Abandons de poste : entre faux licenciement et vraie démission, le flou juridique demeure

Abandons de poste : entre faux licenciement et vraie démission, le flou juridique demeure

Droit social. Un employeur peut-il aujourd’hui licencier pour faute un salarié ayant volontairement abandonné son poste, alors que la loi du 21 décembre 2022 puis le décret du 17 avril 2023 ont prévu une procédure spécifique conduisant à une présomption simple de démission ? Qualification donc opposée au classique licenciement pour faute, devant permettre à l’Unédic, l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage, de réaliser à terme 380 millions d’euros d’économies annuelles.

Cette évolution avait aussi pour but de dissuader certains départs impromptus, de la même manière que l’indemnité de fin de contrat du contrat à durée déterminée veut inciter le travailleur précaire à rester jusqu’au terme.

Dissuasion réussie ? Surprise des chiffres : cette loi aurait atteint son but dès avant son décret d’application ! Ce dernier date du 17 avril : or le nombre de licenciements pour faute grave ou lourde était au deuxième trimestre 2023 inférieur de 30 % à celui du deuxième trimestre 2022, selon l’enquête du ministère du travail publiée le 31 octobre 2023, concluant : « Ce repli intervient dans un contexte de promulgation de la loi introduisant la présomption de démission pour abandon de poste. » On avait en effet du mal à comprendre une telle chute des comportements fautifs, a priori indépendants de la conjoncture.

Situation complexe

Mais, selon l’Unédic, la moitié des abandons serait réalisée en accord avec l’employeur, dont 23 % suggérés par lui : la frontière est donc poreuse entre licenciement arrangé, abandon de poste accepté et rupture conventionnelle. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que l’exceptionnel succès de cette dernière est d’abord dû au bénéfice des allocations-chômage, réglées par l’Unédic : le mode de rupture du contrat dépend souvent de l’accès ou non à celles-ci.

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Reste que, côté entreprise, la situation est aujourd’hui doublement compliquée. Certes, les règles spéciales dérogent aux règles générales. Mais l’article R. 1237-13 semble la laisser libre de son choix : « L’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission doit lui adresser une lettre…  » : jusqu’à pouvoir choisir la procédure de la présomption de démission pour M. A. qui s’en trouvera privé d’allocation, mais licencier pour faute grave Mme B. qui pourra donc en bénéficier ?

C’est l’un des arguments développés par la CGT, FSU et Sud, qui ont contesté la légalité du décret devant le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel ayant cependant estimé que ces dispositions ne méconnaissaient pas le principe d’égalité.

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LJD

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