Archive dans 2025

Le cocktail contre la discrimination des seniors en entreprise : formation et insertion

Encore récemment, il consacrait chaque jour une partie de son temps à écrire entre quatre et six lettres de motivation pour accompagner son CV. Sur 220 candidatures expédiées, il a reçu 50 réponses, toutes négatives. Benoit Consigny, ingénieur en biotechnologie de 58 ans, qui a longtemps été chargé de l’exportation de produits français en Pologne puis de formation sur des logiciels en milieu hospitalier, était sérieusement guetté par le découragement. « C’était perturbant. Surtout quand les entreprises avançaient qu’elles avaient trouvé quelqu’un au profil plus approchant, alors que le mien correspondait complètement, raconte-t-il. Je me suis dit que c’était mon âge qui m’écartait ».

Inscrit à France Travail, il est alors d’autant plus découragé que sa reconversion précédente au professorat a tourné court face à la difficulté de gérer des classes d’enfants. Mais ses conseillers l’encouragent : « Ils m’ont dit de ne rien lâcher. » A raison, car une lueur d’espoir arrive enfin sous forme de réponse positive à sa 178e missive. Elle vient d’Immerscio.bio, une jeune société parisienne de biotechnologie qui est en train de constituer son équipe commerciale pour vendre ses modules de formation digitalisés aux entreprises.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés De l’intérim à l’encadrement, le marché de l’emploi se retourne

Depuis l’hiver dernier, Benoit Consigny participe au dispositif Atout senior mis sur pied par l’organisme de formation Ifocop, France Travail et l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). C’est ce dispositif qui l’a aidé à tenir, en lui proposant quatre mois de formation suivis de quatre mois d’immersion en entreprise. Ouvert initialement à tout public jusqu’en 2023, le module a été reformaté en septembre 2024, afin de viser spécifiquement un retour à l’embauche des personnes de plus de 50 ans.

Quatre mois de travail personnel

« L’objectif est de valoriser les compétences existantes en les actualisant, en apprenant l’usage de nouveaux logiciels ou de l’intelligence artificielle, notamment dans les ressources humaines », souligne Nadine Crinier, directrice de la région Ile-de-France chez France Travail. La période de formation est dense : quatre mois de travail personnel jusqu’à l’obtention d’un certificat professionnel. Quant à l’immersion en entreprise, « ce n’est pas un stage à proprement parler, où l’on se contente d’observer et de ne faire qu’une partie des tâches, mais bien une réelle mise en pratique de ces quatre mois théoriques ».

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« Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur étant devenu irréformable, il fallait le supprimer »

Un collectif de plus de 3 000 membres de la communauté académique – universitaires, scientifiques et personnel d’accompagnement de l’enseignement et de la recherche – salue, dans une tribune au « Monde », la suppression de l’autorité administrative et y voit l’espoir d’un renouveau pour les sciences, l’université et la recherche.

Les DRH gèrent des recrutements moindres et de plus en plus difficiles

Dans une agence France Travail parisienne, le 4 février 2025.

L’entrée dans l’entreprise se complique pour tout le monde. France Travail a publié, vendredi 11 avril, les perspectives de besoin en main-d’œuvre (BMO) des entreprises. Elles ont confirmé la dégradation du marché du travail annoncée par les chiffres de l’intérim le 19 mars, puis par ceux de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) deux semaines plus tard.

Les employeurs prévoient une baisse du volume d’intentions d’embauche de 12,5 % sur un an, soit 350 000 projets d’embauches de moins qu’en 2024, et la poursuite des difficultés de recrutement : un sur deux (50,1 %) sera difficile en 2025. « La fête est finie », avait brièvement commenté le directeur général de l’APEC, Gilles Gateau, le 3 avril. L’enquête BMO résonne comme un écho.

Aux Rencontres RH qui s’étaient tenues la veille, le rendez-vous mensuel de l’actualité des ressources humaines créé par Le Monde, en partenariat avec l’APEC, les DRH présents ce 10 avril ont parlé de « contraction de recrutements » et en même temps « des métiers sur lesquels il n’est pas facile de recruter ». De la restauration à la santé, en passant par la pharmacie et la culture, ils recherchent chacun dans leur secteur des candidats dans des métiers pénuriques.

