Les zones d’ombre d’Europlasma, repreneur d’entreprises en série et seul candidat au sauvetage de Valdunes

Le PDG d’Europlasma, Jérôme Garnache-Creuillot, sur le site industriel des Forges de Tarbes, le 9 novembre 2023.

D’un symbole de souveraineté industrielle à l’autre. Après avoir repris en 2021 Les Forges de Tarbes, dernier fabricant français de corps creux pour obus de 155 millimètres (ceux du canon Caesar), le groupe Europlasma s’est, le 28 février, officiellement porté candidat à la reprise du dernier fabricant français de roues et essieux ferroviaires Valdunes, situé dans le Nord, avec le soutien de l’Etat. Le tribunal de commerce de Lille doit rendre sa décision mercredi 20 mars.

Europlasma étant le seul candidat, son offre, après des mois sans perspective pour l’entreprise en redressement judiciaire et ses 309 salariés, a été accueillie avec soulagement dans le Nord comme par le ministère de l’industrie, malgré les 131 suppressions d’emplois annoncées. « Sans effort public, personne n’aurait repris cette société, mais, pour pouvoir aider, l’Etat a besoin d’avoir en face un acteur privé qui croit dans le projet et qui soit prêt à mettre de l’argent », précise-t-on au ministère de l’industrie.

Europlasma s’est engagé à investir 15 millions d’euros sur trois ans – et l’Etat à lui prêter jusqu’à 15 millions d’euros – pour continuer à fabriquer des roues (mais plus d’essieux), promettant, à moyen terme, de le faire de façon décarbonée grâce à la construction d’une unité de production d’énergie à base de combustibles solides de récupération et une ferme solaire.

« L’outil industriel nécessite d’urgence des investissements »

Un projet ambitieux pour un groupe fragile. Spécialisé dans le traitement et la valorisation des déchets dangereux, il a échappé de peu à la liquidation en 2019, comme sa filiale Inertam à Morcenx (Landes), et n’a, depuis, repris que des entreprises en difficulté (Les Forges de Tarbes, Les Forges de Gerzat [ex-Luxfer], à Clermont-Ferrand, ou Satma Industries, en Isère).

De Tarbes, c’est avec circonspection que les salariés des Forges voient Europlasma jouer ainsi les sauveurs. Eux qui n’ont, depuis des mois, cessé d’alerter sur la situation de leur usine, par des débrayages, des courriers au préfet et au ministre, dans la presse, et jusqu’à l’Assemblée nationale, grâce au relais des députés (LFI) Sylvie Ferrer (Hautes-Pyrénées) et Aurélien Saintoul (Hauts-de-Seine). « L’outil industriel nécessite d’urgence des investissements, et nous nous interrogeons sur la capacité financière du groupe Europlasma à assurer cet effort de remise à niveau », écrit encore, le 11 mars, le comité social et économique (CSE) de l’usine dans une lettre à Sébastien Lecornu, ministre des armées.

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En France, la reprise de la croissance se fera par la consommation

La terrasse d’un restaurant, à Paris, le 11 octobre 2023.

A l’arrêt au premier trimestre, à l’instar des autres pays de la zone euro, l’économie française devrait redémarrer à toute petite vitesse au printemps. Selon la note de conjoncture publiée, par l’Insee, jeudi 14 mars, cela se traduira par une croissance nulle sur les trois premiers mois de l’année et par une activité faible, de 0,3 %, au deuxième trimestre. L’inflation continue, elle, sa lente décrue : de 6,3 %, en février 2023, elle est tombée à 2,9 % en février 2024, et ne devrait pas dépasser 2,6 % à la mi-année. « La désinflation est confirmée », assure Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Timide redémarrage » de l’économie française, selon l’Insee

La sortie de la crise inflationniste pourrait venir alimenter l’envie de consommer des ménages, grâce à un léger regain de pouvoir d’achat, de l’ordre de 0,8 %, selon l’Insee. D’une part, parce que, après deux années de recul, « les salaires réels augmenteraient modestement, début 2024 ». D’autre part, en raison de la revalorisation des pensions de retraite et des prestations sociales, sans oublier « le dynamisme des revenus de la propriété ». D’où un changement de pied de l’économie, qui a surtout été portée depuis la crise sanitaire par les dépenses des entreprises : « Le redémarrage se fera plutôt par la consommation, alors que l’investissement reste déprimé », indique M. Roucher.

