Face à la pression du low cost, Michelin ferme ses usines en Europe de l’Ouest

Huit sites industriels et 4 600 emplois ont disparu dans les trois dernières années sur le continent. Plutôt que de délocaliser à l’Est, comme ses concurrents, l’entreprise préfère limiter le nombre de petites unités de production.

Par Publié aujourd’hui à 04h30, mis à jour à 10h03

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Des employés de l’usine Michelin protestent contre l’annonce de sa fermeture, à La Roche-sur-Yon (Vendée), le 10 octobre.
Des employés de l’usine Michelin protestent contre l’annonce de sa fermeture, à La Roche-sur-Yon (Vendée), le 10 octobre. LOIC VENANCE / AFP

La production industrielle de pneumatiques en France a-t-elle encore un avenir ? La question vient fatalement à l’esprit lorsqu’on fait le bilan sur plusieurs années de fermeture d’usines de pneus Michelin. La dernière en date, le site de La Roche-sur-Yon, 619 emplois, a été annoncée jeudi 10 octobre.

Pour « Bibendum », ce ne sont pas moins de 4 600 emplois et huit sites industriels qui ont disparu dans les trois dernières années en Europe.

Lire notre reportage : A La Roche-sur-Yon, les « Michelins » sonnés par l’annonce de fermeture de leur usine

Outre l’usine vendéenne où l’on produit des pneus pour poids lourds, le groupe de Clermont-Ferrand venait tout juste d’annoncer, fin septembre, la fermeture du site allemand de Bamberg, en Bavière (pneus de voitures, 858 emplois). Un an auparavant, c’était celui de Dundee, en Ecosse (pneus de voitures, 845 emplois), qui disparaissait de la liste. Fin 2016, l’entreprise avait déjà annoncé plusieurs fermetures quasiment simultanées en Irlande du Nord, en Italie, en Hongrie et en Allemagne, toutes dans l’activité poids lourds.

A la direction, on justifie ces décisions par des conditions de marché mettant ses sites français et européens sous intense pression. « Il y a deux phénomènes, expliquait Florent Menegaux, le nouveau président de Michelin, le 10 octobre, dans un entretien au quotidien Ouest-France : les pneus asiatiques ont envahi le marché. Il y a cinq ans, ils étaient encore marginaux. Aujourd’hui, ils représentent un tiers du marché. Simultanément, nous avons un ralentissement économique mondial qui fait que les camions roulent moins parce qu’ils ont moins de marchandises à transporter. »

Montée du low cost

Dans une récente étude interne sur la compétitivité de ses sites industriels, le groupe français insistait sur la montée des pneus à bas prix (produits soit en Europe de l’Est, soit en Asie) dans deux secteurs très importants du marché européen en raison des volumes de gomme qu’ils représentent : le pneu camion et le pneu tourisme de petite taille (16 pouces).

Cette montée du low cost s’est faite au détriment du pneu premium, la spécialité de Michelin, qui est tombé sous les 50 %, voire 40 %, de parts de marché alors que le haut de gamme tutoyait les deux tiers il y a huit ans.

La conséquence logique de cette pression des prix bas est un dégonflement des marges qui met en danger les sites Europe centrale où le coût de la main-d’œuvre manufacturière est trois à quatre fois supérieur à celui observé dans les pays de l’Est. Face à cette situation, certains industriels comme Continental et Bridgestone, le numéro un mondial, ont délocalisé leurs usines européennes de l’Ouest vers l’Est (une zone qui représente, aujourd’hui, les deux tiers de leur empreinte industrielle).

A La Roche-sur-Yon, les « Michelins » sonnés par l’annonce de fermeture de leur usine

L’équipementier français a confirmé la fermeture du site vendéen d’ici à la fin 2020. Face au plan de sauvegarde de l’emploi prévu par Michelin, les syndicats annoncent vouloir poursuivre la bataille pour conserver la pérennité de leur usine.

