« Certains pensent qu’on vient pour construire des ZAD, mais on veut s’intégrer sur notre territoire » : ces diplômés qui deviennent agriculteurs

Suzanne Sotinel se rêvait anthropologue. Elle est en passe de devenir éleveuse de chèvres. A 28 ans, cette native de Brest (Finistère) a grandi dans une famille sans lien avec le monde agricole à l’exception d’une « arrière-grand-mère métayère ». C’est donc de manière empirique que la jeune femme a envisagé son chemin vers la paysannerie. Après un DEUG de philosophie, une licence puis un master 2 en anthropologie du développement durable pas assez professionnalisant à son goût et un service civique dans des associations, elle s’est installée à la campagne. A force d’observer le quotidien de ses voisines éleveuses, elle a eu envie de s’y mettre. « Chaque geste a une utilité et c’est gratifiant de réaliser des tâches avec un sens très clair, confie la jeune femme. Je ne sais pas si je me serais orientée directement vers ce milieu après le lycée mais je trouve dommage qu’il ne soit jamais présenté aux élèves des filières générales.  »

En ce jeudi de février, Suzanne Sotinel a ressorti sa trousse d’étudiante. Dans la grande salle aux larges baies vitrées du tiers-lieu Le Battement d’ailes, vaste bâtiment en bois perché au sommet d’une colline verdoyante à Cornil en Corrèze, elle prend des notes. Pour cette deuxième journée de session collective, elle travaille avec ses camarades sur l’ancrage territorial. Une notion-clé pour celles et ceux qui ont entamé en janvier le stage Entreprendre en agriculture paysanne au sein de l’Association pour le développement de l’emploi agricole et rural (ADEAR) Limousin.

Ce cursus, qui existe depuis 2019 dans la région, a été créé quelques années plus tôt dans les Pays de la Loire par la Confédération paysanne pour accompagner les personnes non issues du milieu agricole. « Le brevet professionnel responsable d’entreprise agricole [BPREA] donne la capacité agricole, sésame essentiel pour percevoir des aides à l’installation comme la dotation jeunes agriculteurs, mais il comprend moins de pratique, analyse Mélissa Khamvongsa, de l’ADEAR Limousin. Nous leur proposons vingt et un jours de session collective et une immersion de onze mois dans deux voire trois exploitations.  »

Déclic de la pandémie

Les dix membres de la promo 2024 de l’ADEAR Limousin ont presque tous le même parcours que Suzanne Sotinel. La plupart ont d’abord fréquenté les bancs de l’université avant de glisser petit à petit vers le monde rural, par appétence et conscience politique. « Je n’ai pas eu de déclic, ni fait un burn-out qui m’aurait conduite à chercher un refuge à la campagne, raconte Julie Jubault, 32 ans, titulaire d’un master en langues étrangères appliquées. Mais, au fil des années, il y a eu une vraie dissonance entre mes convictions, mes aspirations et ma vie professionnelle. » Julie pensait travailler dans des ONG ou des organismes de coopération mais elle a vite déchanté face au manque de débouchés du secteur. Elle a ensuite occupé un poste dans les services administratifs d’une école de commerce, ce qui lui a permis de mettre de l’argent de côté pour mener à bien son envie d’installation à la campagne.

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Le fighting spirit du « dirigeant-gladiateur »

Président de la République tout autant que « patron » de la « start-up nation », Emmanuel Macron apparaissait récemment sur les réseaux sociaux en train de marteler un sac de frappe, mâchoires serrées et veines saillantes à la Rocky Balboa, au point de faire soupçonner à certains des retouches Photoshop.

Postés le 19 mars sur le compte Instagram personnel de Soazig de La Moissonnière, photographe officielle de la présidence de la République, les deux clichés en noir et blanc ont suscité de nombreuses interrogations : en alternant gauche et droite, le président met-il en pratique jusque dans ses activités de loisir le « en même temps » macroniste ? Envoie-t-il un message de détermination à Vladimir Poutine ? Reprend-il à son compte le gimmick de l’ancien premier ministre Edouard Philippe, lequel aimait à se présenter en boxeur de centre droit ? « Ces codes virilistes utilisés jusqu’à l’overdose, quelle misère du politique », a déploré Sandrine Rousseau, députée écologiste de Paris.

