Des médecins salariés oppose les déserts médicaux

Le docteur Charles Dorsinville avec une patiente, au centre départemental de santé, le 15 mars 2019 à Sagy, en Saône-et-Loire.
Le docteur Charles Dorsinville avec une patiente, au centre départemental de santé, le 15 mars 2019 à Sagy, en Saône-et-Loire. 

Initier début 2018, le centre de santé départemental a déjà appelé 37 médecins et permis à 15 000 patients de rattraper un médecin traitant.

Denis Evrard est un maire chanceux. Plusieurs années après le départ à la retraite de son dernier médecin généraliste, sa ville de 2 000 habitants, à la périphérie de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), arrive enfin de récupérer un praticien. Grâce à une décision départementale originale pointant à lutter contre les déserts médicaux, Lux est devenue, le 11 mars, la douzième « antenne » du centre de santé de Saône-et-Loire. Avec ses 37 médecins salariés, ce mécanisme lancé début 2018 a d’ores et déjà permis à 15 000 personnes de reprendre un médecin traitant. Une réussite dans un département où le nombre de généralistes avait amoindri de 13,5 % entre 2007 et 2017.

Avec ses adjoints, l’élu divers gauche a installé ces derniers jours dans les boîtes aux lettres de tous ses administrés le mode d’emploi de la nouvelle antenne : un médecin présent quatre à cinq demi-journées par semaine, abordable seulement sur rendez-vous, mais avec des créneaux d’urgence disponibles le jour même, et sans dépassement d’honoraires. « Les généralistes des communes avoisinantes sont saturés, ils ne saisissent plus de nouveaux patients, explique M. Evrard. Et pour aller consulter à Chalon, quand on n’a pas de voiture, il faut adapter au moins quarante minutes en bus. Pour certaines personnes âgées, c’est très difficile. »

Pour cheminer, le mécanisme départemental prévoit une prise en charge des locaux et des charges (chauffage, ménage) par les municipalités. C’est un local municipal de 40 m2 établi par les agents municipaux dans une partie de la maison des associations, pour un peu plus de 15 000 euros, qui a fait l’affaire. « Etre obligé de payer avec les deniers publics pour avoir un médecin, ça m’a un peu chiffonné au départ, reconnaît M. Evrard, qui a été sollicité le jour de l’ouverture par des infirmières libérales venues lui solliciter la même aide… Mais c’était la moins mauvaise solution. On n’avait pas certainement le choix, c’était ça ou rien. »

Satisfaits de leurs conditions d’exercice

Le docteur Eric Lequain, 56 ans, qui garantit aussitôt les quatre à cinq demi-journées de consultation par semaine à Lux, est un médecin heureux. Il y a dix ans, il avait tiré un trait sur quinze années d’exercice en libéral à Mercurey, une autre commune du département, pour former un emploi salarié au centre de transfusion sanguine. « J’étais parti parce que je ne pouvais pas maîtriser mon temps de travail, dit-il. J’arrivais à 7 h 30 le matin, je repartais à 20 heures, avec un sandwich au milieu. Je faisais cinq à six patients par heure. Il ne fallait pas être trop malade pour venir me voir… » Grâce aux conditions présentées par le département, il dit avoir repris goût à l’exercice de son métier.

 

Retraites : La ministre des solidarités et de la santé rappelle une augmentation de la durée de travail

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 12 mars 2019.
La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 12 mars 2019. LIONEL BONAVENTURE / AFP
Agnès Buzyn a précisé lors du « Grand Jury RTL-“Le Figaro”-LCI » qu’elle avait formulé une position personnelle.

La ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn a dit apercevoir dimanche de « offrir une augmentation de la durée de travail » lors des débats avec les collaborateurs sociaux « dans le cadre de la réforme générale » des retraites. « La question de l’âge de départ à la retraite est sans arrêt sur la table, à gauche comme à droite », a élevé, dimanche 17 mars, la ministre lors du « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ».

« Moi, j’entends ces débats. Le président de la République avait pris lors de sa campagne la promesse devant les Français de ne pas manipuler à l’âge de départ au retrait. Après, nous allons mener un changement des retraites pour rendre les retraites plus universelles, plus compréhensibles pour les Français et avoir un système qui poursuit notre système par répartition, peut-être que cela, ça sera en discussion avec les partenaires sociaux dans le cadre de la réforme générale », a-t-elle exposé.