Par Publié aujourd’hui à 18h15

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Un ouvrier de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en Vendée, manifeste après l’annonce de la fermeture du site, fin 2020, jeudi 10 octobre.
Un ouvrier de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en Vendée, manifeste après l’annonce de la fermeture du site, fin 2020, jeudi 10 octobre. LOIC VENANCE / AFP

Certains regards sont hagards. D’autres, sont emplis d’une rage sourde. A 8 h 45, jeudi 10 octobre, les 619 salariés du géant du pneumatique français ont collectivement encaissé le message qu’ils craignaient d’entendre. En raison des « difficultés du marché » et « d’une concurrence exacerbée », la direction leur a annoncé qu’ils perdraient leur emploi « d’ici à la fin 2020 ».

« En vingt minutes à peine, ils nous ont dit merci vous pouvez rentrer chez vous” », lance dans un calme paradoxal, Frédéric, vingt-deux ans d’ancienneté sur le site de La Roche-sur-Yon. Vous parlez d’un modèle social. Florent Menegaux [président du groupe depuis le 17 mai] n’a même pas eu le courage de venir nous l’annoncer en face, poursuit le quinquagénaire. Il a délégué le sale boulot au directeur du site. C’est d’une violence ! »

Lire le portrait : Florent Menegaux, le nouveau patron de Michelin sort de l’ombre

« S’il n’y avait pas eu les débrayages de la semaine dernière, complète Guillaume, ancien salarié parisien arrivé sur le site vendéen il y a un peu plus de trois ans, on serait toujours sur nos lignes à travailler et on aurait fini par apprendre la nouvelle par médias interposés. C’est donc ça, le modèle social tant vanté par Michelin ? »

« L’esclavagisme, ça suffit ! »

Cigarette au coin des lèvres, le trentenaire, regard digne, ne décolère pas. « On est en train d’être foutus dehors comme des chiens. Après avoir accepté de passer des 3/8 en 4/8. Après avoir plié l’échine comme on nous l’a demandé et, alors même que la santé financière de la boîte est excellente, on nous vire ? L’esclavagisme, ça suffit ! », s’emporte-t-il.

En écho à la colère des mots, sur le parking de l’usine, des « Michelins » montent une petite pyramide de pneus usagers, consolidée à coup de palettes de chantiers. Une large fumée acre noircie la zone industrielle de la route de Nantes. Un stand s’installe sur le parking et les langues se délient. « Mon frère aîné travaille ici depuis quinze ans, raconte, sonné, Jérôme, à peine trois ans d’ancienneté. Qu’est-ce qu’il va devenir ? Comment va-t-il payer sa maison, les activités de ses gamins ? On nous parle du miracle économique vendéen, pourquoi pas ? Mais retrouver un emploi dans l’agroalimentaire ou la plaisance et devoir redémarrer à zéro alors qu’après quinze ans de boîte, on était payés 1 800 euros sans compter les primes et l’ancienneté, ce n’est pas du tout la même chose », réagit le jeune homme d’une voix faible.

L’usine Michelin de La Roche-sur-Yon fermera d’ici à la fin de 2020, plus de 600 salariés impactés

L’usine de pneus pour poids lourds était menacée en raison d’une « concurrence exacerbée ». Le grand groupe français spécialiste du pneu va engager la négociation d’un plan d’accompagnement des salariés.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 10h29, mis à jour à 11h29

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Le couperet est tombé pour les 619 salariés de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, et l’histoire n’est pas sans rappeler celle des GM&S, dans la Creuse. Le fabricant de pneumatiques français a annoncé, jeudi 10 octobre, son intention de fermer « d’ici fin 2020 » son usine de pneus pour poids lourds, qui était menacée depuis plusieurs semaines en raison des « difficultés du marché » et d’une « concurrence exacerbée ».