La consommation alimentaire, notamment, qui a reculé ces deux dernières années, « commencerait timidement à remonter la pente », selon l’Insee, de même que les dépenses liées à l’hébergement et la restauration. Ce basculement s’accompagne d’un changement de physionomie de l’inflation : celle-ci touche désormais davantage les services, qui répercutent la hausse des coûts salariaux dans leurs tarifs, alors que les prix des produits alimentaires et les biens manufacturés seront plus stables que sur les deux dernières années. L’inflation alimentaire, qui a tiré la hausse des prix d’ensemble, entre septembre 2022 et septembre 2023, pourrait même tomber à 1,2 % en juin, le chiffre le plus bas observé depuis janvier 2022.

« L’emploi progresse moins vite que la population active »

Mais que l’on ne s’y trompe pas : cette reprise de la consommation va rester modérée. Elle est estimée à 0,3 %, alors qu’en décembre 2023 les prévisionnistes tablaient encore sur 0,6 % de dépenses supplémentaires. Dans un contexte d’incertitudes majeures, notamment sur le plan géopolitique, la confiance des ménages, en effet, reste fragile. En témoigne le taux d’épargne, qui va rester à 18 % environ des revenus, deux ou trois points au-dessus du niveau de 2019. De même, l’investissement des ménages, qui recouvre principalement les acquisitions immobilières, va continuer de fléchir, au moins sur la première moitié de l’année.

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Travail au noir : l’Etat peine à recouvrer les sommes dues

Des fraudeurs mieux repérés, mais toujours aussi habiles pour ne pas payer leur dû. En 2023, les  redressements  réalisés au titre de la lutte contre le travail dissimulé – dit « travail au noir » – ont atteint un record : 1,177 milliard d’euros, selon un bilan présenté, mercredi 13 mars, par Bercy et par l’Urssaf. Cette somme correspond aux cotisations sociales réclamées à des employeurs et à des indépendants, auxquelles s’ajoutent des sanctions financières. Mais seule une toute petite partie des montants en question est récupérée.

Le chiffre, « historique », des redressements, avait été révélé par Gabriel Attal, lors d’un déplacement dans les Vosges, le 1er mars. « C’est 50 % de plus [qu’en 2022]. C’est deux fois plus qu’en 2017. Et c’est la première fois que nous franchissons la barre du milliard d’euros », s’était réjoui le chef du gouvernement. Au passage, il avait souligné, avec un soupçon d’autosatisfaction, que ces « résultats sans précédent » étaient le fruit d’une vaste « stratégie », mise en œuvre au printemps 2023, lorsqu’il était ministre délégué aux comptes publics, afin de traquer ceux qui grugent le fisc, l’Urssaf, les organismes de protection sociale et l’administration des douanes.

Son successeur à Bercy, Thomas Cazenave, a fourni des informations supplémentaires, mercredi. L’augmentation des sommes exigées, auprès de ceux qui camouflent tout ou partie de leur activité, est la conséquence d’un surcroît de « moyens » dégagés par les pouvoirs publics, en particulier sur le plan humain. En 2023, « cent seize agents en plus » ont été affectés à des « fonctions de contrôle », par le biais de recrutements et de « redéploiements d’effectifs » au sein de l’Urssaf, selon le ministre délégué aux comptes publics.

Multiples formes

Le travail dissimulé a été mieux appréhendé en 2023, grâce, également, au recours accru au « data mining », c’est-à-dire la collecte d’énormes volumes de données ciblées sur les entreprises qui ont des « comportements problématiques ». La loi a, par ailleurs, renforcé les pouvoirs des inspecteurs de l’Urssaf, en leur offrant la faculté de conduire des « cyberenquêtes sous pseudonyme ». Et une attention encore plus soutenue a été accordée aux « fraudes à fort enjeu », là où les « risques sont les plus élevés », selon M. Cazenave : les salariés étrangers employés en France sous le régime du détachement, les collaborateurs de plates-formes numériques ou encore les secteurs où l’activité au noir est « historiquement » répandue (bâtiment en particulier).

