Archive dans juin 2025

Les actifs précaires ou à faible revenu en panne de mobilité

Durant la crise sanitaire, Katia Bovis perd son emploi de conductrice de bus et éprouve des difficultés financières. Pour s’en sortir, elle sollicite la Banque de France, qui lui accorde un rééchelonnement de sa dette bancaire.

La Banque de France, à Paris, en 2020.

Revers de la médaille, elle ne peut plus contracter de nouvel emprunt, alors même qu’elle a mûri durant le confinement un projet d’entreprise d’auto-école écologique à Château-Salins (Moselle). Elle se tourne alors vers l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), spécialiste du microcrédit, qui lui fournit 10 000 euros. « Cette somme a été un sacré coup de pouce puisqu’elle m’a permis d’acheter une voiture roulant au gaz », relate la cinquantenaire, qui a pu lancer son entreprise en septembre 2024.

Katia Bovis n’est pas la seule à affronter ce type d’obstacles : en 2023, l’ADIE a octroyé à des entrepreneurs 28 852 microcrédits professionnels, dont un quart a servi à l’achat d’un véhicule nécessaire à leur activité. A cela s’ajoutent les 7 505 microcrédits mobilité distribués en 2024 à des salariés pour les aider à se rendre sur leur lieu de travail. Ces quelques milliers de personnes ne constituent que la partie émergée de l’iceberg : l’ADIE ne peut financer que 10 % des demandes de crédits mobilité qui lui sont adressées.

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« Les nouvelles conditions de recrutement des enseignants ne garantissent plus un bagage scientifique suffisant »

Censé redonner de l’attractivité au capes, un décret discrètement publié l’ouvre aux étudiants en troisième année de licence. Un collectif d’universitaires, dans une tribune au « Monde », déplore l’absence de concertation et y voit un coup de rabot supplémentaire à la formation intellectuelle des enseignants du secondaire.

« L’Etat du management 2025 » : l’entreprise incitée à concilier impératifs économiques et sociétaux

Face à des « risques toujours plus pressants », alimentés par le contexte géopolitique et les enjeux climatiques, l’entreprise « doit se réinventer ». Une transformation qui apparaît comme « un impératif à l’heure de l’anthropocène », assurent les auteurs de L’Etat du management 2025 (La Découverte, 128 pages, 11 euros).

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L’ouvrage, placé sous la direction des universitaires Sarah Lasri, Céline Michaïlesco et Sébastien Damart, se penche sur les leviers de cette transition et s’interroge sur les « limites et inconsistances des systèmes classiques », pour mettre en lumière « l’exploration et l’expérimentation de nouvelles logiques ».

A travers une mise en perspective des travaux du laboratoire Dauphine recherches en management, les chercheurs prennent le pouls des organisations, détaillant les mutations à l’œuvre et soulignant les enjeux managériaux qu’elles impliquent.

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Les auteurs montrent, en particulier, toute la difficulté pour les entreprises à relever l’ensemble des défis simultanément : les visées économiques pouvant avoir de multiples impacts sociétaux. Sous la pression des marchés sont ainsi encouragés « des raisonnements et des pratiques tels que les licenciements et les restructurations dans une optique de performance à court terme où le salarié n’est vu que comme une charge comptable, privé d’humanité », détaille l’ouvrage.

« Injonctions contradictoires »

Les difficultés rencontrées par les cadres, confrontés à l’épuisement professionnel, sont également soulignées. Elles conduisent un nombre croissant d’entre eux à se syndiquer, alors que cette catégorie de salariés apparaît traditionnellement peu militante. De quoi introduire, dans les entreprises, une nouvelle complexité : reconsidérer leur management pour « conserver la capacité à mobiliser les femmes et les hommes et à susciter la motivation ».

Face à la difficile conciliation des « enjeux sociétaux pluriels » et de « la garantie de la pérennité économique », « l’hybridité est une voie pour répondre simultanément à ces injonctions contradictoires », expliquent les auteurs. Un chapitre consacré à cette approche fait des organisations souhaitant s’y engager « de véritables laboratoires d’expérimentation où sont testées et négociées de nouvelles règles organisationnelles, managériales et économiques ».

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Les pistes du gouvernement pour rééquilibrer la concurrence entre taxis et VTC

Des chauffeurs de taxi bloquent l’autoroute A1 afin de protester contre la concurrence des voitures privées avec chauffeur et contre des changements proposés dans le financement des services de transport médical, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), le 21 mai 2025.

Après les organisations de conducteurs de véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC), lundi, et les représentants des plateformes (Uber, Bolt, Heetch), mardi, c’est aux syndicats de taxis que le gouvernement a présenté, mercredi 4 juin, les pistes à l’étude pour améliorer les « conditions d’exercice » dans le secteur, et lutter contre la fraude.

Ce cycle de trois réunions avec divers ministères (transports, travail, économie…) et services de l’Etat est l’une des réactions gouvernementales à la grève nationale des taxis, lancée le 19 mai.