Propos tenus à titre personnel

« Je n’y suis pas hostile », a continué la ministre, consultée sur l’enjeu de renvoyer l’âge de départ à la retraite. « Je suis médecin, je vois que la durée de vie augmente d’année en année, elle agrandi moins vite ces dernières années mais elle a amplement augmenté », a-t-elle fait valoir. « Est-ce que, alors que le nombre d’actifs réduit, nous allons pouvoir soutenir sur les actifs le poids des retraites qui vont accroitre en nombre et en durée ? Nous savons que cet équilibre-là va être de plus en plus difficile à tenir », a-t-elle estimé.

Comme on lui rapportait, en fin d’émission, les réflexes de surprises suscitées sur les réseaux sociaux par ses proclamations, la ministre a accentué qu’elle s’exprimait à titre personnel. « Je pense qu’un jour, un jour, nous serons obligés de travailler plus longtemps sinon notre système de retraite ne pourra pas tenir », a-t-elle précisé.

« Ce que j’ai dit, c’est que j’ai vu ces propositions affermir du grand débat. A partir du moment où les Français l’évoquent, c’est sur la table. A partir du moment où toutes les propositions qui sont amenées par le grand débat vont être étudiées, nous enseignerons celle-là comme les autres. Elle n’est pas [mise] sur la table actuellement par le gouvernement », a-t-elle retracé.

 

Etudiants étrangers : « “Bienvenue en France” », un cliché au nom de contre-vérité, ne doit pas être valorisé »

L’élévation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Communauté européenne piétine nos valeurs et intimidation la francophonie, déclare l’académicienne Barbara Cassin.

En France, on se soigne et on enseigne gratuitement (ou presque) et très bien (ou presque), de toute façon plutôt mieux qu’ailleurs. Voilà de quoi les Gaulois sont content et fiers, qu’ils aient un gilet jaune, un col blanc, ou un stylo rouge. Notre similitude, nos valeurs sont là, partagées, concrètes.

Je veux ici, très solennellement résister. Je veux faire entendre notre voix à nous, responsables et praticiens de l’enseignement, de la recherche, de l’éducation, de la culture. Pour dire que « Bienvenue en France », une mesure au nom de contre-vérité, une infox qui ose s’exposer comme un plan gouvernemental d’attractivité des étudiants internationaux, ne doit pas être mis en œuvre. Ni eu égard à ce que nous sommes, ni eu égard à la sacro-sainte économie.

La clé de ce dispositif, que l’on veut obliger les présidents d’université à apposer, comporte à faire payer très cher – 16 fois plus cette année qu’en 2018 – les droits d’inscription de certains étudiants. Pour ceux qui arrivent de pays hors Communauté européenne, ces droits augmentent de 170 à 2 770 euros pour la licence, et de 243 à 3 770 euros pour le master.

Des fonctionnaires aux ordres

Conséquence, pour ne converser que francophonie : sur le même banc, on découvrira un Belge, un Suisse, un Canadien (il y a des accords qui en font des « Européens »), soit des « riches » qui acquitteront comme nos enfants. Et on découvrira – ou plutôt on ne trouvera plus ! – un Sénégalais, un Algérien, un Haïtien, qui nécessiteraient mais ne pourront pas payer les droits qui leur sont sollicités. Le fils brillant d’un de mes collègues de Dakar a eu bien tort de choisir la France. Il a déjà perdu un an (refus de visa à cause de l’engorgement du consulat), et va égarer actuellement une autre année de cursus avant de choisir le Canada ou la Chine. Sélectionner par l’argent a de temps à autre été une bonne idée. Sauf pour le paiement de l’impôt.

Les exclus sont visés : francophones d’Afrique, du Maghreb, intellectuellement formés mais sans fortune. Avec un discours effrayant qu’on ne peut pas ne pas lire en filigrane : pourquoi nos impôts à nous financeraient-ils les études de Noirs et d’Arabes ?

Outre les valeurs ainsi broyées, les présidents de nos universités soi-disant autonomes appelés comme des fonctionnaires aux ordres et demain, si cela poursuit, les étudiants dans la rue avec leurs professeurs, dont je serai, l’idée même de « Bienvenue en France » va contre toute politique sagace et économiquement efficient à moyen comme à long terme.

