Fichage illégal : Pascal Pavageau, ancien secrétaire général de FO, devant la justice

Pascal Pavageau peut avoir la dent dure quand il parle de lui-même : « prétentieux », « piètre manageur », « naïf » Mais, si l’ancien secrétaire général de Force ouvrière (FO) se livre à cette autocritique, mercredi 13 septembre, devant la 17chambre correctionnelle du tribunal de Paris, c’est pour mieux récuser les infractions qui lui sont reprochées. Le fichage clandestin de hauts gradés de son organisation ? Il martèle qu’il ne l’a jamais demandé. A l’en croire, cette opération de basse police, qui avait fait scandale il y a presque cinq ans et l’avait contraint à la démission, résulte d’une sorte de malentendu entre lui et sa garde rapprochée : « J’aurais dû être plus clair dans les consignes. » En somme, il a une part de responsabilité, mais n’est pas coupable.

Cette ligne de défense ressemble à celle qu’il avait adoptée au début de l’affaire. Le 10 octobre 2018, Le Canard enchaîné révélait l’existence de deux listings de 127 dirigeants de FO, avec, pour chacun d’eux, des commentaires de natures diverses (accointances politiques, orientation sexuelle, etc.). Dans certains cas, les appréciations étaient assorties d’injures (« ordure », « mafieux »…). Elaborés plus d’un an avant que M. Pavageau soit élu à la tête de FO, en avril 2018, lors d’un congrès à Lille (où il était seul en lice), ces documents classaient aussi les personnes en fonction de leur proximité avec le leader syndical. A l’époque, il avait parlé d’une « belle connerie », imputée à deux de ses collaboratrices, Cécile Potters et Justine Braesch : il croyait que celles-ci réalisaient un simple « mémo » à partir d’éléments qu’il leur avait fournis.

Aujourd’hui, ces deux femmes, également renvoyées devant la 17chambre, reconnaissent avoir participé à la confection des fichiers. Mme Potters explique même que c’est elle qui a eu « l’idée » de créer une rubrique avec des renseignements sur les 127 cadres. Il s’agissait de « former » la future équipe de direction de M. Pavageau, avant le congrès de Lille, afin qu’elle sache où elle mettait les pieds dans une maison secouée par des divisions internes.

« Lâcheté »

Mais les deux prévenues ne veulent pas porter seules le chapeau : selon elles, M. Pavageau était au courant. Le fait qu’il le conteste démontre une « lâcheté que je ne comprends pas », tacle Mme Potters à la barre.

Par moments, l’audience tourne au règlement de comptes. M. Pavageau se pose en victime d’une cabale : la fuite des fichiers dans Le Canard enchaîné était une mesure de représailles contre son projet de mener un « audit » des comptes du syndicat, après les « abominations » qu’il avait découvertes – en évoquant des financements occultes en faveur de partis. « Elucubrations », réagit Frédéric Souillot. L’actuel secrétaire général de FO prend la parole au nom de son organisation, partie civile dans le dossier, en soulignant qu’elle a été « salie ».

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Après les critiques d’Emmanuel Macron, la réponse énervée des universités

Le président de France Universités veut « rétablir quelques vérités » après les propos du chef de l’Etat qui tient ces établissements pour de mauvais gestionnaires responsables d’un « gâchis collectif ». Ceux-ci ne peuvent plus prendre en charge les dépenses que l’Etat n’assume pas, juge Guillaume Gellé. Un nouvel épisode d’une crise de confiance qui dure.

La rentrée à deux visages de l’économie française : l’activité résiste, mais les patrons s’inquiètent

Ce n’est pas une rentrée en fanfare, mais pas la bérézina non plus. « On ne constate pas de ralentissement global. On est plutôt sur une bonne tendance », admet Frédéric Guichard, directeur général de la division Pharmacie et Green Solutions de De Dietrich Process Systems, qui relève « qu’il y a davantage d’incertitudes en Allemagne ». Dans cette entreprise industrielle travaillant pour la pharmacie et la chimie, le retour de la production de certaines molécules comme le paracétamol et l’amoxicilline en France se traduit par des carnets de commandes « record ».

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Dans un tout autre secteur, Alexandra Broussaud, directrice générale de Maison Broussaud, qui fabrique des chaussettes dans le Limousin, se réjouit aussi d’avoir vu les carnets de commandes se remplir brusquement au milieu de l’été, après un gros trou d’air qui l’a quelque peu affolée. « Mais maintenant, le problème c’est de pouvoir honorer ces commandes, alors qu’il me manque dix personnes dans les effectifs à l’usine », déplore-t-elle.

