Des propositions-choc pour que le travail paye plus

Le président de l’Union des entreprises de proximité Michel Picon (à droite), à Bercy, à Paris, le 14 avril 2025.

Gagner plus en étant moins taxé sur son travail. C’est le sens de la proposition-choc dévoilée, mardi 6 mai lors d’une conférence de presse, par l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente les artisans, les commerçants et les professions libérales.

Pour Michel Picon, le président de l’organisation patronale, il est possible de restituer 116 milliards d’euros par an à l’ensemble des personnes en activité – soit environ 28 millions de femmes et d’hommes –, quel que soit leur statut (salariés du privé, agents du public, indépendants, employeurs…). Un « big bang populaire » qui implique de supprimer certains prélèvements obligatoires, entraînant de gros changements dans le financement de notre modèle de protection sociale.

Les idées présentées mardi s’inspirent très largement du livre d’Antoine Foucher Sortir du travail qui ne paie plus (L’Aube, 2024). Dans cet ouvrage, le président de la société de conseils Quintet et ex-directeur du cabinet de Muriel Pénicaud, lorsque celle-ci était ministre du travail (mai 2017-juillet 2020), montre que la rémunération des individus exerçant une profession progresse à un rythme de plus en plus lent depuis plusieurs années.

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Inaptitude : plaidoyer pour le dialogue

Au travail, les visites médicales obligatoires sont organisées par la loi : les visites d’embauche, celle à la mi-carrière, en cas d’absence au travail justifiée par une incapacité résultant de maladie ou d’accident d’une durée supérieure à trente jours, ou celles pour certaines activités. En cas de souffrance au travail, un salarié peut aussi contacter un médecin du travail. Son rôle consiste singulièrement à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur emploi.

Le médecin du travail est lié par un contrat avec l’employeur ou avec un service de prévention et de santé au travail interentreprise (SPSTI) auquel l’employeur a adhéré. Il ne peut pas délivrer d’arrêt de travail. Cette responsabilité relève du médecin traitant, d’un hôpital ou encore du médecin-conseil de la Caisse primaire d’assurance-maladie dont les fonctions sont autres.

Camion de la médecine du travail.

En revanche, il peut constater que l’état de santé du salarié (physique ou mental) est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe. La qualification juridique de cette situation est l’« inaptitude au travail », concept de droit du travail qui ne se confond ni avec l’état de maladie ou d’invalidité, ni avec l’incapacité temporaire ou définitive du travail pour cause d’accident ou de maladie professionnelle, ni avec le handicap, relevant de règles autres.

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La Sigmund Freud University, une machine à cash qui prospère sur les rêves des aspirants psychologues

C’est un élégant immeuble de briques rouges, avec des fenêtres ornées de pierre sculptée, façon hôtel particulier. Au-dessus de la porte trônent les drapeaux européen, français et autrichien. Bienvenue à la SFU-Paris, branche française de la Sigmund Freud University-Vienne, la plus grosse université privée d’Autriche. L’antenne parisienne, plus confidentielle mais tout aussi privée, a ouvert en 2006 et accueille, chaque année, environ 70 étudiants, du niveau bac + 1 au bac + 5. Moyennant plus de 10 000 euros l’année, ces derniers s’affranchissent de Parcoursup, de la concurrence et des amphithéâtres bondés de l’université. Ils obtiennent un « bachelor en psychologie » et un « master of science en psychologie clinique ». Sur le site de la SFU, un bandeau plastronne : « Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche reconnaît qu’un master en psychologie de la SFU est équivalent aux diplômes nationaux. »

Pourtant, les « diplômes » de la SFU ne sont pas équivalents à une licence et à un master de psychologie, conditions sine qua non pour pouvoir utiliser le titre de psychologue, réglementé en France. « Le diplôme de la SFU est autrichien. Il ne permet pas d’exercer la profession de psychologue clinicien et de psychologue de la santé en Autriche et ne permet de se prévaloir que d’un titre honorifique non réglementé », précise le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, interrogé par Le Monde sur ce sujet. Le ministère renvoie au rapport d’évaluation des formations de la SFU réalisé par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur en 2018, tout en précisant que « rarement un rapport aura été aussi lapidaire sans que les observations de l’établissement arrivent à convaincre qui que ce soit ».