Proportion prud’homal : le débat rejaillit à Paris

C’est la foire de saisir au conseil de prud’hommes de Paris. Dans ce tribunal égalitaire, des juges du collège employeur attaquent une de leur paire, insérée à la CGT, de les avoir dénoncés, en captivant des libertés dans la formulation d’une fin sur laquelle ils avaient dégagé ensemble. Il s’agit d’une manœuvre déloyale, opposé aux règles, s’indigne un représentant du Medef. « On ne peut plus avoir confiance », poursuit-il, en inspirant que des mesures soient prises à l’égard de sa collègue.

Dans cet affrontement, il y a un équilibre emblématique des ordonnances de 2017 sur la réécriture du code du travail : le plafonnement des révisions prud’homales. Les écrits envisagent désormais une grille de dommages-intérêts à allouer aux salariés victimes d’une résiliation infondée – avec des montants minimaux et maximaux en fonction de l’ancienneté dans la société

Existant dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, cette modération était considérée par le patronat car elle rend plus prévisible les décisions prud’homales. Mais la gauche et plusieurs centrales syndicales – dont la CGT – la désapprouvent, au motif qu’elle ne permet pas, à leurs yeux, une juste rétractation du préjudice subi par le laborieux congédié.

Paiement d’une « indemnité adéquate »

Bien qu’il soit entré en service, le dispositif poursuit d’être contesté, sur le terrain judiciaire. Ainsi, lors de plusieurs assistances, des avocats de salariés ont fait valoir que l’échelle était contraire à deux textes : la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte sociale européenne. Celles-ci prévoient qu’une juridiction doit pouvoir ordonner le versement d’une « indemnité adéquate » ou toute autre forme de rétablissement « appropriée » en cas de licenciement infondé.

Depuis la mi-décembre 2018, six conseils de prud’hommes ont apprécié que cet argumentaire fût pertinent et qu’il fallait, de ce fait, permettre des dommages-intérêts supérieurs à ceux fixés dans les ordonnances Macron. Dans quelques cas, les juges se sont formulés dans ce sens, sans même y être conviés par le conseil du salarié, durant les débats au tribunal.

Jusqu’à maintenant, les prud’hommes de Paris étaient demeurés à l’écart de ce déplacement de rébellion. Mais mercredi 13 mars, les esprits ont débuté à s’échauffer, Après la notification, très récente, d’une affaire rendu, fin novembre 2018, par cette juridiction. Le terme est, de prime abord, surprenante : elle alloue à une salariée des dommages-intérêts dont le montant correspond à la grille adoptée en 2017 mais elle cite pareillement la Charte sociale européenne et la Convention n°158 de l’OIT.

Pourquoi faire référence à ces deux textes sans en déduire, comme dans les six autres conseils de prud’hommes, que le barème Macron doit être écarté ? Selon nos informations, il s’agit d’une initiative prise par la juge prud’homale CGT, qui présidait l’audience ce jour-là. Lors du délibéré, auquel elle a collaboré avec trois collègues (une pour le collège salarié, deux pour la partie patronale), un accord avait été aperçu sur le sens général de la décision et sur le niveau de l’indemnisation.

Quand elle a consigné, seule, le jugement, la présidente CGT a fait le choix de citer la Charte sociale européenne et la convention de l’OIT. Or, « les conseillers employeurs, présents lors de l’audience, disent que cela n’avait pas été abordé en délibéré », rapporte Jacques-Frédéric Sauvage, vice-président (Medef) des prud’hommes de Paris. L’affaire éveille un émoi important, du côté des juges patronaux : ils y voient la manifestation d’une « malhonnêteté intellectuelle », qui pourrait justifier des sanctions.

« Rappel général des bonnes pratiques »

Comment développer la démarche de la conseillère CGT ? Elle n’a pas souhaité s’exprimer. Il semble qu’elle ait voulu évoquer les deux conventions internationales, de manière à convoquer que le barème Macron peut être éloigné. Une geste militant, en somme, mais dont la pertinence juridique s’avère éventuelle.

