Bisbilles syndicales au Commissariat à l’énergie atomique de Paris-Saclay

Production de cryomodules, au CEA de Saclay, en France, le 25 avril 2024.

Carnet de bureau. « Très honoré d’avoir fondé le Syndicat de l’univers de la recherche [SUR] avec mes compagnons de route (..) ! Sans compter tous les collègues qui nous suivent déjà », écrit le directeur de recherche Yannick Saintigny sur son compte LinkedIn. L’ambiance n’est pas toujours aussi policée dans l’univers syndical du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Paris-Saclay.

Ce sont en effet de violentes altercations qui sont à l’origine de l’acte de naissance, fin septembre 2024, du jeune syndicat SUR, dont les fondateurs ont été écartés de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA-SPAEN), le syndicat professionnel des acteurs de l’énergie, après des mois de tension.

Petite chronologie de l’escalade d’hostilités entre les membres des sections syndicales depuis 2023 : « Tout n’est pas à jeter dans le travail de Juliette [le prénom a été changé] », s’est entendu dire une représentante du personnel qui, en un an, se verra retirer tous ses mandats syndicaux. « Quand on vous ditCasse-toi, dégage !”, c’est très agressif », témoigne Gauthier Lasou, alors secrétaire général de l’UNSA-SPAEN en conflit avec le secrétaire général adjoint.

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Dans le Languedoc, une ligne téléphonique et des initiatives locales pour sortir les agricultrices de l’isolement

Brigitte Faure, éleveuse de brebis laitière (à droite), et Carole Iskhakov (de dos, à gauche), éleveuse de chevaux, échangent avec Estelle Rouvière (de face, à gauche), chargée de développement social à la MSA Languedoc, et Karine Archambaud (de face, à droite), assistante sociale au sein de la même MSA, sur le terrain de Carole, à Popian (Hérault), le 20 février 2025.

Pour amener de l’eau à ses chevaux, Carole Iskhakov a mis en place un système D. Chaque jour, elle doit prendre sa voiture, à laquelle elle a attaché une remorque avec une grande cuve retenue par des sangles. Pour aller chercher la précieuse ressource, elle emprunte les chemins de terre boueux à travers les parcelles de vignes – où le véhicule manque de s’enliser – et les petites routes de campagne. Agée de 53 ans, cette agricultrice installée à Saint-Bauzille-de-la-Sylve (Hérault), au milieu des vignes, démontre un moral d’enfer et un enthousiasme à toute épreuve. « Heureusement ! Sinon je n’aurais pas tenu longtemps dans ce milieu », affirme-t-elle.

Cette mère de quatre enfants, qui travaillait auparavant dans le transport de marchandise en région parisienne, s’est reconvertie à 47 ans pour devenir éleveuse de chevaux espagnols. Un choix qu’elle assume, « une passion », dit-elle, mais qui ne doit pas masquer les obstacles. « Etre une femme en agriculture, c’est dur, et pas que physiquement », poursuit celle qui, plus d’une fois, a bien senti qu’on ne l’« entend[ait] pas ». « Nous ne sommes jamais prises au sérieux. Personne ne nous soutient, les banquiers, les centres de formation… Même les collègues, ils me prennent de haut. Certains sont encore étonnés d’apprendre que je paie des cotisations ! Quand je me suis installée, j’ai eu beaucoup d’obstacles, sans me sentir soutenue : j’étais une femme, j’étais trop vieille, pas assez résistante… », déplore-t-elle.

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Les retraites anticipées pour invalidité augmentent dans le secteur public

Davantage de fonctionnaires territoriaux et hospitaliers mettent prématurément fin à leur carrière pour cause d’invalidité. Selon une étude de la Caisse des dépôts publiée le 13 février, quelque 7 000 partants en retraite par an invoquent ce motif, contre environ 5 500 personnes au début des années 2010. Soit une hausse de 25 % en un peu plus de dix ans, qui affecte davantage les agents de catégorie C (les moins bien payés) en fonctions non administratives (services à la personne, entretien de la voirie…).

« Ces évolutions doivent beaucoup au vieillissement moyen de ces fonctionnaires en activité, puisque la probabilité de partir en invalidité augmente sensiblement avec l’âge », commentent Pierrick Joubert et Gabin Langevin, les auteurs de l’étude. En relevant l’âge d’ouverture des droits et en durcissant les conditions d’accès à une retraite à taux plein, les réformes successives des retraites ont en effet accru les départs prématurés en invalidité des agents dont l’état de santé ne permettait pas le maintien en activité.