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« Travailler aux chantiers » : les ressorts d’une culture professionnelle

Le chantier ? Un « rêve de sociologue », assure l’universitaire François Vatin. « Contrairement aux activités de bureau masquées derrière l’écran, le travail de chantier se donne en spectacle », confirme Gwenaële Rot, professeure des universités à Sciences Po. Afin de percer ses singularités et ce qu’elles impliquent pour ses acteurs, un collectif de chercheurs a mené l’enquête, au plus près du terrain. Dans les entrailles du métro parisien, au cœur de forêts vosgiennes ou aux côtés de scaphandriers des travaux publics, ils ont suivi le quotidien de ces travailleurs. Des études de cas restituées dans Travailler aux chantiers (Hermann), un ouvrage richement illustré dirigé par la sociologue Gwenaële Rot.

C’est un univers professionnel atypique, assurent les auteurs, par son caractère éphémère, par l’importance de l’apprentissage sur le tas et par la part donnée à l’improvisation (« la décision s’opère souvent dans l’action »). Ses acteurs en ont pleinement conscience. Certains s’en félicitent, saluant un quotidien fait de débrouille et d’adaptation permanente, jugé bien plus varié que celui de l’usine. « C’est pas toujours la même chose. J’aimerais pas travailler dans une fabrique où tu mets toujours la même vis. Alors là, moi, ça me plaît, faut bricoler », explique Augusto, moniteur sur le chantier d’un paquebot.

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Ils tendent aussi à entretenir une culture commune – la permanence des traditions de métier compte parmi les spécificités des chantiers. Elle peut prendre des formes symboliques. Les équipes des chantiers de métro s’identifient au monde du travail souterrain incarné par les mineurs : « A chaque entrée de tunnel, une alvéole accueille une statuette représentant la patronne des mineurs [sainte Barbe] pour rappeler la présence du danger dans l’activité souterraine », indiquent Gwenaële Rot et Elsa Gisquet dans leur enquête sur le prolongement de la ligne 14 du métro parisien.

Un univers exigeant

Les chantiers ont aussi leurs rituels. Dans le bâtiment, Marie Ngo Nguene, docteure en sociologie, évoque ainsi la place de l’alcool. Sa consommation n’est pas généralisée, mais « ne peut pour autant être considérée comme marginale ». Le nouvel arrivant – encadrants compris – doit « payer sa bouteille ». Boire est alors une « obligation implicite ». Cette consommation n’a pas que des visées fédératrices ; elle doit aussi permettre aux ouvriers de tenir face à des conditions de travail difficiles (froid…) ou d’être suffisamment désinhibés « pour “braver” les hauteurs sur des échafaudages ».

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Le géant de l’intérim Adecco condamné pour discrimination à l’embauche et fichage racial

Une agence parisienne du groupe suisse Adecco, le 13 janvier 2004.

Il aura fallu attendre plus de vingt ans. Le géant mondial de l’intérim Adecco a été condamné mercredi 13 mars par le tribunal de correctionnel de Paris à 50 000 euros d’amende pour la discrimination à l’embauche et le fichage à caractère racial de 500 intérimaires entre 1997 et 2001.

La société d’intérim franco-suisse et deux de ses cadres étaient poursuivis par d’anciens salariés et des associations antiracistes. Ils accusaient Adecco d’avoir mis en place un système de discrimination fondé sur la couleur de peau, à travers le fichier « PR 4 » (pour les personnes de couleur), comportant les noms d’intérimaires très majoritairement noirs.

Les prévenus, Olivier P. et Mathieu C., anciens directeurs de l’agence d’intérim Montparnasse, ont été condamnés à 10 000 euros d’amende, dont 7 000 avec sursis. Le tribunal a reconnu que s’ils n’étaient pas à l’origine de ce « filtrage basé sur la couleur de peau », ils n’avaient rien fait pour y mettre fin.

