Une grève « record » attendue jeudi chez les contrôleurs aériens après l’échec de négociations

Vers une annulation de nombreux vols jeudi 25 avril ? Les négociations pour éviter une grève des contrôleurs aériens français jeudi ont échoué, a annoncé lundi le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), qui prédit une « mobilisation record » des personnels jeudi. Les discussions portaient sur le projet de refonte du contrôle aérien présenté par la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

« On considère qu’il y a échec des négociations, de la conciliation » avec la DGAC, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un secrétaire national du SNCTA, le principal syndicat des contrôleurs aériens, sous couvert d’anonymat. « On a une mobilisation record, et donc il faut s’attendre à de très fortes perturbations, à de très gros retards » jeudi, a ajouté ce responsable.

La négociation, entamée il y a quinze mois, prévoit de refondre l’organisation du contrôle aérien en France, notamment le maillage territorial des services de navigation aérienne, de réorganiser le travail des contrôleurs pour faire face à l’augmentation annoncée du trafic aérien de 20 à 30 % d’ici à 2030 en contrepartie de hausses de rémunérations et d’embauches. Cela passera notamment par une réduction de trente à seize des « centres de contrôle d’approche », d’où sont guidés les avions sur le point d’atterrir, mais aussi par un désengagement « d’un nombre inconnu d’aérodromes », a déploré le secrétaire national du SNCTA cité précédemment.

« Nos homologues européens sont payés deux à trois fois nos salaires », selon lui. Le SNCTA réclame 25 % de hausse des rémunérations, étalées sur les années 2023-2027, ce qui laisserait selon lui de la marge à la DGAC pour continuer à investir.

Des discussions possibles jusqu’à mardi midi

Pour l’UNSA-ICNA, deuxième syndicat représentatif des contrôleurs, cette réforme est synonyme de « flexibilité à outrance (…), désorganisation dans la gestion des salles de contrôle, dirigisme, restrictions à congés, contraintes d’anticipation démesurées, entretien assumé des sous-effectifs, réduction des services ». Selon eux, l’administration fait « ouvertement le choix du conflit social », en s’attaquant « à tous les piliers » de la profession.

De son côté, la DGAC a souligné lundi soir que des discussions restaient possibles jusqu’à mardi midi, échéance pour se déclarer gréviste. En cas de grève des contrôleurs, la DGAC demande aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs programmes de vols au départ ou à l’arrivée des aéroports français, afin de mettre en adéquation les personnels disponibles et le nombre de mouvements d’appareils prévus.

De source proche du dossier à l’AFP, ces « abattements » pourraient concerner jusqu’à plus de 70 % des vols dans certains aéroports jeudi, alors que les vacances scolaires de printemps sont encore en cours dans deux des trois grands regroupements d’académies (les zones A et B).

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Assurance-chômage : le gouvernement fixera de nouvelles règles à partir du 1ᵉʳ juillet

Le gouvernement fixera de nouvelles règles d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi à partir du 1er juillet, prenant acte du « désaccord » entre les partenaires sociaux, selon un communiqué du ministère du travail paru lundi 22 avril. L’exécutif prendra « un décret de carence » qui aura « pour objectif de concourir à l’atteinte du plein-emploi et de favoriser le retour rapide en emploi des chômeurs indemnisés ». Comme en 2019, patronat et syndicats perdent à nouveau la main sur la définition de ces règles au profit de l’exécutif.

Le ministère rappelle que « les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à trouver un accord dans la négociation relative au pacte de la vie au travail, qui portait sur l’emploi des seniors, les reconversions professionnelles et le compte épargne-temps universel [CETU] » engagée depuis décembre.

Il ajoute que « l’issue de cette négociation conditionnait l’entrée en vigueur » de l’accord sur l’assurance chômage de novembre 2023, « afin de le rendre compatible avec le document de cadrage de l’été 2023 » qui prévoyait des économies sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi seniors.

« Aller plus loin dans la réforme de l’assurance-chômage »

L’assurance-chômage était gouvernée par un décret de carence qui expirait à la fin de l’année 2023, mais dont la validité a été prolongée de six mois par un décret de « jointure » jusqu’au 30 juin. Sans attendre l’issue des discussions sur l’emploi des seniors, le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé dès janvier vouloir « aller plus loin dans la réforme de l’assurance chômage ».