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A France Travail, le profond malaise des conseillers depuis la réforme du RSA

Une agence France Travail à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), le 23 avril 2024.

Ralentissement du marché du travail, réforme du revenu de solidarité active (RSA), augmentation du nombre de demandeurs d’emploi… Les conseillers de France Travail se souviendront de ce début d’année 2025. Depuis le 1er janvier, l’ensemble des bénéficiaires du RSA sont automatiquement inscrits auprès de l’opérateur public, ex-Pôle emploi, comme prévu par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein-emploi. Au moins 1,8 million de personnes de plus doivent être enregistrées en quelques mois.

Un bouleversement d’ampleur pour les agences, même si de grandes disparités existent en fonction des territoires. Le malaise des conseillers est assez généralisé, et beaucoup ont le sentiment de ne plus pouvoir mener leur mission correctement. Les syndicats s’inquiètent et alertent sur des conditions de travail dégradées depuis janvier. Et ce, alors que la conjoncture économique ne fait que s’assombrir, sur fond de contexte géopolitique incertain et de guerre commerciale lancée par le président américain, Donald Trump.

Si les allocataires du RSA sont désormais inscrits automatiquement, tous ne sont pas suivis par France Travail pour autant. Certains continuent de l’être par les conseils départementaux, les missions locales pour les jeunes ou Cap emploi pour les personnes en situation de handicap. Mais ceux pris en charge par l’établissement public nécessitent pour la plupart un accompagnement intensif, tant ils sont éloignés du marché du travail. Des conseillers sont spécifiquement chargés de ce suivi, avec un nombre réduit de 40 à 50 demandeurs d’emploi au maximum.

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« C’est un métier ! » : chez les avocats, l’IA est déjà là

« La victime parle avec l’intelligence artificielle, explique son affaire, lui communique ses pièces. Elle transmet à l’avocat une synthèse de la demande, sélectionne les pièces utiles, et génère une mise en demeure, qu’elle envoie toute seule à la partie adverse. Tout ce processus ne coûte que 60 euros au client, contre 300 à 500 euros normalement. » Le cabinet de l’avocat Jocelyn Ziegler a lancé il y a un mois Justicelib, un chatbot qui met en relation professionnels et particuliers. « Les honoraires sont trop chers pour les petits litiges, donc on utilise l’IA pour baisser les coûts. »

Le métier d’avocat va-t-il disparaître, les citoyens pourront-ils demain se défendre seuls ou à moindres frais ? Selon un rapport d’information du Sénat sur les effets de l’IA générative (IAG) sur les métiers du droit, publié en décembre 2024, les avocats sont en avance sur les autres professions du secteur. « Il y a même une fracture entre les professions privées et le service public de la justice », conclut son rapporteur le sénateur (LR) Christophe-André Frassa.

Le Conseil national des barreaux, qui représente les 77 000 avocats du pays, mène actuellement une enquête pour évaluer leur degré d’adoption. « On observe deux typologies, explique François Girault, président de sa commission prospective et innovation : les outils généralistes type ChatGPT que l’on adapte à son cabinet – sur ce point nous avons publié en septembre un guide rappelant que nous devons faire attention et respecter le secret professionnel –, puis il y a les outils de recherche juridique. »

Trois heures en trois minutes

Cette tâche est la plus citée par les avocats. Depuis 2022, les éditeurs de logiciels rivalisent pour générer des synthèses de droit et de jurisprudence. « Les nouveaux modèles ont permis d’affiner mes recherches, d’avoir des décisions de cour d’appel et maintenant de première instance, décrit Stéphane Gaillard, avocat en droit médical. Cela m’aide à appréhender quels montants la juridiction va allouer selon le profil de la victime. »

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Sur le marché du travail, la grande angoisse du chômage est de retour

Jordan, 27 ans, est ingénieur en automatismes, « un secteur qui ne connaît jamais la crise ». C’est du moins ce dont il était convaincu lorsqu’il a choisi cette voie. « Après le Covid, il y avait du travail à foison à Lyon. Sans trop exagérer, je pouvais quitter mon job et en retrouver un dans la semaine », raconte le jeune homme, qui, comme les autres demandeurs d’emploi interrogés pour cet article, préfère garder l’anonymat. Sûr de sa bonne étoile, il donne sa démission en décembre 2024. Mais il déchante vite. « Depuis, mes recherches ont fait chou blanc. Je propose aussi des missions de consultant dans ma spécialité, mais je ne trouve rien », déplore Jordan, inquiet pour l’avenir.