Sollicitée par Le Monde, l’école nous a d’abord proposé de venir à la rencontre de ses étudiants. Pour ensuite faire marche arrière, s’inquiétant de l’impact « anxiogène » de notre démarche auprès des jeunes. L’entretien téléphonique prévu avec la directrice de l’établissement, Nicole Aknin, a été également annulé à la dernière minute. D’après le ministère, « la SFU-Paris entretient un flou volontaire à destination de ses étudiants qui paient des droits d’inscription entre 10 800 euros et 11 800 euros l’année ».

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Le fléau des arnaques à la formation dans les aéroports parisiens

Un agent d’Air France aide des voyageurs à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris, le 27 juin 2019.

Patricia (qui n’a pas souhaité donner son nom) a toujours rêvé de travailler à l’aéroport, elle qui a arrêté ses études à 15 ans et passé les vingt années suivantes dans la vente. Alors, en janvier, elle a « lâché » son CDI pour se lancer dans l’aéroportuaire. Il a suffi d’une publicité sur Instagram de l’entreprise Safe Handling, promettant un métier entre bagages et foules de touristes, pour que son rêve se mue en arnaque. Ce qui semblait être une offre d’emploi s’est transformé en formation obligatoire pour décrocher un poste, selon l’organisme, facturée « 1 900 euros les cinq semaines », précise Patricia, gênée de s’être « fait avoir ». A la fin, elle n’a « plus eu de nouvelles d’eux ». A ce jour, la trentenaire n’a pas retrouvé d’emploi.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Dix ans après sa création, le CPF a séduit les actifs

Entre les vraies propositions d’embauche et celles publiées par les organismes de formation pour appâter leurs futurs clients, décrocher un poste en tant qu’agent aéroportuaire relève du coup de chance. Sur le site d’offres d’emploi Indeed, les annonces d’agent d’escale, d’accueil, de piste ou de nettoyage à Orly et Paris-Charles-de-Gaulle se ressemblent toutes. S’il est possible de postuler en quelques clics sur la plateforme, c’est lors de l’entretien physique ou par téléphone que le piège se referme. Peu importe son expérience, il faudra forcément passer par une formation payante, finançable par le compte professionnel de formation (CPF). « On m’a assuré que j’allais être embauchée directement après, j’y ai cru », témoigne Linda (le prénom a été changé), qui a déboursé 1 700 euros pour deux semaines et demie de cours chez Safe Handling. Contacté, l’organisme n’a pas répondu à nos questions.

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Les algorithmes altèrent toujours plus la santé mentale des coursiers ubérisés

Un livreur pour Uber Eats, à Paris, en 2020.

Anxiété, isolement, troubles du sommeil : le par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), se penche sur les conséquences du management algorithmique sur leur santé mentale, tout en rappelant les nombreux risques physiques du métier (accidents, troubles musculosquelettiques, maladies cardiovasculaires…).

Cette étude permet d’étayer le ressenti que partagent les livreurs depuis des années de manière croissante : « L’absence de rémunération des temps d’attente, l’opacité des règles d’attribution des courses et la multiplication des métriques d’évaluation (données de géolocalisation, notations, etc.) créent une situation anxiogène, qui incite à essayer en permanence “d’en faire plus” pour dégager un revenu correct », écrivent les experts de l’Anses.

Ces difficultés s’inscrivent dans un contexte de grande précarité : entre 2021 et 2024, en tenant compte de l’inflation, la rémunération horaire brute des coursiers a chuté de 34,2 % à Uber Eats, de 26,6 % à Stuart et de 22,7 % à Deliveroo, selon les chiffres publiés le 4 avril par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi.

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Cotransportage, sondages… Des travailleurs invisibles pour des rémunérations dérisoires

Tous les jours ou presque, après sa journée de travail dans un hypermarché Leclerc à Haudainville (Meuse), Sophie Depuiset « fait du Shopopop » : elle récupère les commandes d’autres clients au drive, et les livre à leur domicile, contre quelques euros. Pour compléter un salaire au smic, cette mère qui élève seule ses deux enfants énumère une panoplie d’autres applications : Roamler, « où on prend des rayons de magasin en photos pour vérifier qu’un produit est là – c’est entre deux et dix euros la mission », WeWard, une application qui compte les pas en échange de bons d’achat – « or je fais entre 15 000 et 25 000 pas par jour au magasin », ou encore une coopérative en ligne « où on achète des cartes cadeaux, et, en échange, on récupère une partie de la somme ». « J’ai fait un tableau, tout ça me rapporte 500 euros par mois. »