Après un été jugé très calme pour les entreprises, hormis celles tournées vers l’hôtellerie et la restauration, la rentrée se déroule donc plutôt mieux que prévu. Plus que le niveau de l’activité, qui demeure généralement positif, l’attention se porte aujourd’hui sur la trésorerie. « Les tensions sont réelles » de ce côté-là, note François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, qui représente 243 000 sociétés et 4 millions de salariés.

Risque d’un « effet de ciseau »

En cause, la nécessité désormais de rembourser les prêts garantis par l’Etat souscrits pendant la pandémie de Covid-19, tandis que le coût du financement flambe au gré des hausses de taux d’intérêt. « Ce cap est facile à franchir si l’activité reste soutenue, explique M. Asselin, mais si elle ralentit, on risque d’aboutir à un effet de ciseau qui rendra la situation plus délicate. »

Les chefs d’entreprise doivent aussi composer avec le prix de l’énergie, toujours très élevé, et la fin du bouclier tarifaire mis en place pour leur venir en aide, prévue pour le 1er janvier 2024. « L’exécutif nous avait dit qu’il allait agir pour modifier le mode de calcul du prix de l’énergie », rappelle M. Asselin. « Il reste moins de six mois pour le faire. Les entrepreneurs sont inquiets. »

La Banque de France, qui interroge chaque mois environ 8 500 chefs d’entreprise sur leur activité, confirme ce constat. « Contrairement à ce que certains indicateurs pouvaient laisser penser, il n’y a pas de retournement marqué », indiquait, mardi 12 septembre, Olivier Garnier, économiste en chef de l’institution, en présentant les résultats de cette enquête. Cela converge avec les prévisions de l’Insee : après un deuxième trimestre dopé par les exportations, ce qui a permis d’atteindre 0,5 % de croissance, le produit intérieur brut progressera de 1 % au troisième trimestre, selon les chiffres publiés jeudi 7 septembre. Toutefois, cette résilience est à géométrie variable.

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Batteries électriques : la start-up Verkor réalise une levée de fonds record pour sa gigafactory de Dunkerque

En bouclant une levée de fonds record, la start-up française Verkor a franchi un pas décisif pour l’installation de sa gigafactory de production de batteries électriques à Dunkerque, dans le nord de la France. L’entreprise, qui fournira d’abord le constructeur automobile Renault, a annoncé, jeudi 14 septembre, avoir réuni « plus de 2 milliards d’euros », dont le montant record d’« au moins 850 millions d’euros » auprès d’investisseurs privés.

Il s’agit de la plus importante levée de fonds pour une jeune pousse de l’industrie française à cette date. S’ajoute aux subsides privés une subvention publique d’environ 650 millions d’euros – sous réserve de la validation par la Commission européenne – ainsi qu’un prêt de 600 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement.

L’Etat français finance le projet dans l’espoir de faire monter en puissance l’industrie européenne de la voiture électrique face à la concurrence asiatique, tandis que la région des Hauts-de-France ambitionne de devenir la leader de la production de batteries en Europe.

« Un signal fort sur notre ambition de réindustrialisation »

Cité dans un communiqué de l’entreprise, le président de la République, Emmanuel Macron, « félicite » Verkor pour ce tour de table « historique » qui « envoie un signal fort sur notre ambition de réindustrialisation ». « La France attire, se réindustrialise, décarbone son économie, crée des emplois ! », a-t-il ajouté sur le réseau social X (ex-Twitter).

L’opération, « une étape très importante », valorise la start-up à « plus d’un milliard d’euros », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Benoit Lemaignan, cofondateur et président de l’entreprise.

Fondée en 2020, Verkor a inauguré à la fin de juin à Grenoble son usine pilote de batteries à haute puissance et compte ouvrir d’ici à 2025 son usine à Dunkerque, avec 1 200 emplois directs à la clé et une production initiale de 16 gigawattheures (GWh) par an.

Sur le site, les premiers travaux sont en cours. Le financement bouclé « donne une bonne visibilité » pour « construire l’usine, faire venir les machines, monter l’équipe et démarrer », détaille le responsable.

