Assurance-chômage : une réforme au goût amer
Le durcissement des règles de l’assurance-chômage constituera l’un des principaux marqueurs des deux quinquennats d’Emmanuel Macron. Avec en ligne de mire l’atteinte du plein-emploi en 2027, le président de la République a multiplié les changements de règles, qui se sont traduits par trois réformes en moins de cinq ans. Les détails de la dernière ont été précisés, dimanche 26 mai, par le premier ministre, Gabriel Attal, dans un entretien à La Tribune Dimanche. Il s’agit d’un nouveau tour de vis, qui entrera en vigueur le 1er décembre.
La rhétorique du gouvernement consiste à convaincre que, pour préserver notre modèle social, il est indispensable de s’attaquer à sa générosité. Les chômeurs sont d’importants contributeurs à cette logique. Jugeant que les règles actuelles d’indemnisation ne sont pas suffisamment incitatives à la reprise d’activité, l’idée consiste à rogner sur les droits des sans-emploi. La France se rapprocherait ainsi des standards en vigueur en Europe.
Le temps de travail nécessaire pour prétendre à une allocation est sensiblement allongé, la durée d’indemnisation, elle, est raccourcie. Et, en cas d’amélioration du marché du travail, les règles seront encore durcies. L’Etat resserre ainsi un peu plus son emprise sur un régime qui est théoriquement géré par les partenaires sociaux, mais dont la gouvernance relève de moins en moins du paritarisme.
Finalité discutable
Les modalités par lesquelles le gouvernement compte atteindre ses objectifs posent néanmoins des questions en termes de cohérence, de finalité et de justice. La cohérence manque cruellement. Ce nouveau durcissement intervient au moment où le marché du travail marque le pas. Le principe de contracyclicité qu’a voulu instaurer le gouvernement se trouve donc en porte-à-faux. Par ailleurs, cette réforme est annoncée alors que l’impact des deux précédentes n’a pas été pleinement évalué. La méthode donne le sentiment que le gouvernement avance à tâtons sans nécessairement prendre en compte les conséquences sociales, qui laisseront un goût amer à nombre de chômeurs.
La finalité est également discutable. Les nouvelles règles doivent permettre de pourvoir 90 000 postes. L’objectif paraît bien peu ambitieux au regard des enjeux financiers affichés. Les économies attendues se chiffreraient à 3,6 milliards d’euros par an, soit plus de 10 % du montant total des allocations versées en 2023. De quoi interpréter cette réforme davantage comme une façon de trouver dans l’urgence des marges de manœuvre budgétaires, plutôt que d’apporter des solutions pérennes au chômage de masse.
Enfin se pose la question de la justice sociale d’une réforme qui va affecter en premier lieu les jeunes et les plus précaires (intérimaires, saisonniers, salariés en contrats courts). S’attaquer à la prétendue « générosité » du système, c’est aussi oublier qu’un peu moins de la moitié des personnes sans emploi ne touchent aucune indemnité. En contrepartie, l’effort demandé aux employeurs pour apporter leur contribution à l’amélioration du marché du travail n’est à ce stade qu’une promesse. L’éventuel durcissement des sanctions contre l’abus des contrats courts est renvoyé à un futur texte dont les contours restent flous.
Quant au dispositif consistant à préserver le salaire des chômeurs les plus âgés acceptant de reprendre un emploi moins bien payé que leur ancien poste, il risque d’inciter les employeurs à recruter des salariés expérimentés à bon compte, le tout financé par la collectivité. Le gouvernement accélère sur la route du plein-emploi au risque de confondre vitesse et précipitation.