Cotransportage (Shopopop, Yper, Tuttut), voisins relais qui stockent et dispatchent des colis à leur domicile pour 25 ou 40 centimes pièce (Pickme, Welco), travailleurs du clic qui entraînent les intelligences artificielles (Yappers) ou répondent à des sondages en ligne (Moolineo, Toluna)… Toutes ces microtâches ont deux points communs : elles paient peu, et ne relèvent d’aucun statut. A l’inverse des traditionnels Blablacar, Vinted ou Leboncoin, où l’utilisateur doit déclarer son activité en tant qu’autoentrepreneur à partir d’un certain seuil de revenus, Shopopop et consorts sont autant de trous dans la raquette : ils s’inscrivent dans une zone grise.

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A Dunkerque, les sidérurgistes d’ArcelorMittal en tête du cortège du 1er-Mai : « On attend des actes ! »

Manifestation du 1er-Mai à Dunkerque (Nord).

La fanfare joue « L’Internationale » ; un sidérurgiste en habit argenté, cagoule et tenue de protection contre les projections de métal en fusion, brandit un fumigène ; le cortège s’élance derrière deux banderoles « Industries en danger, Dunkerque résiste », « Du métal sans Mittal ». La manifestation du 1er-Mai avait une coloration particulière jeudi matin à Dunkerque (Nord), une semaine après l’annonce par ArcelorMittal France d’un plan de suppressions de 636 postes qui touche particulièrement le site de la cité portuaire, l’un des plus importants hauts-fourneaux d’Europe, où 295 postes sont menacés.

Le délégué CGT du site, Gaëtan Lecocq, avait appelé à une « mobilisation exceptionnelle ». Plus d’un millier de personnes ont répondu à son appel – trois fois plus qu’à l’ordinaire selon les habitués qui n’avaient jamais vu autant de leaders politiques, dont les trois candidats au poste de premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure, Boris Vallaud et Nicolas Mayer-Rossignol, la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, les députés Aurélie Trouvé (LFI) ou Benjamin Lucas (groupe Ecologiste et social), la députée européenne Majdouline Sbaï (Ecologiste) mais aussi le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete. Autant de signes que l’affaire prend une tournure symbolique et une dimension nationale.

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« Par le biais d’un dialogue social et technologique, il est possible de définir une éthique collective de l’utilisation de l’IA »

Imaginez un monde du travail où le salarié apporterait lui-même son outil de travail : l’ouvrier installerait sa propre machine dans l’atelier, l’employé brancherait son propre PC et fournirait son papier et ses stylos. Mieux encore, imaginez maintenant que ces mêmes salariés fassent venir sur leur lieu de travail de nouveaux collègues, travaillant pour eux ou avec eux sans même que ceux-ci aient signé un contrat de travail et que l’employeur soit vraiment au courant.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés 53 % des actifs utilisent l’IA dans leur vie professionnelle

Dystopie ? C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui avec l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) dans nos vies professionnelles. Loin des fantasmes ou du vertige que provoquent les débats sur les perspectives d’utilisation massive des IA, de plus en plus de salariés utilisent chaque jour, concrètement, une IA générative pour les assister dans leur travail. Ici pour peaufiner une présentation, là pour créer une tâche à accomplir dans un tableur Excel, là encore pour rédiger une réponse à un client mécontent, ou trouver des informations sur un thème encore mal maîtrisé.

Nous imaginions jusque-là souvent nous faire imposer les IA, tel Elon Musk prenant le contrôle de nos vies ; la réalité est différente : les salariés maîtrisent bien plus la machine que nous le pensions. Certains y verront les travailleurs façonner eux-mêmes les chaînes qui les asserviront à la machine, j’y vois plutôt l’occasion pour eux d’améliorer leur environnement de travail. Les directions ont souvent – et pour une fois – un train de retard sur l’IA : beaucoup d’entreprises l’ont placée au cœur de leurs priorités pour 2025, sans savoir encore précisément quels sont les besoins et les cas d’usage. Elles misent sur « l’innovation spontanée », et attendent que leurs salariés remontent leurs besoins et les applications possibles de l’IA.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’impact ambivalent des technologies numériques sur le travail

Au-delà des premiers usages basiques décrits plus haut, la tendance aujourd’hui est de permettre aux IA d’exercer davantage de tâches expertes en exploitant les données des entreprises et sans les faire fuiter. En somme, que le collègue utile mais un peu trop généraliste qu’est l’IA générative aujourd’hui devienne un assistant expert de l’activité d’une entreprise ou d’un métier. En ce sens, l’IA n’est donc pas juste un sujet technique, mais bien davantage une problématique du travail.