La start-up Verkor est suivie de près par le gouvernement français. Erigée en symbole de la réindustrialisation, l’usine doit aider l’industrie automobile française à atteindre l’objectif de deux millions de voitures électriques produites en France en 2030, après de longues années de délocalisations.

Renault va acheter les trois quarts de la production

Le gestionnaire d’actifs australien Macquarie Asset Management est le « principal investisseur », « avec l’appui » de Meridiam, fonds français spécialisé dans les infrastructures, qui a précisé à l’AFP avoir versé 200 millions d’euros. Ces deux entités deviendront les premiers actionnaires, selon l’Elysée.

Le Fonds stratégique de participations (FSP), alliance de sept grandes compagnies d’assurance françaises, a également « réalisé un investissement majeur », selon un communiqué d’Isalt, la société gestionnaire du fonds. « C’est un investissement très symbolique de ce que peut être la question de la réindustrialisation en France avec une industrie de pointe », a expliqué à l’AFP Nicolas Dubourg, directeur général du FSP.

Plusieurs actionnaires existants ont contribué à nouveau, notamment le constructeur automobile Renault, qui s’était déjà engagé à acheter les trois quarts de la production de Verkor. Les batteries produites à Dunkerque seront notamment utilisées dès 2025 dans les futurs modèles Alpine « ainsi que des véhicules des segments supérieurs de la gamme Renault », déclare le patron du groupe, Luca de Meo, dans le communiqué.

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« Nous n’avons pas vocation à ne fournir que Renault », a toutefois fait savoir M. Lemaignan. Cette gigafactory répond à « un besoin de marché à court terme » tout en bâtissant « un outil industriel qui va durer des dizaines d’années », assure-t-il, qualifiant les batteries de « pétrole de demain dans la mobilité ».

Créer une « vallée des batteries »

Actuellement, la fabrication des batteries et le raffinage des matériaux qui les composent sont dominés par des groupes asiatiques. Mais Verkor n’est pas seule à s’installer en France : le fabricant taïwanais ProLogium a obtenu une subvention de l’Etat à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour sa première usine, à Dunkerque également, avec une ouverture prévue pour 2026.

Cent kilomètres au sud, à Douvrin (Nord), Stellantis, TotalEnergies et Mercedes ont implanté la première usine de batteries française pour voitures électriques, avec leur coentreprise Automotive Cells Company (ACC). Et Renault doit ouvrir sa propre usine avec le groupe chinois AESC-Envision en 2024, également dans le Nord, à Douai.

« On est en train de constituer une vraie vallée des batteries » avec quatre usines, qui « permettront à la France d’être autonome en matière de production de batteries », s’est félicité la présidence française.

En Allemagne, le grand groupe technologique chinois CATL (pour Contemporary Amperex Technology Co. Limited) a lancé la construction d’une usine en 2019. Le financement public montre que l’Europe est « capable de soutenir cette industrie » au même titre que les Etats-Unis avec l’Inflation Reduction Act (IRA), a estimé le patron de Verkor.

« On n’a pas à rougir » des montants, mais « la vitesse de mise en route américaine est probablement aujourd’hui significativement plus rapide », juge M. Lemaignan, ajoutant que « le pragmatisme américain doit nous interpeler ».

Le Monde avec AFP

Sur Amazon, ces guides de voyage « écrits » par l’intelligence artificielle

Amy Kolsky pensait avoir fait une bonne affaire. Avant un séjour en France, cet été, cette Américaine de 53 ans était parvenue à dénicher sur Amazon un guide de voyage − Paris Travel Guide 2023 −, très bien noté et, de surcroît, à un prix défiant toute concurrence, soit 16,99 dollars (15,82 euros), contre 25,49 dollars pour le guide équivalent chez Lonely Planet. Une fois le livre en main, c’est toutefois la déception, ce dernier n’étant qu’une compilation de vagues descriptions sans vraie valeur ajoutée : « C’est comme si l’auteur était allé sur Internet et s’était contenté de faire un copié-collé de Wikipédia », raconte cette voyageuse, dont le témoignage a été recueilli par le New York Times en août.

Cet exemple illustre un phénomène grandissant, celui de l’intrusion de l’intelligence artificielle (IA) dans l’édition, y compris dans celle de tourisme, en témoigne cette prolifération, selon le quotidien américain, de guides de voyage plagiés ou falsifiés. Plusieurs indices attestent du fait que l’ouvrage en question a été rédigé par une intelligence artificielle.

