« Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique et doivent disposer des informations les plus complètes possibles pour faire les bons choix »

Avec la mise en œuvre progressive, à partir de janvier 2024, de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD), transposée en droit français mercredi 6 décembre, nous nous apprêtons à écrire une nouvelle page de notre grammaire économique.

Le XXe siècle a été celui d’une puissante normalisation de la comptabilité internationale pour accompagner l’essor d’une économie mondialisée et financiarisée, particulièrement efficace pour se développer, mais aveugle quant à l’impact de ses activités sur les humains et la nature. A l’heure de l’urgence environnementale, des textes tels que CSRD permettront à notre siècle d’être celui de la définition de normes « extra-financières » pour mieux guider nos économies sur les rails de l’indispensable transition.

Concrètement, la directive va amener dès 2025 les entreprises européennes de plus de 250 salariés à publier des informations sur leurs impacts environnementaux, sociaux ou encore sur leur gouvernance. De la même manière que les informations financières, ces données devront s’appuyer sur des normes internationales, être contrôlées par un tiers indépendant et publiées chaque année par les entreprises.

A la veille de sa mise en œuvre, le 1er janvier 2024, ce texte européen a fait l’objet de critiques par les tenants d’une approche anglo-saxonne des données extrafinancières. Alors que ces derniers souhaitent que ces normes se limitent à mesurer les impacts écologiques et sociaux du monde extérieur sur la performance de l’entreprise (matérialité « simple » ou matérialité financière), l’approche européenne retient, elle, une logique de « double matérialité » et vise à mesurer – également – les impacts écologiques et sociaux de l’entreprise sur le monde extérieur (« matérialité d’impact »).

Mesurer le chemin à parcourir

Cette double matérialité, c’est-à-dire cette préoccupation des conséquences de l’activité des entreprises sur le vaste monde, constitue à nos yeux un pas en avant considérable. Bien sûr, cette approche représente un défi technique majeur. La méthodologie d’évaluation des impacts n’est pas encore stabilisée, et il serait utopique d’assurer que la double matérialité permettrait la comptabilisation exhaustive des impacts d’une entreprise.

Il est, par exemple, encore difficile de mesurer aussi précisément l’impact d’une entreprise sur la biodiversité que sur le climat. Bien sûr aussi, ce reporting extrafinancier n’impose pas directement aux entreprises de changer leurs comportements puisqu’il n’est qu’un outil de transparence.

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« L’Europe doit faire preuve de fermeté et rehausser les normes mondiales en matière de durabilité »

L’Europe est sur le point d’adopter un plan audacieux en deux parties pour réglementer les relations entre entreprises et droits humains. La directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD), adoptée il y a un an, transposée mercredi 6 décembre dans le droit français et qui entrera progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2024, oblige les entreprises à rendre compte publiquement des risques sociaux et environnementaux. La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDD), qui sera bientôt finalisée, obligera les entreprises à prévenir activement ces risques ou à les atténuer. Ce nouveau régime juridique pourrait être révolutionnaire, à condition que l’Union européenne (UE) résiste aux tentatives d’affaiblissement de chacune de ces deux parties.

La première directive exige des entreprises qu’elles signalent tout risque social ou environnemental qui peut affecter soit les propriétaires de l’entreprise, soit la société dans son ensemble. Cette approche judicieuse et novatrice, qui porte le nom technique de « double matérialité », s’oppose à celle de l’International Sustainability Standards Board, organisme international de standardisation des critères de durabilité, dite « de simple matérialité financière », selon laquelle les entreprises n’auraient à signaler ces risques que lorsqu’ils menacent la seule valeur financière de l’entreprise pour ses propriétaires.

Or, cette vision étroite de la matérialité est précisément ce qui entrave le développement de l’investissement « socialement responsable », c’est-à-dire prenant en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), comme le montre une étude récente du Stern Center for Business and Human Rights de la New York University (« Making ESG Real », Michael Goldhaber, novembre 2023).

