Aigle rapatrie la fabrication de bottes en France
C’est un effet inattendu de la crise due à la pandémie de Covid-19. Les bottes de pluie connaissent un réel succès. Aigle observe que ses ventes de modèles en caoutchouc sont en hausse de 46 % depuis le début de 2021. « Le marché était en chute de 20 % en 2019 », rappelle Sandrine Conseiller, directrice générale de la marque de prêt-à-porter, filiale du groupe suisse Maus Frères.
Pourquoi un tel rebond ? Partout dans le monde, après des mois de confinement, « l’appel de la nature » s’est fait sentir, estime la dirigeante. L’envie de se promener dans de grands espaces a soutenu les ventes de produits de sports de plein air. Et elle a aussi incité les Français à chausser des bottes de caoutchouc. Quitte à les porter « en ville », un comportement dont les femmes raffolent, à en croire Mme Conseiller. Le parti pris d’acheter du made in France a poussé les consommateurs à choisir les modèles de la marque hexagonale. A tel point que son usine installée à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne) peine à répondre à la demande actuelle.
Le phénomène incite Aigle à rapatrier une partie de sa production de modèles pour enfants en France. Cette ligne est actuellement produite en Chine. Les premières paires de la French Lolly, un modèle vendu 65 euros, sont en train de sortir de son usine. « D’ici à 2023, 50 % de nos modèles de bottes pour enfants y seront produits », précise la dirigeante. Ce volume alimentera le marché européen de la marque, tandis que son fournisseur chinois continuera d’approvisionner les magasins asiatiques, qui représentent 50 % de son chiffre d’affaires.
280 millions d’euros de ventes
Cette relocalisation est censée diminuer l’empreinte carbone du fabricant en Europe et en Asie, en réduisant les transports de marchandises à travers le monde. Aigle – la marque aux 280 millions d’euros de ventes est en pleine relance stylistique pour devenir écoresponsable et atteindre 500 millions d’euros à moyen terme – dit répondre à sa nouvelle ligne de conduite environnementale.
En janvier, la marque est devenue une entreprise à mission. Sa raison d’être est désormais de « permettre à chacun de vivre pleinement des expériences sans laisser d’autres empreintes que celles de ses pas ». En dépit de cette formulation marketing, ce changement de statut est un « tournant radical » qui, selon Mme Conseiller, « exige du courage » à tous les échelons de l’activité. L’un des grands défis est la production locale dans l’usine d’Ingrandes.
Aigle doit embaucher 80 personnes sur ce site construit en 1967 qui emploie 200 personnes. En dépit d’une situation dans un bassin d’emploi compliqué par la fermeture de la Fonderie du Poitou, en juillet, « il est très difficile de trouver » des candidats, déclare-t-elle. La dirigeante en a fait part au premier ministre, Jean Castex, le 27 septembre, à Châtellerault (Vienne), lors de la présentation du plan de réduction des tensions de recrutement. Le problème ne serait ni dans la « formation » ni « dans les salaires » pratiqués au sein de l’usine, selon Mme Conseiller, qui précise qu’un maître caoutchoutier est payé au smic. La société se dit surtout confrontée aux difficultés de l’industrie tricolore, dont les « métiers manuels ne sont pas suffisamment valorisés ».