Pour l’heure, les juges employeurs se sont bornés à affirmer, sans escompter la moindre procédure. « Nous attendons de savoir quelles mesures seront envisagées par les responsables du collège salarié, confie M. Sauvage. Pour moi, il y a une question de confiance mutuelle qui se pose. Il n’est plus possible de se fier à elle. »

De son côté, le président (CFDT) des prud’hommes de Paris, Etienne Colas, favorise temporiser : « Je ne peux pas me prononcer sur les faits, n’ayant pas une connaissance précise de ce qui s’est passé. Mais à cette étape, ils me semblent tenir du non-incident et ne me semblent pas graves. » Il a l’intention d’adresser à l’ensemble de ses pairs un « rappel général des bonnes pratiques, notamment en matière de déontologie et de loyauté ». « Ce que dénonce la partie patronale, aujourd’hui, s’est déjà produit, avec des collègues du collège employeur qui s’écartaient un peu de ce qui avait été avoué au moment du délibéré, relate-t-il. Il faut donc que chacun balaye devant sa porte. »

 

Loi Pacte : « Faire le défi de la réussite de l’entrepreneur instruit n’est plus supportable »

Pour que les sociétés continuent à acquitter les innovations qui représenteront notre monde meilleur, elles nécessitent être juridiquement défendues contre le court-termisme des actionnaires, plaide Blanche Segrestin, professeure de gestion.

La loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) est maintenant en seconde lecture à l’Assemblée nationale, après son vote au Sénat. Elle prévoit, entre autres, une modification de la définition juridique de la « société ». Professeure de gestion à Mines ParisTech, Blanche Segrestin développe les imputations de ce changement pour les sociétés. Elle codirige, avec Armand Hatchuel, la chaire « Théorie de l’entreprise. Modèles de gouvernance et création collective » et a publié avec Kevin Levillain La Mission de l’entreprise responsable. Origines et normes de gestion (Presses des Mines, 2018).

Députés et sénateurs ne sont pas d’accord sur la récente formulation de l’article 1833 du code civil qui définit le statut de « société », selon lequel celle-ci doit être gérée « dans l’intérêt commun des associés ». L’article 61 de cette loi ajoute que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Quel est la participation de ce débat d’apparence exclusivement juridique ?

La crise de 2008 a mis en certitude le fait que, depuis le début des années 1980, les entreprises ont vecu une « déformation » de leur gouvernance, conséquence de ce que les chercheurs appellent « l’industrialisation de l’actionnariat », qui a consolidé les grands investisseurs institutionnels et les a simulés de techniques professionnelles destinées à optimiser leurs bénéfices. La critique s’est faite à peu près unanime pour révoquer les effets négatifs de la focalisation des entreprises autour du cours de Bourse et du court terme sur l’emploi et l’environnement, mais aussi sur la constance des entreprises elles-mêmes.

Mais cette critique ne suffit pas : la difficulté est que le statut juridique présent de la société peut être contraire par des actionnaires activistes aux entreprises qui convoiteraient opter une conduite plus responsable en matière sociale ou environnementale aux dépens de la profitabilité immédiate. Actuellement, la capacité des entreprises à innover face aux défis sociaux et climatiques est un point critique : or cette capacité n’est pas protégée par le droit. Lorsque, au XIXe siècle, il s’agissait de mobiliser d’importants moyens de production pour offrir de nouveaux biens et services, c’était cohérent. Mais cette logique a dissimulé le fait que les entreprises ne sont pas seulement des producteurs ; elles ont investi le champ de la science, de l’innovation, elles changent le monde dans lequel nous vivons, et ont en cela une implication collective, celle d’investir dans des futurs désirables.

Evolution des capacités : les sociétés françaises à la queue

« La robotisation des tâches est aussi appelée à s’accélérer : 52 % des entreprises françaises prévoient d’automatiser davantage le travail dans les douze prochains mois »
« La robotisation des tâches est aussi appelée à s’accélérer : 52 % des entreprises françaises prévoient d’automatiser davantage le travail dans les douze prochains mois » Images Etc Ltd/GO Premium / Photononstop

Une étude du cabinet de conseils Mercer étude le retard de la France en gestion anticipée de l’emploi pour s’accorder aux changements technologiques.

(IA), transformation digitale, robotisation… Bien que plusieurs métiers soient appelés à expirer au gré des mutations technologiques, les sociétés françaises prévoient trop peu la modification de leurs besoins en emploi. Telles sont les conclusions du cabinet de conseils Mercer, dans son étude annuelle sur les tendances mondiales en matière de gestion des talents, menée auprès de plus de 7 300 dirigeants, DRH et salariés dans seize pays (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Canada, Etats-Unis, Mexique, Brésil, Afrique du Sud, Emirats arabes unis, Inde, Chine, Hong Kong, Singapour, Japon, Australie).

