A Reims, la grève des « gilets jaunes » d’Orpea

A Reims, la grève des « gilets jaunes » d’Orpea

Les aides-soignantes et auxiliaires de vie de l’Ehpad Saint-André du groupe Orpea, à Reims (Marne), en grève, le 27 mai 2022. L’Ehpad accueille 98 résidents et emploie 18 aides-soignantes diplômées.

Dès l’aube, distribuer les plateaux de petits déjeuners, beurrer les tartines, enchaîner six à neuf toilettes, faire les lits, le ménage dans les chambres, laver les sanitaires et, si possible, servir le midi et le soir, au restaurant… Ne leur dites pas qu’elles sont aides-soignantes diplômées d’Etat ! Elles disent qu’elles ont perdu « le sens de leur travail » pour devenir « couteaux suisses ». Faute de personnel suffisant, « le soir, on jette les résidents au lit souvent à l’arrache ! Dans la journée, on les speed. Ou bien on fait tout à leur place. Le peu d’autonomie qu’ils ont, du coup on leur enlève ! », confient-elles. A force de « tout faire », elles ont fini par faire grève.

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En cette fin mai, à Reims (Marne), le ciel est bas. Un thermos de café, des chips, des gâteaux pour tenir le siège jusqu’au soir, des plaids sur les épaules, elles sont une bonne quinzaine de salariées devant la porte de l’Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Saint-André qui accueille 98 résidents. Aides-soignantes, aides médico-psychologiques ou simples auxiliaires de vie, elles forment une équipe soudée dans cette maison de retraite prisée par les bonnes familles champenoises. « On a été les premières en France à lancer le mouvement. On nous appelle les “gilets jaunes” d’Orpea », s’enorgueillit sur les marches Zara Chiki, auxiliaire de vie avec onze ans de maison. Depuis leur premier piquet de grève, le 18 mai, d’autres Ehpad du groupe ont débrayé, à leur tour, de façon spontanée.

Vendredi 3 juin, la CGT a pris le relais. Pour la première fois, la centrale a lancé un mot d’ordre national auprès des 227 Ehpad du groupe. Une bonne trentaine d’établissements devaient cesser le travail. De l’inédit dans l’histoire d’Orpea.

Des dirigeants « paumés »

Le déclic remonte au 17 mai. Dans un hôtel chic du quartier de la Défense, à deux pas du siège d’Orpea, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Jean-Christophe Romersi pressentait qu’il allait mettre le feu aux poudres. « Il y a des matins où je préférerais ne pas me lever », a glissé le directeur général France du groupe, avant d’annoncer aux représentants syndicaux que les 14 000 salariés d’Orpea ne recevraient pas de prime d’intéressement en 2022.

A Reims (Marne), le 27 mai 2022. Les aides-soignantes et auxiliaires de vie de l’Ehpad Saint-André réclament à Orpea le versement de leur prime d’intéressement.

La suppression de la prime était inéluctable, se défend la direction. Les inspections des affaires sociales et des finances ont établi, en mars, que des détournements d’argent public avaient été orchestrés au siège du groupe, confirmant les révélations de Victor Castanet, auteur du livre Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros). L’entreprise est sous la menace de devoir rembourser les fonds subtilisés. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est chargée d’évaluer à quelle hauteur.

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