout notre quotidien. Ce n’est pas uniquement l’extrême droite, cela vient de toute la société, on peut avoir des pratiques racistes sans s’en rendre compte. C’est le principe d’une norme qui a été intériorisée.
L’obstacle de la pièce de théâtre « Les Suppliantes », d’Eschyle, à la Sorbonne, par des partisans de la cause noire est symbolique du développement de ces crispations.
Encoche énormément à la liberté d’expression, contresens, survenue d’une nouvelle sanction au nom d’un politiquement correct devenu absurde… Depuis le blocage de la pièce de théâtre Les Suppliantes, d’Eschyle, lundi 25 mars à la Sorbonne, par des partisans de la cause noire et des étudiants révoquant le racisme dont la mise en scène était à leurs yeux coupables, en raison des masques sombres des acteurs, les réactions pleuvent. Mais pour ceux qui travaillent au quotidien dans les universités, cet incident ne vient pas de nulle part. Il apparaît comme la manifestation extrême d’une série de problèmes qui se développent depuis plusieurs années.
Les thématiques autour de l’identité, qu’il se réalise du genre, de la religion ou encore de la « race », sont sources de crispations, dans les universités, depuis actuellement plusieurs années. Particulièrement dans les facs de sciences humaines, en première ligne sur ces sujets, qui mettent « tout le monde un peu mal à l’aise », admet un universitaire.
« Le climat est difficile sur ces questions à l’université, comme c’est le cas dans toute la société », conclu Hervé Christofol, secrétaire général du Snesup-FSU, l’un des deux principaux syndicats de personnels de l’enseignement supérieur. « Il y a constamment eu une contestation du discours universitaire, des accusations de parti pris idéologique… Ce sont les objets qui changent avec les époques, et aujourd’hui, cela se concentre sur les questions de repli identitaire », poursuit Alain Tallon, doyen de la faculté des lettres de Sorbonne université, qui compte reprogrammer la pièce de théâtre en mai. Dans son établissement, l’historien décrit ces problèmes comme un phénomène « très ponctuel ».
A l’université de Paris-Nanterre, le président Jean-François Balaudé a aussi vu émerger de telles angoisses : « Il y a une sensibilité qui émane d’associations étudiantes, très minoritaires, qui portent des revendications fortes en termes de lutte antiraciste et qui, pour quelques-unes, ont tendance à faire une lecture raciale des politiques que conduisent les universités. » Lorsque l’université ne répond pas à une demande de locaux pour un événement ou un débat, elle est tout de suite « suspectée de complaisance envers les discriminations », déclare-t-il.
Dans l’usine de tri Veolia d’Amiens, en octobre 2018. FRANCOIS LO PRESTI/AFP
Dans la fabrique Veolia d’Amiens, une sélection mécanique accomplie par un robot facilite le travail des assistants.
Où vont les pertes récupérables que l’on dépose dans les poubelles de sélection sélective ? Pour douze collectivités du département de la Somme, ils commencent par être déversés par les camions de collecte dans le grand hangar de l’usine Veolia, en périphérie d’Amiens, où flotte une odeur douceâtre. Deux équipes de onze personnes se relaient quotidiennement pour choisir et séparer dans cette masse douze matières premières (aluminium, acier, carton, papier, PET clair, PET foncé, film plastique…). Celles-ci sont après conditionnées dans de grandes balles homogènes pour être recyclées dans des filières spécifiques.
Depuis son ouverture en 1998, le centre de tri d’Amiens a été maintes fois mis à jour. « Avant 2013, l’ensemble des opérations de tri étaient effectués par les opérateurs, rappelle Philippe Herdhebaut, le directeur du site. Depuis, un premier tri par séquence est accompli par des machines, des trommels et des souffleries, qui séparent les grandes familles de déchets. Un tri optique, conçu par Veolia, a aussi été introduit en 2016. L’objectif était d’abord d’améliorer les conditions de travail et, surtout, de diminuer les contacts avec des déchets dangereux. »
« Les opérateurs ne participent plus qu’en contrôle du tri mécanique pour en fournir la qualité »
En fin de ligne, dans une cabine isolée où une forte ventilation a été établie, les agents situés de part et d’autre de deux tapis roulants ont les yeux rivés sur les déchets qui défilent. « Les opérateurs n’interviennent plus qu’en contrôle du tri mécanique pour en assurer la qualité, déclare Philippe Herdhebaut. Les cadences restent importantes. Pour éviter les troubles musculaires et osseux, nous avons mis en place des procédures, comme une gymnastique de 10 minutes avant le démarrage, un changement de poste toutes les heures et des postes qui s’adaptent à la taille de l’opérateur pour que le mouvement soit le plus fluide possible. »
Renforcement des consignes de tri
A côté des opérateurs, une cabine particulière a été édifiée pour accueillir, en avril 2018, une machine d’un nouveau genre. Six mois de réglages ont été nécessaires pour qu’elle se constitue une photothèque de déchets. Actuellement, le robot Max-AI détecte et sépare, au rythme de 3 600 gestes par heure (contre 2 200 pour un opérateur humain) les plastiques qui n’ont pu être retirés de la ligne des papiers. « L’intelligence artificielle nous aide à faire face à l’extension des consignes de tri, mise en place en 2016 pour les collectivités de la Somme clientes de Veolia, mentionne Philippe Herdhebaut. Cette simplification, pour les ménages, de l’usage de leur poubelle jaune nous apporte des volumes en augmentation de 30 %, des objets plus légers, donc plus pénibles à trier, et une plus grande variété de plastiques. »
Dans le cadre d’une exploitation agricole par exemple, le salaire versé au conjoint peut être intégralement déductible. Philippe Turpin / Photononstop
La loi de finances pour 2019 a effacé le plafond de 17 500 euros pour le salaire donné à son compagnon marié sous un régime de communauté, déclare l’avocat Daniel Gutmann.