Bien que la quasi-totalité des chefs d’entreprise (94 %) en France prévoient des mutations d’envergure dans les trois années qui vont venir, seul un tiers des entreprises affirme avoir une vision claire du but de leur stratégie en matière de ressources humaines. Malgré cela, « il y a un besoin très important d’anticipation », fait valoir Raphaële Nicaud, associée chez Mercer France. Dans cette étude, « nous avons distingué trois catégories d’entreprises : les traditionnelles, celles qui sont dans le changement, et les “révolutionnaires”. Or, la France a ceci de remarquable qu’elle compte un nombre très important d’entreprises qui pénètrent dans la première catégorie ».

La démarche de Mercer est consolidée par les conclusions du World Economic Forum, selon lequel les travailleurs français sont les plus mal fortifiés face à l’avènement de l’IA. Ils comptent aussi au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parmi les actifs les moins nombreux à avoir suivi une formation au cours des douze derniers mois. Alors même que les métiers transforment à toute vitesse : « les secteurs des médias, des technologies et des services financiers sont ceux qui ont connu les plus fortes mutations ces dernières années, souligne Raphaële Nicaud. Si on compare des descriptifs de postes d’aujourd’hui pour certains métiers, avec ceux d’il y a dix ans, on voit bien l’ampleur de la mutation. Toutes les tâches fréquentes sont appelées à disparaître ».

Augmentation de la robotisation

Selon Mercer, les seniors et les moins compétents sont en première ligne, dans la mesure où ils tapissent à être majoritaires sur les emplois où au moins la moitié du travail peut être déléguée à une machine. En lieu et place d’une bonne gestion envisagée de l’emploi, une solution plébiscitée par les sociétés françaises serait d’accentuer le recours à la sous-traitance. 96 % des cadres français questionnés pensent que les travailleurs indépendants vont modifier de manière substantielle les emplois à temps plein (contre 79 % en moyenne dans les autres pays étudiés).

 

« Expliquer la raison d’être de l’entreprise, un récent manœuvre stratégique »

Le projet de loi Pacte est en lecture à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi Pacte est en lecture à l’Assemblée nationale. Godong/robertharding / Photononstop

 « Le Cercle des entreprises à raison d’être » propose, une épistémologie de concertation et de conclusion pour mieux tenir les nouvelles éventualités offertes par la loi Pacte.

En encourageant les entreprises à s’afficher d’une « raison d’être » – pour celles qui le souhaitent –, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) ouvre un espace original de partage d’enjeux stratégiques – dire où on va, comment on doit réaliser, et pour qui on travaille – au sein de l’organisation, et même à ses parties prenantes. L’exercice était modéré jusqu’à maintenant à « l’aristocratie » de l’entreprise, à ses cadres « éclairés », voire mesuré au monarque fondateur.

L’inspirateur du concept, Jean-Dominique Senard (alors patron de Michelin, actuellement de Renault), sollicite ses pairs lors de l’annonce de son rapport (« L’entreprise, objet d’intérêt collectif », voir lien PDF) en leur sollicitant s’ils osent souvent avouer que leur seul objectif est de « gagner du pognon ». Et de les défier en les invitant à informer leur apport à la société, à dire ouvertement quelle est leur mission et son rapport à l’intérêt collectif, à révéler la manière de faire, c’est-à-dire les valeurs mais aussi la ligne de partage de la valeur.

Le Cercle des entreprises à raison d’être s’est formé le 14 mars autour de praticiens de l’implication d’entreprise, d’associations comme Entreprise et progrès et le Centre des jeunes dirigeants (CJD), qui recommandent depuis longtemps une vocation sociétale assurée – le fameux « double projet » d’Antoine Riboud – pour collaborer à formaliser une méthode de réalisation et de suivi appropriée de la raison d’être, qui soit tout sauf un exercice de communication. On arrange déjà d’expertises qui ont fait leur témoignage à travers des pionniers comme Schneider Electric, qui a mis l’efficacité énergétique en tête de sa stratégie, comme Carrefour, qui se donne « la transition alimentaire » comme objectif, ou comme Veolia, qui a déterminé que « la gestion de la ressource renouvelable » était son champ d’expansion universelle.

Troisième étape politique

Leur point commun est de partir, première étape, d’une « vision » capable de satisfaire toutes les parties captivantes, comme la mobilité continue chez Michelin qui l’affecte à ses clients, à ses travailleurs et aux acteurs publics.

« La pauvreté des éventualités de dialogue dans les lieux travaille augmente aux frustrations des citoyens là où ils vivent »

Des conversations très limités et un pouvoir trop généralement levé sur les lieux de travail participent à la sensation de dépossession de la décision politique, observe Martin Richer, consultant en management.