Coûts imposés

La plupart des mécanismes et procédures ESG actuels évaluent la manière dont les risques environnementaux ou sociaux pourraient nuire à l’entreprise et à ses actionnaires. Or, les entreprises peuvent souvent nuire à l’environnement ou à la société sans pour autant nuire aux actionnaires, si cela s’avère rentable et si les conséquences juridiques ou réputationnelles sont minimes ou inexistantes. L’immoralité dans les affaires peut être parfaitement rentable, légale et à l’abri du scandale ! Il peut être financièrement rationnel pour certaines entreprises d’assumer scandales et responsabilités juridiques.

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A Romorantin, un des principaux employeurs privés prépare une vague de licenciements : « C’est un vrai coup dur »

Dans l’usine de recyclage automobile d’Indra à Romorantin (Loir-et-Cher), le 9 septembre 2021.

Patricia Maligne, 45 ans et Romorantinaise (Loir-et-Cher) de naissance, est entrée chez le courtier en assurances Colonna en 2005. « J’ai donc eu la chance d’être là quand on a remporté l’appel d’offres de mutuelles pour les aider à gérer leurs adhérents issus de la branche hôtels, cafés et restaurants. J’étais employée de gestion pour la partie prévoyance. Répondre aux appels de 8 heures à 17 heures, ouvrir des dossiers d’arrêt de travail, d’invalidité ou de décès, s’assurer que toutes les pièces soient présentes pour que les versements aient lieu très rapidement… C’était mon quotidien jusqu’à ce que j’évolue récemment comme cheffe de projet. »

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés A Romorantin, les PME de l’usinage au bord du précipice

Le 18 octobre, Colonna a annoncé publiquement la fin imminente de son mandat de délégation de gestion des frais de santé et prévoyance pour le secteur hôtels, cafés et restaurants, sur décision de ses clients Malakoff Humanis et Klesia. Ces derniers avaient informé la direction de Colonna de leur désengagement dès le 29 juin 2022. « Sauf meilleur accord entre nous, nos relations s’éteindront le 31 décembre 2023. » Colonna n’a cessé, depuis, de contester cette décision. « Notre travail a toujours été plébiscité et n’a jamais été critiqué, ni par les partenaires sociaux, ni par les salariés, ni par les entreprises de la branche », martelait l’entreprise.

Mi-janvier les salariés de Colonna connaîtront tous les détails d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoit de supprimer au moins 99 CDI et 20 CDD à Romorantin. « On veillait à ne rien sous-traiter, on numérisait nous-mêmes tous les courriers papier des adhérents, on imprimait et envoyait d’ici toutes les cartes de tiers payant. La garantie que tous nos employés vivent en France était également notre argument. Toute cette chaîne de valeur patiemment bâtie va disparaître. Quel gâchis… », déplore Mathieu Naquin, directeur du site de Romorantin.

« Poignardé au cœur »

En vingt ans, Colonna aura prospéré, racheté et rénové cinq bâtiments pittoresques du centre-ville de Romorantin. Ainsi, la salle d’impression jouxte l’école catholique Notre-Dame et fait face au centre des finances publiques. Chaque midi, des salariées fréquentent les restaurants autour de la place de la Paix puis font halte à la célèbre boucherie Véron et au Monoprix, en fin de journée. Pour le maire, Jeanny Lorgeoux, « Colonna a fortement contribué à réhabiliter et maintenir la vitalité du centre-ville » : « Je connais toutes les familles qui y travaillent, depuis trente-huit ans que je suis maire. C’est un vrai coup dur… On est poignardés au cœur. »

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Les Français de moins en moins attachés à l’assurance-chômage

Les Français perçoivent le ralentissement du marché de l’emploi et portent en conséquence un regard plus adouci sur les demandeurs d’emploi. C’est l’un des enseignements de la cinquième édition du baromètre de la perception du chômage et de l’emploi, publié mercredi 6 décembre, par l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime d’assurance-chômage – et réalisé avec l’institut Elabe. Une enquête réalisée sur Internet du 29 août au 25 septembre auprès d’un échantillon représentatif de quelque 4 500 personnes (dont 1 500 demandeurs d’emploi), selon la méthode des quotas.