A commencer par l’auteur, un certain Mike Stevers, qui, bien que présenté comme un « écrivain de voyage renommé » sur Amazon, a tout l’air d’avoir été créé de toutes pièces. A contrario de Rick Steves − un patronyme qui prête à confusion −, un auteur américain, qui, lui, existe bel et bien et dont la notoriété s’est faite sur les voyages en Europe, grâce à son style immersif dans la vie locale.

Mince garde-fou

Autre élément, le quotidien britannique Times a passé au crible des passages entiers à l’aide d’un outil de détection appelé Originalyti.ai. Là encore, le résultat est sans appel, la probabilité selon laquelle ces textes ont été rédigés par de l’IA étant extrêmement élevée. Ce phénomène concernerait également, selon le quotidien britannique qui a mené d’autres tests du genre, des catégories d’ouvrages et de sujets comme la cuisine, le jardinage, les affaires, l’artisanat, la médecine, la religion et les mathématiques.

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Contactée par Le Monde, Amazon indique que les titres qui avaient été mentionnés dans ces articles ont désormais été retirés de la vente. « Nous investissons beaucoup de temps et des ressources considérables pour garantir le respect de nos règles, et nous supprimons les livres qui y contreviennent », indique le porte-parole de la multinationale. L’entreprise ne souhaite en revanche pas communiquer sur le nombre des ouvrages concernés, ni sur l’ampleur du phénomène, ni sur les indemnisations qui ont été faites à la suite des réclamations de sa clientèle.

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Le groupe reconnaît ne pas interdire la publication de ce type de livre, mais se réserve le droit « de rejeter ou de supprimer du contenu généré par intelligence artificielle lorsqu[’il] détermin[e] qu’il crée une expérience client décevante », poursuit cette même source. Le 7 septembre, il a par ailleurs indiqué avoir changé sa politique vis-à-vis des auteurs qui s’autopublient sur Amazon sans passer par un éditeur. Ces derniers seront désormais dans l’obligation de déclarer si leur contenu en ligne est produit ou pas par une intelligence artificielle. Qu’il s’agisse des textes, images ou traductions notamment. Un bien mince garde-fou cependant contre les arnaques de ce genre.

« Le Sens de la tech » : l’impact des machines sur le travail en question

Le livre. Un débat apaisé sur l’impact des technologies sur notre société, sur les rapports humains qui la sous-tendent, et, finalement, sur nos vies quotidiennes, est-il possible ? C’est toute l’ambition de l’ouvrage dirigé par Anne-Sophie Moreau, directrice de la rédaction de Philonomist (un média numérique, qui explore le monde du travail avec l’œil de la philosophie), Le Sens de la tech (Philosophie magazine Editeur, 192 pages, 15 euros). Un essai fait de dialogues entre penseurs (philosophes, géographe, paléoanthropologue…) et dirigeants qui met en lumière les mutations à l’œuvre aujourd’hui, les pistes qui se dessinent pour le futur mais aussi les incertitudes, nombreuses, qui entourent le sujet.

En cela, l’essai propose une prise de hauteur salutaire sur une thématique souvent propice aux débats électriques et par trop idéologiques. L’un des intervenants déplore d’ailleurs, face à la science, tout à la fois des « suspicion[s] mal placée[s] » et des « engouement[s] excessif[s] ». Un autre constate une « défiance croissante vis-à-vis de la science et de la technologie en général », invitant à ne pas laisser confondre « les faits et les opinions ».

L’ouvrage de Mme Moreau trace son sillon sans a priori, pour tenter de saisir le « sens » des innovations technologiques, explorant différentes thématiques (éducation, créativité, souveraineté, etc.) et s’intéressant tout particulièrement à leurs effets, présents et futurs, sur le monde du travail.

Sur cette question, le constat initial est connu : celui d’un bouleversement majeur, tant dans l’organisation du travail, avec l’expansion du télétravail, que dans les tâches à accomplir, avec l’automatisation et la place croissante de l’intelligence artificielle (IA).

Quelle sera la place de l’humain

Au-delà, l’essai se concentre sur les inquiétudes qui se font jour face à ces mutations. « Quel emploi aurai-je demain ? » « L’IA va-t-elle détruire le travail ? » Les débatteurs avancent sur ces sujets avec une nécessaire prudence, la rapidité des évolutions à l’œuvre rendant toute projection délicate. Un regard vers le passé invite toutefois certains d’entre eux à reprendre la théorie de la « destruction créatrice » de Joseph Schumpeter (1883-1950) : si des emplois vont disparaître, de nouveaux métiers sont appelés à émerger – « des rôles à forte composante technologique » et des « rôles à fort contenu d’interaction, d’expérience », estime Eric Labaye, président de l’Ecole polytechnique.