« Michelin va proposer aux partenaires sociaux d’engager au plus tôt la négociation d’un accord portant sur un plan d’accompagnement des salariés » avec des mesures de préretraite et des dispositifs de mobilité interne et externe, selon un communiqué du groupe. Le grand groupe français spécialiste du pneu l’assure néanmoins :

« Michelin donnera à chaque salarié concerné la possibilité de rester au sein de l’entreprise en France. »

« Environ 120 millions d’euros » seront provisionnés pour financer l’opération, a précisé le groupe, qui s’engage en outre à lancer « un projet public-privé d’envergure pour donner un nouvel avenir au site ».

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« Que tous les salariés retrouvent un emploi »

« Notre objectif, c’est que tous les salariés retrouvent rapidement un emploi », et de « vérifier que l’emploi retrouvé est de qualité », au sein du groupe ou à l’extérieur, notamment sur « un territoire vendéen qui est très dynamique », a assuré une source proche de la direction.

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Par ailleurs, 74 personnes travaillant à l’usine de Cholet (Maine-et-Loire) à la fabrication de « mélanges de gomme » pour La Roche-sur-Yon « sont concernées par le projet de fermeture ». « Au-delà des mesures de préretraite », chacune « se verra proposer un nouveau poste sur le site » de Cholet, a précisé le groupe, assurant qu’il n’y aurait « pas d’impact pour les salariés des autres usines françaises ».

Les équipes de La Roche-sur-Yon ont été informées de cette décision jeudi matin. A la fin de septembre, le président du groupe, Florent Menegaux, avait évoqué la « situation très préoccupante » de l’usine, confirmant les craintes syndicales.

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Le « pacte d’avenir » lancé en 2016 « pour renforcer l’activité du site » vendéen, ouvert en 1971, n’a « pu produire les effets attendus », malgré « 70 millions d’euros d’investissements », a expliqué Michelin. En cause, les « difficultés du marché des pneus poids lourds haut de gamme, tant en Europe qu’à l’export ».

Réagissant sur Twitter, le maire de La Roche-sur-Yon, Luc Bouard, a dénoncé ce qu’il estime être des « promesses non tenues par Michelin », assurant qu’il se « battrait pour qu’aucun salarié Yonnais ne se retrouve sans emploi » :

Le syndicat CFE-CGC dénonce, lui, « une décision purement financière ».

Soumis à la pression exercée par de nouveaux concurrents chinois qui submergent l’Europe de produits à bas coûts, le grand groupe français spécialiste des pneumatiques avait déjà annoncé à la fin de septembre la fermeture d’ici à 2021 de son usine de Bamberg (sud de l’Allemagne), qui emploie 858 salariés pour produire des pneus de voitures.

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Michelin employait quelque 110 000 salariés (équivalent temps plein) à la fin de 2018, dont plus de 20 000 en France, où l’entreprise compte une quinzaine d’implantations industrielles.

Dans la Sarthe, les anciens salariés d’Arjowiggins se battent pour faire repartir une activité industrielle

L’ex-intersyndicale de l’usine du papetier liquidée en mars, qui comptait 550 salariés, élabore un projet de fabrication de nouveaux produits papetiers innovants.

Publié aujourd’hui à 08h33

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A l’entrée de l’usine du papetier Arjowiggins, à Bessé-sur-Braye (Sarthe), en mars.
A l’entrée de l’usine du papetier Arjowiggins, à Bessé-sur-Braye (Sarthe), en mars. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Bessé-sur-Braye (Sarthe), envoyé spécial

« Tant qu’on n’est pas mort, on est vivant. » Jacques Lacoche, maire UDI du village de Bessé-sur-Braye (Sarthe), ne veut pas désarmer. Mercredi 9 octobre, il est venu soutenir la nouvelle mobilisation de l’association Action citoyenne pour l’intérêt général, qui entend empêcher la vente aux enchères de papier et pâte à papier encore stockés dans l’usine Arjowiggins, liquidée en mars.