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En réalité, Emmanuel Macron ne fait là que se glisser dans les habits d’un nouvel archétype en vogue, celui du dirigeant-gladiateur. Il est loin le temps où, pour incarner le leadership, il suffisait de flâner au côté d’un labrador ou de faire du jogging. Adepte du kickboxing, Olivier Véran n’a pas hésité à mettre le protège-dents pour aller à la rencontre de l’électorat, quand d’autres, comme Rachida Dati, s’épanchent dans les médias sur leur passion pugilistique.

S’afficher en machine à cogner

Mais c’est du côté de la Silicon Valley, jadis baignée d’un imaginaire post-hippie, que cette figure du dirigeant-gladiateur a pris le plus d’ampleur. Alors qu’il était resté dans nos mémoires comme un type mollasson portant un hoodie informe et des claquettes de piscine, Mark Zuckerberg (patron de Meta, 1,72 m, 70 kg) s’affiche désormais en machine à cogner, diffusant sur les réseaux sociaux des vidéos de ses entraînements de mixed martial arts (MMA).

Le 1er octobre 2023, le fondateur de Facebook apparaît sur son Instagram avec deux coquards, le nez tuméfié et cette légende : « Le sparring est devenu un peu hors de contrôle. Je vais devoir mettre à jour mon avatar (émoji rire). »

Rebelote le 3 novembre 2023, où, après une autre session qui a mal tourné, on le retrouve cette fois alité dans un hôpital, serrant le poing pour signifier son fighting spirit postopératoire. « Je me suis déchiré le ligament croisé et je viens de subir une intervention chirurgicale pour le remplacer », nous informe, tout sourire, le dirigeant-gladiateur, qui avait dans les cartons un projet de confrontation – avorté – dans l’octogone avec Elon Musk (patron de Tesla, X et Space X, 1,86 m, 90 kg).

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Editis limoge plus de la moitié de son comité exécutif

Toujours se méfier des promesses. Avant que le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky ne mette la main sur Editis − le deuxième groupe d’édition français, qui comprend Plon, Julliard, Robert Laffont… –, son bras droit, Denis Olivennes, expliquait au comité social et économique, en avril 2023, l’importance du « bien-être au travail ». La mise en œuvre de ces engagements n’a pas concerné les membres du comité exécutif (comex) d’Editis.

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Selon La Lettre du mercredi 27 mars, sept de ses douze membres ont été priés de faire leurs cartons. Ils étaient déjà en place ou avaient été nommés par Michèle Benbunan, l’ancienne directrice générale d’Editis, quand l’entreprise était encore dans le giron du groupe Vivendi de Vincent Bolloré. Depuis le rachat d’Editis, en novembre 2023, les départs de Michèle Benbunan, de Laurent Mairot (directeur financier), d’Amélie Courty-Cayzac (directrice des ressources humaines), de Clément Pelletier (directeur du développement), de Vincent Barbare (directeur du pôle éducation grand public et président d’Edi8) et de Benjamin Tancrède (directeur digital et innovation) ont été actés. Celui de Pascale Launay (directrice de la communication et de la responsabilité sociétale des entreprises) est intervenu la semaine dernière.

Par ailleurs, trois des membres de ce comex ont été rétrogradés depuis l’arrivée du nouvel actionnaire. Après cette « hécatombe » digne d’Agatha Christie, seuls subsistent Nicolas Gonçalvez, directeur des relations avec les éditeurs, et Marie-Pierre Sangouard, directrice générale d’Interforum (filiale de diffusion et de distribution). Cette dernière est la seule à avoir intégré le nouveau comité de direction, un « club des cinq » où siègent désormais les représentantes de la nouvelle direction sous la houlette de Catherine Lucet, la directrice générale.

Questions salariales

« La vie des entreprises est faite de départs et d’arrivées », tempère-t-on dans l’entourage de M. Kretinsky, en notant qu’il est fréquent de changer le management à l’arrivée d’un nouvel actionnaire. Et en soulignant que 90 % des promotions du nouvel organigramme sont des promotions internes.

Ce grand ménage rappelle le coup de balai spectaculaire donné en 2014 par le patron des grands magasins du groupe Galeries Lafayette, Nicolas Houzé, qui, en dix mois, avait limogé la totalité de son comex. Façon radicale de faire place nette en décimant la garde rapprochée de son prédécesseur.

