Archive dans juillet 2025

« Comment puis-je aller mieux au travail si je ne sais pas que je vais mal ? »

« Ça va ? »

– « Ça va. »

Cette question/réponse ponctue les journées de travail, codifiées, où le paraître et le prétendre s’étirent en sourires au passage de la ou du « Chief Happiness Officer », manageur du bonheur dans les organisations. Car oui, la vie organisationnelle est un écosystème social où chacun joue sa partition, incarne un rôle, son rôle.

Au jeu des convenances sociales, il faut montrer son enthousiasme et sa fiabilité, sa loyauté et son engagement au travail. Faire bonne figure, cacher sa triste mine. Montrer qu’on est un sujet équilibré qui ne se laisse jamais déborder par ses émotions, suggérer un état d’ataraxie, cette « absence de troubles » décrite dès l’Antiquité grecque où les émotions et passions s’effacent derrière la quiétude, la sérénité.

Sans se superposer parfaitement avec l’équanimité (l’égalité d’âme, le détachement et l’affectivité calme) et l’euthymie (l’équilibre de l’humeur), elle en partage certains aspects, comme la constance ou encore le fait de ne pas se laisser submerger par les émotions. Dans la mythologie, d’ailleurs, Poséidon, le dieu de la mer, personnifie le monde des émotions. Métaphoriquement, l’ataraxie suppose dès lors de garder la tête hors de l’eau, hors du flot des émotions. De façon anecdotique, l’antihistaminique sédatif Atarax, aux propriétés anxiolytiques modérées et prescrit dans certains cas d’anxiété légère, tire justement son nom de l’ataraxie.

Un contrat social défaillant

Le documentaire The Happy Worker or How Work was Sabotaged (Le fabuleux monde de l’entreprise, ou quand le travail perd son sens, John Webster, 2022) expose certains rouages de la mécanique organisationnelle. Il soulève plusieurs points, notamment celui d’un contrat social défaillant (« tu restes assis ici et racontes des absurdités et je reste ici en silence sans t’écouter en vérifiant ma messagerie électronique ») et d’une perception sociale biaisée (« si tout le monde est heureux, souriant, va bien… pourquoi ne suis-je pas suffisamment capable ? »). Celui du non-sens aussi, émergeant des injonctions et disjonctions quotidiennes, où même en l’absence d’une culture activement toxique, le mal-être guette.

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Chômage : une dégradation limitée derrière une baisse en trompe-l’œil

Une agence France Travail, à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), le 23 avril 2024.

Derrière la baisse, il y a, en réalité, un mouvement à la hausse qui se prolonge, à un rythme limité. D’infinies précautions doivent être prises pour analyser l’évolution des effectifs de demandeurs d’emploi : ceux qui n’exercent aucune activité ont vu leur nombre diminuer de 5,7 % au deuxième trimestre par rapport aux trois premiers mois de l’année, se situant désormais à 3,21 millions sur l’ensemble du territoire, selon une publication diffusée, mardi 29 juillet, par le ministère du travail et par l’opérateur France Travail. Mais des changements de règles intervenus depuis début janvier perturbent la construction des chiffres. Si on neutralise leurs effets, la courbe continue son ascension : + 0,2 % de début avril à fin juin, après + 0,8 % au premier trimestre.

Les statistiques sur le marché du travail n’ont jamais été simples à commenter. Elles le sont encore moins avec l’entrée en vigueur (en plusieurs étapes) de la loi pour le plein-emploi de décembre 2023. Le texte apporte plusieurs modifications. D’abord, trois catégories supplémentaires sont systématiquement enregistrées, depuis le 1er janvier, à France Travail : les bénéficiaires du revenu de solidarité active, les jeunes en quête d’un poste qui sont suivis par les missions locales, les personnes handicapées bénéficiant d’un accompagnement du service public de l’emploi.

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Une plateforme pour dénoncer les mauvaises conditions de travail des saisonniers

Dans un restaurant de Carantec (Finistère), le 24 mai 2022.