Il est également là, car il fonde un grand espoir dans une autre association, Les Sacrifiés d’Arjowiggins, créée par l’ancienne intersyndicale de l’entreprise (CGT, CFDT et CFE-CGC). Celle-ci vient de faire savoir qu’elle travaille à un projet de reprise industrielle. « S’il doit y avoir un projet, ce ne sera pas sur du papier recyclé, car c’est une “bulle”, un secteur en croissance dans un marché global du papier en déclin », prévient Pascal Trudel, délégué CGT.

« En revanche, il y a du grain à moudre sur des produits innovants et de spécialité. Nous avons un groupe de dix-sept chercheurs du service R&D qui ont continué à travailler sur ces nouveaux produits. » Les anciens salariés les tiennent encore secrets. « Mais c’est un projet très fiable et qui peut rapporter beaucoup d’argent », assure Emmanuel Sauvaitre, délégué CFDT.

L’intersyndicale veut lancer une étude auprès de la société d’expertise Secafi pour montrer le potentiel économique de ce projet et séduire des industriels et financiers afin de relancer la papeterie. Mais le temps presse… Ce travail devrait « durer environ deux mois », selon le représentant syndical Christophe Garcia (CFE-CGC). Or le propriétaire des machines de production qui étaient louées en leasing a donné comme délai le 31 octobre avant de reprendre son bien.

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« Course contre la montre »

« Nous avons décidé de demander un délai supplémentaire pour la location des machines, indique M. Garcia devant les grilles de l’usine. Ce que l’on voudrait, c’est garder les machines le temps que l’étude, qui est en train d’être financée par la région et la préfecture de la Sarthe, puisse être lancée. »

L’urgence, c’est aussi l’arrivée de l’automne. « C’est une course contre la montre, concède le maire de Bessé-sur-Braye. Nous avons eu un été chaud et les machines n’ont pas trop souffert. Mais il ne faudrait pas que le matériel se dégrade avec l’humidité. »

Oxfam dénonce les conditions de travail dans les plantations de thé, de fruits et de légumes

L’association a recueilli de nombreux témoignages pour en conclure que tous les maillons de la chaîne (distributeurs, industriels, transformateurs…) portent une responsabilité mais que, « in fine, les exploitations sont victimes de cette pression sur les prix et sur les salaires ».

Par Publié aujourd’hui à 06h45, mis à jour à 11h47

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Une plantation de thé, à Gohpur, en Inde, en mars.
Une plantation de thé, à Gohpur, en Inde, en mars. BIJU BORO / AFP

La guerre des prix dans la grande distribution alimentaire fait des victimes dans le monde : « les travailleurs dans les chaînes de production du thé et des fruits et légumes qui approvisionnent certains des plus grands supermarchés », d’après l’association Oxfam, qui publie un nouveau rapport, jeudi 10 octobre.

Elle complète son analyse de 2018 par trois nouvelles études : en Inde, dans le secteur du thé ; au Brésil, dans les exploitations de mangues, raisins et melons ; aux Etats-Unis, dans la filière de la patate douce. L’association a recueilli de nombreux témoignages pour en conclure que tous les maillons de la chaîne (distributeurs, industriels, transformateurs…) portent une responsabilité mais que « in fine, les exploitations sont victimes de cette pression sur les prix et sur les salaires », estime Caroline Avan, d’Oxfam France.

En Allemagne, la grande distribution et les marques de thé s’attribuent 87 % du prix final sur une boîte de thé coûtant 2,48 euros, alors que la main-d’œuvre ne touche que 3 centimes, précise Oxfam. « A 9 centimes d’euros, les travailleurs dans les plantations en Inde pourraient avoir un salaire décent », ajoute Mme Avan.