La semaine dernière, il a rappelé trois leviers pour durcir les règles : la durée d’indemnisation, la condition d’affiliation, soit le temps qu’il faut avoir travaillé pour être indemnisé, et le niveau de cette indemnisation. Tout en soulignant que « les trois possibilités [étaient] ouvertes », il avait dit sa préférence pour un durcissement de la condition d’affiliation.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Sur l’assurance-chômage, le gouvernement prend peu de risques politiques

Le Monde avec AFP

Vincent Vicard, économiste : « La France connaît une stabilisation industrielle plutôt qu’une réindustrialisation »

Economiste spécialiste des questions de commerce international, Vincent Vicard est adjoint au directeur du Centre français de recherche et d’expertise en économie internationale, rattaché aux services de Matignon. Il est l’auteur de Faut-il réindustrialiser la France ? (PUF, 176 pages, 12 euros).

La réindustrialisation permettrait-elle de résoudre une grande partie des problèmes de la France ?

C’est trop prêter à l’industrie, dont plusieurs caractéristiques sont un peu survendues, par exemple en ce qui concerne l’emploi. L’industrie manufacturière représente actuellement 11 % de l’emploi en France. Il ne faut pas rêver : même avec une politique très ambitieuse de réindustrialisation, on n’augmentera pas forcément le taux d’emploi en France – quelques dizaines ou centaines de milliers d’emplois peuvent être créés au mieux.

Mais une projection de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques et de France Stratégie montre que, à l’horizon 2030, le taux d’emploi restera stable, car si l’on réindustrialise certains secteurs, les gains de productivité continueront à réduire l’emploi industriel dans d’autres. L’industrie ne suffira pas à assurer de bons emplois à la classe moyenne. Elle joue cependant un rôle majeur dans certains bassins d’emploi éloignés des métropoles.

La France se réindustrialise-t-elle vraiment ?

Les indicateurs sont ambigus. On a connu une période de baisse très importante de l’emploi industriel et de la part de l’industrie dans le PIB depuis les années 1980 jusqu’à la première décennie du XXIe siècle. Depuis une dizaine d’années, on connaît une stabilisation plutôt qu’une réindustrialisation, même si 130 000 emplois ont été créés dans l’industrie depuis 2017, notamment dans l’agroalimentaire. Mais la production industrielle reste au-dessous de son niveau de 2019, avant la crise due au Covid-19, et la productivité dans l’industrie française diminue, ce qui peut s’expliquer par le type d’emplois qui ont été créés et qui ne sont pas forcément dans les secteurs industriels à haute valeur ajoutée. Avant de parler de réindustrialisation, on devrait se demander de quelle industrie nous avons besoin en France, alors que la géopolitique mondiale et la crise climatique changent toutes les grilles de lecture.

La réindustrialisation suit-elle une stratégie ?

La lutte contre la désindustrialisation a commencé sous la présidence de François Hollande avec le pacte pour la compétitivité des entreprises. Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a poursuivi cette dynamique avec la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production. Les coûts de production ont baissé, sans faire de différence entre les secteurs et les entreprises.

Il vous reste 54.57% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Sur l’assurance-chômage, le gouvernement prend peu de risques politiques

Le premier ministre, Gabriel Attal, dans son bureau à Matignon, à Paris, le 4 avril 2024.

Le gouvernement a probablement une impression de déjà-vu. Un an après s’être empêtré dans la réforme des retraites, il se retrouve dans une situation quelque peu similaire sur l’assurance-chômage. Jeudi 18 avril, sur BFM-TV, le premier ministre, Gabriel Attal, a livré quelques précisions sur ses intentions.

Trois leviers peuvent être utilisés pour ce nouveau tour de vis à l’égard des demandeurs d’emploi. Réduire la durée durant laquelle ils sont indemnisés (dix-huit mois aujourd’hui pour les personnes de moins de 53 ans, les seniors étant protégés plus longtemps), durcir la période d’affiliation, c’est-à-dire le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits à une allocation, ou réduire le montant de l’allocation.

Le locataire de Matignon a clairement exprimé sa préférence pour la deuxième option. Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers pour ouvrir des droits. « Ce qui m’importe, c’est moins de faire bouger les règles pour celui qui a travaillé toute sa vie et qui se retrouve avec un licenciement économique (…) que des situations où on voit qu’il y a un système qui s’est organisé pour des multiplications de petits contrats courts entre lesquels on bénéficie du chômage », a-t-il déclaré, reconnaissant que cela « oriente » les changements à venir « vers les conditions d’affiliation ».