Au sein d’Editis, les syndicats se plaignent, comme Force ouvrière (FO), « d’être informés des mouvements dans la direction par les médias » et regrettent de « n’avoir aucune information sur la stratégie du groupe ». Les questions salariales achoppent toujours avec la direction, et FO n’excluait pas, mercredi 27 mars, un appel à la grève, le second depuis novembre 2023.

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L’essor des formations antistress au travail pose question : « Je voyais ma boîte mail se remplir pendant qu’on me conseillait de faire des mandalas »

Au sein de l’organisme de formation continue Cegos, elles figurent désormais parmi les « best-sellers » : les formations destinées à apprendre à « gérer » son stress au travail se sont taillé la part du lion, ces dernières années, dans les catalogues proposés par les entreprises à leurs salariés. « Elles sont extrêmement demandées, dans un contexte post-Covid où les employeurs identifient bien un accroissement de l’anxiété chez leurs collaborateurs », confirme Christelle Delavaud, responsable de la gamme « développement personnel », dont fait partie la gestion du stress, de cet organisme.

A l’image de Cegos, nombre d’organismes de formation se sont positionnés sur ce créneau. Souvent par le biais de techniques comme la méditation ou la relaxation, leurs offres proposent d’enseigner à des salariés débordés à « se ressourcer », « gagner en sérénité », « lâcher prise » ou encore à « gérer les moments de tensions professionnelles », pour mieux « se remobiliser » ou « optimiser [leur] performance » au bureau. Pour des tarifs oscillant entre 500 et 5 000 euros, selon les organismes.

Pour Alexandre Stourbe, directeur général du Lab RH, l’attractivité de ce type de formations répond aux besoins d’une « période de crise permanente, économique, écologique, sanitaire, qui crée un stress majeur dans les organisations ». Le tout décuplé, selon lui, « par des pratiques contemporaines qui mettent en surtension, avec notamment un stress numérique lié à la masse d’informations, d’e-mails, de notifications à traiter, et face auquel les travailleurs peuvent avoir besoin d’outils pour ne pas être submergés ».

« Outils déconnectés »

En France, la santé au travail ne cesse de se dégrader, alarment ces dernières années de nombreux rapports et enquêtes. Dans ce contexte, « il peut être intéressant de développer des compétences individuelles pour améliorer sa gestion du stress, car cela s’apprend, comme une langue », évalue Patrick Légeron, psychiatre et fondateur du cabinet Stimulus, spécialisé dans les risques psychosociaux. Il souligne d’ailleurs que « dans le burn-out, face ultime du stress, si on estime que deux tiers des causes sont liées au travail, un tiers correspond bel et bien à l’individu : des traits de personnalité, être perfectionniste, d’un naturel anxieux… »

Mais de fait, au regard de ces proportions, « on ne peut pas s’en arrêter là », alerte-t-il. Pour le psychiatre, « aborder uniquement la problématique du stress en disant “il faut apprendre aux personnes à gérer leur propre ressenti” serait malhonnête, puisque la majeure partie des facteurs se joue dans l’environnement de travail ».

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Gabriel Attal et « la théorie du chômage volontaire » : un argument discutable pour séduire les classes moyennes

Le premier ministre, Gabriel Attal, lors de la séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 12 mars 2024.

Depuis son arrivée à Matignon, Gabriel Attal en a fait l’un de ses marqueurs. Il le répète comme un mantra. « Le travail doit toujours mieux payer que l’inactivité », assène le premier ministre. Cette petite phrase en forme de slogan a été prononcée lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, le 30 janvier, puis face aux salariés d’une entreprise de la métallurgie – Numalliance –, à l’occasion d’un déplacement dans les Vosges, le 1er mars. Dans son esprit, il s’agit de rendre « notre modèle social plus efficace et moins coûteux », dans un contexte d’économies budgétaires. Le chef du gouvernement entend également lancer un message aux classes moyennes, « ces Français de l’entre-deux, qui gagnent un peu trop pour toucher des aides », mais pas assez « pour être à l’aise ».