Le samedi 26 janvier 2019, à Carbon-Blanc, à 15 km de Bordeaux, a eu lieu la première session du grand débat national, sur le thème de la fiscalité. Le débat de deux heures a été animé par trois médiateurs de l'ANM (Association nationale des médiateurs), au centre culturel de la commune, en présence du maire Alain Turby et d'une députée. Environ 70 habitants étaient présents, répartis autour de huit tables rondes, et ont été invités à répondre par écrit à 14 questions en remplissant des fiches thématiques. La méthode a été jugée trop procédurière par les habitants, laissant peu de place aux échanges verbaux et au débat. En réponse, le maire a pris l'engagement d'appliquer une autre méthode de travail pour les prochaines réunions.
Le samedi 26 janvier 2019, à Carbon-Blanc, à 15 km de Bordeaux, a eu lieu la première session du grand débat national, sur le thème de la fiscalité. La discussion de deux heures a été animée par trois médiateurs de l’ANM (Association nationale des médiateurs), au centre culturel de la commune, en présence du maire Alain Turby et d’une députée. Vers les 70 habitants étaient présents, répartis autour de huit tables rondes, et ont été invités à répondre par écrit à 14 questions en remplissant des fiches thématiques. La méthode a été jugée trop procédurière par les habitants, laissant peu de place aux échanges verbaux et au débat. En réponse, le maire a pris l’engagement d’appliquer une autre méthode de travail pour les prochaines réunions.

La crise des « gilets jaunes » et le déroulement du grand débat national nous confrontent une nouvelle fois aux empêchements de la délibération. La France est un pays dans lequel la délibération, c’est-à-dire un dialogue adouci et construit, ne va pas de soi. Les pénuries de la concertation au sein de la nation, des collectivités territoriales, mais aussi de l’entreprise, font système (« Délibérer en politique, participer au travail : répondre à la crise démocratique », Danielle Kaisergruber, Gilles-Laurent Rayssac, Martin Richer, rapport Terra Nova, 26 février).

La nécessité des possibilités de communication et de dialogue là où l’on travaille ajoute aux frustrations des citoyens là où ils vivent. Dans la vie politique comme dans l’entreprise, les termes sont trop souvent pris sans que les personnes qu’elles concernent ne se sentent effectivement compromises. Dans les deux cas, une culture de l’autorité fondée sur la hiérarchie et la verticalité prend fréquemment le pas sur une volonté partagée, fondée sur la compétence, la confiance et l’adhésion.

Dans son exposé, publié en 1982, Jean Auroux livrait la logique à l’origine des textes de loi qui portent son nom et qui tentaient à élargir les droits d’expression des salariés : « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans l’entreprise. » Le travailleur et le citoyen sont indissociablement liés et leurs attitudes s’affermissent réciproquement.

L’éloignement entre les citoyens et les politiques, les premiers considérant que les seconds ne les écoutent pas et ne vivent pas comme eux, trouve sa correspondance dans l’entreprise sous la forme d’une véritable crise de défiance entre dirigeants et salariés. Le 10e baromètre de la confiance du Cevipof (janvier) montre que 72 % des Français sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « l’économie actuelle profite aux patrons aux dépens de ceux qui travaillent ». En politique comme dans l’entreprise, la délibération réclame de la confiance.

La démocratie participative est actuellement plus une injonction qu’une pratique établie

Les enquêtes d’Eurofound, un organisation d’étude lié à la Commission européenne, exposent que la France est très mal installée dans la mise en place d’organisations du travail participatives (dénommées « high involvement working organizations »), c’est-à-dire des aménagements du travail qui dégagent aux salariés des espaces d’implication, de collaboration directe, de capacité d’influence et de décision sur leur travail, ce que certains indiquent par l’expression « entreprise libérée » ou par la notion de travail responsabilisant.

 

 

 

La MBA n’est plus favorisée des américains

Après des années d’accroissement, l’illustre formation de Master of Business Administration subit un désintéressement remarquable aux Etats-Unis, particulièrement de la part des étudiants étrangers, au profit de l’Asie et de l’Europe.Amy Nelson a vécu dans une petite ville perdue du Midwest, près de Saint-Louis (Missouri), éduquée seule par sa mère. Mais elle a abandonné l’Amérique profonde : après des études en Californie et un début de carrière dans des ONG, la jeune femme a fait un Master Business of Administration (MBA) à la prestigieuse New York University (NYU), à Manhattan, en 2011 et 2012.