Comme en 2022, un Français sur deux estime toujours que les demandeurs d’emploi sont responsables de leur situation, une pause après une progression ininterrompue depuis mars 2020. Signe que le regard des Français est moins critique, les évolutions de la société sont une nouvelle fois citées comme la première cause de chômage, elles remontent d’ailleurs (+ 2 points, pour atteindre 61 %) après une forte baisse lors de l’édition précédente. Par ailleurs, pour près de trois Français sur quatre, le chômage est toujours une situation subie plus que choisie. Le soupçon à l’égard des demandeurs d’emploi reste toutefois présent, puisque 50 % des personnes interrogées considèrent que la plupart des chômeurs ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi. Néanmoins, la critique sur « le chômeur assisté » recule légèrement (39 % à − 3 points).

Cette stagnation dans la perception qu’ont les Français des chômeurs s’explique en grande partie par un regard plus pessimiste sur le marché de l’emploi. Pour la première fois depuis 2020, les sondés considèrent que la situation de l’emploi ne s’améliore plus et les actifs redoutent donc davantage le chômage. En conséquence, ces derniers se montrent plus « bienveillants » avec les chômeurs. « Ce cinquième volet marque un lien entre la capacité d’empathie pour les demandeurs d’emploi et la situation de l’emploi », analysait Laurence Bedeau, directrice associée d’Elabe, lors de la présentation des résultats à la presse.

Sentiments paradoxaux

L’enquête montre ainsi que 51 % des personnes interrogées jugent que la situation de l’emploi se dégrade. Ils sont seulement 14 % à penser qu’elle s’améliore, contre 16 % en 2022, une première baisse après un sentiment en hausse depuis juillet 2020. Pour rappel, le taux de chômage en France a augmenté au troisième trimestre de l’année, pour atteindre 7,4 %, alors qu’il n’avait fait que baisser depuis 2017. Surtout, les économistes anticipent une remontée encore plus forte, à 8 %, d’ici à 2025 ou 2026. Les Français ne semblent donc pas très optimistes pour la suite alors qu’Emmanuel Macron a fait du plein-emploi – autour de 5 % de chômage – l’ambition principale de son second quinquennat.

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« Quelles politiques de l’emploi pour les jeunes ? » : les défaillances de l’accompagnement en début de carrière

Trajet d’accès à l’emploi (Trace), contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis), emplois d’avenir, écoles de la deuxième chance… Depuis plusieurs décennies, une multitude de dispositifs sont déployés en France pour tenter de résorber le chômage des jeunes. Sans grand succès : il s’élève à 17,3 % chez les moins de 25 ans en 2022 contre 7,3 % pour l’ensemble de la population. Un taux qui atteint même environ 50 % pour ceux qui, à 20 ans, ne détiennent au mieux qu’un brevet des collèges.

Dans le même temps, leur suivi montre ses failles : un jeune NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) sans aucune expérience professionnelle sur trois n’est accompagné par aucun organisme (Pôle emploi, mission locale…).

Quelles sont les lacunes des politiques de l’emploi pour les jeunes en France et quels leviers activer pour gagner en efficacité ? Quels sont les modèles qui font leurs preuves à l’étranger ? Pierre Cahuc, professeur d’économie à Sciences Po, et Jérémy Hervelin, enseignant-chercheur en économie au Thema, centre de recherche associé à l’université CY-Cergy-Paris, se sont penchés sur ces problématiques dans Quelles politiques de l’emploi pour les jeunes ? (Les Presses de Sciences Po).

L’essai dresse un état des lieux précis des initiatives françaises comme étrangères visant à accompagner les jeunes vers l’emploi, des contrats aidés à la formation en alternance en passant par un travail spécifique sur l’offre de formation. Leur étude met au jour l’extrême « sensibilité » de ces dispositifs : de multiples variables peuvent ainsi jouer dans le succès ou l’échec de la politique menée, au-delà de ses principes fondateurs.

Inefficacité

Le lieu de formation, notamment : « Un même diplôme de l’enseignement secondaire professionnel, avec une même spécialité, peut aboutir, six mois après la fin des études, à un taux d’insertion dans l’emploi qui varie du simple au septuple selon l’établissement dans lequel il a été préparé », expliquent les auteurs. Autre exemple, ils soulignent combien les aptitudes des conseillers en insertion professionnelle qui accompagnent les jeunes vers l’emploi peuvent se révéler déterminantes.

