Assurance-chômage, une réforme punitive
Editorial. Les premières dispositions de la réforme, qui entrent en vigueur vendredi 1er novembre, ouvrent certes des droits mais durcissent les conditions d’éligibilité. Avec le risque d’étendre la précarité qu’une telle mesure prétend combattre.
Editorial du « Monde ». Depuis quelques jours, Muriel Pénicaud fait la promotion de la réforme de l’assurance-chômage, concoctée à l’abri des partenaires sociaux, qui n’avaient pas réussi à s’entendre, par le seul gouvernement. La ministre du travail est dans son rôle quand elle valorise deux innovations qui étaient des promesses d’Emmanuel Macron. La première concerne les salariés démissionnaires, qui pourront bénéficier d’une indemnisation s’ils ont un « projet professionnel ». Mais les conditions sont tellement strictes qu’il ne devrait y avoir qu’entre 17 000 et 30 000 élus chaque année. La seconde vise les travailleurs indépendants, qui auront désormais droit à une allocation de 800 euros par mois pendant un semestre. Là aussi, l’effet sera limité, avec 30 000 bénéficiaires par an.
Ces deux mesures sont des mini-pansements qui n’atténuent en rien le caractère punitif de la réforme. Justifiée par la nécessité de faire 3,4 milliards d’euros d’économies sur deux ans et accompagnée d’une petite musique sur l’amélioration de l’emploi, elle tourne le dos à la justice sociale et risque d’étendre la précarité qu’on prétend combattre, voire de fabriquer de nouveaux pauvres au moment où une stratégie audacieuse contre la pauvreté se met en place. Pire encore, elle nourrit une suspicion à l’égard des 6 millions d’individus inscrits à Pôle emploi sans aucun travail ou avec une activité réduite, comme s’ils cherchaient à s’installer dans le chômage sans tenter de retrouver un emploi.
Indemnisation dégressive à partir du septième mois
Laurent Berger a raison de dire que « c’est une des réformes les plus dures socialement qui s’est opérée ces vingt-cinq dernières années ». Le secrétaire général de la CFDT estime – même si ce n’est pour l’heure qu’un pronostic qui demandera à être vérifié – que « plus de 1,4 million de demandeurs d’emploi vont être impactés négativement ». Déjà en 1982, quand Pierre Bérégovoy, ministre (socialiste) des affaires sociales, s’était substitué aux partenaires sociaux, son décret avait accentué les inégalités de traitement entre les chômeurs, donnant naissance à ce qu’on avait appelé « les nouveaux pauvres ».
Avec les deux décrets publiés fin juillet au Journal officiel qui vont s’appliquer à compter du 1er novembre, le durcissement des règles va devenir une réalité. Il faudra désormais avoir travaillé six mois sur une période de vingt-quatre mois – et non plus quatre mois sur vingt-huit – pour toucher une allocation. Mis en place en 2014, sous le quinquennat précédent, le dispositif des droits rechargeables, ouvert aux allocataires en fin d’indemnisation, va être sérieusement écorné. Il ne jouera qu’à partir du moment où le demandeur d’emploi aura été en activité au moins 910 heures, soit un seuil six fois plus élevé qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, et alors même que l’efficacité d’une telle mesure n’a jamais été démontrée, l’indemnisation sera dégressive à partir du septième mois pour ceux qui touchaient plus de 4 500 euros brut par mois. Les cadres sont dans le collimateur.
Une autre disposition punitive, qui entrera en vigueur en avril 2020, a trait au calcul du salaire journalier de référence, avec une baisse moyenne de 22 % de l’allocation, qui passera de 905 à 708 euros. Cela touchera, d’après l’Unedic, environ 850 000 personnes. En juin, M. Macron avait souligné que « l’ajustement économique et financier » ne devait pas prévaloir « sur les droits sociaux ». C’est pourtant le mauvais coup qu’il vient de commettre.