Un système de discrimination

Entre 1997 et 2001, l’agence qu’ils dirigeaient dans le quartier Montparnasse à Paris aurait fiché quelque 500 intérimaires noirs en les écartant de certaines missions. Spécialisée dans la restauration, l’agence travaillait notamment avec le ministère des affaires étrangères, Eurodisney et la Compagnie des wagons-lits.

Lors du procès, les prévenus ont soutenu que le critère « PR 4 » ne qualifiait pas la couleur de peau mais « un mix de l’expérience professionnelle et du savoir-être du candidat », notamment sa maîtrise du français. « Je n’ai jamais cautionné ni pratiqué la discrimination, il y a un paradoxe énorme, j’ai passé ma vie à lutter contre la discrimination », avait expliqué à la barre Olivier P., aujourd’hui à la retraite après dix-sept ans au sein d’Adecco. Des explications « fantaisistes », selon la procureure. « Il faut avoir envie d’y croire », avait-elle alors ironisé.

Une information judiciaire avait été ouverte en 2001 à Paris après une plainte de l’association SOS-Racisme, qui avait été alertée par un ancien salarié chargé du recrutement dans cette même agence. Le ministère public avait requis 50 000 euros d’amende à l’encontre de la société d’intérim et trois mois de prison avec sursis à l’encontre des deux anciens directeurs d’agence.

Le Monde avec AFP

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L’intelligence artificielle aurait un impact positif sur l’emploi, à condition de faire l’objet de négociations spécifiques, selon un rapport

L’intelligence artificielle (IA) devrait avoir un impact positif sur l’emploi, mais il faut se préparer à la disparition de certains métiers et anticiper la transformation de tous les autres : telles sont les conclusions de la Commission de l’intelligence artificielle sur l’avenir du marché du travail, dans son rapport rendu au président, Emmanuel Macron, mercredi 13 mars.

Pour dresser ce constat globalement rassurant, les experts s’appuient en particulier sur une étude menée à partir de données de l’Insee. Elle conclut que le nombre d’emplois total des entreprises observées augmente plus vite dans les 321 ayant adopté des systèmes d’IA entre 2018 et 2020 que dans les 897 autres n’ayant rien mis en place sur ce plan. Le choix de ces solutions technologiques a en effet permis de développer de nouveaux métiers, dont l’existence n’était pas envisagée dans l’entreprise avant 2018.

Par ailleurs, pour certaines fonctions, l’impact sur la productivité est tel qu’il devance largement un potentiel « effet d’éviction », soit la suppression de certains postes. C’est aussi ce que montre une étude du Bureau national de recherche économique américain, qui a étudié la mise à disposition d’un outil d’IA aidant les employés du service clients d’une entreprise à répondre aux demandes, grâce à un tchat proposant des réponses automatiques : les employés y ayant accès ont vu leur productivité croître de 25 %.

Problématique sociale

« Les emplois directement remplaçables par l’IA ne représenteraient que 5 % des emplois d’un pays comme la France », établit le rapport. Cependant, toute la littérature scientifique ne partage pas le même optimisme : selon une analyse menée en janvier par le professeur à HEC Antonin Bergeaud, l’automatisation concerne environ 20 % des travailleurs. Les métiers de secrétaires, de comptables et de télévendeurs, à la fois fortement exposés à l’IA et qui comportent peu de tâches complexes, sont les plus menacés.

Sans être remplacé, le travail d’une majorité de salariés sera, malgré tout, concerné. Selon les études, une part variable des emplois sont partiellement concernés par l’automatisation. Face à ces résultats divergents, la commission recommande d’investir davantage dans la recherche sur les conséquences de l’IA sur l’emploi. Faute de recul, les effets spécifiques de l’IA générative, démocratisée à la fin de 2022, sont presque inconnus.

Pour répondre à l’« obsolescence programmée » de certaines compétences, la formation est érigée en enjeu majeur par la commission. Les experts préconisent d’investir 200 millions d’euros sur cinq ans pour renforcer l’offre et les modalités de formation professionnelle, par le biais des outils de sensibilisation, notamment à destination des demandeurs d’emploi.

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