La mise en invalidité est devenue « une modalité de gestion des effectifs (…). La culture de la prévention qui vise à préserver la santé des agents et à réduire les coûts indirects est très en retard en France, notamment dans la fonction publique », regrette Ingrid Clément, secrétaire générale de la fédération Interco de la CFDT qui rassemble les fonctionnaires. Ces déficiences de la gestion prévisionnelle des emplois tiendraient aussi à des raisons économiques, selon Natacha Pommet, secrétaire générale de la fédération des services publics CGT : se séparer des agents invalides coûterait moins cher aux employeurs du public que de les former et de les reclasser.

« De meilleures habitudes de vie »

De leur côté, également sur le plan financier, les fonctionnaires concernés seraient pénalisés par ces départs anticipés : « La pension d’invalidité ne prend pas en compte l’intégralité de la rémunération ni sa progression liée à l’ancienneté, avec la perspective à terme d’une retraite rognée une fois l’allocataire parvenu à l’âge légal », observe Philippe Sebag de la CFE-CGC.

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Intelligence artificielle : l’urgence de repenser le rôle de l’entreprise

Selon Médiamétrie (« L’année Internet 2024 »), 20 % des Français et 54 % des 15-24 ans ont utilisé l’intelligence artificielle générative (IAG) fin 2024. Un triplement en un an qui ne traduit pas une révolution technologique, mais la démocratisation exponentielle d’une technologie existante. A ce rythme, dans les trois prochaines années, l’immense majorité des collaborateurs mais aussi des clients des entreprises auront baigné dans une culture de l’IAG pour des usages facilitant leur vie quotidienne, soit comme prothèses soit comme stimulateurs de raisonnement.

Ce phénomène poursuit l’essor des consommateurs-producteurs que l’essayiste Jeremy Rifkin avait décrit dans La Nouvelle société du coût marginal zéro (Les Liens qui libèrent, 2014). Comme lors de la diffusion de l’ordinateur personnel dans les années 1990 puis du téléphone mobile et de l’Internet dans les années 2000, l’usage des IAG se répand plus vite dans la sphère privée que dans la sphère professionnelle. Il en résulte un décalage qui banalise l’entreprise comme un lieu de production parmi d’autres, et plutôt en retard sur la société. Ainsi voit-on d’ores et déjà des collaborateurs contourner leur hiérarchie en utilisant leurs assistants IA personnels pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés. L’homogénéisation des savoir-faire utilisés dans l’entreprise et dans l’espace public s’accentue.

Du côté du consommateur, les outils de l’IA permettent de structurer le conseil, la recherche d’opportunités ou le choix de décisions d’achats, ce qui bouleverse l’économie de la connaissance : là où les entreprises réalisent de coûteux investissements dans le big data pour créer de la valeur en accumulant de l’information personnalisée sur leurs clients, ces derniers prennent en main leur propre segmentation, filtrant l’information grâce à l’IA pour adapter les offres du marché à leurs besoins.

Reconnaissance des « essentiels »

Les organes de gouvernance des entreprises sous-estiment souvent la rapidité de la mutation de leur écosystème en réduisant l’IAG à son impact « toutes choses étant égales par ailleurs » sur les processus de production actuels. Ils s’inquiètent généralement du coût de l’automatisation des traitements de l’information (tableurs, notes de synthèse, rapports…) et des impacts sociaux sur l’encadrement intermédiaire, dont les fonctions naguère prestigieuses sont dévaluées par des IA plus rapides et plus fiables.

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Invalidité : quelle indemnisation un travailleur manuel inapte à reprendre son métier après un accident peut-il espérer ?

Lorsqu’un travailleur manuel (livreur, manutentionnaire, charpentier) est victime d’un accident qui le rend inapte à reprendre son métier, et qu’il ne trouve pas d’emploi sédentaire auquel un expert médical le juge apte, quelle doit être l’indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs (PGPF) ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.

Le 27 août 2014, M. X, 24 ans, électricien industriel, est percuté à moto par une voiture assurée auprès d’Axa France IARD. Il subit d’innombrables blessures. En 2019, un expert médical, estimant à 30 % son déficit fonctionnel permanent, le déclare « inapte à reprendre son métier », mais « apte à effectuer des tâches administratives dans son domaine, comme tireur de plans et de devis ».