Rêve américain

Amy Nelson exprime ce rêve américain que l’on dit moribond. Malgré cela, elle pousse un coup de gueule contre le système qui lui a autorisé de s’en sortir. Six ans après son diplôme, endettée à hauteur de 250 000 dollars (soit plus de 220 000 euros), elle s’en prend au système des MBA.

Bien sûr, elle a eu droit à une bourse la première année, de 40 000 dollars approximativement. Mais elle n’a pas réussi à le décrocher pour la seconde année, alors que les frais de scolarité sont de 70 000 dollars par an. Il a fallu payer le loyer à Brooklyn, la garde de ses deux enfants, qu’elle élevait seule à l’époque, et voilà comment elle s’est perçue serrée jusqu’au cou.

250 000 dollars, c’est énorme, mais pas rare. La carrière d’Amy Nelson a bien amélioré : entrée en 2013 avec un salaire de 90 000 dollars annuel dans une ONG de 35 salariés, Venture for America, qui aide les entrepreneurs à se jeter dans les zones désavantagées des Etats-Unis, comme Detroit et La Nouvelle-Orléans, elle en est changée directrice générale et touche 200 000 dollars par an.

Un rémunération important qui ne lui permet pas pour autant de payer sa dette et qui est sans commune mesure avec les salaires de ceux qui ont choisi la voie royale après les MBA, entrant chez Goldman Sachs (finance), McKinsey (stratégie), Procter & Gamble (marketing) ou Amazon (technologie), des entreprises qui recrutent sur les campus, quelquefois même avant la rentrée scolaire.

 

L’Ecole normale supérieur et le mouvement pour le climat

L’un des chefs du mouvement parisien de grèves scolaires nous montre comment il s’écarte de plus en plus de cette « société aliénante et basée sur la destruction de l’environnement ».

Antoine Soulas est à un carrefour. Devant lui s’ouvre la voie royale, qu’il trace depuis qu’il rêve, gamin, de faire de l’observation scientifique : le prodigieux lycée Montaigne de Bordeaux, l’illustre Ecole normale supérieure, un cursus de mathématiques, de physique et de philosophie qui devrait déboucher, espère-t-il, sur une thèse en cosmologie ou en informatique quantique. Et finalement un poste de chercheur.

A moins que le jeune homme de 22 ans, l’un des responsables du mouvement parisien de grèves scolaires pour le climat, n’emprunte un tout autre chemin, assurément moins battu et possiblement plus tortueux : « tout plaquer » pour vivre dans une communauté locale, autonome et résiliente, au plus près de la nature.

Ce retour aux origines, Antoine Soulas en caresse l’idée depuis quelques mois actuellement. Une « crise de sens » qu’il partage, assure-t-il, avec beaucoup d’autres amis. « On se bourre le crâne pendant nos études, pour découvrir un travail et surconsommer toute sa vie, déclare-t-il. La finalité qui nous est offerte, c’est de participer à une société troublante et basée sur la dégradation de l’environnement. »

Or le Bordelais, qui vit actuellement dans une capitale « étouffante », s’est toujours senti proche de la nature. Il s’appelle comme si c’était hier ce jour où ses parents, lui charpentier devenu architecte et elles factrice passée comptable, lui ont parlé du réchauffement climatique. Il avait 6 ans ; la conscience de la « gravité de la situation » ne l’a plus quitté depuis.

D’abord, Antoine Soulas a changé son mode de vie. Il ne prend plus l’avion, est végétarien, se nourrit par le biais d’une AMAP (association pour la conservation d’une agriculture de proximité), sélectionne des produits bio, si possible en vrac, et n’achète plus de textiles ni d’appareils électroménagers neufs. Il ne détient pas de smartphone qui, comme la voiture, « nous dispense de rencontrer des gens ».

Puis le jeune homme a entrepris de verdir son école. Transformé le président de l’association EcoCampus ENS de 2016 à 2017, il a mis en place un tri des déchets, érigé un potager et des ruches sur les toits et même conçu une centrale solaire qui sera installée à la fin de l’année. Convoitant s’engager encore davantage, à une échelle plus large, il est nommé trésorier du collectif des jeunes pour le pacte finance-climat, une initiative signée par 600 personnalités, qui propose particulièrement la création d’une banque européenne du climat.