Les taxis avaient d’abord demandé plus de contrôles et de sanctions : ce sera chose faite, notamment par la généralisation, au 1er juillet, de trois nouvelles amendes, dont le défaut d’inscription au registre des VTC et la prise en charge d’un client sans réservation.

Une rémunération en baisse

Fabian Tosolini, délégué national livreurs-VTC du syndicat Union-Indépendants, a néanmoins observé un changement de ton : « Les ministres ont acté le fait que la problématique dans le secteur ne venait pas de la fraude des chauffeurs, car la majorité du secteur est en règle, mais bien d’une structuration des plateformes, qui crée un déséquilibre d’offre et de demande qui pousse à accepter les courses les moins rémunératrices, et engendre le développement de gestionnaires de flotte peu regardants des conditions de travail. »

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« Travailler dans l’humanitaire est éprouvant » : de plus en plus de demandes d’accompagnement à la reconversion

Une bénévole de la Croix-Rouge monégasque après une opération dans la zone de recherche et de sauvetage libyenne, dans les eaux internationales, le 13 mars 2024.

« Un vent glacial souffle sur le secteur de l’humanitaire cette année », résume Eric Gazeau, le directeur général de Résonances humanitaires. Cette association accompagne depuis plus de vingt ans les travailleurs humanitaires en retour de mission dans leurs réflexions sur leur parcours professionnel ou leur reconversion. Depuis janvier, le nombre de nouvelles personnes sollicitant un accompagnement a été multiplié par deux : une vingtaine par mois, contre une dizaine en temps normal. Cette demande de soutien intervient soit parce que les ONG pour lesquelles elles travaillaient ont été contraintes de se séparer de certains collaborateurs à la suite du gel des financements humanitaires du gouvernement américain, soit parce que ce contexte les incite à se questionner sur leur avenir dans le secteur.

« Travailler dans l’humanitaire est éprouvant, raconte Eric Gazeau, lui-même ayant fait dix ans de missions sur le terrain en Bosnie, au Rwanda ou encore en Afghanistan. Se frotter à la misère du monde, passer d’un contexte de crise à un autre, encaisser les émotions, vivre intensément… C’est une aventure passionnante. Mais arrive toujours un moment où l’on est un peu fatigué, bien qu’encore jeune, où on se dit qu’il faut s’arrêter et repenser un peu à soi. » Résonances humanitaires constitue ainsi pour les personnes accompagnées, dont la moyenne d’âge est de 35-40 ans (avec 70 % de femmes), un « sas de décompression et de réorientation, un peu comme il en existe pour les militaires », explicite le directeur général.

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Avis d’inaptitude : la médecine du travail face au risque d’instrumentalisation

Jérôme (le prénom a été modifié) fait les comptes. « Deux pour la journée d’hier, une ce matin. » Dans son cabinet, ce médecin du travail peut recevoir, chaque jour, plusieurs demandes d’avis d’inaptitude de la part de salariés. Des avis à travers lesquels il établit que l’état de santé (physique ou mental) du travailleur est incompatible avec le poste qu’il occupe, et qui ouvrent la voie, selon son évaluation, à un licenciement ou à une recherche de reclassement – qui, dans les faits, échoue fréquemment et aboutit à un licenciement.

Conseil des prud’hommes, à Toulouse (Haute-Garonne).

« La fréquence de ces demandes interpelle, convient le médecin du travail. Je suis des salariés du secteur bancaire où l’on ressent fortement la dureté des conditions de travail : pressions hiérarchiques, changements organisationnels, arrivée de l’intelligence artificielle… » A ses yeux, la majorité de ces requêtes est justifiée. « Ils sont totalement épuisés, il faut les “sortir”. »

Mais un autre facteur, moins visible, interviendrait aussi, selon lui, pour expliquer la progression des demandes : une « instrumentalisation croissante de la médecine du travail ». Certains salariés et certains employeurs se saisiraient ainsi de l’avis d’inaptitude dans le cadre d’une stratégie opportuniste de départ de l’entreprise. « Je suis confronté à certains cas qui me mettent très mal à l’aise », reconnaît Jérôme.

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Les salariés passent à l’IA, mais manquent de formation

Carnet de bureau. Les cadres vont-ils maîtriser l’intelligence artificielle (IA) avant que leur entreprise n’organise leur formation ? D’après l’étude « IA et emploi : l’utilisation de l’intelligence artificielle fait un bond chez les cadres », publiée mardi 3 juin par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), qui a interrogé en mars 2 000 cadres de plus de 1 000 entreprises, plus d’un cadre sur trois (35 %) et 42 % des manageurs utilisent déjà l’intelligence artificielle au moins une fois par semaine au travail.

Selon l’Association pour l’emploi des cadres, 35 % des cadres et 42 % des manageurs utilisent déjà l’intelligence artificielle au moins une fois par semaine au travail.