En 2020, M. X assigne Axa pour obtenir sa condamnation à indemniser ses préjudices corporels. La cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), qui statue le 26 janvier 2023, alors que M. X n’a pas retrouvé de travail, indemnise la PGPF à hauteur de 144 384,53 euros (soit 272,65 euros par mois jusqu’à l’âge de 76 ans). Refusant de lui accorder l’intégralité de son salaire antérieur (1 625,72 euros), elle ne lui alloue que la différence entre ce salaire et le smic net (1 353,07 euros).

Elle juge en effet qu’il peut occuper un emploi rémunéré au smic, puisqu’il a suivi une formation d’exploitant en transport routier de marchandises, et qu’un détective d’Axa l’a vu travailler (bénévolement) dans le restaurant de son frère. M. X saisit donc la Cour de cassation, mais son pourvoi est rejeté, le 10 octobre 2024 (23-13.932).

Employée séquestrée

Ce que déplore son avocat, Me Alban Borgel : « Le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime commande certes de ne pas indemniser intégralement les PGPF d’une personne susceptible, en théorie, de reprendre une activité », admet-il. « Mais les magistrats doivent vérifier si, en pratique, cette personne handicapée peut être recrutée », compte tenu, notamment, de la « conjoncture économique et des réticences des employeurs ». Or, ce n’est pas le cas, affirme-t-il, de son client, qui, bien qu’inscrit à France Travail, ne retrouve pas d’emploi.

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Métiers en tension : le gouvernement en présente la nouvelle liste aux syndicats et organisations patronales

Agriculture, aide à domicile, restauration… Le gouvernement a adressé aux partenaires sociaux la liste de plusieurs dizaines de professions en tension dans l’Hexagone, vendredi 21 février, base de référence aux autorités pour accorder ou non des titres de séjour, et dont l’Agence France-Presse (AFP) a obtenu une copie. La dernière version avait été établie en 2021 sur la base des données de 2008. Plusieurs dizaines de professions différentes sont comptabilisées en 2025.

Cette liste des métiers en tension, issue « des concertations avec les différentes fédérations professionnelles par région », montre que les métiers concernés « peuvent aussi être différents en fonction des régions et des départements », selon la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, sur franceinfo.

Ainsi, seule la région Normandie est en quête de géomètres, tandis que sept régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Grand Est, Corse, Centre-Val de Loire et Bourgogne-Franche-Comté) sur treize recherchent des bouchers.

Les « agriculteurs salariés », « aides à domicile et aides ménagères », « aides de cuisine », « cuisiniers », « employés de maison et personnels de ménage », « maraîchers/horticulteurs salariés », ainsi que les employés de l’hôtellerie et du secteur du bâtiment sont quant à eux recherchés sur l’ensemble du territoire. Les trois régions qui présentent le plus de professions en tension sont l’Ile-de-France (41 métiers), Provence-Alpes-Côte d’Azur (39) et Auvergne-Rhône-Alpes (37 métiers).

L’UMIH plaide pour un non-durcissement des conditions de régularisation

« On a travaillé avec le ministère de l’intérieur, avec les régions, les partenaires sociaux pour avoir une liste des métiers en tension par grandes régions », a précisé la ministre du travail. Cette liste a été adressée aux partenaires sociaux, avant « une dernière consultation nationale », a-t-elle poursuivi.

Les organisations syndicales et patronales vont débattre de cette nouvelle liste la semaine prochaine, avant une publication au Journal officiel, selon des sources à l’AFP.

La dernière loi « immigration », promulguée en janvier 2024, prévoyait que les travailleurs sans papiers exerçant dans des métiers en tension pouvaient prétendre à une régularisation auprès du préfet.

En janvier 2025, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a adressé une nouvelle circulaire aux préfets prévoyant notamment que les régularisations exceptionnelles par le travail soient désormais recentrées sur les métiers en tension.

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La principale organisation professionnelle dans l’hôtellerie et la restauration, l’UMIH, avait alors rappelé les difficultés du secteur à recruter. Elle avait ainsi « souhaité que la nouvelle circulaire ne durcisse pas les conditions de régularisation et d’accès à l’emploi pour les ressortissants étrangers déjà présents sur notre sol et désireux de travailler dans [ses] métiers ».