Ces propos révèlent un léger changement de pied par rapport à ce qui avait été entendu jusque-là puisque, plusieurs fois, une réduction de la durée d’indemnisation avait été évoquée. Surtout, la lutte contre les contrats courts était déjà l’objet de la réforme de l’assurance-chômage de 2019. Mais quel que soit le paramètre que le gouvernement décidera de modifier, comme il y a un an sur les retraites, son projet est contesté de toutes parts.

Légère adhésion

Dans l’opposition, la gauche fustige une attaque supplémentaire contre les plus faibles. A droite, certains appellent aussi à faire une pause, un an à peine après la précédente réforme. Sans surprise, les syndicats s’y opposent également. Des voix dissonantes se font aussi entendre dans la majorité. Une grande partie des économistes critiquent, quant à eux, le bien-fondé d’un tel projet, estimant que réduire les droits des chômeurs n’a pas de conséquences positives sur le retour à l’emploi. Et, à l’automne 2023, même l’administration jugeait « peu opportun » de diminuer une nouvelle fois la durée d’indemnisation et recommandait d’évaluer les précédentes réformes avant de s’engager dans un nouveau changement.

Il vous reste 68.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Quand vous n’avez pas de boulot, vous vous sentez en marge de la société » : chez les chômeurs, la crainte d’un nouveau durcissement de l’assurance-chômage

Après avoir occupé pendant « plus de vingt ans » divers postes dans les ressources humaines, Dominique (les personnes citées par leur prénom n’ont pas souhaité donner leur nom) se retrouve désormais « de l’autre côté », celui des demandeurs d’emploi, à la suite d’un licenciement économique en novembre 2023. Une fois passé le « choc psychologique » lié à la perte de son poste et après une expérience non concluante de quelques semaines en début d’année, cet ancien responsable de recrutement de 55 ans s’astreint à conserver un quotidien qui s’apparente « à de vraies journées de travail ».

Dès l’aube, Dominique épluche les offres d’emploi, postule à certaines d’entre elles, relance des recruteurs, se rend à des entretiens, tout en se tenant informé des sujets d’actualité de son secteur, « comme actuellement sur l’intelligence artificielle ». A la fin de ses journées, ce père de famille note sur son ordinateur toutes les actions entreprises « pour [se] donner l’impression [qu’il n’a] pas passé [sa] journée à ne rien faire », avant de préparer une « to do list » des tâches à réaliser le lendemain : « C’est une façon de fonctionner un peu excessive, mais je veux absolument retrouver un job. »

Alors quand le premier ministre, Gabriel Attal, annonce une nouvelle réforme de l’assurance-chômage et l’augmentation des contrôles pour « inciter davantage à la reprise d’emploi » en arguant que « le travail doit toujours mieux payer que l’inactivité », Dominique se demande si l’exécutif « considère bien le côté psychologique d’être au chômage ». « On n’est pas là à ne rien faire et à attendre que ça passe, se justifie-t-il. Le travail permet de structurer chaque être humain, quand vous n’avez pas de boulot, vous vous sentez en marge de la société. »

La volonté du premier ministre de durcir à nouveau les règles de l’assurance-chômage en proposant de réduire la durée d’indemnisation, de réduire le montant ou d’augmenter le temps de travail nécessaire pour bénéficier d’une indemnité a ainsi été perçue par bon nombre de personnes en recherche d’emploi comme un nouveau coup rude reçu dans un chemin déjà semé d’embûches.

Au chômage et percevant le revenu de solidarité active (RSA), Anne-Laure, déplore, elle, « un discours qui culpabilise les plus précaires ». « S’il y avait vraiment un véritable accompagnement, d’accord. Mais il n’y a même pas ça », rejette cette ancienne secrétaire de rédaction de 60 ans, qui reproche notamment à France Travail un manque de suivi régulier. Cette Francilienne s’est vu proposer par son conseiller un poste de cheffe de mission comptable, « alors [qu’elle n’a] aucune expérience dans la comptabilité », avant d’être orientée vers une formation pour devenir agent de sécurité à l’occasion des Jeux olympiques. « Je me retrouve à être dirigée vers quelque chose qui ne me correspond pas, mais bon ça me permettra de travailler… », explique-t-elle, avec un certain fatalisme.

Il vous reste 62.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Percée historique du grand syndicat automobile américain UAW dans le sud des Etats-Unis

L’usine Volkswagen de Chattanooga (Tennessee, Etats-Unis), le 19 avril 2024.