La France épargnée

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En Inde, les entretiens menés dans 50 plantations de thé ont montré « des conditions de travail extrêmement dégradées », avec des affections courantes de choléra et typhoïde dues au « manque chronique d’eau potable et d’accès à des installations sanitaires adéquates ». Mais aussi des salaires ne permettant pas de vivre dignement. « Un salaire décent en Inde, c’est 6 dollars [5,5 euros] par jour. On est à 2 dollars dans les plantations de thé », ajoute Mme Avan. La moitié des personnes interrogées vivent sous le seuil de pauvreté et « les femmes sont payées entre 5 % et 15 % de moins que le salaire moyen ».

Le rapport fait état dans le nord-est du Brésil – d’où viennent près de la moitié des mangues consommées aux Etats-Unis –, de très faibles salaires pour les saisonniers, dont des mères de famille, qui « n’ont souvent pas la possibilité d’aller chercher du travail ailleurs ».

Dans ce tableau, l’Hexagone ferait presque figure d’exemple, avec une loi votée en France, en 2017, sur le devoir de vigilance, qu’Oxfam aimerait voir portée au niveau européen. Aucune enseigne française ne figure dans le tableau des 16 chaînes de distribution les moins vertueuses dans le respect des droits des travailleurs. Aucune n’a été mise en cause, à la différence de grands noms comme les américains Costco et Whole Foods, les allemands Lidl et Aldi, ou les britanniques Sainsbury’s et Tesco.

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« Il s’agit de juger les entreprises sur leurs actions et non sur leur prétendue bonne volonté »

Face à l’atonie des pouvoirs publics, la société civile a raison de demander des comptes aux entreprises sur le « greenwashing », estime le journaliste Olivier Petitjean, dans une tribune au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 06h00, mis à jour à 11h45 Temps de Lecture 3 min.

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« Il est temps de ne plus se payer de mots, ni de belles intentions. »
« Il est temps de ne plus se payer de mots, ni de belles intentions. » Wavebreak Media / Photononstop

Tribune. Dans une tribune datée du 4 octobre, Jérôme Courcier s’en prend aux ONG – et notamment à Oxfam – qui « stigmatis[e]nt systématiquement les acteurs économiques qui prennent des engagements pour la planète ou le bien commun » (« Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile »). Il suggère que leurs accusations de greenwashing à l’encontre des grandes entreprises sont trop faciles, dès lors que la « transition écologique et sociale » ne peut être que « progressive ».

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Il donne ensuite quelques exemples de phénomènes qui ne peuvent pas s’arrêter « du jour au lendemain » : l’ouverture de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, l’envahissement de nos villes par les 4×4, les rémunérations patronales exorbitantes. Mais il ne faut pas se voiler la face. Dans aucun de ces trois domaines, malgré les grands discours sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, sur les nuisances de l’automobile en ville ou sur le partage des richesses, on ne voit de signe tangible d’un début de changement de direction. On n’est pas ici dans la « progressivité » ; on est encore dans la régression.

Réalité des chiffres

Avant, pendant et après la signature de l’accord de Paris, les grandes entreprises françaises ont multiplié les déclarations et les engagements sur leur rôle dans la sauvegarde du climat. Mais si l’on regarde la réalité des chiffres, moins d’un tiers du CAC40 a effectivement réduit ses émissions de gaz à effet de serre depuis la COP21. Certains « champions » français de l’automobile (PSA, Valeo) ou de la mode (LVMH, Hermès, Kering) les ont même augmentées de manière significative. La seule firme française à avoir sensiblement réduit son bilan carbone, Engie, ne l’a fait qu’en revendant ses actifs dans le charbon à des investisseurs, sans bénéfice pour le climat.

Ce que les ONG comme Oxfam et bien d’autres pointent à travers la dénonciation du greenwashing, c’est cette dissociation de plus en plus marquée entre les discours publics des grandes entreprises et de leurs dirigeants, et la réalité de leurs pratiques. Disons-le : cette dissociation nous semble délétère pour le débat démocratique.