Le Monde avec AFP

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Au Sénat, l’avenir des travailleurs de plateformes en discussion

« Des centaines de milliers de travailleurs des plateformes vivent une illusion d’autonomie, ils sont subordonnés et doivent être reconnus comme tels, tonne Pascal Salvodelli, sénateur (Parti communiste français) du Val-de-Marne, en introduction de sa proposition de résolution. Ce modèle gangrène notre économie, sape la protection sociale et précarise un grand nombre de travailleurs. »

L’ubérisation était au cœur des débats, mercredi 19 janvier au Sénat, en présence de plusieurs spécialistes du sujet et acteurs de terrain (travailleurs, syndicalistes, avocats). Dans le cadre de leur niche parlementaire, les sénateurs du groupe de gauche ont déposé une résolution visant à « transposer de manière ambitieuse », et dans l’urgence, la directive européenne adoptée en 2024 en faveur des conditions de travail des utilisateurs de plateformes. Résolution rejetée, par 226 voix contre 115.

Ce texte européen, qui doit légalement être traduit en droit français d’ici novembre 2026, a pourtant été salué par l’ensemble des partis qui se sont exprimés à la tribune : il prévoit l’instauration dans les Etats membres d’une « présomption de salariat », dont pourraient se servir les travailleurs indépendants dont le statut est dévoyé par les plateformes, ainsi qu’un contrôle accru du management algorithmique. La directive doit permettre d’établir un cadre clair, alors que plusieurs décisions de justice ont déjà requalifié en salariés des chauffeurs et livreurs dans les tribunaux français depuis 2020.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les rémunérations des livreurs et des chauffeurs VTC piétinent

La Commission européenne a estimé que près de 43 millions d’Européens pourraient travailler pour les plateformes numériques en 2025, et 5,5 millions d’entre eux seraient classés à tort comme des indépendants. En France, 600 000 personnes ont utilisé une plateforme au titre de leur emploi principal, selon le ministère du travail. Un travail plus intense que la normale, avec des horaires plus longs et atypiques.

« On nous fait perdre du temps »

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« Le Télétravail, un mode de vie » : quand le travail à distance défie la société

C’est à la fin du XXe siècle que Laurent Taskin a commencé à s’intéresser au télétravail. « La principale difficulté que j’ai rencontrée lors de mes premières recherches (…) fut… de trouver des télétravailleurs. On estimait d’ailleurs qu’il y avait plus d’études sur le télétravail que de personnes qui le pratiquaient. »

Depuis, ce docteur en sciences économiques et de gestion, professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et professeur affilié à l’université Paris-Dauphine-PSL, a observé le développement massif du travail à distance. Pratiqué à bas bruit à la fin des années 1990, il a connu une impulsion décisive lors de la crise sanitaire liée au Covid-19. Entre 2019 et 2023, la part des personnes salariées pratiquant le télétravail au moins occasionnellement est passée de 9 % à 26 %, rappelle le ministère du travail.

Ce faisant, c’est devenu « un mode de vie », aux implications multiples, dépassant le seul cadre de l’entreprise. Proposant une synthèse rigoureuse des travaux de recherche sur le sujet, M. Taskin met en lumière les nombreux défis qui accompagnent cette expansion dans son dernier ouvrage, Le Télétravail, un mode de vie, publié aux Presses de Sciences Po.

Ceux qui concernent l’entreprise sont bien connus, largement documentés ces dernières années. Premier d’entre eux : le management à distance, invité à se renouveler, « appelé à être participatif, positif ou éthique », et qui peut constituer une source d’interrogation pour l’encadrement : a-t-on « encore besoin d’un manageur » ?

Un « renversement radical »

Devenu « un droit, une évidence, un mode de vie » pour une partie des salariés, le télétravail a aussi imposé un « renversement radical » aux organisations : « La régulation de l’absence individuelle [a] fait place à la régulation de la présence collective au travail », observe l’auteur. L’importance de la « contiguïté physique » entre travailleurs pour favoriser la collaboration, l’innovation et la créativité a été démontrée. Elle impose une réflexion sur des temps communs dans les murs de l’entreprise.