Cette préoccupation devait constituer l’un des thèmes du séminaire, organisé mercredi 27 mars à l’hôtel Matignon en présence de la plupart des ministres. Initialement, cette rencontre avait vocation à plancher – entre autres – sur les résultats d’une négociation entre partenaires sociaux, qui aurait dû prendre fin la veille. Mais les syndicats et le patronat ont décidé de prolonger jusqu’au 8 avril leurs discussions « pour un nouveau pacte de la vie au travail » (emploi des seniors, prévention de l’« usure professionnelle », etc.). Pour autant, il n’était pas exclu que M. Attal fasse des annonces en lien avec ces pourparlers, mercredi soir, lors du journal télévisé sur TF1. Depuis plusieurs mois, l’exécutif communique avec insistance sur le projet d’une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, qui se traduirait, une fois de plus, par un durcissement des règles en raccourcissant la durée d’indemnisation – notamment aux dépens des seniors.

Le leitmotiv du premier ministre renvoie à des problématiques anciennes, comme le rappelle Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’université Gustave-Eiffel. « Dans le passé, il a pu arriver que des personnes sans emploi touchent des prestations dont le montant était temporairement supérieur à ce qu’elles auraient perçu si elles avaient repris un poste », affirme-t-il. « Avant le changement de mode de calcul de l’indemnisation, décidé en 2019, environ un allocataire sur cinq gagnait un peu plus en étant au chômage qu’en occupant un emploi », complète Bruno Coquet, économiste associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Sur le plan des principes, de telles situations ne sont pas souhaitables car « il est essentiel que les politiques de redistribution et que notre système de protection sociale soient conçus pour qu’il y ait toujours un gain à reprendre une activité », enchaîne Stéphane Carcillo, professeur à Sciences Po Paris : « Sinon, cela signifierait que l’Etat-providence désincite au travail. »

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Le management dans l’inconnu : préserver les emplois plutôt que détruire

« La notion de manageur a besoin d’être revisitée pour être sur les temps longs. Il n’est plus celui qui décide, mais il doit être capable de conduire le collectif pour adhérer à un enjeu commun », a déclaré Pascal Daloz, le directeur général de Dassault Systèmes, lors de l’inauguration, le 13 mars, à l’Ecole des mines Paris-PSL du « Bauhaus des transitions ».

Ce centre de recherche vient d’être créé pour développer une nouvelle culture de management adaptée aux profondes mutations actuelles : dans l’écologie, la santé, la mobilité, etc. « On est frappé de plein fouet, soumis à d’énormes transitions dans tous les sens. Comment accompagner les dirigeants à gérer l’inconnu ? La formation française des ingénieurs n’est pas du tout préparée à cela », a souligné Denis Bonnet, le vice-président de la recherche et de l’innovation chez Thales.

Ce dont on est sûr, c’est que l’on ne sait pas grand-chose. Les transformations contemporaines ont réveillé les Cassandre, qui ne manquent pas d’évoquer les destructions d’emploi massives à venir, ou le manque de visibilité sur le devenir du travail. Au printemps 2023, Goldman Sachs annonçait ainsi des centaines de millions d’emplois menacés par l’intelligence artificielle générative. Les perspectives d’évolution d’emploi liées aux changements climatiques peuvent être aussi alarmistes et hasardeuses, vu la part de mystères sur la transformation des métiers. Comment avancer dans l’inconnu ?

Durant la période liée au Covid-19, les entreprises ont appliqué le management de l’incertitude qui, depuis des années, avait prouvé son efficacité en situation de crise politique ou sanitaire : cellule de crise pour gérer l’urgence, plate-forme d’écoutes, réduction du nombre de niveaux hiérarchiques pour raccourcir et accélérer la chaîne de décisions, communication en réseau renforcée.

Créer des dynamiques collectives

Le management de l’incertitude a été salvateur pour maintenir l’activité durant la pandémie, remettant au goût du jour le mode disruptif et, avec lui, les théories de la destruction créatrice de Joseph Schumpeter. Mais les chercheurs estiment aujourd’hui que, pour avancer sur le long terme, le mode disruptif n’est plus la réponse appropriée. Le futur du travail aurait davantage besoin de préservation que de destruction.