A Paris, Elisa est chargée de production dans le luxe, un secteur où, pensait-elle, la crise ne passerait pas. Et pourtant. Inscrite à France Travail depuis août 2023, la trentenaire enchaîne les missions ponctuelles. « J’attendais avec impatience la reprise de janvier, espérant qu’avec les nouveaux budgets, les offres d’emploi suivraient, confie-t-elle. Cela a été le cas sur une courte période, mais les annonces se font à nouveau plus rares. » Elle ne compte guère sur l’opérateur public pour trouver une planche de salut. « Je n’ai presque aucun contact avec mon conseiller France Travail, déplore-t-elle. On m’a dit “si vous acceptiez de travailler dans l’industrie agroalimentaire, ce serait plus facile”. Mais dois-je renoncer à mes dix ans d’expérience dans mon métier ? »

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Chez Welcome to the Jungle, une vague de départs aux allures de plan social

Pour les équipes, le coup est rude. La start-up Welcome to the Jungle, qui prône un monde du travail apaisé, a décidé de se séparer d’une partie de ses effectifs. « L’entreprise sait qu’ils ont créé une marque très forte sur le bien-être au travail. On se sentait protégés, c’est le rêve de la start-up nation qui s’écroule un peu », estime un salarié.

Après plusieurs mois de négociations, les élus du comité social et économique (CSE) et la direction de l’entreprise française ont signé, le 10 avril, une rupture conventionnelle collective (RCC), dont la signature est ouverte à 102 salariés sur les 260 que compte l’entreprise en France. Par ce biais, 60 personnes au maximum pourront quitter l’entreprise, et trente-cinq postes ne seront pas remplacés.

Welcome to the Jungle est avant tout connue pour son site d’emploi, incontournable chez les start-up françaises. Créée il y a dix ans, l’entreprise qui a levé près de 70 millions d’euros n’est toujours pas rentable, et affiche des pertes proches des dix millions d’euros ces deux dernières années.

L’équipe éditoriale, qui écrivait sur le monde du travail, est la principale visée. Ses onze membres, ainsi que la petite dizaine de vidéastes rattachés au marketing ont été informés mi-janvier que la direction prévoyait de supprimer leurs postes – les remplaçant par trois postes de manageurs de contenus pour les entreprises – ainsi qu’une quinzaine d’autres employés d’autres services.

« En gros, on nous force à partir »

Mais plutôt que de recourir à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – un plan social classique – la direction a opté pour une rupture conventionnelle collective, choix qui a immédiatement étonné chez les salariés. « Du jour au lendemain, on m’annonce que mon poste est supprimé, mais qu’en même temps, la procédure de départs est sur la base du volontariat, se rappelle une salariée visée par le plan, qui souhaite rester anonyme, comme la dizaine d’employés avec qui Le Monde a échangé. Pourtant, quatre jours après, mon manageur m’a demandé “quels étaient mes projets après”. En gros, on nous force à partir en nous disant “prenez ce qu’on vous donne, c’est déjà bien”. »

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53 % des actifs utilisent l’IA dans leur vie professionnelle

La ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, Clara Chappaz, dans un centre de données à Roubaix (Nord), le 3 avril 2025.

Qu’elle inquiète ou qu’elle fascine, l’intelligence artificielle (IA) parle désormais à la grande majorité des Français. Tel est le constat de la sixième édition du Baromètre de la formation et de l’emploi, dévoilée le 8 avril par Centre Inffo, une association de service public sous tutelle du ministère du travail. Réalisée en février par l’institut d’études CSA sur un échantillon représentatif de 1 621 personnes, l’enquête relève d’abord que 71 % des actifs connaissent l’IA contre 26 % qui en ont entendu parler sans savoir vraiment de quoi il s’agit. Sans surprise, les cadres, qui sont davantage amenés à manier cet outil, sont proportionnellement plus nombreux (82 %) à le connaître.