A six mois de l’élection présidentielle américaine, la victoire est majeure pour la gauche. Le syndicat automobile UAW (United Auto Workers) est parvenu pour la première fois à syndiquer l’usine d’un constructeur étranger dans un des Etats du sud des Etats-Unis. En effet, 2 628 salariés de Volkswagen, soit 73 % des votants, ont approuvé la syndication de leur usine de Chattanooga dans le Tennessee. Le vote, étalé sur trois jours, s’est achevé vendredi 19 avril. Il s’est déroulé à bulletin secret sous la supervision fédérale du National Labor Relation Board. La participation a atteint 83 %.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « America is back », le bilan économique reluisant de Joe Biden

Ce scrutin fait partie d’une campagne massive (40 millions de dollars) de conquête des usines non syndiquées d’une douzaine de constructeurs européens et asiatiques implantés dans le sud des Etats-Unis, mais également des usines Tesla. L’offensive a été déclenchée à la suite de la grève victorieuse menée par le nouveau patron de l’UAW, Shawn Fain, à l’automne 2023 contre les trois constructeurs historiques de Detroit, les fameux Big Three (Ford, General Motors, Stellantis ex-Chrysler).

Après avoir obtenu des hausses de rémunérations cumulées supérieures à 25 % sur quatre ans, un salaire horaire atteignant 42 dollars de l’heure, l’UAW a estimé qu’il avait le vent en poupe. « Lorsque nous reviendrons à la table des négociations en 2028, ce ne sera pas seulement avec les “Big Three” », mais avec les « Big Five » ou « Big Six », avait déclaré Shawn Fain en novembre 2023 . Vendredi 19 avril, le syndicaliste a vu sa stratégie confortée « Ce soir, vous avez tous fait un pas de géant et historique », a déclaré M. Fain, en célébrant la victoire de Chattanooga : « Mettons-nous au travail et gagnons davantage pour la classe ouvrière de cette nation. »

Depuis des mois, le syndicat jouit du soutien politique de Joe Biden. Le président démocrate s’était en effet déplacé sur un piquet près de Detroit, une première pour un président des Etats-Unis. Immédiatement après le vote clos vendredi, M. Biden a envoyé ses « félicitations aux travailleurs de Volkswagen à Chattanooga », se disant « fier » d’être « à leurs côtés ».

Une lame de fond

Joe Biden, qui se prévaut d’être le président le plus pro-syndicat des Etats-Unis, y voit une lame de fond. « Partout dans le pays, les travailleurs syndiqués ont enregistré des victoires et des augmentations importantes, notamment les travailleurs de l’automobile, les acteurs, les travailleurs portuaires, les camionneurs, les écrivains… », a déclaré M. Biden. Le président américain estime que ces victoires se répercutent sur l’ensemble de la classe moyenne. Le candidat à sa réélection s’en est pris aux gouverneurs républicains des Etats concernés, accusés de « saper » le processus de syndication.

Il vous reste 52.58% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Aux Etats-Unis, les salariés de Volkswagen votent pour la constitution d’un syndicat UAW dans le Tennessee

L’usine d’assemblage Volkswagen de Chattanooga (Tennessee, Etats-Unis), le 19 avril 2024.

Les salariés de Volkswagen dans l’Etat américain du Tennessee ont voté à une large majorité pour la constitution d’un syndicat, selon des résultats communiqués vendredi 19 avril par le constructeur automobile.

Les salariés de l’usine de Chattanooga ont voté à 73 % pour être représentés par le syndicat de l’automobile United Auto Workers (UAW). Jusqu’ici, le syndicat n’était parvenu à s’implanter chez aucun des constructeurs non américains, qui ont, dans leur immense majorité, élu domicile dans des Etats du sud des Etats-Unis.

Un prochain scrutin prévu dans l’Alabama

« Les travailleurs de Volkswagen viennent d’entrer dans l’histoire ! », a déclaré l’UAW dans un message publié sur X. Après une négociation réussie chez les trois géants américains du secteur, le puissant syndicat de l’automobile a l’ambition de s’étendre aux constructeurs étrangers présents aux Etats-Unis.

Outre Volkswagen, l’UAW a déposé une demande pour la tenue d’un scrutin sur le site de Mercedes-Benz à Vance, dans l’Alabama, qui aura lieu du 13 au 17 mai, a annoncé cette semaine le National Labor Relation Board, chargé de l’application du droit du travail.