« Cinquante-quatre heures de travail en huit jours (hors saison), aucun relevé d’heures, une gérante constamment sur mon dos » dans un restaurant corse ; « Le patron m’a remercié pour embaucher son neveu et son copain à ma place sans m’avoir déclaré » dans un restaurant dans l’Hérault ; « Des propos sexistes et misogynes » dans une exploitation de champagne…

Voici les avis que l’on peut lire sur le site Staff-Advisor. Au nom inspiré de l’application touristique TripAdvisor, cette jeune plateforme s’est donné une ambitieuse mission : briser le silence sur les conditions de travail des saisonniers, et donner aux travailleurs et aux employeurs des repères concrets.

« En 2019, j’ai vécu une saison catastrophique dans le Var, tant sur le plan du logement, que de la nourriture… J’ai décidé de partir, et je me suis mis à la place d’un jeune qui viendrait de l’autre bout de la France et serait coincé dans un job comme ça, raconte Christophe Coconas, maître d’hôtel depuis vingt-cinq ans et cofondateur de Staff-Advisor. Ce n’est pas normal que les patrons se passent nos CV, mais que nous ne puissions pas savoir quel patron éviter. » Après avoir connu un succès avec 10 000 utilisateurs et 700 avis, la plateforme s’est arrêtée au moment de la pandémie de Covid-19, avant de renaître en 2025. Pour le moment, on y découvre seulement une soixantaine d’avis, illustration de la difficulté à s’exprimer sur ces sujets.

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SFR : les syndicats alertent le gouvernement sur des suppressions massives d’emplois en cas de démantèlement de l’opérateur

Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, à l’hôtel de Matignon, à Paris, le 8 avril 2025.

Olivier Lelong ne cache pas son amertume. « Dans tous les articles sur un rachat de SFR, ce qui importe, c’est le devenir des clients ou le prix des abonnements, déplore le délégué syndical central CFDT de l’opérateur au carré rouge. Par contre, l’avenir des salariés, personne n’en a rien à faire. Il y a pourtant des milliers de personnes qui risquent de perdre leur emploi. »

Alors que le secteur envisage aujourd’hui une vente de SFR, propriété du groupe Altice France de Patrick Drahi, ses concurrents directs (Orange, Bouygues Telecom et Free) y voient l’occasion de consolider le secteur, avec l’ambition de revenir à trois opérateurs pour doper leurs revenus. Mais comme, en raison des règles de concurrence, personne ne peut racheter seul le numéro deux français des télécoms, tous discutent, depuis des semaines, d’un partage de ses actifs, notamment de ses 25 millions de clients, avec l’espoir d’arriver à un terrain d’entente pour envoyer une lettre d’intention d’achat à M. Drahi.

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Derrière les agendas Oxford, la situation ubuesque des salariés licenciés de la papeterie Lecas Industries

Dans le rayon de fournitures scolaires d’un supermarché avec, dans les mains, un cahier Oxford.

C’est la saison des agendas scolaires dans les supermarchés. Lecas Industries, usine de soixante-huit salariés à Nersac (Charente), fabriquait jusqu’en 2024 ceux des marques Oxford et L’Etudiant, ou siglés Harry Potter et Naruto, commercialisés par le groupe Hamelin, l’un des leaders européens de la papeterie implanté à Caen – il est derrière les cahiers Conquérant. Intégrée au groupe, l’entreprise Lecas Industries est redevenue une filiale en 2021, Hamelin restant son client quasi unique. L’arrêt de ses commandes, en septembre 2024, a signé la fermeture de la société.

Dix mois plus tard, ses salariés sont en ce milieu d’été dans une situation ubuesque : licenciés, leur plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) suspendu, sans revenus. « Si ça continue, je vais devoir vendre ma maison, je ne peux plus rembourser mon emprunt », témoigne l’un d’eux (les salariés s’expriment sous le couvert de l’anonymat). « Je puise dans mes économies, mais ça commence à être critique », confie un autre. Ils doivent tenir une assemblée générale, lundi 28 juillet.

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Les ruptures conventionnelles dans le viseur du gouvernement

Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre chargée du travail, à Paris, le 16 juillet 2025.

Le gouvernement veut réguler une forme de divorce jugée très coûteuse pour la collectivité : les ruptures conventionnelles. La procédure, qui offre la possibilité à un patron et à son salarié de mettre un terme à leur relation d’un commun accord, est très utilisée – un peu trop, même, aux yeux du pouvoir en place : des dévoiements se produisent, selon lui, et finissent par peser sur les finances de l’assurance-chômage. C’est pourquoi il demande aux syndicats et au patronat de revisiter le dispositif dans le cadre de la négociation sur le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi, annoncée le 15 juillet.