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Les séries sous l’œil de la recherche en management : « The Office », « Engrenages »…

A Scranton (Pennsylvanie), dans les années 2000, la branche locale de l’entreprise Dunder Mifflin est spécialisée dans la vente de papier. A la manière d’un documentaire parodique, la série The Office [2005-2013, 201 épisodes] suit le quotidien de ses salariés durant neuf saisons, à « ras de moquette ».

On y trouve notamment Jim, un commercial désabusé qui, décrivant son métier, conclut : « Je m’ennuie rien que d’en parler. » Il y a aussi Michael, le manageur, qui multiplie maladroitement les initiatives (remises de trophées, goûters d’anniversaire…) pour favoriser la cohésion interne, et, surtout, gagner l’affection de ses employés. Au fil des épisodes se dessinent un collectif de travail et toute la complexité de ses interactions, faites de liens et de tensions.

La série, qui place la question managériale au cœur de sa narration, a connu un vif succès. Au point de devenir, comme d’autres productions appréciées du public (Breaking Bad, Engrenages…), un objet d’étude pour la recherche scientifique. Que donnent-elles à voir du management ? En quoi sont-elles « bonnes à penser » et permettent-elles d’enrichir la connaissance du grand public, mais aussi des chercheurs, sur le monde de l’entreprise et de la gestion d’équipe ? Leur contenu et leur apport ont notamment été analysés lors d’un colloque, « Management en séries », en 2023, à l’université Gustave-Eiffel. Une partie des actes a été publiée dans la revue Saison, et ces contributions ont abouti à un ouvrage, « Management en séries – Saison 1 », publié en février 2025 aux éditions EMS.

Les participants mettent en premier lieu en lumière la capacité de ces séries à offrir une « lecture critique » des pratiques gestionnaires et, par ricochet, à « construire une culture politique populaire ».

Un rôle d’aiguillon

C’est le cas par exemple d’Engrenages qui va, dans la saison 7, « fai[re] entrer le spectateur dans la boîte noire de la politique hospitalière », explique Jean-Paul Domin, professeur en sciences économiques à l’université de Reims Champagne-Ardenne. Elle met en scène une « dictature du chiffre » et une « taylorisation de l’hôpital public » qui fait écho aux mutations managériales du secteur en France, soulignant en particulier leurs conséquences délétères sur les conditions de travail du personnel et sur les soins apportés aux patients.

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Le gouvernement veut rendre le financement de l’apprentissage plus soutenable

Astrid Panosyan-Bouvet, mInistre du travail et de l’emploi, à Paris, le 28 avril 2025.

La réforme de l’apprentissage est une indéniable réussite du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais c’est un succès qui coûte cher à l’Etat. Après cinq mois de concertation avec les partenaires sociaux, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a présenté, mercredi 30 avril, une réforme du financement du dispositif, afin de le rendre plus soutenable.

Le gouvernement le dit et le répète, l’objectif est de « poursuivre la dynamique du développement de l’apprentissage » lancé en 2018 avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le nombre de contrats signés dans le privé est ainsi passé de 290 000 en 2017 à 854 000 en 2024. Un engouement qui pèse toutefois sur les finances publiques, comme l’a notamment signalé plusieurs fois la Cour des comptes.

La réforme présentée mercredi repose sur deux piliers : la priorisation des financements de l’apprentissage en fonction des besoins du marché du travail et l’amélioration de la soutenabilité financière du dispositif. Après avoir réduit depuis janvier les primes à l’embauche d’un apprenti, passées à 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et à 2 000 euros pour toutes les autres, le gouvernement cible désormais le financement des centres de formation des apprentis (CFA) et lance un plan de lutte contre la fraude. Au total, ce sont entre 450 millions et 500 millions d’euros d’économies qui sont attendus en 2025.

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