Le Monde avec AFP

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.

Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.

S’abonner

Contribuer

Réutiliser ce contenu

Dominique Méda, sociologue : « Il est essentiel d’anticiper et d’accompagner les transformations des modes de production de la transition écologique »

Les mouvements de colère contre les mesures environnementales, largement soutenus par des partis politiques qui aiment répéter que la France ne représenterait que 1 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, se multiplient et touchent désormais des catégories professionnelles et sociales de plus en plus nombreuses. Le risque est grand de voir le Pacte vert européen, qui n’était pourtant pas parfait et méritait d’être complété, largement détricoté à la suite des élections de juin alors que les nouvelles du front climatique sont de plus en plus alarmantes. Cette remise en cause, qu’elle prenne ou non des formes protestataires, est très souvent liée à la question de l’emploi et aux craintes légitimes que suscitent les transformations des modes de production exigées par la lutte contre le changement climatique et en faveur de la santé des populations.

C’est la raison pour laquelle il est essentiel d’anticiper et d’accompagner ces transformations. La notion de transition « juste » sert précisément à souligner que celles-ci ne doivent pas se faire au détriment de ceux qui travaillent dans les secteurs appelés à être restructurés, mais que le processus doit être piloté de manière à amortir ou à éviter les chocs, ce qui suppose une vision à long terme, des institutions spécifiques et des moyens.

Nous n’avons pas su, dans les années 1970 et 1980, accompagner sérieusement les restructurations du textile et de la sidérurgie, pas plus que celles des décennies suivantes. Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales d’Axelle Arquié et Thomas Grjebine, parue en mars, rappelle fort utilement qu’entre 1997 et 2019, celles-ci s’étaient traduites par « un fort coût individuel en termes d’emploi et de salaire » et que les plans sociaux mis en œuvre n’avaient notamment pas permis une réallocation de main-d’œuvre bénéfique à l’économie locale. Et ce, « contrairement à l’hypothèse de la destruction créatrice » pourtant chère à beaucoup de nos économistes.

Pourquoi les travailleurs des secteurs et entreprises menacés de restructuration ne résisteraient-ils pas de toutes leurs forces à un processus qui risque de leur faire perdre leur emploi et d’aggraver leurs conditions de vie ?

Dépendance ou relocalisation

Mais les choses sont peut-être en train de changer. S’il ne s’était pratiquement rien passé en la matière depuis le plan de programmation des emplois et des compétences rendu au gouvernement par [l’ancienne présidente du Medef] Laurence Parisot en 2019, le secrétariat général à la planification écologique a publié en février une estimation du nombre d’emplois susceptibles d’être supprimés et créés par la transition écologique et a lancé des COP régionales destinées à préciser et à enrichir celle-ci (« Stratégie emplois et compétences pour la planification écologique »). Cette importante avancée devra être prolongée par une cartographie précise des compétences actuellement mobilisées et de celles à développer, mais aussi par des décisions claires concernant les productions que nous souhaitons conserver ou relocaliser.

Il vous reste 49.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le gouvernement souhaite faire des économies sur les contrats de professionnalisation

Dès le 1ᵉʳ mai 2024, l’aide au recrutement en contrat de professionnalisation sera de l’histoire ancienne. Dans son objectif de faire 200 millions d’euros d’économies sur les dépenses liées à l’apprentissage, rappelé par le premier ministre, Gabriel Attal, lors de son entretien du 18 avril sur BFM-TV, le gouvernement a proposé, le 14 avril, à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) un projet de décret visant à supprimer cette aide pour les contrats signés à partir du 1ᵉʳ mai.

Les contrats de professionnalisation permettent au salarié d’acquérir une qualification professionnelle reconnue par l’Etat, en parallèle d’un enseignement théorique dispensé en organisme de formation ou en entreprise. Destinés notamment aux jeunes de 16 à 20 ans sortis du système scolaire sans qualification, aux demandeurs d’emploi et aux personnes bénéficiaires du RSA, ils visent à favoriser l’insertion professionnelle.

Le gouvernement avait mis en place en 2020 une aide unique de 6 000 euros versée à l’employeur pour soutenir le recrutement sous cette forme. Prolongée le 30 décembre 2023 pour l’ensemble de l’année 2024, elle fait finalement l’objet de la coupe budgétaire initialement destinée à l’apprentissage. L’aide de 6 000 euros ne serait désormais versée que pour le recrutement des apprentis, selon l’agence de presse AEF.