Au fil des pages, ce sont les facultés futures des machines qui sont questionnées et, par suite, le rapport que nous entretiendrons avec elles. L’IA aura-t-elle demain une capacité de création ? Quelle nouvelle division du travail impliquera son déploiement ? Quelle sera la place de l’humain, et dans quels domaines pourra-t-il exercer sa supériorité ? Les intervenants font preuve, sur ces questions, d’un optimisme raisonnable.

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Les salariés des papeteries Condat votent la fin du blocage

Les salariés ont voté la fin du blocage « à une voix près ». Le blocage des papeteries Condat en Dordogne, à l’arrêt depuis fin août, a été levé, mercredi 13 septembre, par les salariés après des avancées avec la direction dans la négociation du PSE.

« Ils ont fait des efforts sur la rémunération du départ à la retraite et les primes supralégales. Ils nous ont dit qu’il y avait encore moyen de négocier », a relaté à l’Agence France-Presse (AFP) Philippe Delord, délégué CGT. « Ils [la direction] ont fait le premier pas (…). Mais on sera amené à rebloquer au cas où les négociations n’iraient pas aussi loin qu’on le souhaiterait », a prévenu le syndicaliste.

Interrogée par l’AFP, la direction a salué « la responsabilité de toutes les parties prenantes ». Sur quelque 400 postes à l’usine du Lardin-Saint-Lazare, plus gros employeur privé du département, 187 sont menacés par le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en négociation jusqu’au 11 octobre.

Effondrement du marché

La direction de Condat, propriété du groupe Lecta qui emploie 2 850 salariés dans sept usines, dont la moitié en Espagne, a annoncé à la fin juin la fermeture d’une ligne de production de papier couché double face, destiné à l’impression de livres, revues et catalogues publicitaires, en raison d’un effondrement du marché.

L’intersyndicale plaide pour une cession du site à un repreneur. « On est allé à Bercy lundi et mardi, il va y avoir d’autres échanges avec l’Etat, il y a encore quelque chose à faire pour sauver la machine 4 », estime Jean-François Sarlat, élu CFE-CGC.

La direction de Lecta mise sur la ligne 8, spécialisée dans les papiers pour étiquettes en particulier. Elle fait valoir 140 millions d’investissements dans cette machine et une chaudière biomasse – dont 14 millions venus d’une aide de l’Ademe et 19 millions d’un prêt de la Région Nouvelle-Aquitaine – depuis trois ans. « Ce n’est pas pour fermer l’usine », a assuré mercredi le président de Lecta France, Alain Gaudré, sur France Bleu Périgord.

Lecta est né à la fin des années 1990 de la réunion de Cartiere del Garda (Italie), Condat et Torraspapel (Espagne), rachetées par le fonds CVC Capital Partners. En 2019, le groupe est passé dans les mains d’autres fonds (Apollo, Cheyne Capital, Tikehau et Credit Suisse Asset Management). La maison mère est aujourd’hui basée à Londres, où elle n’emploie aucun salarié, selon son dernier rapport annuel.

Le Monde avec AFP

Jérôme Coulombel, l’homme qui traque Carrefour

Il est devenu au fil du temps la bête noire du groupe Carrefour, et prétend même avoir vocation à rester le « petit caillou dans la chaussure » de l’enseigne de supermarchés tant que son système de franchise ne changera pas. Cofondateur en 2020 de l’Association des franchisés Carrefour qui compte une centaine de membres, Jérôme Coulombel poursuit son combat en publiant, mercredi 13 septembre, un ouvrage intitulé Carrefour, la grande arnaque (Editions du Rocher, 18,90 euros, 272 pages).

Nul doute que le livre de celui qui fut directeur juridique au service contentieux de Carrefour France jusqu’en 2018 va déranger au siège de l’enseigne de distribution. Carrefour ayant fait du système d’exploitation en franchise de ses magasins un des grands axes de sa stratégie de développement. En France, parmi ses 5 945 magasins sous enseignes à fin 2022, 29,1 % des hypermarchés, 74,3 % des supermarchés et 96,7 % des magasins de proximité étaient tenus par des franchisés, d’après le document d’enregistrement universel du groupe, qui précise : « depuis 2018, la franchise a représenté 90 % des ouvertures de magasins en Europe ».