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La Côte-d’Or, illustration d’une France en cours de désindustrialisation

Au palais de justice de Dijon, dans la salle des pas perdus, Florent lance une vidéo sur son smartphone. On y voit un gros tube de métal rougeoyant, en cours de fabrication à l’usine Valti de Montbard, dans le nord-ouest de la Côte-d’Or. « On chauffe à 1 250 °C, c’est très, très chaud », raconte ce technicien en laminage de 49 ans, qui ne souhaite pas que son nom soit mentionné. Il sait qu’on parlera désormais de tout cela au passé : mardi 4 février, l’entreprise de 132 salariés, spécialiste du tube sans soudure, a été placée en liquidation.

Devant le tribunal où sont réunis une vingtaine de syndicalistes, pas de larmes ni d’éclats. Leurs espoirs quant à l’avenir de ce fleuron de la métallurgie – dont les tubes servaient notamment à fabriquer des roulements pour le secteur automobile – s’étaient amenuisés depuis plusieurs mois. De 2022 à 2023, selon le site d’informations légales Pappers, le chiffre d’affaires avait chuté de 69 millions à 50 millions d’euros.

Née dans les années 1960, Valti, une entité de Vallourec, avait été cédée en 2022 à un fonds de retournement allemand, Mutares, une de ces sociétés d’investissement spécialisées dans la reprise, le redressement puis la revente d’entreprises en difficulté. Le métallurgiste a ensuite été acquis en janvier 2024 par celui qui sera son dernier dirigeant, François Martin.

« Nous avons cherché à sortir Valti de sa très forte dépendance au secteur automobile en se repositionnant sur des marchés plus techniques », explique-t-il. Comme l’armement, les vérins ou l’énergie. Mais l’entreprise a perdu son plus gros client en décembre 2023, tandis qu’un autre a annoncé un peu plus tard la fermeture de son usine, détaille François Martin, et « [ils] n’[ont] pas trouvé de relais de croissance assez vite ».

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Comment le racisme en entreprise se nourrit de la banalisation de la violence dans la société

La banalisation de la violence verbale « est désormais propagée partout dans l’espace public (transports en commun, établissements scolaires, monde du travail et en particulier dans les services publics, médias, classe politique, réseaux sociaux…) », alerte le Conseil économique, social et environnemental, dans un avis publié mercredi 12 février.

Le CESE, qui s’est autosaisi de la question, analyse comment les messages violents « menaçant une personne ou un groupe de personnes à cause de certaines caractéristiques liées à la “race”, la couleur, l’origine familiale, nationale ou ethnique » peuvent aboutir à un discours de haine, et souligne l’importance de s’intéresser d’abord à l’effet produit sur les victimes. « Question de préoccupation d’une société civile pour répondre aux violences et au racisme, devenus des constantes de l’actualité », justifie Souâd Belhaddad, corapporteuse avec Marie-Claude Picardat.

Sur les réseaux sociaux, « comme les écoliers, les salariés subissent du cyberharcèlement, plus qu’avant, dans trois secteurs en particulier : les médias, le sport – les membres du staff – et les jeux vidéo – les équipes de création. En 2024, on a perçu une augmentation de 16 % des propos haineux », confirme Charles Cohen, fondateur et directeur de Bodyguard, une entreprise qui a publié, le 5 février, l’Observatoire des interactions en ligne, un baromètre annuel de la cyberviolence. Insultes, dénigrement, menaces, racisme, l’analyse de 108 millions de commentaires haineux recensés en 2024 témoigne de régulières poussées de fièvre d’intolérance.

« Il y a quelque chose dans l’air du temps. Les racistes se lâchent plus facilement. Je note une augmentation du nombre de salariés qui viennent me consulter pour des comportements racistes », explique Marie-France Custos-Lucidi, psychologue clinicienne du travail et autrice du Racisme ordinaire au travail (Erès, 2024).

Perte de productivité et hausse du turn-over

Un phénomène de société qui trouve son origine dans la banalisation de la violence verbale. « Cela peut commencer par des commentaires innocents en apparence, mais qui, cumulés, créent une charge émotionnelle importante qui pèse sur la personne : “Tu parles vraiment bien français”, sous-entendu pour quelqu’un de ta culture, s’est ainsi entendue dire une salariée noire », illustre la psychologue du travail. Même chose pour le diplôme, « ce sont les manières d’être du salarié qui sont alors remises en cause et s’il vient à évoquer le racisme, on le diminue encore en lui disant : “Tu exagères, regarde, tu as pu faire un beau parcours” ».

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