« Le drame actuelle, c’est que l’industrie n’égare plus d’emplois, mais une carence de candidats »
Alors que certains bouleversements industriels défraient maintenant la chronique, dont ceux d’Arc International et d’Arjowiggins, 50 000 postes n’ont pas pu être pourvus dans le secteur en 2018, examine Philippe Escande.
Chronique « Pertes & profits ». On ne saura pas dire que Xavier Bertrand ne met pas les petits plats dans les grands pour son industrie régionale, en l’occurrence celle qui, nettement, fabrique assiettes et verres à pied. Jeudi 28 mars, le conseil régional des Hauts-de-France, qu’il galère, a voté à l’accord un prêt de 12 millions d’euros pour soutenir le plan de relance de la société Arc International, géant mondial des arts de la table. La motivation est forte, puisque l’entreprise emploie 5 100 employés et se trouve en énorme difficulté. Il s’agit donc d’éviter la casse, même si le plan en question prédit tout de même 700 suppressions de postes.
Autre part en France, c’est le papetier Arjowiggins qui fait parler de lui. Le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) devait s’exprimer, vendredi, sur la liquidation de l’entreprise. Autour du principal site, dans la Sarthe, on rappelle une catastrophe économique qui pourrait palper plus d’un millier d’emplois dans la région.
Chronique habituelle d’un drame français, celui de la désindustrialisation, en trente ans, d’un pays autrefois couvert d’usines. On en connaît le principal responsable : avec la concurrence mondiale, le coût du travail dans l’industrie française est trop élevé par rapport au niveau de gamme des produits vendus. On ne peut attendre enrichir en vendant des produits de qualité espagnole à des prix allemands. Etat et entreprises partagent la responsabilité de cette catastrophe.
Changement du système de formation
Mais l’autre drame qui se joue actuellement n’est pas celle-là. En dépit de l’effet de loupe des problèmes locaux comme Arc International et Arjowiggins, l’industrie française progresse sa qualité et ne perd plus d’emplois. En 2018, elle en a même créé 250 000 de plus. Le seul problème est qu’elle aurait pu aisément en fournir 50 000 de plus.
Malgré cela, les entreprises n’ont pas aperçu de candidats ! Situation ubuesque d’un pays plombé par un chômage de masse – 8,8 % de solliciteurs d’emploi (juste dépassé par la Grèce, l’Italie et l’Espagne) – et qui n’arrive pas à le résorber quand la demande revient. Ce qui simule toute l’économie, puisque ces emplois qui faillissent sont de la croissance en moins.
Ce ne sont pas les baisses de charges qui vont garantir ces postes vacants, mais la refonte du système de conception (il n’y a que 5 % de chômage chez les diplômés du supérieur), une forme de réenchantement de la filière (les sciences attirent deux fois moins d’étudiants en France qu’en Allemagne) et l’augmentation de la mobilité des solliciteurs d’emploi. Un chantier privilégié.
C’est l’ultime victime en date de la « bataille de l’Atlantique » que s’offrent les compagnies aériennes low cost. La compagnie WOW Air a cessé, jeudi 28 mars, ses opérations et annulé tous ses vols. Le gouvernement islandais estime à 4 000 le nombre de voyageurs réunis – dont 1 300 en transit.
WOW Air, qui amène plus d’un tiers des voyageurs en Islande, n’avait plus aucun investisseur pour prévoir une punition depuis que sa compatriote Icelandair s’était retirée des négociations en vue d’une reprise. « WOW Air a cessé ses opérations », a avisé lapidairement le transporteur dans un communiqué.
Plan d’urgence lancé
La compétition continuellement forte des low cost sur les routes transatlantiques et le regain des cours du carburant ont miné les performances de WOW Air. La compagnie a convoqué les passagers lésés par la suppression des liaisons aériennes à « vérifier les vols disponibles avec d’autres compagnies aériennes ».
Des dizaines de passagers se sont brusquement retrouvés bloqués jeudi matin à l’aéroport de Reykjavik, où une trentaine de vols WOW Air ont été annulés, particulièrement en provenance ou à destination de Paris, New York et Montréal. Le ministre des transports islandais a annoncé à la presse le déclenchement d’un plan d’urgence à destination des voyageurs bloqués dans les aéroports, sans accorder davantage de détails.
3,5 millions de passagers en 2018
En 2018, WOW Air, qui emploie un millier de personnes, a transporté 3,5 millions de passagers vers vingt-sept destinations en Amérique du Nord, en Europe et en Israël. Mais le transporteur, déficitaire, a diminué la voilure ces derniers mois, en cédant des avions et en annulant des dizaines d’emplois. Sur les neuf premiers mois de 2018, la compagnie a proclamé une perte avant impôts de près de 42 millions de dollars (37 millions d’euros).
Après le premier repli d’Icelandair dans la course au rachat de la compagnie fin 2018, le fonds d’investissement spécialisé dans le transport aérien Indigo Partners avait touché un accord de principe pour entrer au capital de WOW Air à hauteur de 49 %. Le 21 mars, la société américaine d’investissement a toutefois abandonné à son offre de reprise tandis qu’Icelandair annonçait reprendre les contestations pour le rachat de sa compatriote… avant son retrait définitif annoncé dimanche.
La compagnie low cost avait depuis déclenché des discussions avec ses créanciers afin de trouver un accord de restructuration – dont la conversion de la dette actuelle en capital. Lundi, ses créanciers avaient concédé la conversion de leurs obligations en capital à hauteur de 49 % de la dette de la compagnie, mais celle-ci devait malgré cela encore trouver des acquéreurs pour les 51 % restants, afin d’esquiver la faillite.
« Je ne me pardonnerai jamais de ne pas avoir agi plus tôt car il est évident que WOW est une compagnie aérienne incroyable et que nous étions sur la bonne voie pour faire à nouveau de grandes choses », a regretté le directeur général et fondateur de la compagnie, Skuli Mogensen, dans une message adressée au personnel.
La ruine du transporteur, fondé en 2011, pourrait déchaîner une contraction du PIB islandais de 3 %, la chute de la couronne et un accroissement de l’inflation, selon les lancements du gouvernement. Mais certains analystes considèrent ces calculs alarmistes.