A Mazingarbe, près de Lens, une usine Seveso abandonnée par ses propriétaires
ReportageLes salariés de Maxam Tan, gèrent, seuls, un stock hautement toxique d’ammoniac, en attendant la liquidation de leur entreprise prévue mi-avril.
C’est ubuesque. Et dangereux. A Mazingarbe, petite commune située près de Lens, dans le Pas-de-Calais, la direction madrilène de Maxam Tan, site classé Seveso, a déserté l’entreprise installée sur un terrain de 160 hectares et abandonné ses soixante-quatorze salariés. Ces derniers, en attendant la liquidation judiciaire actée par le tribunal de commerce de la Métropole européenne de Lille pour le 13 avril, sont désormais seuls à assurer la sécurité de l’usine d’ammonitrate (des engrais azotés) et sa « sphère ».
Cette cuve d’ammoniac, encore remplie de 750 tonnes de produit, doit être vidée selon un protocole strict que seuls les employés de Mazingarbe maîtrisent. « Cette sphère, ce n’est pas une bombe, mais c’est hautement toxique, explique la directrice adjointe de Maxam Tan, Colette Jardin, vingt ans d’ancienneté. On peut tuer des gens à des kilomètres à la ronde. »
Chaque jour, les salariés veillent sur le gaz liquéfié dans cette cuve arrondie. « Le danger, c’est la montée en pression de l’ammoniac, ajoute Mme Jardin. En cas de fuite, il y a un risque de nuage toxique. » Olivier Bouchez, 46 ans, chef de fabrication depuis vingt et un ans, continue d’animer son équipe, même si la motivation est au plus bas :
« La direction a posé les clés et dit “débrouillez-vous”. Plus personne ne se préoccupe de nous, mais on a le sens des responsabilités, alors pas question de laisser les soupapes de la sphère s’ouvrir et tuer des milliers de gens alentour. »
On est loin de l’époque des ouvriers de Cellatex, dans les Ardennes, qui, en 2000, avaient menacé d’utiliser les produits chimiques de la dernière fabrique française de viscose pour « tout faire sauter ».
Le groupe espagnol MaxamCorp a tenté de céder sa filiale à un repreneur, mais le seul candidat a jeté l’éponge
Situé entre les terrils de Grenay et Loos-en-Gohelle, ce site dit « Seveso seuil haut » est à vocation industrielle depuis 1897. Il a cessé, depuis la mi-juin 2020, de produire du nitrate d’ammonium industriel, composant chimique intervenant dans la fabrication d’explosifs de carrières. Un choix justifié par l’effondrement du marché dû à la crise sanitaire, selon la maison mère espagnole, MaxamCorp, détenue par le fonds américain Rhône Capital.
Le groupe espagnol a tenté de céder sa filiale à un repreneur, mais le seul candidat, anglais, a jeté l’éponge mi-octobre. Sans surprise, le tribunal de commerce de la Métropole de Lille a annoncé la liquidation judiciaire de l’entreprise, le 13 janvier 2021, avec poursuite d’activité de trois mois pour sécuriser le site.
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