MM. Cahuc et Hervelin jugent négativement les dispositifs proposés aux jeunes sortis du système éducatif avec un faible niveau de formation (aides à la recherche d’emploi, formation professionnelle…) : « En moyenne, les effets sur l’emploi et sur les rémunérations sont très faibles et pas toujours positifs. »

Qu’en est-il des politiques ciblées sur le système éducatif ? Là encore, c’est leur inefficacité qui est globalement mise en avant. « Le système français souffre d’une inadéquation de l’offre de formation », notent les auteurs, qui déplorent aussi une « orientation défaillante » et un « pilotage à l’aveugle ». En cause, le fait que « les débouchés professionnels des élèves [soient] inconnus, même pour l’écrasante majorité des établissements, dont les formations ont une vocation purement professionnelle ».

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L’intérim chez les infirmiers, un phénomène qui inquiète les hôpitaux

Une infimière dans une salle d’opération de l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 26 septembre 2023.

A l’hôpital, le cercle vicieux de l’intérim ne se limite pas au monde des médecins. Dans les rangs infirmiers aussi, ce mode d’exercice, prévu pour des remplacements ponctuels de courte durée, s’est développé ces dernières années à mesure que les postes vacants se sont multipliés, en particulier en Ile-de-France. Avec une même difficulté, dans des établissements qui souffrent cruellement du manque de soignants : ce mode d’exercice un peu mieux rémunéré, avec une grande liberté de planning, vient désormais concurrencer le recrutement classique. Et participe, en prenant de l’ampleur, à la désorganisation des services.

L’article 7 de la proposition de loi sur l’accès aux soins portée par le député (Horizons) de Seine-et-Marne Frédéric Valletoux, soutenue par le gouvernement, veut endiguer cette tendance en visant les jeunes professionnels. Le texte, qui doit être examiné en commission mixte paritaire, jeudi 7 décembre, prévoit d’interdire l’intérim en début de carrière aux jeunes médecins, infirmiers et aides-soignants.

Si la mesure est adoptée, la durée de l’interdiction sera précisée par décret – de trois à quatre ans étaient initialement envisagés. « L’intérim doit redevenir un phénomène à la marge, il ne doit pas être un modèle de carrière, défend Frédéric Valletoux. Il faut envoyer ce signal parce qu’aujourd’hui, nous avons des jeunes qui commencent par l’intérim et poursuivent leur carrière comme ça. »

Sur ce phénomène, comme sur l’intérim médical, il n’existe pas de données détaillées. Selon une note de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) datant de septembre, le recours des hôpitaux à ce mode d’emploi temporaire reste « faible » par rapport à d’autres secteurs de l’économie, mais il est « en nette hausse » : ces six dernières années, le taux de recours est passé de 0,2 % à 0,4 %. Cela s’explique en grande partie par l’intérim infirmier, dont la progression est marquée depuis 2021. Entre début 2017 et début 2023, la part des intérimaires dans l’emploi d’infirmiers croît de 0,6 % à 1,5 % dans les hôpitaux privés et de 0,1 % à 0,7 % dans les hôpitaux publics.

Enjeu de « regarnir les effectifs »

L’Ile-de-France fait partie des régions les plus concernées, d’après les acteurs de la santé. A l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’intérim représente environ 1 000 postes (équivalents temps plein), toutes qualifications confondues et principalement dans les rangs paramédicaux, selon la direction du groupe de trente-huit hôpitaux ; et un budget de 90 millions d’euros en 2022, soit 20 millions de plus qu’il y a deux ans.

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Au Bangladesh, les ouvriers travaillent pour les marques occidentales contre un « salaire de pauvreté »

Un rassemblement d’ouvriers du textile manifestant à Dacca, la capitale du Bangladesh, le 12 novembre 2023.