La seule firme française à avoir sensiblement réduit son bilan carbone, Engie, ne l’a fait qu’en revendant ses actifs dans le charbon à des investisseurs, sans bénéfice pour le climat

Quoi de plus légitime que des associations et des journalistes cherchent à confronter les discours et les engagements des grandes entreprises à leurs actes et à leurs décisions (ou non-décisions) ? Ces actes et ces décisions ont de lourdes conséquences ; il est normal qu’on leur demande des comptes. Les ONG ne le font d’ailleurs pas seulement de manière négative.

L’OMC voit dans les services le « nouveau moteur de la mondialisation »

Selon le rapport annuel de l’institution, les pays développés sont les grands gagnants de l’essor de ce secteur, qui représente 20 % du commerce mondial, contre 9 % en 1970.

Par Publié aujourd’hui à 11h21

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L’avenir de la mondialisation passe par les services. « C’est le secteur le plus dynamique du commerce mondial sans que cela soit reconnu ou bien compris », affirme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans son rapport annuel publié mercredi 8 octobre. L’institution, basée à Genève, observe que la valeur des échanges dans ce secteur a augmenté plus rapidement que celle des biens, à un rythme annuel de 5,4 %, entre 2005 et 2017. Les services, qui ne pesaient que 9 % du commerce mondial en 1970, représentent désormais 20 % et ce niveau pourrait grimper à 33 % d’ici à 2040, selon les projections de l’OMC.

Ces derniers jouent un rôle croissant, mais discret, dans le développement du commerce mondial. « Les exportations de services font travailler un nombre incroyable de personnes dans le monde, et il reste encore un énorme potentiel inexploré », avance Roberto Azevêdo, le directeur général de l’OMC.

Infographie LE MONDE

Un potentiel inexploré car, contrairement au commerce de marchandises, il était jusque-là difficile à cerner et à mesurer. Certains services, telles les productions audiovisuelles, franchissent la frontière pour être consommés à l’étranger. Parfois c’est le consommateur qui se déplace à l’étranger, comme c’est le cas avec le tourisme. Le fournisseur peut aussi s’installer de manière temporaire ou permanente hors de son pays pour vendre ses services, comme le font les sociétés informatiques indiennes qui envoient leurs consultants chez des clients aux Etats-Unis.

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Les perdants sont les pays pauvres

L’affaire se complique si l’on prend en compte la part des services dans la valeur ajoutée des produits industriels, que ce soit lors de leur conception ou de leur transport. L’OMC a ainsi calculé que les échanges de services pourraient augmenter de 50 % d’ici les vingt prochaines années.

Les services se mondialisent dans le sillage des échanges de marchandises et grâce à la technologie. Ils peuvent désormais être exportés facilement en raison de la baisse du coût des télécommunications et de la numérisation de pans entiers de l’économie mondiale. Un processus à l’œuvre dans les secteurs de l’éducation et de la santé…

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A en juger par le volume des échanges, les gagnants sont majoritairement les pays développés, et quelques pays émergents qui les rattrapent. Les perdants sont les pays pauvres si l’on regarde leur contribution quasi nulle aux exportations et aux importations de services dans le monde. « L’importation de services liés aux infrastructures portuaires ou à la logistique peut toutefois aider leurs industries à être plus compétitives », nuance toutefois John Drummond, chef de la division des échanges de services à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Banque mondiale : « quand la mondialisation rétropédale »

L’institution s’inquiète de la dégradation des échanges commerciaux alors que toutes les régions du monde, même l’Europe, engagent un repli sur elles-mêmes, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h18, mis à jour à 11h21 Temps de Lecture 2 min.

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Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril.
Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril. Nguyen Huy Kham / REUTERS

Pertes et profits. A la Banque mondiale, on aime le vélo. C’est pratique pour se rendre au travail et c’est bon pour la planète. L’institution en a donc fait, cette année, la métaphore de tous les bienfaits que peut apporter la mondialisation. Le cadre et les roues sont produits en Chine et au Vietnam, le pédalier au Japon, la selle en Italie, les freins en Malaisie, tout cela dans une immense chaîne de valeur mondialisée. Celle-ci conduit à faire baisser les prix, à augmenter le marché potentiel et la productivité et, in fine, à créer de l’emploi et de la prospérité.