Créée en 2008, la rupture conventionnelle a rencontré un succès grandissant dans les entreprises. En 2024, quelque 515 000 contrats à durée indéterminée ont pris fin ainsi (soit environ 200 000 de plus en une décennie). Le mécanisme est très apprécié du fait de sa simplicité et des garanties qu’il apporte : homologation du compromis entre les deux parties par l’administration, absence – presque totale – de contestations devant les prud’hommes, versement d’une indemnité au salarié qui, de surcroît, est éligible à l’allocation-chômage…

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Pernod Ricard veut supprimer 17 % des effectifs de son siège

Un bar à Marseille, le 5 septembre 2024.

Pernod Ricard veut réduire ses effectifs. Un projet de restructuration a été annoncé mi-juin. Depuis, les salariés du numéro deux mondial des spiritueux découvrent l’ampleur de la purge au gré des annonces dans les filiales respectives. Le siège du groupe, implanté à côté de la gare Saint-Lazare, à Paris, n’est pas épargné. Il devrait perdre près de 17 % de ses effectifs, selon les informations communiquées en interne. Soit près de 140 suppressions de postes sur un nombre de salariés estimé, selon les données du rapport annuel du groupe, à 821. Ces départs, qui toucheraient essentiellement des cadres, devraient se faire sur la base du volontariat, après négociation.

Bousculé par un reflux de ses ventes, en particulier en Chine et aux Etats-Unis, Pernod Ricard avait dévoilé, mi-juin, un projet de réorganisation baptisé « Tomorrow 2 ». L’objectif est de regrouper l’ensemble de ses marques en deux divisions dénommées respectivement « Gold » et « Crystal ». La première chapeauterait tous les alcools nécessitant un vieillissement, comme le cognac Martell, le whisky irlandais Jameson, et les autres whiskys comme Chivas Regal ou Ballantine’s, mais aussi les champagnes comme Perrier-Jouët. Quant à la seconde, elle rassemblerait les alcools sans vieillissement à l’instar de la vodka Absolut, du gin Beefeater, du rhum Havana Club sans oublier les fameux apéritifs Lillet, Pastis 51 et Ricard.

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La justice valide une demande d’expertise des risques psychosociaux au sein de l’UFC-Que Choisir

C’est une procédure de plus en plus courante au sein d’entreprises où le dialogue social est dans l’impasse : comme d’autres employeurs avant elle, la direction de l’association de consommateurs UFC-Que choisir avait saisi la justice cet hiver pour qu’elle annule une demande d’expertise des risques psychosociaux votée par son comité social et économique (CSE). Elle a été déboutée mardi 22 juillet par le tribunal judiciaire de Paris.

Constatant la souffrance manifestée par les salariés d’un des départements de l’association, celui de l’action politique (25 personnes, quatre services distincts), le CSE de l’UFC-Que choisir avait voté, le 3 décembre 2024, le recours à l’expertise d’un cabinet extérieur pour établir un diagnostic et avancer des solutions.

Le code du travail prévoit en effet que le CSE peut faire appel à un organisme expert habilité « lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ».

Les débats lors de l’audience en référé du 10 juin avaient donc porté sur l’existence, ou non, de ce « risque grave ». Il appartenait au CSE de faire valoir des « éléments objectifs le caractérisant » rappelle ainsi le jugement, dont Le Monde a pris connaissance.

Le tribunal a examiné en détail chacun des arguments du CSE et des preuves pour les étayer. Certains n’ont pas été jugés probants. Ainsi, les taux d’absentéisme des dernières années « restent à des niveaux raisonnables, sans dépasser un seuil d’alarme », indique le jugement, qui ne retient pas non plus l’argument d’une charge de travail trop importante. Le turn-over n’est pas « globalement préoccupant » au niveau du département concerné quoiqu’il « nécessite une attention », particulièrement sur l’origine des départs au sein d’un de ses services qui a connu un taux de turn-over de 43 % en 2022, et encore « un taux préoccupant » de 25 % en 2024.

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