Debout, pieds nus, sur une table de travail tout en longueur, un ouvrier s’élance et déroule une grosse bobine de tissu bleu pour la déployer. L’étoffe flotte un instant dans les airs avant de retomber. Là, des carrés de taille identique seront découpés dans la fibre estampillée « made in China ». A l’étage supérieur de cette usine textile de Dacca, au Bangladesh, des vêtements de prêt-à-porter prennent forme aux sons mécaniques des machines à coudre. Des pantalons camouflage, des chemises en lin rouge et blanc, mais aussi de petits shorts en jean pour enfant s’entassent par dizaines. Les étiquettes des prix sont affichées en euros : 14,99 euros pour une chemise, 16,90 euros pour un chemisier. Ces vêtements fabriqués au Bangladesh pour environ un tiers du prix de vente garniront bientôt les rayons d’enseignes allemandes, espagnoles, italiennes ou encore néerlandaises.

Dans cette usine de l’entreprise APlus Group, située dans le quartier industriel de Mirpur, à Dacca, les ouvriers, dont 95 % sont des femmes, s’appliquent à la tâche. A la fin du mois d’octobre, pourtant, cette unité du groupe qui emploie 1 800 personnes est restée portes closes durant plusieurs jours. Des vitres ont été brisées et des véhicules endommagés, dégâts intervenus à la suite des violentes manifestations qui ont récemment secoué le secteur du textile. Des milliers de travailleurs étaient alors descendus dans les rues de Dacca et des banlieues industrielles, à Gazipur ou à Ashulia, pour réclamer la hausse du salaire minimum mensuel, établi jusque-là à 8 300 takas, soit environ 70 euros.

Les troubles, au cours desquels des dizaines d’usines ont été saccagées et quatre ouvriers ont été tués, ont brièvement paralysé ce secteur clé de l’économie bangladaise, qui fournit les grandes marques comme Zara, H&M, Primark ou Uniqlo.

Le pays n’avait pas connu un tel conflit social au cours de la dernière décennie. Les conditions désastreuses de travail des quatre millions de travailleurs bangladais du textile se sont encore dégradées depuis la pandémie de Covid-19. Frappés de plein fouet par une inflation galopante qui avoisine les 10 %, ils subissent également une dépréciation d’environ 30 % du taka par rapport au dollar, et il leur est devenu impossible de joindre les deux bouts.

« Auparavant, je mangeais de la viande, mais maintenant je me contente d’œufs et, quand je dois acheter des vêtements, je saute des repas pour pouvoir me les payer », confie Munir Hussain, une vingtaine d’années, chargé d’emballer des habits pour un salaire de 70 euros par mois dans une usine qui fournit notamment le français Kiabi. « Toutes mes dépenses sont fixes, le seul budget dans lequel je peux tailler lorsque j’ai des frais supplémentaires, c’est celui qui est consacré à la nourriture », explique le jeune homme, qui a participé aux manifestations pour l’augmentation des salaires.

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A Paris, The Conran Shop fermera définitivement ses portes fin décembre

La boutique « The Conran Shop » à l’angle des rues du Bac et Babylone, à Paris, en mai 2023.

The Conran Shop tire le rideau. Le magasin d’ameublement et de design, qui a ouvert ses portes en 1992, rue du Bac, à Paris, à proximité du Bon Marché, ferme définitivement ses portes, « au plus tard le 31 décembre », précise sa direction. Alors qu’elle mène une opération de liquidation en vendant ses dernières pièces, dont des meubles d’exposition, l’enseigne fondée par Sir Terence Conran, créateur d’Habitat en 1964, décédé en 2020, fait pâle figure.

Déficitaire depuis plusieurs années, le magasin parisien est détenu depuis 2020 par un homme d’affaires britannique, Javad Marandi, qui a racheté la marque The Conran Shop créée en 1974 et continue de l’exploiter outre-Manche. En France, son chiffre d’affaires a atteint 13 millions d’euros sur son exercice 2022-2023, tandis que ses pertes s’élevaient à 2,5 millions d’euros.

Depuis janvier, The Conran Shop est dirigé par le cabinet Prospheres, spécialiste de la restructuration d’entreprises. D’après l’un de ses 53 salariés promis au licenciement, un projet de cession n’a pas abouti. Reste à savoir quel sera le destin de ce local, propriété du Bon Marché, filiale du groupe LVMH.