Ils s’interrogent en effet sur la « création préservatrice ». « Ce dont le monde a besoin pour demain, c’est vraiment de ces deux mots-là », estime Frédéric Arnoux, le président de STIM, une société qui accompagne les grands groupes en matière de stratégies d’innovation.

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Le délicat engagement des employeurs contre les addictions au travail

Interdiction de l’alcool lors des événements internes (pots, séminaires), non-remboursement de l’alcool sur les notes du frais au-delà du seuil légal du code de la route, témoignages de l’association des Alcooliques anonymes, éthylotests intempestifs sur les postes à risques… Voilà les mesures prises par la direction d’Enedis en région Pays de la Loire, en 2022, pour lutter contre les conduites addictives.

En janvier 2024, certains de ces principes ont été généralisés à l’échelle nationale. « Notre outil de suivi et de validation des notes de frais “détecte” désormais la consommation d’alcool via le contrôle automatique du taux de TVA », explique François Luciani, directeur délégué Pays de la Loire.

Dans la même région, le fabricant de camions Scania, déjà adepte du « zéro alcool », a décidé d’interdire le tabac dans son usine d’Angers (Maine-et-Loire), en septembre 2022. « On ne voulait pas aller trop rapidement dans cette démarche de santé publique : on n’était pas là pour dire aux salariés d’arrêter de fumer, donc on a proposé un accompagnement en plusieurs temps aux fumeurs inquiets », justifie Frédéric Guibert, responsable du pôle santé-sécurité.

En entreprise, les conduites addictives demeurent à un niveau élevé. Selon la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), en 2021, chez les actifs occupés, 27 % des hommes et 23 % des femmes fumaient quotidiennement ; 20 % des hommes et 8 % des femmes avaient une consommation dangereuse d’alcool.

Agriculture et bâtiment

Dans les emplois physiquement pénibles – agriculture, bâtiment – ou en contact avec le public, l’alcool demeure un outil de convivialité et un moyen de tenir. « Qu’il soit ouvrier ou encadrant de proximité, toute nouvelle recrue est incitée à consommer de l’alcool », écrit ainsi la sociologue Marie Ngo Nguene dans sa contribution à l’ouvrage Travailler aux chantiers (dir. Gwenaële Rot, Hermann, 2023), portant sur le secteur du BTP. La cocaïne est particulièrement répandue dans l’hôtellerie-restauration, ou chez les marins pêcheurs.

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Que peut l’entreprise face à ces conduites qui relèvent a priori de la vie privée ? En premier lieu, comprendre qu’il y a un lien entre organisation du travail et addictions : « L’addiction, c’est la rencontre entre un produit, un individu et un environnement, résume Valérie Saintoyant, déléguée de la Mildeca. L’environnement professionnel peut favoriser les consommations à risques. » Le stress, les risques psychosociaux, les horaires atypiques, le travail isolé et le télétravail sont autant de facteurs aggravants.

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Ascometal : vers un troisième redressement judiciaire en dix ans

Le ministre délégué à l’industrie, Roland Lescure, à l’Elysée, à Paris, le 27 février 2024.

Et de trois ! Pour la troisième fois en dix ans, le groupe Ascometal devrait se retrouver, mercredi 27 mars, plongé en redressement judiciaire. Sauf que, cette fois, au siège social d’Hagondange (Moselle), près de Metz, personne ne l’a vu venir. Car si la volonté de désengagement du propriétaire, le suisse Swiss Steel, est connue de tous, le groupe était en pourparlers très avancés avec l’aciériste italien Venete. « Nous sommes abasourdis. Pour nous, c’était acté. Venete était dans nos locaux depuis des mois. Nous avions eu le business plan, qui prévoyait d’ambitieux investissements. Là, on se retrouve avec plus rien du jour au lendemain », explique dépité un délégué syndical CGT, qui préfère garder l’anonymat.

Venete ne devait reprendre que le cluster automobile du groupe, soit Ascometal Hagondange (environ 450 salariés et 100 intérimaires), Ascometal Marcus (à Custines, en Meurthe-et-Moselle, près de Nancy, 70 salariés et Ascometal Le Marais, à Saint-Etienne, 70 salariés aussi) et Ascometal France Holding, le siège social et son centre de recherche, aussi à Hagondange (100 salariés).