En tant qu’entrepreneur, puis-je retranche totalement le salaire de mon conjoint de ma déclaration de revenus ?
L’exploitant individuel d’une société commerciale, libérale ou agricole, ne pouvait jusqu’ici retrancher le salaire qu’il répandait à son conjoint marié sous un régime de communauté que dans la limite de 17 500 euros. En revanche, ce plafond ne s’apposait pas aux exploitants adhérents d’un organisme de gestion agréé, organisme dont la fonction est notamment de vérifier la cohérence de leurs déclarations fiscales. Cette mesure formait ainsi une incitation pour les contribuables à adhérer à ce type d’organisme.
La loi de finances pour cette année a annulé le plafond de 17 500 euros et, par conséquent, la distinction qui existait en la matière entre les adhérents et les non-adhérents à un organisme de gestion agréé.
Aussitôt, que l’exploitant soit adhérent ou non, le salaire attribué au conjoint est totalement déductible, sous réserve naturellement de respecter les conditions générales de déductibilité (participation effective du conjoint à l’exercice de la profession et assujettissement du salaire aux cotisations et prélèvements sociaux).
Cette mesure s’appose pour la résolution de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2018 (y compris donc aux salaires versés au cours de l’exercice clos en 2018) et pour les années à venir.
« Outre les abus d’autorité, le décalage entre éthique et pratique pose ici une pénurie additionnelle pour les salariés. Travailler pour un patron ouvertement “de gauche” n’est pas anodin : c’est souvent partager ses idées politiques. » ÉRIC AUDRAS / PhotoAlto / Photononstop
La distance entre la morale et les pratiques demeure la marque de l’usine des « patrons de gauche », développent un sociologue et un syndicaliste.
Ce ne sont pas les plus abondant ni les plus perceptibles, on les voit peu dans les débats et les médias, ce sont les chefs et patronnes de gauche. A mi-chemin entre des valeurs progressistes, parfois même anticapitalistes, et une position de chef de la société où la logique de marché reste prédominante, ces patrons échappent souvent aux radars.
Alors que pour un travailleur « de gauche », œuvrer pour l’un d’entre eux devrait être l’emploi idéal, la réalité révèle parfois amère. Nous avons consulté une vingtaine de personnes sur leurs expériences de travail dans des coopératives, des associations et des sociétés de l’économie sociale, mais aussi des syndicats, des médias ou encore comme attachés parlementaires d’élus de gauche, afin de débarrasser quelques enseignements sur le profil et le conduite de « patrons de gauche ».
« Faites ce que je dis, pas ce que je fais. » C’est la première caractéristique des patrons de gauche : il y a fréquemment chez eux un espacement entre l’éthique affichée et les pratiques. Comme le raconte un ancien assistant parlementaire : « Mon élu défendait le droit au repos dominical dans l’Hémicycle, mais il faisait parfois travailler son équipe toute la semaine, dimanche compris, sans même accorder un repos le lundi. »
Une position délicate
Quoi qu’on puisse en dire, « être de gauche » ne défend pas des mauvaises pratiques patronales : horaires irréguliers, harcèlement professionnel, embauche des « petits jeunes » corvéables à merci, salariés changés par des stagiaires, rétribution affinitaire, absence de transparence, etc. Il arrive aussi que les patrons de gauche, comme les patrons tout court, soient de mauvais patrons.
En plus des abus d’autorité, le décalage entre éthique et pratique pose ici une gêne supplémentaire pour les salariés. Travailler pour un patron ouvertement « de gauche » n’est pas anodin : c’est souvent partager ses idées politiques. Or, comme le mentionne Michel Gollac (« Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail », rapport au ministre du travail, avril 2011) les conflits de valeurs sont source de malaises, abaissent l’image du métier aux yeux des salariés, alimentent le sentiment d’inutilité du travail.