Un secteur fragile

La fermeture de ce magasin très haut de gamme, en plein cœur du 7e arrondissement, l’un des quartiers les plus huppés de la capitale, en dit long sur la fragilité du secteur. De fait, après avoir traversé la crise induite par la pandémie due au coronavirus, en 2020 et 2021, la distribution d’équipement pour la maison est désormais en crise. Tous les segments sont concernés. L’enseigne d’ameublement Habitat a demandé son placement en redressement judiciaire, le 30 novembre. Deux mois plus tôt, le 9 octobre, la chaîne Maisons du Monde, connue pour ses plus petits prix, a publié un avertissement sur résultats sur son exercice en cours.

Ce n’est pas le seul secteur en souffrance, à la veille des achats de fin d’année. L’Alliance du commerce estime que les ventes d’habillement ont chuté de 2 % en novembre par rapport à novembre 2022, en dépit des promotions du Black Friday. D’après cette fédération du commerce de centre-ville, le chiffre d’affaires de cette opération censée lancer la période faste des ventes de cadeaux de Noël a reculé de 1,9 % durant la semaine du 20 au 27 novembre.

En octobre, l’Institut français de la mode avait chiffré à 7,3 % la chute d’activité des magasins d’habillement et de textile par rapport à octobre 2022. Enfin, le secteur du jouet s’interroge sur les intentions d’achat des Français à Noël : les ventes de jeux et de jouets ont reculé de 4,5 % entre janvier et octobre, par rapport à la même période en 2022, selon la fédération du commerce spécialisé Procos.

Aller à la rencontre des candidats, nouvelle course à l’innovation des recruteurs

« Déposez votre CV et gagnez 100 000 euros et plein d’autres lots ! » En juin 2022, faute de recevoir suffisamment de candidatures, le cabinet de recrutement Lynks Partner lançait une loterie alléchante. Pour tenter sa chance, il suffisait de s’inscrire sur le site dédié et d’y inviter deux autres candidats titulaires d’un bac + 2. Le tirage au sort devait avoir lieu après l’enregistrement de 1 million de CV.

Pour tenter de se démarquer, de nombreuses entreprises innovent dans leur processus de recrutement dans une démarche d’« aller vers », c’est-à-dire qui rompt avec l’idée que le candidat doit postuler et considère que l’entreprise doit aller à sa rencontre pour le convaincre de la rejoindre. Mais cette démarche doit être particulièrement bien ciblée, car l’opération est également un coup de dés pour l’entreprise : à peine six mois après le recrutement-loto de Lynks Partner, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture d’une liquidation judiciaire du cabinet.

Les offres d’emploi ont du mal à trouver leur public, tant les projets de recrutement sont nombreux. Publiée en avril, l’étude annuelle de Pôle emploi sur les « Besoins en main-d’œuvre » montre que 61 % des employeurs anticipaient des difficultés pour recruter cette année, un nombre en augmentation de 3,1 points par rapport à 2022. Premier motif invoqué, le nombre insuffisant de candidats (pour 85 % des entreprises), avant l’inadéquation des profils (79 %) des postulants. Pour les attirer malgré un marché qui ne leur est pas favorable, les entreprises n’hésitent plus à aller directement chercher les candidats, dans la rue ou sur les places de village.

Rompre avec l’aspect formel de l’entretien lève des freins. « Dans la rue, on trouve des candidats qui ne se trouvent pas légitimes pour postuler lors d’un processus classique. La relation s’inverse, car nous montrons que nous avons besoin d’eux autant qu’ils ont besoin de nous », indique Nicolas Morby, fondateur, en 2020, d’Ethypik, société de recrutement dont la spécialité est de démarcher des candidats sur les places publiques.

Selon le dirigeant, 65 % des profils de sa base de données sont des personnes éloignées du marché, qui ne sont inscrites ni à Pôle emploi, ni au sein des missions locales, ni sur les réseaux sociaux liés à l’embauche.

La rue pour recruter des salariés

De la même manière, l’Oise s’est dotée, en 2016, d’un bus itinérant, allant de communes en villages pour approcher des habitants qui n’ont pas toujours la possibilité de se déplacer en transports en commun. Là aussi, les résultats sont probants : « Une personne reçue en entretien individuel par le conseiller en insertion professionnelle sur deux retrouve le chemin de l’emploi, de la formation ou crée son entreprise », pointe le département, qui a inauguré un cinquième bus en 2022.

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