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Cette mondialisation de la fabrication d’un même bien a accompagné la croissance économique de la planète sur les vingt dernières années, contribuant à élever la condition de nombreux pays comme le Vietnam, le Mexique, le Bangladesh, l’Ethiopie ou le Kenya. Pour l’économiste en chef de la Banque mondiale, Pinelopi Koujianou Goldberg, une augmentation de 1 % de la participation d’un pays à cette chaîne de valeur se traduit par un gain de 1 % du revenu par habitant, deux fois plus que dans le commerce traditionnel.

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Aussi, l’institution s’inquiète de voir s’effriter une architecture si efficace. Si les guerres commerciales actuelles se poursuivent, et avec elles le déclin des échanges, près de 30 millions de personnes pourraient retomber sous le seuil de pauvreté, souligne la Banque mondiale.

L’économie ne suffit pas

Mais l’économie ne suffit pas à faire le bonheur des peuples, surtout quand la distribution de ses fruits est aussi inégalitaire. Dans les pays développés surtout, où le revenu médian a stagné durant les années 2000 (Europe), voire diminué (Etats-Unis), accompagnant un mouvement de désindustrialisation qui a paupérisé des territoires entiers. D’où le choix des électeurs américains pour la politique protectionniste de Donald Trump, ou celui des sujets britanniques pour le retrait de l’Union européenne. L’Amérique se replie sur sa zone, comme la Chine, grande gagnante de la mondialisation, est en train de le faire en se concentrant sur l’échelon asiatique. Même la vertueuse Europe, région la plus ouverte du monde, s’interroge. La très libérale commissaire au commerce, Cecilia Malmström, plaide désormais ouvertement pour une Europe plus ferme vis-à-vis de ses partenaires chinois ou américains.

Lire la tribune : Cecilia Malmström : « Les exportations de l’UE hors Europe représentent 36 millions d’emplois en Europe, dont près de 3 millions en France »

La mondialisation rétropédale et s’accompagne d’un retour au chacun pour soi et du ralentissement économique. Les cyclistes européens adeptes du local apprécieront, leurs homologues africains un peu moins et tout le monde paiera son vélo beaucoup plus cher.

Renault : le directeur général, Thierry Bolloré, menacé d’éviction

Alors que Nissan vient de nommer une nouvelle direction et s’apprête à faire un grand ménage chez ses cadres, le numéro deux du constructeur français se retrouve, lui, sur un siège éjectable.

Par Publié le 09 octobre 2019 à 10h57, mis à jour à 10h04

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Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le 12 septembre, à Francfort.
Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le 12 septembre, à Francfort. TOBIAS SCHWARZ / AFP

Il y a trois cent vingt-trois jours, Carlos Ghosn, PDG de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, était arrêté au Japon pour malversations financières. Entre France et Japon, l’onde de choc de cet événement n’en finit pas de produire ses effets sur les entreprises que le patron déchu dirigeait. Mais, en ce mois d’octobre, l’histoire s’est comme accélérée, tant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) qu’à Yokohama, au sud de Tokyo, aux sièges des constructeurs Renault et Nissan.

Côté français, la pression est montée de plusieurs crans sur Thierry Bolloré, directeur général de Renault. Le Figaro avançait, dès mardi 8 octobre au soir, que « Jean-Dominique Senard [le président de Renault] devrait proposer prochainement au conseil d’administration du groupe de lancer la recherche d’un nouveau directeur général ».