Poursuivi par son ancien employeur pour vol, chantage et extorsion de fonds, l’auteur avait été relaxé le 10 janvier par le tribunal de grande instance de Caen. M. Coulombel avait notamment dénoncé une affaire datant de 2016 dans laquelle Carrefour avait voulu imposer une remise sans contrepartie à ses fournisseurs pour compenser le coût de livraison de ses magasins de proximité. Le distributeur espérait récupérer près de 67 millions d’euros, selon les éléments de M. Coulombel, mais avait fini par écoper d’une amende de 1,75 million d’euros en 2021.

« Les vaches à lait »

Au travers de nombreux témoignages de franchisés qu’il surnomme « les vaches à lait », l’auteur met en lumière un système qui s’appuie sur le rêve de « gérer son entreprise en toute liberté » que partagent les futurs patrons de magasin et qui se transforme vite en « souricière » dans la réalité, écrit l’auteur. Certains y ont laissé des plumes et sont d’ailleurs en procès contre l’entreprise. Comme Stephane, devenu franchisé en 2003, qui s’apprête en 2015 à reprendre un autre magasin pour ouvrir un Carrefour City et s’« assure » auprès du groupe que le magasin Dia, « juste à côté, ne deviendra pas un Carrefour City ». Avant d’apprendre « le lendemain de la signature (…) que le Dia passera Carrefour City », puis de s’apercevoir que son fournisseur principal, Carrefour, lui vend ses produits « de 24 à 28 % plus cher ».

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Les Etats-Unis forment à toute vitesse les futurs salariés de l’industrie des semi-conducteurs

L’annonce estivale de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) a jeté un froid chez les experts en semi-conducteurs américains : l’usine que l’industriel est en train de construire dans l’Etat de l’Arizona n’ouvrira pas en 2024, comme il était initialement prévu, mais plutôt en 2025. Faute de personnels suffisamment qualifiés pour installer les équipements nécessaires sur le site, TSMC a retardé sa date d’inauguration. Et essaie de faire venir aux Etats-Unis des salariés taïwanais pour finir le travail… au risque de froisser les syndicalistes américains, retranchés derrière l’étendard « made in USA ».

Pour Bill Wiseman, un des experts en semi-conducteurs du cabinet de conseil McKinsey, la déconvenue de TSMC confirme ses craintes sur une éventuelle pénurie de talents locaux. La Maison Blanche a certes fait revenir sur le sol de l’Oncle Sam les investissements en semi-conducteurs en promettant 39 milliards de dollars (environ 36 milliards d’euros) d’aides fédérales. Mais la main-d’œuvre ne suit pas. Le pays souffre d’un manque durable d’ingénieurs et de techniciens, capables de construire et de faire tourner les « fabs », ces usines spécialisées qui accueilleront les salles blanches du secteur.

Les prévisions en besoins de personnels dans le pays diffèrent. Ainsi la plate-forme de recrutement Eightfold.ai évoque un manque crucial de 70 000 à 90 000 postes. M. Wiseman, fort de son vécu à Taïwan, voit plus grand. Les besoins non satisfaits d’ici à 2030 en fabrication avancée, qui incluent semi-conducteurs, usines de panneaux solaires, batteries électriques… sont de 300 000 ingénieurs et de 90 000 techniciens qualifiés, selon McKinsey. Une grosse pénurie, à laquelle s’ajoutent 300 000 emplois de soudeurs, d’électriciens et d’autres métiers pour construire les manufactures.

Plusieurs centaines d’étudiants par an

Quelles que soient les prévisions, les professionnels mesurent déjà l’ampleur du défi à relever. « La fabrication est en déclin depuis plusieurs décennies, chercheurs et enseignants ne font pas carrière dans les semi-conducteurs », reconnaît Martin Schmidt, un ancien du Massachusetts Institute of Technology, aujourd’hui président du Rensselaer Polytechnic Institute, dans l’Etat de New York, là où, justement, plusieurs projets de « salles blanches » sont en préparation. Sur plus de 1 600 étudiants en maîtrise à l’institut, 600 préfèrent opter aujourd’hui pour les sciences informatiques ou les outils optiques, « beaucoup plus populaires », selon M. Schmidt.

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