Une autre caractéristique de ces patrons est souvent de ne pas s’assumer comme employeurs, d’être mal à l’aise dans la relation de subordination avec leurs salariés et de faire comme si les hiérarchies salariales avaient disparu en poursuivant à s’appeler « camarade ». Une parlementaire va par exemple jusqu’à contester les hiérarchies salariales et revendique d’avoir créé un mode nouveau de gestion « sans chef », « horizontal et participatif ».
Un employé de JD.com livre un bouquet de fleurs lors d’un évènement de la Saint-Valentin organisé par la société chinoise de commerce électronique à Chengdu, dans la province chinoise du Sichuan, le 12 février. FRED DUFOUR / AFP
Les développeurs chinois s’arrangent. Depuis quelques semaines, ils révoquent leurs conditions de travail sur GitHub, le site de répartition de code informatique, et l’une des inhabituelles plates-formes étrangères non blâmées en Chine. Alors que l’économie chinoise freine, certaines entreprises tentent de compenser des résultats en baisse en augmentant la pression sur leurs salariés, contraints à faire des heures additionnels. Le numéro 2 du commerce en ligne en Chine, JD.com, qui poursuivrait à révoquer 8 % de ses employés, menace les moins dévoués.
Sur GitHub, les programmeurs chinois dénoncent le rythme « 996 » qu’on leur impose : œuvrer de 9 heures à 21 heures, 6 jours sur 7. Soit des semaines à 72 heures, quand la loi chinoise exige qu’au-delà de 40 heures par semaine, les heures additionnelles soient volontaires, équilibrées, et ne devancent pas 36 heures par mois au total.
La culture du « 996 »
La lassitude couve depuis fin 2018. En raison des mauvaises conséquences, des entreprises chinoises de la tech ont pris de premières mesures d’économies. Baidu, Tencent, Alibaba ont annoncé des embauches en baisse, voire des réductions d’effectifs. Un rapport du site de recherche d’emplois Zhaopin observait une baisse de 15 % des offres publiées par les entreprises de la tech en janvier 2019 par rapport au même mois de l’année précédente. Les employés ont ressenti les premières conséquences de ces mesures d’austérité juste avant le nouvel an lunaire, début février, qui est la période traditionnelle de paiement des primes de fin d’année.
« Si vous ne vous sentez pas sous pression dans votre entreprise, vous feriez mieux de partir, parce que cela veut dire que votre employeur est en train de mourir »
En janvier, c’est le patron d’une plate-forme de commerce en ligne, Youzan, qui a initier le débat en appelant ses employés à opter la culture du « 996 ». « Si vous ne vous sentez pas sous pression dans votre entreprise, vous feriez mieux de partir, parce que cela veut dire que votre employeur est en train de mourir », écrivait-il sur le réseau social WeChat. Sur GitHub, la plateforme des développeurs, une page « 996 ICU » a été créée, parce qu’à œuvrer 12 heures par jour, 6 jours sur 7, vous risquez de finir en « Intensive care unit » (unité de soins intensifs). Le sujet avait été commenté ou « aimé » 211 000 fois, vendredi 12 avril. Un record. C’était aussi l’un des plus éclaircis sur Weibo, plate-forme chinoise similaire à Twitter, début avril.
La colère de la communauté des programmeurs n’a pas empêché d’autres sociétés de suivre l’exemple de Youzan. Chez JD.com, les salariés du service client ont encaissé un avertissement, d’après un e-mail interne publié sur un réseau social chinois. Il mettait en garde les travailleurs qui « ne se battaient pas pour en faire plus, quels que soient leurs performances, leur poste, leur santé ou leur situation familiale ». Mi-février, l’entreprise avait déclaré le licenciement de 10 % des cadres, et voulait supprimer la partie fixe du salaire de ses livreurs. D’après le site américain The information, JD.com voudrait licencier 12 000 postes.
« Nous n’avons pas besoin de ceux qui ne veulent travailler que 8 heures par jour, commodément »
Le créateur du groupe, Liu Qiangdong, a répliqué aux critiques sur Wechat, vendredi : JD.com n’optera pas le « 996 », mais doit garder l’esprit de combat de ses débuts et annuler des postes d’encadrement inutiles, a-t-il déclaré. Jack Ma, le fondateur d’Alibaba a aussi défendu cette culture de l’employé qui ne compte pas ses heures, sans qui ni son groupe, ni Tencent, l’autre géant de la tech de l’empire du Milieu, n’auraient vu le jour. « Nous n’avons pas besoin de ceux qui ne veulent œuvrer que 8 heures par jour, confortablement », a-t-il déclaré lors d’un séminaire interne le 11 avril, d’après le compte WeChat officiel de l’entreprise.