Une décision brutale

L’enjeu est d’importance ; 115 994 contrats de professionnalisation ont été signés en 2023, indique la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares), qui note une diminution de 22,4 % entre janvier 2023 et janvier 2024. Ces chiffres sont certes bien inférieurs à ceux des contrats d’apprentissage : 852 235 signatures en 2023, en hausse de 10,1 % entre janvier 2023 et janvier 2024.

La Fédération de consommation et de distribution (FCD), organisation professionnelle regroupant la majorité des professionnels du secteur, regrette toutefois une décision brutale et inique, compte tenu de l’utilité d’un tel dispositif. Face à un tel écart, l’organisation s’interroge sur l’absence d’équité, dans une situation où l’effort budgétaire semble peu réparti. Layla Rahhou, déléguée générale de la FCD, exige au minimum « une réduction identique des aides accordées aux contrats en apprentissage et aux contrats de professionnalisation ».

Au-delà du bouleversement économique qu’implique une telle mesure pour les employeurs concernés, la suppression de cette aide pose une question de justice sociale. Le public visé par le contrat de professionnalisation comprend notamment une tranche de la population dont l’accès à l’emploi est loin d’être privilégié. Le projet de décret apparaît dès lors comme un effort fait sur le dos des plus éloignés de l’emploi, notamment quand on sait que le volume de l’apprentissage constitue une réelle opportunité d’économie pour le gouvernement.

Les titres de l’éditeur du magazine « Têtu » vendus à plusieurs acquéreurs

La fin d’un long suspense. Six mois après avoir été placé en redressement judiciaire, plus de deux mois après avoir envisagé un plan de continuation, le groupe I/O Media va être finalement partagé entre trois repreneurs. La filiale Côté Maison de Prisma Media (propriété du groupe Vivendi) va reprendre les titres The Good Life et Ideat, tandis que le groupe SOS met la main sur le magazine d’actualité LGBT Têtu – cofondé en 1995 par l’homme d’affaires Pierre Bergé. Enfin, Opéra Magazine basculera chez Vendome Publication, qui édite notamment le trimestriel Dreams, spécialisé dans la joaillerie, la bijouterie et l’horlogerie.

Ainsi en a décidé le tribunal de commerce de Paris dans une décision communiquée vendredi 19 avril dans l’après-midi, à la suite de l’audience qui s’est tenue le 4 avril. Quatre candidats à la reprise étaient alors présents : Prisma Media (Capital, Ça m’intéresse, Cuisine actuelle, etc.) en la personne de sa présidente Claire Léost, ainsi que le groupe Bleu Petrol (Résidences Décoration, Guitar Part, etc.), filiale de l’agence de communication Raykeea, Vendome Publication et le groupe associatif spécialisé dans l’économie sociale et solidaire SOS, intéressé par le titre Têtu, complétaient le quatuor.

A l’origine, ils avaient eu jusqu’à fin janvier pour déposer leurs offres. Celles-ci ayant paru insuffisantes, le délai avait été allongé jusqu’au 29 mars pour les améliorer. C’est ainsi que, bien qu’arrivée hors délai, l’offre du groupe SOS (majoritaire à 51 %, avec la Fondation Le Refuge à 49 % du capital) a tout de même pu être prise en compte. Ce dernier n’est pas vraiment un inconnu pour les plus anciens de Têtu, ni même pour Albin Serviant.

« Un motif de fierté »

Le groupe SOS, groupe dirigé par Jean-Marc Borello, est un actionnaire minoritaire de I/O Media depuis 2018 et il a loué un temps des locaux à la rédaction de Têtu, dans le 10e arrondissement de Paris. En 2020, il avait également participé à une levée de fonds de 1,4 million d’euros.

« Cette combinaison des offres est vraiment une sortie par le haut », se réjouit Albin Serviant, le patron du groupe initialement baptisé Têtu Ventures. « Têtu était mon projet de cœur depuis 2017, et avoir réussi la diversification autour de la marque média constitue un vrai motif de fierté pour moi », expliquait au Monde à la mi-avril l’ex-entrepreneur de la French Tech, qui revendique volontiers sa proximité avec Emmanuel Macron. « J’ai voulu y arriver avec les autres titres, mais ça n’a pas été le cas », concède-t-il.

Il vous reste 42.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.