Second enseignement, 64 % des actifs disent être à l’aise avec l’IA (dont 21 % tout à fait à l’aise). Les plus jeunes (84 % des 18-24 ans et 76 % des 25-34 ans) et les cadres (74 %) sont surreprésentés dans cette catégorie. A l’inverse, 36 % des actifs affirment leur inconfort devant cet outil, notamment les fonctionnaires (55 %), les seniors (52 % chez les 50-64 ans). Viennent ensuite les ruraux, les chômeurs, les salariés du secteur sanitaire et social, les professions intermédiaires (entre 42 % et 49 %). Tout porte à croire que l’IA constitue la nouvelle frontière de la fracture numérique française, sachant que 94,4 % des foyers sont désormais raccordés à Internet.

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Retraites : retarder l’âge de départ aurait un « impact positif » pour l’emploi selon la Cour des comptes

Le bâtiment de la Cour des comptes, à Paris, le 8 avril 2025.

Le système de retraites a des effets antagonistes sur l’économie : « préjudiciable[s] » dans certains cas et « positifs » dans d’autres, d’après la Cour des comptes. Dans un rapport rendu public jeudi 10 avril, la haute juridiction cherche à voir comment les règles relatives aux régimes de pension exercent une influence sur le marché du travail et sur la capacité des entreprises à affronter la concurrence internationale. Tout en se gardant de formuler des recommandations, elle souligne que les mesures concourant à développer l’activité professionnelle au-delà de 60 ans peuvent s’avérer bienvenues, à condition d’accompagner ceux qui auraient de la peine à rester en poste plus longtemps.

Le rapport remis jeudi fait suite à la décision, annoncée le 14 janvier par François Bayrou, de relancer le chantier des retraites en proposant aux partenaires sociaux de plancher sur le sujet. Pour éclairer les discussions, le premier ministre a demandé à la Cour des comptes de fournir deux audits : l’un, sur les perspectives financières de notre système par répartition, a été rendu public le 20 février ; l’autre, consacré aux « impacts » des régimes de pension « sur la compétitivité et l’emploi », a été présenté, jeudi après-midi, à M. Bayrou, puis aux syndicats et au patronat.

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« Les migrations temporaires de travail » : un salariat bridé et exploité

Au cœur de l’Andalousie, les exploitations agricoles accueillent chaque année nombre de travailleurs étrangers. Dans les serres où l’on cultive des fraisiers, des femmes marocaines sont chargées de la récolte. Elles ont été préalablement sélectionnées sur un critère bien précis : ce sont des mères de famille dont les enfants sont restés au Maghreb. C’est, aux yeux des recruteurs, le moyen le plus sûr de s’assurer qu’« elles ne chercheront pas à s’installer en Espagne » une fois leur mission terminée. Une manière, pour les employeurs, de disposer des « profils les plus vulnérables », afin qu’ils ne soient « pas en situation de contester leurs conditions de séjour, d’emploi ou de travail ».

Au fil du numéro « Les migrations temporaires de travail » de la Chronique internationale de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), un collectif de chercheurs dévoile les mécaniques à l’œuvre, en Espagne comme dans dix autres pays (Allemagne, Italie, Canada…), pour mettre au pas un « salariat bridé » et exploité, composé de femmes et d’hommes ayant quitté leur pays pour quelques semaines ou quelques mois.

Les auteurs font en préambule le constat d’une forte augmentation, ces dernières années, de ces migrations de travail. Des déplacements favorisés, notamment, par « la volonté convergente des acteurs des politiques publiques de mettre en place une immigration de “travail sans travailleurs” pour répondre aux besoins des employeurs ». Un développement rendu également possible par « l’importante opacité générée par la multiplication des statuts, le sous-dimensionnement des possibilités de contrôle et l’absence réelle d’outils de suivi et d’évaluation ».

Des abus multiples

De pays en pays, les auteurs nous expliquent comment ces travailleurs de l’agriculture, de la construction ou de la restauration sont placés dans des situations de forte dépendance à leur employeur. En cause, en particulier, les régimes de migration temporaire de travail qui prévoient, dans la plupart des cas, « la perte du droit de séjour en cas de rupture du contrat de travail ».

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