Des repreneurs sont recherchés pour les sites de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône, environ 360 salariés) et des Dunes, à Dunkerque (Nord, environ 170 salariés).

« Dégradation de la situation économique »

La nouvelle de ce redressement judiciaire a été annoncée par la direction d’Ascometal, lundi 25 mars, aux élus du personnel en comité social et économique (CSE), lors d’une réunion extraordinaire. Cela a provoqué de vives inquiétudes sur le site mosellan, qui travaille à 90 % pour l’industrie automobile, dont il constitue un des maillons essentiels du marché européen, avec ses produits d’excellence. Contactée, la direction de la communication de Swiss Steel n’a pas donné suite, mardi 26 mars, à nos demandes.

Selon la CGT, les raisons de cet échec évoquées par la direction sont multiples, mais seraient principalement dues « à une dégradation de la situation économique depuis le début de l’année ». « L’accord signé entre Swiss Steel et Venete, en décembre [2023], comprenait un certain nombre d’engagements concernant le niveau de stock et les besoins en fonds de roulement. Ces conditions n’étant plus remplies, il aurait été nécessaire d’injecter plusieurs millions d’euros pour finaliser l’accord. Etant donné que ni notre actionnaire ni notre candidat à la reprise n’étaient disposés à le faire, le redressement judiciaire apparaît comme la seule option restante », déclare le syndicat.

La direction a annoncé aux élus du personnel qu’elle transmettrait, dès mardi, une demande de mise en redressement judiciaire au tribunal de commerce de Strasbourg. Une audience est déjà programmée pour mercredi 27 mars. La durée de la période d’observation dépendra du niveau de trésorerie de l’entreprise. Selon la CGT, celui-ci permettrait de tenir jusqu’à juillet.

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La semaine en quatre jours expérimentée au printemps dans les ministères

L’expérimentation de la semaine en quatre jours dans les ministères débutera au printemps et durera « un an au moins », selon une note de l’administration, consultée mardi 26 mars, par l’Agence France-Presse, à la veille d’un séminaire gouvernemental sur le travail.

Annoncée en janvier par le premier ministre, Gabriel Attal, cette expérimentation vise à évaluer « l’impact », notamment en ce qui concerne « l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle », de cette modulation du temps de travail qui consiste à concentrer ses heures sur un nombre de jours réduit.

« Elle se fera à effectifs constants » et sans réduction du temps de travail légal de 1 607 heures par an, insiste la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans cette note datée de vendredi.

L’expérimentation se déroulera aussi bien à Paris que dans les services « déconcentrés » (hors de la capitale) des ministères. Les opérateurs de l’Etat « pourront être associés (…) si cela paraît pertinent », détaille l’administration. « Il appartiendra à chaque chef de service de déterminer la pertinence » de mener ou pas l’expérimentation, ajoute-t-elle.

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Sur la base du « volontariat »

La DGAFP espère arrêter la liste des services prêts à tester la modulation du temps de travail en avril ou en mai, et lancer dans la foulée les premières expérimentations. La modulation du temps de travail commencera « au plus tard en septembre 2024 pour une durée d’un an au moins », est-il précisé dans la note. Un premier bilan sera dressé à l’été 2025 et servira à préparer « la pérennisation ou l’extension » de l’expérimentation – l’administration n’évoque pas le scénario d’une expérimentation non concluante.

Outre la semaine en quatre jours, les administrations pourront tester la semaine en quatre jours et demi ou l’alternance de semaines de quatre puis de cinq jours. L’expérimentation se déploiera sur la base du « volontariat », mais les fonctionnaires qui ont des « obligations réglementaires de service », comme les enseignants, ou des cycles horaires différents de la traditionnelle semaine de cinq jours, en seront exclus.

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Sa « logique » est « d’évaluer en quoi le dispositif permettrait (…) de faire bénéficier le plus grand nombre possible d’agents », et en particulier ceux qui n’ont pas accès au télétravail, « d’une diminution des jours travaillés avec présence sur site ». Dans les services publics accueillant des usagers, « les plages d’ouverture ne doivent naturellement pas être réduites mais peuvent a contrario être étendues du fait de la présence des agents sur une amplitude [horaire] quotidienne élargie », écrit la DGAFP.

Le Monde avec AFP

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