Parmi les usages les plus courants de l’IA, la collecte de données, les synthèses, les comptes rendus de réunion concernent de multiples métiers. Dans un service d’édition du groupe de presse Ebra, toute l’équipe travaille déjà sur un même compte ChatGPT. L’assistant IA propose, les journalistes disposent et veillent à l’actualisation des outils pour les garder à leur service. Ils développent par exemple des prompts thématiques pour préparer les nécrologies. Un usage de l’IA quasi banalisé précisément décrit dans un récent article de La Revue des médias.

Les questions de l’enquête APEC sur l’utilité de l’IA pour les collaborateurs paraissent presque obsolètes. Des très petites entreprises (TPE) aux grands groupes, c’est déjà une évidence pour la majorité des entreprises. Elles en sont convaincues à 49 % pour les plus petites et à 76 % pour les plus grandes. Et 40 % des grandes organisations l’encouragent, tout comme 27 % des TPE.

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L’Europe a-t-elle oublié la catastrophe du Rana Plaza ?

Entreprises. Dans leur empressement à réduire les normes qui pèsent sur les entreprises européennes, plusieurs pays, dont la France, plaident pour le retrait de la directive européenne sur le devoir de vigilance.

Parents de victimes de la catastrophe du Rana Plaza, lors d’une cérémonie souvenir organisée en 2019, au Bangladesh.

Inspirée pourtant par la loi française de 2017, cette directive imposerait aux entreprises de l’Union européenne (au-delà d’une certaine taille) de se doter d’un plan de réduction des risques relatifs aux droits fondamentaux des travailleurs sur toute la chaîne mondiale d’approvisionnement.

Or, supprimer cette directive en l’accusant d’être une entrave administrative à la compétitivité repose sur trois erreurs dont les conséquences sur les droits humains dans le monde seraient graves.

Première erreur : le devoir de vigilance serait une tracasserie inutile. Or, il s’agit du seul garde-fou contre les formes particulièrement meurtrières de la production mondialisée et dont la catastrophe du Rana Plaza, au Bangladesh, a été la terrible révélation. Qui imaginait, en 2013, que les grandes enseignes de la mode et du vêtement faisaient assembler leurs produits dans un bâtiment mal construit, auquel on avait rajouté des étages sans autorisation et où étaient entassées sans règles de sécurité plusieurs milliers d’ouvrières ?

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A Bléré, l’expérimentation qui a sorti 130 personnes du chômage de longue durée

La date du 2 novembre 2022 est restée gravée dans la mémoire de Katia, Odile et Laurent (ils ont souhaité apparaître avec leurs seuls prénoms), qui ont fait partie des premiers embauchés de La Boîte d’à côté, après avoir connu des contrats courts ou aidés, le chômage ou le RSA.

« Ils étaient plus de 20 habitants éloignés de l’emploi, souvent depuis dix ou quinze ans, à signer d’emblée un CDI : leur émotion, c’était quelque chose d’incroyable », se félicite Fabien Nebel, maire sans étiquette de Bléré (Indre-et-Loire). L’édile ne regrette pas de s’être battu, avec tout son conseil municipal, pour faire exister ce projet, l’une des 83 expérimentations nationales « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Et il attend avec impatience le vote d’une proposition de loi transpartisane visant à pérenniser et à étendre ce dispositif, soumise aux députés mardi 3 juin.

Pour lui, le pari est d’ores et déjà réussi, avec environ 130 habitants de sa commune sortis du chômage longue durée : le comité local de l’emploi, qu’il préside, a permis d’identifier, rencontrer et accompagner plus de 230 personnes privées durablement d’emploi. Une soixantaine d’entre elles ont pu trouver du travail dans le tissu économique préexistant. Soixante et onze autres ont été embauchées à La Boîte d’à côté, au fur et à mesure du développement de ses activités, et une vingtaine sont sur liste d’attente.

La structure est devenue la troisième entreprise de la commune en nombre de salariés, avec un modèle à rebours des logiques habituelles, préfiguré par l’association ATD Quart Monde. Il s’agit d’une entreprise à but d’emploi, qui ne doit pas concurrencer celles qui existent déjà ; elle embauche au smic, en CDI, des volontaires, sans les sélectionner ; elle s’adapte à leurs compétences, souhaits et possibilités horaires, et leur permet de partir s’essayer à un autre emploi, avec l’assurance de pouvoir revenir s’ils le souhaitent. « Une utopie réaliste », soutient le directeur de La Boîte d’à côté, Thierry Petonnet.

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Le défi de l’insertion des jeunes diplômés dans l’humanitaire : « Pour un poste, on peut recevoir 200 ou 300 candidatures »

Face à la multiplication des crises dans le monde et à la professionnalisation croissante du secteur, de plus en plus d’étudiants se tournent vers des formations spécialisées. Mais, entre la localisation de l’aide, qui privilégie l’embauche de personnels locaux, et les récentes coupes budgétaires, l’insertion n’est pas aisée.