Une licence qui oblige à respecter le droit du travail
La culture du « 996 » n’est pas nouvelle mais elle était plus pratique à digérer quand la tech chinoise éprouvait une croissance insolente, qui s’interprétait par des augmentations de salaires à deux chiffres tous les ans. « Tout le monde travaillait à ce rythme, mais avant, il y avait une énergie très positive. Actuellement, la carotte n’est plus là », déclare Elliott Zaagman, présentateur du podcast China Tech Investor. Il poursuit :
« L’augmentation est moins rapide, il y a moins d’argent facile. Au point que beaucoup d’entreprises annulent des postes. Chez JD.com, le management voudrait des salariés plus motivés, qui travaillent plus dur. Mais cela ne fonctionne que si les entreprises tiennent leurs promesses, comme chez Huawei où les employés, qui sont tous actionnaires, encaissent des primes très importantes grâce à la croissance de l’entreprise. »
Pour se défendre, certains développeurs ont assimilé une licence à leurs codes qui oblige les clients à respecter le droit du travail. En vertu de cette licence, les développeurs d’un logiciel libre peuvent attaquer une entreprise qui utiliserait leur code et abuserait de ses employés. C’est Katt Gu, étudiante en thèse d’informatique à l’université de l’Illinois et consultante juridique pour la start-up Dimension à Shanghaï, qui a défini les limites de cette « licence anti-996 ».
Elle développe :
« C’est une arme additionnelle. Si votre patron vous force à faire des heures additionnelles et que votre entreprise utilise ces codes, vous pouvez vous adresser non seulement à la justice, en vertu du droit du travail, mais vous pourrez aussi contacter le propriétaire des droits du logiciel, qui pourra attaquer la société sur le terrain de la législation des droits d’auteur. »
Déjà plus d’une centaine de programmes ont été placés sur GitHub intégrant la licence, conclu cette dernière.
Liron Ben-Shlush et Menashe Noy dans « Working Woman », de Michal Aviad. KMBO
Tournant dans la vague #metoo, l’Israélienne Michal Aviad accomplit un film d’une sécheresse et d’une médiocrité bienvenues qui enseigne, au quotidien, comment la vie d’une jeune femme peut être affectée par une conduite de prédation sexuelle montant méchamment en puissance sous les dehors d’une requête d’efficience et de complicité professionnelles.
Interprété par Liron Ben-Shlush – qu’on avait déjà pénétrée très convaincante dans Chelli (2014), d’Asaf Corman – le personnage d’Orna trouve, au début du film, un travail exceptionnel comme assistante dans une agence immobilière spécialisée dans les produits de luxe. Une aubaine, alors que son mari, Ofer, qui se lance au même moment dans la restauration à son propre compte, peine à découvrir ses marques et que la famille tire le diable par la queue.
Devant Orna parade Benny (Menashe Noy), le patron de la société immobilière qui vient de la recruter. Père de famille, mais homme de pouvoir et séducteur irrépressible, le quinquagénaire utilise une gamme de comportements assez subtile pour parvenir à ses fins. Autoritaire et serviable. Amical et prédateur. Il ne régresse que pour mieux revenir à la charge. Et fait feu de tout bois. Promotion rapide, prolongement des journées de travail, voyages à l’étranger, tête-à-tête de plus en plus fréquents, coup de main donné à l’occasion au mari dans sa carrière naissante… Autant d’éléments qui, tant en vertu de la reconnaissance que du témoignage de loyauté professionnelle qu’ils engagent, œuvrent à un approche insidieux entre le patron et son employée.
Mutisme stoïque
Bientôt appelée directrice des ventes pour la clientèle française, Orna, seul pôle de stabilité financière du foyer, résiste en silence. Le mutisme stoïque dans lequel elle s’emmure, tour à tour flattée et choquée, va l’empêcher de prédire et de freiner la montée en puissance du désir de son patron, qui le conduira à transgresser toutes les règles.
Centré sur le couple, filmé en longs plans-séquences, le film laisse en jachère, par la force des choses, les autres personnages, comme le mari ou la mère d’Orna, qui ignorent de quoi il rentre. Encore que l’aveuglement auquel est cantonné le mari, et sa réaction de machiste obtus sur le tard, puisse être aperçu comme une sorte de connivence involontaire, et donc être mis au débit du genre masculin dans son ensemble, qui sort du film en très piteux état. Working Woman installé en revanche une liaison plus subtile entre le libéralisme destructeur qui vend à l’encan le littoral du pays à de riches étrangers et l’outrage à la libre disposition de leur corps dont sont victimes les femmes.
Film israélien de Michal Aviad. Avec Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen (1 h 33). Sur le Web : www.kmbofilms.com/working-woman