Le groupe au losange n’a pas souhaité faire de commentaire sur des « rumeurs ». On affirme, dans l’entourage de M. Senard, « qu’aucun processus pour rechercher un nouveau numéro deux n’était officiellement lancé ». Ce qui n’empêche pas cette source d’ajouter que « la pression est montée crescendo pour que le président se sépare de son directeur général. Elle vient de l’interne où la personnalité du directeur général ne fait pas l’unanimité, mais aussi – et tout aussi fortement – de l’Etat actionnaire ».

Les reproches fusent

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Au ministère de l’économie, pas de commentaire non plus, où l’on renvoie la balle à la marque au losange. « C’est un sujet qui concerne le management de Renault », répond au Monde l’Agence des participations de l’Etat. Pour le moment, les administrateurs du groupe Renault n’ont reçu aucun signe officiel permettant d’envisager que le remplacement de Thierry Bolloré sera mis à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration, programmé, depuis longtemps, pour le 18 octobre.

« Je ne suis pas sûr que ce soit le moment opportun, dit l’un d’eux. Il y a un risque de déstabilisation de l’entreprise. Jeudi 10 octobre, Thierry Bolloré devait s’adresser en direct à l’ensemble des salariés, avec questions-réponses. Dans ce contexte, c’est un exercice intenable ! »

Il n’empêche, les reproches envers le directeur général fusent : un management parfois brutal, une fuite des talents (cinq cadres dirigeants ont quitté l’entreprise pour rejoindre le concurrent PSA depuis que M. Bolloré est devenu, en février 2018, numéro deux de Renault), nomination de dirigeants sans expérience de l’automobile, recours immodéré aux consultants du Boston Consulting Group.

Les PME incitées à développer l’épargne salariale

Bercy voudrait quasiment doubler le nombre de bénéficiaires dans les TPE et les PME d’ici à la fin 2020 en le portant à 3 millions, contre 1,4 million actuellement.

Par Publié aujourd’hui à 07h00

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« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. »
« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. » Salemi/Cartoonbase / Photononstop

Le gouvernement a pour ambition de doubler le nombre de salariés bénéficiaires d’un dispositif d’épargne salariale dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) d’ici à fin 2020, en le portant à 3 millions contre 1,4 million actuellement. L’objectif est réaliste, selon Christophe Eglizeau. Le directeur général de Natixis Interépargne, filiale de Natixis spécialisée dans l’épargne salariale, estime que « l’ordre de grandeur est bon », à en croire les résultats de sa propre société : « Nous avons enregistré une croissance de plus de 30 % de nos nouveaux contrats signés par des PME depuis janvier. »

Benjamin Sanson, consultant retraite et investissement au sein du cabinet conseil Mercer France, ne partage pas son avis, jugeant le chiffre très ambitieux. « Les PME n’ont pas le réflexe de l’épargne salariale. Elles préfèrent les systèmes de primes et de bonus », explique-t-il. « La performance collective y est moins valorisée que la performance individuelle », précise Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la Confédération des PME (CPME).

Les avis sont partagés car les freins sont nombreux dans les petites entreprises : quand il ne s’agit pas de la faible disponibilité voire de l’inexistence des services de ressources humaines, les dispositifs d’épargne salariale sont perçus comme particulièrement complexes. Les chefs d’entreprise eux-mêmes estiment manquer d’informations. « Nous avons tout un travail de pédagogie à faire, reconnaît Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne. Dans les grandes entreprises, les dispositifs d’épargne salariale sont inclus dans la politique de rémunération globale. Les PME sont, elles, sous-équipées. »

« Des mesures fortes »

Certaines incitations semblent toutefois porter leurs fruits. Ainsi pour Julien Niquet, cofondateur d’Epsor, start-up spécialisée dans l’épargne salariale, « l’objectif du gouvernement est très optimiste, mais accompagné de mesures fortes, dont le point majeur est la suppression du forfait social ». Cette contribution patronale de 20 % n’existe plus depuis le 1er janvier sur les primes d’intéressement versées par les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur celles versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur pour celles de moins de 50 salariés.